Goubaux et Barrier, De l’extérieur du cheval, Paris, 1884.
Vallon, Cours d'hippologie à l'usage de MM. les officiers de l'armée, 3e édition, Paris, 1880, tome 1.
E. Alix, Notice sur les principaux animaux domestiques du sud et du littoral de la Tunisie, Paris, 1883.
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Chapitre IV
De la locomotion

Les actions produites par l’appareil locomoteur peuvent être divisées en trois groupes principaux : 1° les attitudes ; 2° les mouvements sur place ; 3° les allures.

I. — Attitudes

On entend par attitudes, en extérieur, les diverses positions du cheval au repos, soit debout, soit couché. Elles comprennent la station et le décubitus ou coucher.

A. — Station

La station est l’attitude du cheval debout, immobile et supporté par ses quatre membres ou par trois d’entre eux seulement. Elle peut être libre ou forcée.

Fig. 80. — Station libre.

La station libre est celle du cheval abandonné à lui-même ; généralement alors, le corps ne repose que sur trois pieds. Le quatrième, qui est toujours un postérieur, reste au repos et à demi fléchi (fig. 80 du texte).

Fig. 81. — Le rassembler.

p. 143La station forcée est l’attitude dans laquelle les quatre extrémités sont placées sur le terrain de façon à former les quatre angles d’un rectangle. On la subdivise en rassembler, placer et camper.

Dans le rassembler, les quatre membres sont ramenés plus ou moins vers le centre de la base de sustentation. Ainsi placé, le cheval est prêt à exécuter facilement les principaux mouvements (fig. 81 du texte).

Fig. 82. — Le camper.

Fig. 83. - Le placer1.

Dans le camper, les quatre membres sont éloignés du centre de gravité et en dehors de la ligne d’aplomb (fig. 82 du texte).

p. 144Le placer est la station dans laquelle le cheval pose d’aplomb sur ses membres, la tête et l’encolure soutenues. Dans cette situation, les membres doivent suivre certaines directions, que nous allons examiner sous le titre d’aplombs (fig. 83 du texte).

Aplombs
(Pl. III).

On entend par aplombs la répartition régulière du poids du corps sur les extrémités, ou plus exactement, la direction que doivent suivre les membres du cheval, considérés dans leur ensemble ou dans leurs différentes régions en particulier, pour que le corps soit supporté de la manière la plus solide et en même temps la plus favorable à l’exécution des mouvements.

Les aplombs sont dits réguliers « quand les axes directeurs des membres tombent perpendiculairement et oscillent dans des plans parallèles au plan médian ». Ils sont, au contraire, irréguliers « lorsque les axes directeurs des membres s’écartent de la verticale et effectuent leurs déplacements dans des plans autres que ceux dont nous venons de parler »2 Alors, le poids de la masse n’est plus réparti régulièrement sur les quatre extrémités, les rayons osseux ne portent plus exactement l’un sur l’autre, et une partie du membre ou tout au moins d’une région se trouve surchargée ; d’où prompte usure.

Pour examiner les aplombs d’un cheval, il faut tout d’abord le placer, c’est-à-dire le maintenir en repos, les quatre pieds occupant les quatre coins d’un rectangle qui représente la base de sustentation. On abaisse ensuite certaines lignes verticales partant de différents points du corps et tombant jusqu’à terre. Suivant la direction des rayons osseux par rapport à ces lignes, on juge de la régularité ou de l’irrégularité des aplombs.

Il est évident que, dans la pratique, on ne peut pas se servir du fil à plomb et qu’il faut de toute nécessité se faire suffisamment l’œil pour pouvoir remplacer par la pensée les lignes qu’il marquerait réellement.

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a. — Aplombs des membres antérieurs

1° Aplombs vus de profil (fig. 1, 2, 3, 4). — 1° Une verticale CD (fig. 1), abaissée de la pointe de l’épaule jusqu’au sol, doit rencontrer ce dernier un peu en avant de l’extrémité de la pince.

Si cette ligne touche le sol à une distance plus grande de la pince, ou si la verticale EF (fig. 1), abaissée de la pointe du coude, rencontre les talons, le cheval est dit sous lui du devant (fig. 1, 3).

Cette direction surcharge les membres, fatigue les os, les muscles, les tendons, et expose le cheval à raser le tapis, butter et forger ; aussi, est-elle incompatible avec le service de la selle.

Si, au contraire, la ligne CD tombe sur le sabot avant de rencontrer le sol, le cheval est campé du devant (fig. 1, 2). Ce défaut l’expose à la foulure des talons, au tiraillement des tendons, et surcharge l’arrière-main ; de plus, il ralentit l’allure, puisque le membre, en se portant en avant, part d’un point plus rapproché de celui où doit s’opérer son appui. Il est à remarquer, enfin, que, le plus souvent, on observe le défaut qui nous occupe chez les chevaux à talons serrés et chez ceux qui ont été fourbus ou qui présentent une déformation quelconque du sabot.

