L’entraînement selon Kikkuli

Comment entrainait-on les chevaux d’attelage au combat dans l’Antiquité ?

On sait qu’à l’apogée de l’empire Hittite (vers 1350-1200 avant J.C.), leur grande maîtrise du char asseyait leur domination sur la région d’Anatolie (Turquie) depuis leur capitale fortifiée d’Hattusa. En point d’orgue, une des plus grandes batailles de chars de l’histoire en 1285 avant J.-C., la bataille de Qadesh (sud de la Syrie), opposant les Hittites au nouvel empire égyptien de Ramsès II et qui se solde par une victoire en demi-teinte pour les deux belligérants: les Hittites remporteront quelques nouveaux territoires, mais y perdront beaucoup d’hommes et de chevaux (chaque équipage se composait d’un combattant et d’un aurige), malgré une première percée qui aura surpris fortement les égyptiens dans leur camp.

Cet entraînement est désormais connue grâce à la découverte de plusieurs tablettes d’argile signées d’un maître écuyer mittanien officiant à la cour du roi Hittite vers 1400-1300 avant notre ère. Ce maître se nomme Kikkuli (14..?-13..? av. J.-C.) . On ne sait pas comment il est arrivé au service des Hittites du royaume voisin parfois en conflit.
Ces précieuses tablettes sont aujourd’hui conservées aux musées d’État de Berlin (tablettes 1, 3 et 4), au Musée archéologique d’Istanbul (tablette 2), et au Musée des civilisations anatoliennes d’Ankara (tablettes sur le lavage des chevaux).  Exhumées des fouilles à Hattusa, parmi des milliers d’autres entre 1906 et 1934, par une équipe d’archéologues allemands, elles feront d’abord l’objet de travaux orientés en philologie sur l’écriture cunéiforme. Les tablettes équestres seront rassemblées, traduites en français en 2000 grâce aux études de la chercheuse Émilia Masson , et à l’obstination et la curiosité de l’éditeur Jean-Louis Gouraud .

Le support d’une tablette en argile laissant peu de place, le « style » de Kikkuli est logiquement plus proche de la prise de note, et forme une sorte d’aide-mémoire pour aider à entrainer un cheval d’attelage destiné à la guerre. Le programme complet couvre plus de deux cents de jours et comprend des phases d’exercices et de récupération, avec des soins spécifiques et une alimentation adaptée à l’effort demandé. Kikkuli applique un principe de progression régulière et répétitif avec des phases d’échauffement, mais aussi des moments plus intenses. Le futur coursier peut être ensuite frotté, lavé à l’eau tiède et nourri d’avoine, d’orge et de foin après une session plus poussée. Le programme comprend des entrainements intenses de nuit ou en plein cagnard pour répondre aux efforts imprévus lors d’un conflit. On est proche de ce que l’on fait aujourd’hui en endurance ou encore dans le monde des courses de trot avec des hits lors des phases d’entraînement fractionné. En 1991, la professeur Ann Nyland à l’Université de la Nouvelle-Angleterre (Australie) a appliqué à titre expérimental la méthode de Kikkuli sur des chevaux arabes. Elle a publié ses résultats en 1993 où elle confirme la « modernité » des procédés du maître mittanien.

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