Madame de Duras, une chambrière d’exception
Si la monte en amazone était bien ancrée dans les mœurs du XIXe siècle, mais cela n'a pas toujours été le cas. L'écuyer Pierre-Antoine Aubert (1783?-1863) , alors qu'il enseignait au célèbre Manège des Dames parisien vers 1800, notait dans son Équitation des dames (1842) : « Depuis un temps immémorial les dames françaises ont monté à cheval, mais à la manière des hommes, ce qui était à la fois disgracieux et inconvenant. » Que penserait-il aujourd'hui, s'il pouvait observer les reprises actuelles composées à 80% de cavalières, « placées sur leurs chevaux à califourchon comme des vivandières »?
Pourtant, il se fait l'écho d'un temps antérieure à la Révolution française où les belles dames de son époque « dont le goût est si exquis, la mise si gracieuse et si séduisante, ne pourraient guère s'imaginer que leurs aïeules, qui furent aussi des beautés à la mode dans un autre siècle, se faisaient admirer à cheval, coiffées d'un chapeau à trois cornes, les cheveux retroussés en grosses cadenettes poudrées et pommadées à la manière des grenadiers suisses du régiment du Roi. Quant à l'habit de cheval, il était boutonné par devant de haut en bas et avait à peu près la forme d'une soutane de prêtre; on déboutonnait cet habit par le bas au moment de se mettre à cheval sur une selle d'homme et à califourchon. Les plus jolies jambes et les pieds les plus gracieux étaient perdus dans de grandes bottes à l'écuyère fortes ou demi-fortes, cirées comme des gibernes et armées d'éperons de manège. Avec cet habit, si peu avantageux pour faire ressortir la beauté des formes et la souplesse de la taille, la culotte de peau de daim était de rigueur.
Cependant Aubert reconnait avoir rencontrée quelques très bonnes cavalières à califourchon : «C'est dans ce costume que des dames de la cour de Louis XV allaient au manège, y faisaient quelquefois un apprentissage assez long et couraient les chasses royales du cerf et du sanglier sans redouter la fatigue et les dangers de ces sortes de plaisirs. Comme cette manière de monter à cheval, à part la bizarrerie des habits, offrait beaucoup plus de solidité que celle adoptée aujourd'hui pour les femmes, il y en avait qui devenaient de véritables écuyers par leur aptitude à monter des chevaux de tête fins et vigoureux dans toute la perfection du manège d'académie. »
Aubert se souvient notamment de la très forte impression que lui fit celle qu'il nomme la "Maréchale de Duras", que l'on connait aussi sous le nom de Louise-Charlotte de Noailles (1745-1832), dame de palais de Marie-Antoinette: « Telles étaient encore à la cour de notre illustre et infortunée reine Marie-Antoinette d'Autriche, madame la duchesse de Luynes et madame la maréchale de Duras. Ces deux dames avaient passé une partie de leur jeunesse au manège de Versailles, sous la leçon des meilleurs écuyers du Roi.
Je me souviens qu'ayant à peu près 17 ans et déjà écuyer au Manège des Dames, tenu à Paris par M. Vincent, j'ai eu l'honneur d'enseigner à beaucoup de personnes des grandes familles de la noblesse qui commençaient à reprendre leur exercice de prédilection, quand les goûts, les habitudes et même les noms de l'ancien régime n'étaient plus un arrêt de mort. De ce nombre étaient M. le duc de Chevreuse et plusieurs autres jeunes gens, proches parents des deux dames que je viens de citer. Ces dames nous faisaient assez souvent l'honneur de visiter le manège pour juger des progrès de leurs fils et neveux, ce à quoi elles attachaient une grande importance. Souvent je remettais la chambrière à l'une d'elles en lui faisant les honneurs de la leçon ; il fallait la voir animer les reprises de galop et des sauteurs de piliers, en faisant résonner la chambrière comme un instrument de connaissance, et je puis assurer que la leçon n'y perdait rien ; madame de Duras surtout y apportait une exigence et une sévérité, que moi, très-jeune écuyer, je ne me serais pas permises avec des élèves à peu près de mon âge et d'un rang si supérieur au mien. »
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