Une verticale AB (fig. 1), abaissée de l’articulation du coude (tiers postérieur de la partie supérieure et externe de l’avant-bras), doit partager également le genou, le canon et le boulet, et tomber un peu en arrière des talons.

Si le genou fait saillie en avant de cette verticale et si cette déviation est naturelle, congénitale, le cheval est dit brassicourt (fig. 2, 1) ; on le dit arqué, lorsqu’elle résulte de l’usure (fig. 2, 1).

Si, au contraire, le genou se trouve trop en arrière, il est qualifié de creux, d’effacé ou de mouton (fig. 2, 2).

Quand la ligne tombe trop loin des talons, le sujet est long et généralement bas-jointé (fig. 3). « Cette sorte de parenté qui associe étroitement la longue-jointure et la basse-jointure est facile à comprendre, le paturon devenant de moins en moins colonne de soutien et de plus en plus ressort élastique à mesure que sa longueur augmente3. » Cependant, nous avons vu (IIe partie, chap. II, paturon) p. 146que ces deux défectuosités ne sont pas toujours inséparables l’une de l’autre.

Quoi qu’il en soit, les réactions du cheval long et bas-jointé sont plus douces ; mais ses tendons se trouvent sans cesse tiraillés et l’usure de ses extrémités est rapide.

Si, enfin, la verticale tombe trop près des talons, le membre est court et ordinairement droit-jointé (fig. 4). Le cheval a alors les réactions dures et est très prédisposé à se bouleter.

2° Aplombs vus de face (fig. 5, 6, 7, 8). — Une verticale CD ( fig. 5), abaissée de la pointe de F épaule, doit partager le genou, le canon, le boulet et le pied en deux parties égales (fig. 5, 1. 1).

Quand le membre, dans son ensemble, se trouve en dehors de la verticale, on dit le cheval trop ouvert du devant (fig. 5, 2. 2) ; son allure devient alors plus lourde, s’accompagne d’un bercement nécessité par le déplacement horizontal du centre de gravité, et il n’est plus propre qu’au service du gros trait lent.

S’il s’agit de la région du genou seulement, celle-ci est qualifiée de cambrée (fig. 6, 1. 1). Ce défaut d’aplomb nuit à la solidité de l’appui et à la rapidité des allures.

Si c’est la pince qui se trouve tournée en dehors, le sujet est panard du devant (fig. 8) ; ce défaut, qui peut tenir à une simple déviation du pied, accompagne le plus ordinairement une déformation du genou et du coude en dedans de la verticale. Dans tous les cas, le talon interne, surchargé, a de la tendance à chevaucher l’externe et à s’écraser ; de plus, l’animal se coupe souvent avec la branche interne du fer.

Lorsque, au contraire, le membre, dans son ensemble, est situé en dedans de la verticale, l’animal est dit serré du devant (fig. 5, 3. 3). Ce défaut, généralement dû au resserrement du thorax, expose l’animal à se couper, à s’atteindre, et le rend assez souvent impropre à tout service un peu pénible.

Il est bon de noter, toutefois, que l’étroitesse du devant peut résulter d’un trop grand développement du poitrail entraînant le rapprochement de l’extrémité inférieure des membres, de même que sa trop grande ouverture peut provenir d’un défaut de largeur de la poitrine ou des muscles pectoraux, rendant les membres convergents vers leur partie supérieure, l’extrémité opposée étant en réalité bien placée ou un peu divergente.

p. 147Si c’est la région du genou seulement qui se trouve déviée en dedans, on a affaire au genou de bœuf (fig. 6, 2. 2) : mêmes inconvénients que le genou cambré.

Enfin, si c’est celle de la pince, le cheval devient cagneux du devant (fig. 7), et l’appui se fait surtout en quartier externe. Considérée comme moins grave que le défaut opposé (panardise), cette déviation du pied expose le cheval à se couper avec la mamelle interne du fer. Le cheval peut également être cagneux du membre ou du pied seulement.

À propos des déviations de la pince en dehors ou en dedans, nous trouvons dans William Day4 cette opinion assez nouvelle : « Les pieds doivent être droits ; mais, s’ils sont tournés, il est préférable de les prendre tournés en dehors, c’est-à-dire panards, ce qui est un signe de vitesse, que tournés en dedans, ou cagneux, ce qui indique la lenteur. » Sans admettre avec l’auteur précité que la panardise favorise la vitesse, cette assertion nous paraissant être une pure hérésie physiologique, nous devons cependant avouer qu’il n’est pas rare de rencontrer des chevaux panards possédant des allures très vites. Tels la plupart des chevaux arabes.

b. — Aplombs des membres postérieurs

1° Aplombs vus de profil (fig. 9). — Une verticale GH, abaissée de l’articulation coxo-fémorale, doit passer par le milieu de la jambe, couper en bas le milieu du sabot, et se trouver équidistante des verticales JK et LM, partant de la rotule et de la pointe de la fesse, la dernière tangente à la pointe du jarret et au boulet.

