Le manuscrit de Bourgelat d’Alfort

La bibliothèque de l’École nationale vétérinaire d’Alfort recèle bien des trésors. Au détour d’un des rayonnages à l’ancienne, on peut y apprécier un manuscrit attribué à Claude Bourgelat (1714-1779) .

En 1762, Bourgelat, alors écuyer, sur les instances de son ami Bertin, Contrôleur général des Finances, fonde l’École vétérinaire de Lyon et, quatre ans plus tard, celle d’Alfort. Gardant à distance ses trop modestes élèves — dont certains peinent à écrire — il compose son enseignement en cahiers à leur dicter et qu’ils devront apprendre par cœur. Au fil des années, certains de ces manuels sont imprimés : Matière médicale (1765, quatre cahiers), Traité de la conformation extérieure du cheval (1768). D’autres, rédigés par ses collaborateurs, n’en portent pas moins sa signature : la Zootomie ou anatomie comparée (1766-1769, quatre cahiers) doit beaucoup au chirurgien Honoré Fragonard, directeur d’Alfort, notamment les « observations d’anatomie comparée sur le taureau et le bélier » ; le Traité des bandages (1770) et les Explications des proportions géométrales du cheval (1775) sont de F rançois Vincent ; enfin, Philibert Chabert a largement collaboré à l’ Essai théorique et pratique sur la ferrure (1771).

Le fondateur publie également des articles, notamment en 1778, dans le Journal de l’agriculture, du commerce, des arts et de finances : « Recherches sur le méchanisme de la rumination : exposition anatomique des estomacs du bœuf » (juin, p. 41-77) ; « Deuxième partie » (juillet, p. 67-101) ; « Questions intéressantes » (série de sept questions sur les chevaux de course) (septembre, p. 51-88) ; « Lettre du Comte de P *** sur les chevaux » (octobre, p. 63-87).

Enfin, Bourgelat laisse en mourant des manuscrits autographes non publiés dont peu ont été conservés jusqu’à nos jours. En revanche, il en existe des copies par ses élèves. Ses successeurs entretiennent pieusement sa mémoire, comme Jean-Baptiste Huzard , qui utilise la maison d’édition dont sa femme Rosalie Vallat-la-Chapelle est l’héritière, pour réimprimer les œuvres du vétérinaire visionnaire. Il les complète ainsi habilement à partir des manuscrits qu’il a rassemblés.

Il est permis, à partir de là, d’identifier les textes réunis dans le présent ouvrage d’Alfort qui comporte, de la même écriture, deux parties en paginations séparées sous une même reliure.

En première partie :

  1. La Phisique des Haras et les Doutes et questions relatives aux haras (sous forme de questions-réponses), ont été imprimés dans la 7 e édition du Traité de la conformation du cheval (1818, p. 415-556) par les soins de J.-B. Huzard qui précise : « La troisième partie, qui traite des Haras, est imprimée ici pour la première fois ; elle était depuis longtemps manuscrite entre les mains des élèves, et les copies en avaient été successivement altérées, au point que, dans plusieurs, il n’était pas possible d’en reconnaître le sens et de déchiffrer les noms des auteurs cités. J’ai fait ma copie sur le manuscrit même de Bourgelat. […] On sera étonné en lisant cette troisième partie, de reconnaître des détails et des morceaux entiers qu’on trouve dans quelques ouvrage modernes sur les haras. [Voyez entre autres, ce qu’en dit M. de Lafont-Pouloti , dans son Nouveau régime pour les haras , Paris, 1787, p. 335-339 ] [1] . »
  1. Les Observations générales sur le bœuf, les bêtes à laine, la chèvre et le cochon (p. 101) ont été supprimées dans la 3 e édition du Traité de la conformation du cheval (1785) pour les raisons suivantes : « Quant aux observations générales que Bourgelat avait recueillies sur le bœuf, le mouton et les autres animaux domestiques, dont il est fait mention dans cette note, le progrès des connaissances acquises sur ces objets, et les ouvrages publiés depuis cette époque, rendent aujourd’hui cette partie de son travail bien moins nécessaire aux élèves [2] . »
  1. La Description des estomacs dans les animaux ruminants (p. 139), certainement de la main de Bourgelat, a été publiée dans le Journal d’agriculture en 1778. Outre l’exergue en latin, que la formation de ses collaborateurs ne leur aurait pas permis de comprendre, sont cités des auteurs hors de leur portée : Aristote, Séverin (Marc-Aurèle Severini, 1580-1656, Zootomia democritea, 1645), Claude Perrault (1613-1688). La rédaction, élégante mais confuse, n’atteint pas la simplicité scientifique dont témoignera le successeur de Bourgelat, Philibert Chabert, dans : Des organes de la digestion dans les Ruminans, à l’usage des élèves des Écoles Vétérinaires (1787).

En seconde partie, les Notes concernant les Haras ne sont autres que le règlement des haras du temps de Bertin. Marc Mammerickx ne mentionnant pas cette publication dans sa bibliographie de Bourgelat, il faudrait s’assurer qu’il ne s’agit pas d’extraits du Plan pour une nouvelle Administration des haras (entre 1760 et 1764) conservé à la Bibliothèque Mazarine et signalé par Jacques Mulliez [3] .

En bref, le contenu de cet exemplaire (remarquable en ce qu’il a appartenu au général Mennessier de La Lance dont il porte l’ ex libris armorié gravé) se trouve entièrement imprimé ailleurs, à l’exception du règlement final des Haras (à moins que des recherches parviennent à en déterminer la source).

[Voyez Marc Mammerickx, Claude Bourgelat, avocat des vétérinaires, Bruxelles, l’auteur, 1971, p. 77-91, et 101-103.]

François Vallat

 

En savoir plus:

 

[1] Bourgelat Claude, Élemens de l’art vétérinaire. Traité de la conformation extérieure du cheval, de sa beauté, de ses défauts ; des considérations auxquelles il importe de s’arrêter dans le choix qu’on doit en faire pour les différens services ; des soins qu’il exige pour le conserver en santé ; du choix de sa nourriture ; de sa multiplication, ou des Haras, etc ., 7 e éd., avec notes de J.-B. Huzard, Paris, M me Huzard, née Vallat-la-Chapelle, 1818, p. xi-xii.

[2] Ibid., p. ix-x.

[3] Mulliez Jacques, Les chevaux du royaume, histoire de l’élevage du cheval et de la création des haras , Montalba, 1983, p. 284.

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