Chapitre premier
Notions préliminaires

A. — Objet, but et utilité de l'extérieur

L’extérieur est la partie de l’hippologie qui permet de reconnaître, par l’examen de la conformation extérieure du cheval, sa beauté, ses bonnes ou ses mauvaises qualités, les maladies qui diminuent sa valeur, et les particularités de sa conformation qui le rendent plus ou moins apte à tel ou tel service. C’est donc une science essentiellement appliquée, nécessitant non-seulement la connaissance générale de la structure et des fonctions de la machine du cheval, mais encore quelques éléments de mécanique et de pathologie. L’avantage incontestable que donne la possession sérieuse de ces notions préliminaires n’empêche même pas l’étude de la conformation extérieure du cheval d’être un sujet hérissé de difficultés, qu’on ne peut réellement bien posséder qu’après une longue pratique. Si les données théoriques diminuent cet apprentissage par lequel doit passer tout homme de cheval, si elles permettent d’acquérir plus vite ce jugement, ce coup d’œil qui distingue le véritable connaisseur du routinier ou de l’ignorant, il n’en est pas moins vrai que, pour toucher à la perfection, il faut, en outre, avoir vu beaucoup, avoir exercé ce sens qui permet de reconnaître immédiatement, dans un cheval, le point faible, la défectuosité, la tare de telle ou telle région, ce sens enfin qui fait l’artiste. Et il faut non seulement l’exercer p. 38souvent, toujours, mais encore intelligemment, sans idée fixe, sans parti pris. Il faut se garder, en somme, d’adopter un type, une race, en dehors desquels on ne trouve rien de bien. À ce propos, qu’on n’oublie jamais qu’il y a de bons chevaux dans tous les pays, dans toutes les races.

B. — Beautés, Défectuosités, Tares, Vices et défauts.
(Définitions générales)

Avant d’entreprendre l’étude des régions extérieures du cheval, nous devons nous arrêter un instant sur certaines expressions souvent employées et dont il est bon de connaître la signification exacte.

a. — Beautés.

On entend par beauté, en extérieur, non pas ce qui plaît à l’œil de l’observateur, mais ce qui indique la force et l’énergie, ce qui est qualifié de bon par le connaisseur. Beauté sera donc synonyme de bonté toutes les fois qu’une ou plusieurs régions prises isolément seront considérées comme belles par l’homme compétent, en même temps que l’ensemble de l’animal sera en proportion, que l’énergie vitale existera à un degré convenable.

Moins que tout autre, l’Arabe s’est laissé séduire par cette beauté qui flatte l’œil de l’ignorant. C’est ainsi qu’il dira, en voyant un bel étalon qui ne doit ses formes brillantes qu’à un excès de nourriture ou à l’inaction : « Ne nous pressons pas, voyons-le à l’oeuvre ; il n’y a peut-être là qu’une peau de lion sur le dos d’une vache. »

On distingue des beautés absolues et des beautés relatives.

Les beautés absolues conviennent à tous les genres de services : selle, trait léger, gros trait. Des articulations larges, des muscles denses, des aplombs réguliers, sont des beautés absolues.

Les beautés relatives, au contraire, conviennent plus spécialement à tel ou tel service. Une croupe et un rein doubles, un poitrail très large, des membres courts, sont des beautés de premier ordre pour le cheval de gros trait et des défauts pour le cheval de selle.

b. — Défectuosités.

Les défectuosités consistent dans l’absence d’un ou de plusieurs p. 39des caractères qui constituent la beauté des régions. Elles sont dites absolues, relatives, congénitales ou acquises.

Les défectuosités absolues diminuent la valeur du cheval, quel que soit le service auquel on le destine ; tels les membres grêles, la poitrine étroite.

Les défectuosités relatives ne sont des défauts que relativement à l’utilisation du cheval. Ainsi, un dos ensellé est une défectuosité grave pour un cheval de selle, tandis que cette conformation nuit peu ou pas au cheval de trait.

Les défectuosités congénitales sont apportées par le cheval en naissant. (Exemple : cheval brassicourt.)

Les défectuosités acquises, au contraire, proviennent de l’utilisation, de l’usure. (Exemple : cheval arqué.)

c. — Tares.

On entend par tare « toute trace apparente de dépréciation ayant son siège à la peau ou dans les parties sous-jacentes »1; telles les traces laissées par le feu, le tord-nez, les sétons, les vésicatoires, etc. Mais on comprend plus particulièrement sous cette dénomination des tumeurs dures ou molles placées le long des rayons osseux et autour des articulations. Celles-ci gênent plus ou moins les mouvements des membres et font très souvent boiter le cheval (voy. IIe partie, Tares des membres, et pl. V).

d. — Vices et défauts.

