PRÉFACE
« Étudions le cheval avant de discuter inutilement sur lui, et quand nous le connaîtrons dans tous les détails de son organisation, quand nous aurons bien compris ce qu’il est, ce qu’il faut faire pour le rendre ce qu’il doit être, alors toute discussion cessera, alors aussi nous serons d’accord sur les moyens à employer pour l’améliorer ».
L’idée de réunir en un volume tout ce qui a trait à la connaissance du cheval n’est pas nouvelle. Bien d’autres avant nous, et des plus autorisés, en ont poursuivi la réalisation avec succès.
Aussi, malgré que leurs œuvres aient vieilli, avons-nous pensé qu’une édition simplement rajeunie de ces œuvres ne répondrait pas à un besoin suffisant, et nous sommes-nous surtout efforcéefforcés d’y apporter quelques modifications, quant à la manière de présenter le sujet au lecteur.
Particulièrement écrit pour les sportsmen, les officiers de l’armée, les peintres, les sculpteurs, les éleveurs, pour tous ceux enfin qui, soit par goût, soit par nécessité, s’occupent du cheval et ne peuvent en faire une étude spéciale, l’ouvrage que nous livrons aujourd’hui à l’appréciation du public doit, en effet, se recommander par une exposition claire et nette, par une méthode de démonstration à la fois attrayante, facile à saisir et fructueuse.
Loin de nous, toutefois, la prétention d’avoir entièrement satisfait à toutes ces exigences. Nous nous sommes assignéassignés un but, et p. VInotre seule ambition a été de nous en rapprocher le plus près possible.
En ce qui concerne le fond même des questions traitées, nous avons compulsé les meilleurs auteurs qui ont écrit sur la matière, et choisi, parmi leurs opinions, celles qui nous ont paru les moins discutables, les plus solidement étayées par l’expérimentation et l’observation.
Nous les avons réunies en un faisceau aussi homogène que possible, auquel nous avons joint le fruit de nos observations propres, et où nous nous sommes gardégardés de toute polémique inutile, de toute discussion par trop scientifique, dont le moindre inconvénient eût été de rendre la lecture de notre livre plus pénible.
Sans rien sacrifier au fond, nous avons trouvé préférable de forcer la mémoire de ceux qui voudront bien nous lire par un certain nombre de citations ou de proverbes très connus qui, tous marqués au coin d’une sérieuse connaissance pratique du cheval, en disent plus long souvent, sous leur forme imagée, que de profondes mais ennuyeuses dissertations.
Que le lecteur n’aille pas se figurer, pourtant, qu’il a entre les mains un simple traité d’hippologie amusante. Nous croyons, au contraire, avoir écrit un livre très imparfait sans doute, mais sérieux.
Si nous avons tout mis en œuvre pour en rendre la lecture aussi agréable que possible, nous n’avons rien négligé, par contre, pour en faire un résumé à la fois complet et succinct des connaissances générales que doit posséder le véritable homme de cheval. Aussi ne s’adresse-t-il ni à ces fashionables désœuvrés, pour qui la parfaite possession de l’argot des champs de courses restera toujours le seul critérium du vrai connaisseur, ni à ceux — très nombreux en France — chez qui la science du cheval est innée. Hippologues par l’indiscutable raison qu’ils se le sont persuadépersuadés à eux-mêmes, ceux-ci n’ont que faire de notre livre !
Laissant, d’ailleurs, absolument de côté les trop nombreux écrits fantaisistes sur le cheval qui surgissent un peu de partout aujourd’hui, p. VIInous nous sommes bornébornés à rendre justice aux maîtres que nous avons consultés, soit en les citant textuellement, soit en renvoyant le lecteur à leurs ouvrages spéciaux.
La diversité des questions que nous avons dû traiter dans ce livre nous a imposé l’obligation de le diviser en quatre parties :
1° Généralités ; 2° extérieur ; 3° structure et fonctions ; 4° races.
Sous le titre de généralités, nous passons rapidement en revue les caractères zoologiques du cheval, ses divisions principales et secondaires, pour terminer, enfin, par un aperçu de son organisation.
Dans la deuxième partie, nous rangeons toutes les connaissances capables de faire distinguer, par l’examen rapide de la conformation d’un cheval, sa valeur commerciale, le service auquel il peut être employé de préférence, la somme et la durée des effets que sa machine est capable de produire. Aux chapitres que comporte d’ordinaire cette division : étude des régions, pied et ferrure, proportions, aplombs, allures1 , âge, robes, aptitudes, taille, signalements, cheval en vente, nous en avons ajouté quelques-uns qui, pour avoir été plus ou moins négligés jusque-là par les auteurs qui nous ont précédé dans la voie que nous suivons, n’en sont pas moins très intéressants et indispensables à connaître pour tout homme de cheval réellement digne de ce titre ; tels sont les chapitres ou paragraphes relatifs aux régions correspondantes de l’homme et du cheval, à la direction générale des poils, aux chevaux vicieux, au cheval malade, aux manœuvres dolosives mises en pratique par les maquignons, à l’application de la connaissance de l’extérieur du cheval en peinture et en sculpture.
La troisième partie s’occupe de la situation, des rapports, de la structure anatomique des organes et de leur rôle physiologique dans le mécanisme de la machine animale.
