Le succès funeste du Maréchal expert

Nicolas Beaugrand fût maitre maréchal à Paris, entre la fin du XVIe et le commencement du XVIIe siècle. Il est l'auteur petit livre illustré dont Mennessier de la Lance a relevé près d'une cinquantaine d'éditions échelonnées entre 1619 et 1820 et dont il déplore les dégradations au fur et à mesure : « Le papier et les fig. sont de plus en plus grossiers, et dans l’édition de 1820, celles-ci sont presque informes.»

Mennessier est implacable. Pour lui, « C’est un monument d’ignorance, de barbarie, de superstition et un instructif recueil des préjugés de l’époque. Pas une ligne n’y traite de la ferrure. L’Examen et forme de l’Estat de Mareschal, où le Maistre interroge le compagnon, roule surtout sur la connaissance des signes du zodiaque et des planètes et du "gouvernement" qu’ils ont sur les différentes parties du cheval. On sait que c’était une importante préoccupation pour les anciens hippiâtres. C’est ainsi que « le Bélier gouverne la teste... le Cancer l’estomach et la poitrine... la Balance les reins et les fesses... le Scorpion les parties honteuses... », etc.
L’ouvrage se compose presque entièrement de « Receptes », et les remèdes fournis par cette polypharmacie extravagante sont dangereux ou ridicules, ne reposent pas sur la moindre connaissance de la pathologie et s’appliquent, ainsi que les opérations inutiles et barbares recommandées par Beaugrand, à des maladies dont il ne décrit même pas les symptômes. »

En effet, Beaugrand soigne les plaies avec un mélange d'huile et de thérébentine, administre toutes sortes recettes à l'aide un clistère, pratique des saignées, comme cela était en vigueur à l'époque.
Par exemple, au chapitre XXVIII, il livre sa recette pour soigner les chevaux encensant de la tête avec une méthode pour le moins radicale... Pour lui, il suffit d'appliquer des boutons de fer chauffés à blanc sur le front et sur l'encolure du pauvre animal. Et ce n'est pas tout, une fois les brûlures soignées avec des onguets, il faut les saigner ! Sa recette "éprouvée" garantie l'évacuation du vercoquin ou vermifome, vers qui grignoterait le cerveau de l'animal...

Mennessier constate encore les effets délétères de ce succès d'édition dans les campagnes : « Pendant plus de deux cents ans, le Mareschal Expert, imprimé dans la France entière, répandu par le colportage, a été le bréviaire des maréchaux de campagne et même des villes ! En 1820, après les travaux de Bourgelat, de Lafosse surtout, il était toujours publié... peut-être l’est-il encore.
En constatant ce fait attristant, on ne peut plus s’étonner que la routine des maréchaux soit, de nos jours encore, si difficile à déraciner.
»

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Nicolas Beauregard, portrait, 1619

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