BNF : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb105274367

Isabelle, Marie (1820? – 1875)

« Écuyère française, née vers 1820. Elle avait été modiste, puis figurante au Gymnase et avait épousé un employé du ministère de la guerre. Prise d’une belle passion pour l’équitation, elle voulut apprendre non-seulement à monter, mais à dresser, et prit des leçons de bons maîtres : Franconi, le Comte de Montigny, le Comte de Lancosme-Brèves, et enfin Pellier. Mais elle en profita mal et resta toujours gauche et peureuse à cheval. Aussi, ses démonstrations se faisaient elles presque toujours à pied, et les chevaux étaient ensuite présentés par d’autres. Lorsqu’elle fut sûre d’elle-même — ce n’étaient du reste ni l’aplomb ni les prétentions qui lui manquaient — et qu’elle eut, comme elle le dit, « créé sa méthode », elle partit vers 1852 pour Vienne, précédée de hautes recommandations qui lui valurent le plus aimable accueil du prince Louis de Lichtenstein. De Vienne, elle alla à Saint-Pétersbourg où l’attendait le Prince Mentschikoff et où elle fut reçue avec grande bienveillance par le grand écuyer Comte Apraxine et par l’Empereur Nicolas lui-même. Dans l’Introduction de son ouvrage, Mme Marie Isabelle nous fait l’historique complet de ses travaux en Autriche et en Russie, des dressages qu’elle y a entrepris et réussis, et des succès prodigieux qu’elle a obtenus devant les princes et les souverains. Mais, d’après le Comte d’Aure[1], il faut en rabattre et, quand elle monta devant l’Empereur Nicolas au Cirque impérial, «elle fit un début déplorable»; son cheval ayant rétivé à fond, il fallut le prendre par la bride pour le faire entrer sur la piste, puis pour l’en faire sortir. L’Empereur en eut pitié et lui envoya un bracelet, et, ajoute le Comte d’Aure, « le prince Mentschikoff, beaucoup moins galant, mais plus profond politique, pensa que c’était le moment de l’envoyer en France pour désorganiser une cavalerie qu’il redoute à juste titre ». Pour saisir cette boutade, il faut se rappeler que cette brochure fut écrite au commencement de la guerre de Crimée. Mme Marie Isabelle revint donc en France, et, par la protection du prince Napoléon, fut envoyée à Saumur en 1854, pour y porter la bonne parole et y démontrer sa méthode. Une commission officielle fut réunie, les expériences se succédèrent et aboutirent au plus lamentable échec. On en trouvera le détail complet dans l’ouvrage du Baron de Vaux, Écuyers et Écuyères, p. 55 et suivantes. Voyez aussi, sur ce sujet, A. Flandrin, Matériaux d’Hippygie, 1855. Le Comte d’Aure, alors écuyer en chef de Saumur, accueillit comme il convenait l’idée saugrenue de faire enseigner le dressage et la haute école à l’élite des écuyers de l’armée par cette pseudoécuyère et donna sa démission. Mais, l’année suivante, il publia la brochure citée plus haut, dans laquelle il raille agréablement Mme Isabelle, son système, ses prétentions, le capitaine instructeur des guides[2] qui avait été chargé des premiers essais et qui les avait approuvés, et enfin le Ministre qui avait imposé à l’État-major de l’École cette ridicule expérience. Il est à remarquer que Mme Isabelle qui, dans l’Introduction de son ouvrage, s’étend complaisamment sur ses succès en Autriche, en Russie et en Angleterre, ne parle pas de son séjour à Saumur. « Elle a renoncé, dit-elle, à livrer ces détails à la publicité. » Après les résultats obtenus, cela se conçoit de reste. Malgré l’aventure de Saumur, elle ne fut pas découragée, alla en Angleterre en 1856 et y fit la démonstration de sa méthode à l’École de cavalerie de Maidston. Elle raconte, dans son Introduction, les brillants succès qu’elle y obtint, mais on sait ce qu’il faut croire de ses récits. Deux ans après, elle publia son ouvrage et j’ignore ce qu’elle est devenue depuis. » Mennessier de La Lance (1915-1921)


1.De la question équestre et de Madame Isabelle, Paris, 1855. La fin contient une biographie de l’écuyère dans laquelle j’ai pris quelques renseignements.
2. Le capitaine instructeur des guides était alors M. Charles-Auguste-Martial d’Hébrard.