« Si la réputation de l’École française d’équitation n’est plus à faire aujourd’hui,
la connaissance de ce qui se cache derrière ce vocable est beaucoup moins évidente
pour les cavaliers qui ne savent toujours pas de quoi il s’agit. L’ambition de Dominique
Ollivier est de faire toute la lumière sur l’École française d’équitation, le souffle
qui l’anime et la culture qui la distingue des autres équitations. Car, contrairement
à ce qui a été écrit, il existe une différence de nature, et non pas seulement de
degré, entre l’équitation académique et l’équitation large. Ce livre expose en détail
ce qui fait l’originalité de l’équitation artistique ainsi que les rivalités qui découlent
de cette singulière exception. La France peut s’enorgueillir d’avoir une pléiade d’écuyers
dont la sensibilité a donné lieu à une équitation artistique reconnue et admirée par
l’Europe entière.
Salomon de la Broue
a donné l’impulsion initiale jusqu’à ce que l’École de Versailles brille de tous
ses feux.
La Guérinière
est un modèle d’académisme. Au XVIII
e
siècle, pendant que
Dupaty de Clam
tente d’asseoir l’équitation sur des bases objectives,
d’Auvergne
répudie l’équitation académique dont la guerre n’a que faire. La cavalerie n’est
pas là pour faire du sentiment et encore moins de l’art. Mais
Cordier
va faire l’erreur d’instituer un manège académique à Saumur. Le mélange entre académisme
et militarisation est explosif. S’ensuit une grande confusion et l’ordonnance de cavalerie
fait du cheval de troupe un véritable martyr. Cette problématique n’échappe pas aux
civils comme aux militaires qui aiment les chevaux et dont la sensibilité ne supporte
pas de les voir ainsi maltraités. Il n’en faut pas moins pour que l’on se trouve dans
les conditions favorables à l’épanouissement d’une équitation où la délicatesse le
dispute à l’approche rationnelle.
François Baucher
, un écuyer civil de génie, arrive à point nommé et va chercher à assouplir les chevaux
des militaires avec une méthode qui remet en question tout ce qui s’est pratiqué jusqu’à
lui. La situation est encore conflictuelle. Mais, avec
d’Aure
à Saumur, le balancier penche à nouveau vers l’équitation large, laquelle méprise
le travail d’école au point que le
général L’Hotte
résout le conflit en renvoyant à d’Aure, pour l’équitation de campagne et à Baucher,
pour l’équitation savante. Ce dilemme est à l’origine de toutes les polémiques équestres
reposant sur la croyance selon laquelle l’équitation serait une. Ce livre démontre
objectivement le contraire et revendique la diversité. L’Histoire de l’École française
d’équitation est l’histoire de notre patrimoine, celle d’une civilisation évoluée
qui fait rêver le cavalier moyen mais dans laquelle il ne se reconnaît pas. Or, le
moteur de cette école réside dans les traités d’équitation. C’est la raison pour laquelle
Dominique Ollivier a jugé utile de nous familiariser avec cette École en se livrant
à une analyse technique des grands traités qui ont marqué leur époque. Du jamais vu
! De cette façon, et c’est un objectif de l’auteur, le cavalier pourra expérimenter
leur expérience, se constituer une culture équestre et s’approprier la doctrine de
l’École française au fil des trois tomes de cette superbe collection, afin d’être
en mesure de se construire une équitation où la sensibilité le dispute à la légèreté.
L’École française envisagée sous l’aspect d’une analyse technique comparative permet
à présent de dégager les relations que les écuyers entretiennent entre eux, ce qu’ils
retiennent de leurs prédécesseurs et ce qui a de l’importance pour chacun d’eux. Enfin,
ce livre a pour vocation de créer l’émulation nécessaire chez l’écolier qui voudrait
se lancer dans l’équitation artistique. Il est une aide pratique pour toutes celles
et tous ceux qui sont à la recherche de principes et de procédés qui ont fait leurs
preuves. Il constitue une référence bibliographique dans laquelle on aimera venir
puiser les informations dont on a besoin au gré de sa réflexion équestre.
[T.II — L’équitation, disait Rousselet, peut s’écrire en quelques pages ou comporter
des volumes. C’est la deuxième option que Dominique Ollivier a choisi de présenter
au lecteur afin qu’il ait une vision moins approximative et moins édulcorée d’un sujet
dont les écuyers s’accordent à dire qu’il est difficile. L’accumulation des connaissances
acquises depuis le XVI
e
siècle ne nous permet plus d’abréger l’équitation au point de la réduire à quelques
pages, ce qui laisserait supposer que quelques éléments suffisent à en rendre compte.
À chaque fois qu’on a tenté de le faire, la décadence et le désastre ont succédé à
ces approches réductionnistes qui séduisent l’entendement, pour un temps, mais martyrisent
le cheval et fourvoient la pratique que seule une théorie solidement établie est susceptible
d’éclairer. Les informations, alors coupées de leur contexte, présentent le risque
d’une distorsion avec la réalité et des interprétations fantaisistes. C’est pourquoi
l’auteur n’a pas manqué de retenir la mise en garde du
général Decarpentry
pour lequel, en équitation comme en politique, il faut se méfier des simplifications;
elles finissent presque toujours par compliquer les choses.
