BNF : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12445314p

Thomas, Roger-Louis (1917 – 2008)

« Roger-Louis Thomas (1917-2008), éditeur de la revue l’Information Hippique à destination des pratiquants de sports équestres, qu’il avait lancée lancée en 1957 après avoir édité Le Cheval pendant cinq ans (1952/1956), l’a vendue en 1982 à Michel Laurent propriétaire du Haras de la Touche Porée qui venait de racheter L’Éperon à l’UNIC avec l’intention de le fusionner avec ce dernier. Xavier Libbrecht, journaliste à l’Information Hippique de 1978 à 1983, a bien connu « Monsieur Thomas », dont il fait ici un portrait en forme d’hommage : « Roger-Louis… Quelques flash-back des années 1980… Quand nous avions fait sa connaissance, Michèle Hospital, Alban Poudret et moi, en quittant Cheval Magazine vendu à Bernard Chehu (Uniprest) en 1978. Il nous avait invité avec simplicité à rejoindre, dans la foulée de cette cession, la petite équipe de L’Information Hippique (L’IH), qu’il dirigeait de ses bureaux de l’Avenue Charles de Gaulle à Neuilly. Nous sommes en 2019, c’était donc il y a un peu plus de quarante ans, mais tout cela est frais dans ma mémoire. Monsieur Thomas avait déjà la soixantaine passée mais « pétait le feu ». Ce fut une époque où nous fîmes par exemple la connaissance d’un certain Jean-Claude Racinet qui vivait, dans un bureau à côté de celui du patron, sa vie de chroniqueur polémiste hors pair, descendant chaque jour des dizaines de feuillets papier machine à écrire, jaunes… Aussi jaune que ses doigts à force d’écraser les maïs fumées à moitié et, jetées dans un cendrier qui dégorgeait. La Remington ou l’Olivetti électrique dernier cri, c’était la norme de l’époque… Ajoutez y le carbone… Et oubliez le fax, la photocopieuse ou internet ! Des années de jeunesse où, RLT comme on l’appelait, nous fit passer son savoir, sa passion pour le métier de journaliste et d’éditeur mais aussi pour le sport et le cheval. Cultivé, curieux, sont les deux qualités qu’il incarnait à l’évidence. Il savait nous écouter, nous interroger comme personne, de retour de reportage alors qu’il en savait déjà quasi autant que nous : les réseaux, l’expérience ! Et perfectionniste, prudent voire précautionneux dans l’écriture ce qui n’excluait aucunement les engagements et les croisades ! C’est qu’il n’aimait contrarier que sur le fond, quant il le fallait, estimait-il, se gardant des humeurs inutiles, des coups de griffes dans l’eau ! C’est qu’il les retouchait les papiers jusqu’à, parfois, la circonvolution !… Les siens mais surtout les nôtres avant de les envoyer en photocomposition… Cela nous agaçait, parfois, quelque peu… Mais il savait s’y prendre : « tu veux qu’on en parle ? ». Et il avait raison. C’était plus clair, plus juste… La phrase, le propos était plus fin, mieux ciselé, tel qu’il nous l’avait remanié. Et tout le mérite nous en revenait au bout du compte, tandis que notre enthousiasme s’en trouvait galvanisé ! Efficace et malin ! Oui, comme Jacques Goddet (L’Équipe) dans un autre registre, il nous a formé, forgé, Roger-Louis ! Avec en clé de voute à ce qui, comparativement à aujourd’hui, pourrait s’apparenter à un art une seule exigence : l’indépendance du journal. Paternaliste « Dis moi, fils », il n’eût d’autres enfants –que ses nièces, dont il nous parlait quelquefois, nous pardonnent- que ses journaux : Le Cheval fondé en 1950 et L’Information Hippique fondée en 1957. Fils d’officier de cavalerie, né à Montpellier en 1917, il avait lui-même fait Saint-Cyr avant guerre. Certains soirs, tard au bureau, devant un petit verre de whisky, après avoir chaussé ses épaisses lunettes sur le front, il nous parlait de ses chasses à l’antilope à cheval, sous le burnous, dans le bled tunisien… Des mirages, et de la solitude qui n’en était plus une, avec le cheval… Complexe, secret, il avait un net penchant pour l’uniforme et les institutions pourvu qu’elles se respectent ! Le général Durand avec lequel il avait développé, entre autres, une vraie complicité intellectuelle, et sur le tard une relation épistolaire, ne dit pas autre chose : « Il était exigeant, pointilleux… À l’époque où je montais en compétition, il était capable de s’enflammer comme de passer quelques savons ! Mais, par-dessus tout, c’était un frère fidèle ». Soucieux des convenances et respectueux de l’ordre établi Monsieur Thomas, était capable de s’en affranchir, le cas échéant, démontrant aussi de réelles qualités d’entrepreneur privé avec ses journaux équestres mais également sa société de conseil aux entreprises (RLT conseil) qui avait des clients du calibre des Charbonnages de France. Gros travailleur, il nous impressionnait lorsqu’il quittait son bureau le samedi midi, avec deux ou trois serviettes en cuir bourrées de paperasses pour un week-end aux Brûlés d’Acon (près de Tillières-sur-Avre dans l’Eure) où il possédait une jolie maison de campagne et où il finit sa vie. Nous partions en reportage alors que lui, consciencieux, porteur d’une sorte de mission, se dirigeait vers le coffre de sa vieille BMW avec « les Charbonnages » d’un côté et « les maquettes et le chemin de fer de l’IH » de l’autre, pour un week-end « à la mine », nous disions nous. Pas dupes les jeunes ! Nous avions compris depuis longtemps que L’IH vivait sur le compte du reste ! Maguy sa première femme qui travaillait avec lui au bureau sous son nom de jeune fille, à savoir Madame Borgeon, le quitta bientôt au terme d’une maladie dont il souffrit autant. Et puis un jour il nous annonça que nous pourrions vivre de nos propres ailes, qu’il avait trouvé la solution: la fusion de l’Information Hippique et de l’Éperon moribond qui appartenait alors à l’UNIC. Il avait trouvé un repreneur, tout arrangé. C’était en 1983. Il avait vu juste; lui-même perçu et peaufiné ce concept de l’interaction entre le sport et l’élevage auquel nous sommes restés fidèles. Il nous l’a transmis. Les années ont fait le reste. Il s’est inquiété jusqu’aux derniers jours, de nos projets et de nos développements, avec la même curiosité et le même tact. Il s’est éteint le 1er novembre 2018 et repose simplement dans le petit cimetière d’Acon. » Xavier Libbrecht » Bibliothèque Mondiale du Cheval