Instruction sur le Service de la Cavalerie en Campagne

« L’Ordonnance du 3 mai 1832 sur le Service des Armées en campagne, qui fut règlementaire jusqu’en 1883, ne contenait aucune disposition pour l’instruction de détail. Elle n’embrassa et ne pouvait embrasser que les principes généraux, qui y sont d’ailleurs remarquablement traités, mais il eût fallu, pour qu’elle portât tous ses fruits, publier ensuite, pour les gradés inférieurs et la troupe, un Manuel pratique donnant les détails de leur service et la manière de les leur apprendre.
II paraît que les généraux qui la rédigèrent en furent sollicités, et j’ai entendu raconter que l’un d’eux répondit : « Quoi ! faire une instruction pour placer des petits postes et conduire une patrouille ?… mais tout le monde sait ça ! »En 1832, il y avait déjà beaucoup d’officiers qui ne le savaient pas et, en 1870, tous l’ignoraient.
En 1821, frappé de cette lacune dans l’instruction de la cavalerie, le général de La Roche-Aymon avait publié un bon Manuel du Service de la Cavalerie légère en campagne, facilement applicable, dans beaucoup de ses parties, aux autres subdivisions de l’arme. Mais, quoiqu’il ait été imprimé par ordre du Ministre et réimprimé en 1831, il resta peu connu et ne reçut pas d’autre consécration officielle [1].En 1831, de Brack écrivit ses Avant-Postes de Cavalerie légère qui assurèrent sa réputation, et il est curieux de lire, dans sa préface, avec quelle perspicacité il signale la situation et ses dangers : « Les traditions, surtout de détail, utiles, indispensables, s’étaient dangereusement effacées... Les livres ont déroulé l’histoire de la guerre, l’ont rappelée aux généraux, et la modeste instruction du cavalier en campagne a peu gagné à leur lecture. »Toutefois, de Brack en excepte le Manuel de La Roche-Aymon « qui, vraiment cavalier, a fort utilement ajouté aux instructions de Frédéric ». Frédéric, en effet, n’a pas cru au-dessous de lui de s’occuper de ces détails. (Voyez Frédéric II.)
Les efforts de La Roche-Aymon et de de Brack restèrent donc stériles; le service en campagne continua à n’être enseigné que dans ses grandes lignes et « en chambre », et la cavalerie ne reçut aucune instruction en terrain varié jusqu’en 1872, malgré l’exemple donné depuis 50 ans par les armées étrangères[2]. Voyez, pour une manœuvre de 1835, C. de Decker.
L’attention fut cependant attirée sur ce sujet après la guerre Austro-Prussienne de 1866 et, en 1868, un petit ouvrage officiel sur le service en campagne fut publié : Observations sur le Service de la Cavalerie en Campagne. » Mennessier de La Lance (1915-1921)


1. Le général de la Roche-Aymon, remarquable officier de cavalerie, semble n’avoir pas été en faveur auprès des ministres d’alors, car il a été systématiquement écarté, ainsi que les généraux de premier ordre auxquels il dédie son important ouvrage De la Cavalerie des grandes commissions de l’époque, notamment de celles qui se réunirent à Lunéville pour préparer sur le terrain l’Ordonnance de 1829 et de celle qui la rédigea. Il fit cependant partie de la Commission des Haras de 1829.
2. Et malgré quelques honorables tentatives individuelles. Je me rappelle fort bien que le colonel d’un des régiments de cavalerie de la Garde impériale fit faire à son régiment quelques timides exercices de service en campagne sur le terrain Mais on s’empressa de le plaisanter: « Il joue au soldat », dit-on. Le mot fit fortune et c’est tout le bénéfice qu’il retira de ses essais.