En outre, ce livre vient combler les lacunes laissées par
Charles Duplessis
en 1892 dans
L’Équitation en France
, en particulier en ce qui concerne les écuyers du XIX
e
siècle. À sa décharge, Charles Duplessis n’avait pas assez de recul pour raconter
son siècle, et d’autant plus que ce siècle a été l’objet de tempêtes entre les écuyers
dont la sensibilité des uns les portait à revendiquer l’équitation large tandis que
la sensibilité des autres les poussait à cultiver l’équitation artistique. Ces rivalités
ont révélé l’incapacité de la France à promouvoir l’Art équestre pour lui préférer
l’équitation de tout le monde et céder aux sirènes de l’obstacle. C’est pourquoi,
dans un souci d’équité, l’auteur ne pouvait pas faire l’économie de mettre en présence
les parties adverses afin que le lecteur se fasse une opinion sur les événements qui
ont bouleversé le XIX
e
siècle équestre, prémices du déclin de l’École française au bénéfice de la dictature
du sport, au siècle suivant. Avec ce deuxième livre, le lecteur va découvrir que l’équitation
est aux mains du pouvoir quelle que soit l’époque à laquelle on s’interroge. Avec
la disparition de l’École de Versailles, l’équitation artistique est en disgrâce.
Qu’à cela ne tienne, la cavalerie va faire en sorte que l’équitation militaire la
remplace. Dès lors, peu importe les merveilles que nous réserve encore l’équitation
artistique, elle est écartée de la scène au profit de l’équitation large et de l’anglomanie.
Baucher a été marginalisé parce que le pouvoir s’intéressait à une autre équitation
que l’équitation artistique. La détestation de l’équitation d’école commence au XIXe
siècle et tous les moyens sont bons pour diaboliser la haute école et ceux qui l’affectionnent.
Nous allons voir qu’en France, une sensibilité artistique revendique le droit d’exister
et, si les artistes sont peu nombreux, rien ne peut les contraindre à abandonner leurs
convictions pour pratiquer l’équitation officielle. Baucher a démontré la supériorité
d’une équitation où le raisonnement est à la base de tous les comportements du cavalier,
ce qui le rend d’emblée responsable de tout ce que fait le cheval. Il a démontré la
supériorité d’une équitation raisonnée sur une équitation empirique et instinctive
qui marche à tâtons et procède par essais et erreurs. Le lecteur pourra amplement
comparer les fondements de l’équitation artistique avec ceux de l’équitation militaire.
Nous allons voir qu’il est fait appel à la doctrine de Baucher à chaque fois que l’équitation
militaire atteint ses limites. Baucher n’obtient ses résultats qu’avec la délicatesse,
laquelle n’est pas la préoccupation première de l’armée où le cheval est instrumentalisé
d’abord pour faire la guerre. Heureusement pour l’animal, quelques militaires préservent
leur sensibilité et rejoignent courageusement Baucher. Il leur en a coûté ! Et le
prix qu’ils ont dû payer pour revendiquer leur liberté d’expression, notion que le
monde de l’équitation admet difficilement, donne une idée des mentalités auxquelles
se heurte l’équitation artistique en France. En publiant cet ouvrage, l’auteur ne
fait que restituer ce que le cheval lui inspire sans se laisser distraire par d’autres
influences que celle de son animal de prédilection.]
[T.III — Qui était mieux placé qu’un praticien, bauchériste de surcroît, pour conter
la merveilleuse histoire de l’École française d’équitation ? L’équitation large profite
de la place prépondérante qu’elle occupe pour assécher la culture équestre et plonger
la population cavalière dans un obscurantisme historique. La communauté scientifique
est ridiculisée et la pratique équestre irrationnelle. Tandis que les connaissances
ne cessent d’évoluer, seul le Dressage sportif n’a pas modifié son règlement depuis
un siècle et fait croire aux cavaliers qu’ils font de l’Art, une imposture de grande
envergure. Or, le caractère culturel et artistique de l’École française est à la fois
sa dominante et son aspect le moins connu. Comme pour tous les Arts, la technique
occupe une place de premier plan avant de s’effacer devant l’expression artistique
d’où émane la légèreté, inconcevable en dehors d’une démarche ergonomique. L’auteur
s’est trouvé devant le choix entre écrire une histoire de l’équitation mondaine du
XX
e
siècle et l’histoire de l’Art équestre en quête de perfection, à la fois science
et art. Le lecteur est invité à s’approprier cette deuxième histoire. L’auteur a estimé
que le temps est venu de rendre hommage à tous ces écuyers que les français ne connaissent
pas parce qu’il est passé dans les mœurs de ne pas donner ses sources ou de se contenter
d’aller les chercher parmi ses contemporains. La doctrine de l’École française existe
bel et bien. C’est un merveilleux outil de travail que le lecteur découvrira à la
fin de ce livre, une fois qu’il aura en main tous les éléments de compréhension de
cette École dont la démystification a nécessité près de mille cinq cent pages.] »
Présentation de l’éditeur (2011)