La quatrième partie, enfin, est exclusivement consacrée à l’étude de l’origine, des caractères, de la production, de l’élevage, de la multiplication et de l’amélioration des races chevalines.
p. VIIIQuant à la raison qui nous a fait adopter l’ordre dans lequel les divisions ci-dessus sont étudiées, un mot l’expliquera :
En faisant précéder les deuxième et troisième parties de généralités qui seront, pour la plupart, développées dans la suite, nous avons voulu rendre abordables, par la seule lecture de quelques pages, les différents chapitres relatifs à l’extérieur, sans qu’il soit indispensable de recourir aux détails de la troisième partie, celle-ci étant plutôt, dans notre esprit, une partie à consulter qu’à étudier.
Ce n’est pas cependant que la lecture en soit constamment aride. Les fonctions physiologiques de chaque organe ou appareil organique, en particulier, y sont, croyons-nous, traitées de telle sorte que le lecteur puisse, sans trop d’efforts, se rendre exactement compte du mécanisme de la machine animale, en lire et en relire avec un intérêt toujours nouveau les si intéressants détails.
Plus pénible, quoique déchargée autant que possible de tout détail par trop technique, l’étude de la structure ne pourra guère être sérieusement abordée que par les hommes spéciaux.
À ce point de vue, et bien que nous n’ayons pas la prétention d’enseigner la science du cheval aux vétérinaires, nous croyons que notre ouvrage pourrait souvent être pour eux un utile aide-mémoire, un précieux abrégé d’anatomie topographique.
Nos généralités de la première partie ont encore pour but de montrer, de faire connaître dans leur ensemble les différents appareils de l’organisme et de corriger ainsi l’inconvénient qu’offre, en général, notre méthode de démonstration de ne présenter au lecteur qu’une à une et à part chacune des parties constitutives des différents appareils organiques.
Car la véritable originalité de notre livre, nous le savons déjà, ne réside pas seulement dans l’ordre que nous avons adopté, mais encore et surtout dans notre mode de démonstration qui, pour la troisième partie principalement, consiste à prendre en particulier chaque division principale du cheval, à la disséquer et à étudier l’un après l’autre les différents organes qui entrent dans chacun des plans que l’on rencontre en procédant de la périphérie vers le centre.
p. IXComme il est facile de s’en rendre compte, les trois premières parties se lient plus ou moins intimement l’une à l’autre. Seule la quatrième partie constitue une division à part, sans rapport direct avec ce qui précède, mais dont l’étude se trouve toutefois singulièrement simplifiée par la connaissance de l’extérieur, de l’anatomie et de la physiologie du cheval. C’est comme un complément de notre travail, mais un complément non moins indispensable à connaître que les autres parties. L’intérêt qu’il présente depuis le commencement jusqu’à la fin le met, après tout, à l’abri de toute négligence de la part du lecteur.
Seize planches hors texte, coloriées, découpées et superposées, de notre collaborateur É. Cuyer, rendent facilement tangibles et saisissables la plupart des détails dans lesquels nous avons dû entrer.
Dessinées d’après nature, conséquemment exactes en tous points, quant à la situation, aux rapports, à la forme, à la teinte et aux proportions des parties qu’elles représentent, ces planches sont, d’un autre côté, irréprochables au point de vue purement artistique. Disons plus : sans sujet à sa disposition, tout simplement à l’aide des planches hors texte, le lecteur pourra se rendre un compte exact de l’organisation et du fonctionnement de la machine animale.
À ces planches, nous avons d’ailleurs ajouté près de deux cents figures intercalées dans le texte, qui, prises aux meilleures sources2 , ou dessinées par nous d’après nature, seront pour le lecteur un complément très utile de l’œuvre de M. Cuyer, qu’elles déchargent de détails qui eussent pu en compromettre la clarté.
Les soins qu’ont apportés nos éditeurs, MM. J.-B. Baillière et fils, dans l’exécution matérielle de cet ouvrage en rendront, d’autre part, la lecture plus facile et plus agréable. Aussi ne saurions-nous trop les p. Xremercier ici, et pour les sacrifices qu’ils se sont imposés, et pour les encouragements, les conseils, l’amitié même qu’ils n’ont cessé de nous prodiguer.
Puisse maintenant notre livre être de quelque utilité et contribuer à mieux faire connaître, aimer et comprendre le cheval ! C’est le seul résultat vers lequel tendent tous nos efforts.
1 | Le texte des chapitres consacrés à l’étude des allures et les figures qui l’accompagnent sont l’œuvre personnelle de M. Ed. Cuyer. |
2 | A. Chauveau et S. Arloing, Traité d’anatomie comparée des animaux domestiques. 3° édition. Paris, 1878 . — G. Colin, Traité de physiologie comparée des animaux. 3° édition, 1886 . — L. H. J. Hurtrel d’Arboval et Zundel, Dictionnaire de médecine, de chirurgie et d’hygiène vétérinaires. Paris, 1874-1877. — Mathias Duval, Cours de physiologie. 5° édition. Paris, 1883. — A. E. Brehm, Merveilles de la nature, l’homme et les animaux. 9 vol. in-8. Paris, 1886. — Colonel Duhousset, le Cheval, etc. |