Si le membre, dans son ensemble, est placé en avant de cette ligne, le cheval est dit sous lui du derrière (3). Cette déviation, ordinairement liée à des jarrets coudés, est une cause de surcharge pour les membres postérieurs ; de plus, elle raccourcit les allures et expose les chevaux à forger.

Si, au contraire, il se porte en arrière, on qualifie l’animal de campé du derrière (2). Ce dernier défaut surcharge l’avant-train et coïncide le plus souvent avec des jarrets droits.

p. 148Enfin, le cheval peut aussi être long et bas-jointé, ou court et droit-jointé du derrière, lorsque le milieu du pied H (fig. 9) se rapproche de la verticale JK ou de la verticale LM.

2° Aplombs vus de derrière (fig. 10 et 11). — Une verticale LM (fig. 10), abaissée de la pointe de la fesse, doit diviser également la partie inférieure du membre, à compter de la pointe au jarret (fig. 10, 1, 1).

Si le membre, dans son ensemble, se porte en dehors de cette ligne, le cheval est dit trop ouvert du derrière (fig. 10, 2. 2) ; dans ce cas, le pied est souvent cagneux.

S’il s’agit de la région du jarret seulement, celle-ci est qualifiée de cambrée (fig. 11, 1.1), et le cheval est presque toujours cagneux, soit du pied seulement, soit en même temps de tout le membre.

Quand, au contraire, le membre, dans son ensemble, est situé en dedans de la verticale, l’animal est dit serré du derrière (fig. 10, 3. 3). Ce défaut s’observe habituellement sur les sujets étroits de poitrine, de reins et de croupe, sans allures, sans vigueur et sans énergie.

S’il s’agit du jarret seulement, celui-ci est qualifié de clos ou crochu (fig. 11, 2. 2). Cette conformation, très désagréable à l’œil, coïncide ordinairement avec des pieds panards et ralentit aussi les allures. Comme le fait remarquer M. Vallon5, elle est cependant fréquente chez beaucoup de sujets des pays montagneux, remarquables, d’ailleurs, par leur aptitude à supporter les fatigues et les privations. Nous l’avons nous-même notée chez les chevaux tunisiens, dont l’énergie et la force de résistance sont au-dessus de tout éloge6.

B. — Coucher ou décubitus.

Le décubitus ou coucher est l’attitude que prend l’animal qui se repose et dont le corps se met directement en contact avec le sol, soit par le poitrail et le ventre, la tête plus ou moins relevée (décubitus sternocostaï), soit par l’un des côtés du tronc, la tête et les membres étendus ou fléchis (décubitus latéral).

Il est bon, dit M. Vallon, que le cheval se couche quand il est p. 149fatigué ; mais il faut se méfier de celui qui prend trop souvent cette attitude : il est mou et peu énergique.

II. — Mouvements sur place

Les mouvements sur place comprennent la ruade et le cabrer, que M. Cuyer a décrits dans un des chapitres suivants, p. 181 ; nous nous dispenserons, pour cette raison, d’en parler ici.

III. — Allures

Les allures, ou modes divers de la progression chez les différents animaux quadrupèdes, ont été divisées en naturelles, irrégulières et artificielles.

Pour l’étude des allures naturelles (amble, pas, trot, galop, saut, reculer), comme pour celle des mouvements sur place, nous renvoyons le lecteur au texte de M. Cuyer (Chap. V, VI, VII et VIII)7.

Nous nous contenterons de dire un mot des allures irrégulières et des défectuosités des allures (chap. IX).

Quant aux allures artificielles (passage, piaffer, ballotade, courbette, etc.), nous les laisserons de côté, comme étant du ressort exclusif de l’équitation.

1

À partir du jarret, la partie postérieure du membre devrait être tangente à la ligne pointillée.

2

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 513.

3

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 355.

4

William Day, Le cheval de course à l’entraînement, traduit de l’anglais par le vicomte de Hédouville. Paris, 1881, p. 111.  

5

Vallon, loc. cit., p. 475  .

6

E. Alix, Notice sur les principaux animaux domestiques du sud et du littoral de la Tunisie. Paris, 1883, p. 9  .

7

Ces chapitres ont paru en un fascicule intitulé : Les allures du cheval, démontrées à l’aide d’une planche coloriée découpée et articulée. Texte et dessins par M. E. Cuyer, avec une introduction par M. Mathias Duval, Paris, 1883.