Le vice résulte du mauvais caractère de l’individu ou de la mauvaise éducation qu’il a reçue (le cheval qui mord, rue, se cabre, etc., est un cheval vicieux). C’est une imperfection morale grave.

Le défaut, au contraire, est une imperfection morale légère (voy. IIe partie, Des chevaux vicieux).

C. — Principes et mécanique.

a. — Centre de gravité, sa situation chez le cheval.

La détermination du centre de gravité, chez les animaux, offre de nombreuses difficultés, grâce aux déplacements continuels des particules p. 40matérielles dues aux fonctions digestives, au jeu des organes, aux attitudes diverses du corps, etc., etc. Aussi, ce point, chez le cheval, n’a-t-il jamais été déterminé d’une façon absolument exacte.

Pour Borelli, il serait situé au milieu de la hauteur du tronc, et la ligne de gravitation viendrait tomber au centre du quadrilatère formé par les quatre membres.

D’après M. Colin, professeur à Alfort, le centre de gravité correspond à peu près, chez le cheval, à l’intersection de deux lignes, l’une verticale, tombant en arrière de l’appendice xiphoïde du sternum, l’autre horizontale, séparant le tiers moyen du tiers inférieur du corps. Le même auteur ajoute plus loin que la position du centre de gravité doit varier beaucoup chez les animaux, dont la tête, l’encolure, l’abdomen et la croupe offrent des proportions si diverses (fig. 7 du texte).

Fig. 7. — Contre de gravité chez le cheval.

p. 41Le général Morris et l’écuyer Baucher, d’une part, le général Morris et M. Bellanger, vétérinaire militaire, d’autre part, ont constaté expérimentalement, à l’aide de pesées, les déplacements du centre de gravité en changeant la situation de la tête et de l’encolure, ainsi que celle du cavalier. « On peut remarquer dans ces différentes pesées, conclut le général Morris : que le poids de l’avant-main l’emporte à peu près d’un neuvième du poids total sur celui de l’arrière-main ; que le changement de position de la tête fait varier les poids de 10 kilogrammes de l’avant-main sur l’arrière-main ; que les encolures longues donnent plus de poids à l’avant-main que les encolures courtes et fortes ; que l’avant-main est plus pesant que l’arrière-main, de sorte que la progression a lieu naturellement sans que le cheval soit obligé d’employer d’autres forces que celles nécessaires au déplacement d’un neuvième de son poids. »

b. — Base de sustentation, équilibre.

On appelle base de sustentation l’espace occupé par un corps sur le sol, si ce corps présente une surface continue, ou encore l’espace compris entre les lignes joignant les points d’appui, quand le corps repose sur le sol par plusieurs points.

L’équilibre est le repos d’un corps produit par deux ou plusieurs forces qui se compensent en agissant dans des directions différentes et souvent opposées. Si une de ces forces vient à diminuer ou à cesser d’agir, l’équilibre est rompu et il y a mouvement dans le sens de la puissance prépondérante. Les solides sont en équilibre quand leur centre de gravité est soutenu, ou plutôt quand la verticale, passant par le centre de gravité, tombe dans l’intérieur de la base de sustentation.

L’équilibre est stable ou instable suivant que le centre de gravité est placé très bas ou très haut, ou suivant que la base de sustentation est large ou étroite relativement à la hauteur du corps.

Il est admis en principe qu’une allure est d’autant plus rapide que l’équilibre est plus instable. C’est grâce à la grande instabilité de l’équilibre du corps dans le galop que cette allure est la plus accélérée de toutes.

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c. — Leviers.

En se contractant, les muscles mettent en jeu la machine animale par l’intermédiaire des os, qui jouent alors le rôle de leviers.

On appelle levier une tige inflexible pouvant se mouvoir sur un point fixe.

Tout levier comprend, un point d’appui (A) et deux forces opposées : la puissance (P) et la résistance (R).

On entend par bras de levier les perpendiculaires menées du point d’appui A sur la direction des forces P et R (fig. 8, 9 et 10 du texte).

La position du point d’appui variant, on a pu distinguer trois genres de leviers : le levier du premier genre ou inter-fixe (les extenseurs de la tête agissent sur un levier du premier genre ; le point fixe est à l’articulation atloïdo-occipitale) ; le levier du deuxième genre ou inter-résistant (les fléchisseurs des phalanges agissent sur un levier du deuxième genre en empêchant l’angle du boulet de se fermer ; la résistance est représentée par le poids du corps) ; le levier du troisième genre ou inter-puissant (les fléchisseurs de la tête agissent sur un levier du troisième genre ; le point fixe est à l’articulation atloïdo-occipitale).

Fig. 8. — Levier du premier genre sollicite par des forces non parallèles.

Fig. 9. — Levier du deuxième genre.

Fig. 10. — Levier du troisième genre.

1

Goubaux et Barrier, De l’extérieur du cheval, Paris, 1884, p. 7.