BNF : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb10731750q
Espinay Saint-Denis, Pierre-Marie d’ (1764 – 1835)
« Malgré de patientes recherches, je n’ai pu découvrir aucun document biographique certain sur ce personnage qui cependant occupait une place considérable à Lyon et aux environs au commencement du XIX
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siècle : il correspondait avec les ministres et leur envoyait des gants et des « schalls » confectionnés avec la laine de ses mérinos; le premier Consul lui donnait, en l’an X, pour son Haras, un étalon ramené antérieurement d’Égypte; Carle Vernet faisait son portrait, celui de ses chevaux, et dessinait ses propriétés; enfin il exploitait une terre considérable, avec un haras, et dirigeait une Poste impériale... Il ne figure néanmoins, à ma connaissance du moins, sur aucune biographie, et quoiqu’il s’intitule Colonel de Chasseurs, aucun dossier à son nom n’existe aux Archives de la Guerre.
Mais ses portraits, qui sont assez nombreux, nous donnent quelques indications. J’en possède trois, et même probablement quatre, car le personnage appuyé sur la barrière à côté de la fameuse jument sans poils et de son poulain, sur la planche dessinée par Carle Vernet et qui forme le frontispice de
l’ouvrage de 1809
décrit plus loin, est sans doute le propriétaire lui-même. D’après la légende de cette gravure, la jument se trouvait « au haras de M. Flandre-Despinay dont le château forme la perspective de ce dessin ».
Une lithographie, publiée chez Engelmann d’après un dessin de Carle Vernet, représente « un cheval arabe nommé le Conquérant... existant au haras d’expérience du Marquis Despinay, qui était alors Colonel et Chevalier au service de l’Ordre souverain de Malte, en France par congé, parcourant en 1791 ses établissements agricoles ». Le cheval est monté par Despinay, revêtu d’une sorte d’uniforme d’état-major assez fantaisiste. Engelmann n’ayant fondé son établissement en France que vers 1816, cette lithographie est très postérieure à la scène qu’elle représente.
Mais je possède encore deux autres documents qui nous donnent de nouvelles indications. L’un est une lithographie qui porte la légende suivante : « Vue perspective du Haras d’expérience construit... au bord des étangs et prairies appartenants (sic) au Colonel Marquis d’Espinay Saint-Denis... » Il est représenté à cheval, une sentinelle garde l’entrée de la propriété et le salue à la fois de son arme qu’elle tient dans la main droite et de la main gauche qu’elle porte à la coiffure. Les mots « Haras d’expérience » appartiennent bien à notre auteur et le désignent clairement.
Le second est une très curieuse aquarelle, de 0,36 x 0, 28 c, exécutée par le Colonel d’Espinay ou sous sa direction, et représentant des manœuvres d’infanterie et de cavalerie, avec plusieurs centaines de petits personnages, fantassins et cavaliers, très finement dessinés et aquarellés, plus, dans la marge du bas, 3 médaillons représentant des cavaliers avec « une lance brisée cavaleriste » — on voit que l’idée de la lance démontable n’est pas nouvelle — et d’autres qui font usage d’un tromblon, également de son invention. D’après la légende qui accompagne cette aquarelle, elle a dû être exécutée vers 1792. Elle n’est pas signée, mais elle a été gravée, avec quelques détails en moins, et je possède aussi un exemplaire de cette gravure, à laquelle on a ajouté, dans la marge du bas, l’inscription manuscrite suivante, d’une écriture ancienne : « Dessin en perspective pour démontrer les manœuvres des troupes légères... etc., inventé et dessiné par le Marquis d’Espinay, Colonel d’État-Major... ». La Bibliothèque nationale, au Cabinet des Estampes, possède aussi 3 portraits du Colonel d’Espinay. Le premier est un petit portrait en buste, avec, au bas, la légende manuscrite suivante : « Espinay Saint-Denis (Pierre-Marie Marquis d’). » Le 2
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le représente en pied, en costume militaire de la fin du XVIII
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siècle. Au-dessous, la légende manuscrite suivante: « C’est le Colonel d’Espinay Saint-Denis, inventeur de divers moyens de défenses militaires, chevalier de Malthe, émigré, qui a fait parler de lui sous la restauration. » Le 3
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est une lithographie in-f°. Le personnage est représenté en pied, en uniforme de la Restauration, avec la légende suivante : « le Marquis d’Espinay Saint-Denis, Colonel et Chevalier de différens ordres royaux et militaires, sauveur des diamans ravis à la couronne. Il perfectionna les foudres de Bellone. » Mais, sur ce portrait, il est singulièrement rajeuni. En rapprochant ces divers documents et en y ajoutant une communication qui m’a été obligeamment faite par un érudit lyonnais sur les divers personnages du nom de d’Espinay qui figurent sur les anciens almanachs d’adresses ou annuaires lyonnais, en tenant compte aussi des renseignements que contiennent ses ouvrages, je crois qu’on peut conclure — presque avec certitude — qu’il s’agit du Marquis Pierre-Marie d’Espinay de Laye, plus tard d’Espinay Saint-Denis, né le 22 nov. 1764, que j’ai retrouvé sur les contrôles des Chevau-Légers de la Garde du Roi, où il fut inscrit comme surnuméraire le 24 août 1783. Il serait ensuite passé au service du Grand-Maître de Malte, où il devint Colonel de Chasseurs, ce qui explique le titre de colonel qu’il prend sur les titres de ses ouvrages et sur ses portraits; et ce qui explique aussi qu’il n’y ait aucun dossier à son nom aux Archives de la Guerre. Le titre d’ancien Capitaine de Cavalerie, qu’il prend simultanément avec celui de Colonel de Chasseurs, lui viendrait de son passage aux Chevau-Légers. Rentré en France par congé en 1791 — comme l’indique la lithographie de Carle Vernet citée plus haut — il se serait livré à des travaux militaires dont son aquarelle donne la synthèse, puis enfin, il se serait établi dans sa propriété des Tournelles de Flandre, près de l’École vétérinaire de Lyon, s’y livrant à la grande culture, au perfectionnement de divers animaux domestiques, chèvres de cachemire, moutons mérinos, etc., et à l’élevage du cheval. Maintenant, pourquoi ce nom de Flandre, ajouté au sien, mais seulement dans ses premiers ouvrages? Fort probablement à cause de sa terre des Tournelles de Flandre et pour se distinguer des autres membres de sa famille ou des autres familles portant aussi le nom de d’Espinay, à une époque où cette distinction ne pouvait se faire par les titres nobiliaires de l’ancien régime, alors abolis. Qu’est-il devenu à la chute de l’Empire? Il semble bien s’être fixé à Paris, car il était électeur de la Seine et continuait ses démarches pour obtenir la création de « fermes expérimentales » et de « haras d’expérience », démarches dont ses ouvrages portent la trace et dont on appréciera la nature et les résultats éloignés dans la note qui suit sa bibliographie. Je répète que, malgré la concordance des divers documents cités ci-dessus, je ne saurais affirmer avec certitude que cette biographie s’applique bien à l’auteur des ouvrages dont la description suit. »
Mennessier de La Lance (1915-1921)