p. 164

Chapitre VII
Les allures du cheval

  • Oscillations des membres du cheval. —
  • Bipèdes latéraux et diagonaux. —
  • Explication et maniement de notre planche.

Oscillations des membres du cheval.

Avant d’entrer dans le détail des allures, il est nécessaire de voir comment les membres du cheval oscillent pendant la durée d’un pas complet, c’est-à-dire quelle est la série de mouvements qui s’exécute entre deux positions semblables d’un même pied.

Examinons un membre pendant la progression en avant. Il passe par quatre positions : lever, soutien, poser, appui ; dans le lever, le pied quitte le terrain ; dans le soutien, il est en l’air et se porte en avant ; au poser, il se repose sur le sol ; et enfin à l’appui, il supporte sa part du poids du corps.

Étudions ces différentes phases dans un membre antérieur.

Lorsque ce membre se lève il est d’abord dirigé obliquement de haut en bas et d’avant en arrière (C, fig. 94), le sabot vient de se détacher du sol, c’est le lever. Il se porte alors en avant, en se fléchissant, et comme ce membre est soutenu par l’action de ses fléchisseurs, il est au temps nommé soutien ; le sabot est vertical (B, fig. 94). Puis il se porte encore plus en avant, en s’étendant, le talon s’abaisse, le pied va obliquement à la rencontre du sol, c’est le poser (A, fig. 94).

À ce moment commence l’appui, le pied vient de se poser sur le sol : le membre est d’abord oblique de haut en bas et d’arrière en avant, commencement de l’appui (A, fig. 95) ; puis il est vertical, car le corps progressant en avant, le membre décrit un arc de cercle autour de son p. 165extrémité digitale D, fixée au sol, milieu de l’appui (B, fig. 95) ; et enfin, il devient oblique de haut en bas et d’avant en arrière, il est arrivé à la fin de l’appui (C, fig. 95), il va se lever de nouveau pour effectuer un autre pas.

Fig. 94 . — Oscillation d’un membre levé1.

Ainsi l’extrémité inférieure du membre, du lever au poser, décrit un arc de cercle autour de son extrémité supérieure (fig. 94), tandis qu’à l’appui, c’est son extrémité supérieure qui en décrit un autour de son extrémité inférieure fixée au sol (fig. 95).

Fig. 95. — Oscillation d’un membre à l’appui. (Colin.)

p. 166Si maintenant nous considérons les deux membres antérieurs, nous remarquerons que lorsque l’un commence son appui, l’autre le termine, et réciproquement ; c’est ce que nous avons observé chez l’homme.

Pour les membres postérieurs, les oscillations sont les mêmes que pour les antérieurs ; ce sont eux qui donnent l’impulsion à la masse ; ils la donnent à tour de rôle et dans la seconde moitié de l’appui, en passant de la direction verticale (B, fig. 96) à l’extrême obliquité en arrière (C, fig. 96). Les membres antérieurs et postérieurs font le même nombre de pas, et ces pas ont la même étendue.

Fig. 96. — Membre postérieur donnant l’impulsion. (Colin.)

Les pieds, en appuyant sur un sol capable d’en garder les empreintes, y laissent ce qu’on nomme les foulées ; ils produisent, en frappant ce sol, des bruits que l’on désigne sous le nom de battues.

Pour reproduire les allures du cheval, on peut, selon une comparaison attribuée à Dugès, considérer ce quadrupède comme formé de deux hommes marchant l’un derrière l’autre. Ces deux hommes doivent faire le même nombre de pas, et s’ils meuvent leurs jambes du même côté, en même temps, en emboitant le pas, ou s’ils marchent à contretemps, ils pourront reproduire tous les rythmes des mouvements qui caractérisent les différentes allures du cheval.

Car ces différentes allures sont produites par une anticipation des membres postérieurs (représentés par le marcheur d’arrière) sur les p. 167antérieurs (représentés par le marcheur d’avant). Si les deux marcheurs marchent au pas, c’est-à-dire les jambes du même côté agissant simultanément, on obtient l’amble. Si, au contraire, pendant que le marcheur d’avant porte sa jambe droite en avant, le marcheur d’arrière avance sa jambe gauche, ils simulent le trot. Ce dernier est, en effet, en avance d’un demi-pas.

Du reste, les notations des allures du cheval ressemblent à deux notations de la marche de l’homme qui seraient superposées.

Bipèdes latéraux et diagonaux.

Les membres du cheval sont divisés en bipède antérieur (les deux membres antérieurs) et bipède postérieur (les deux membres postérieurs).

On donne le nom de bipède latéral aux deux membres du même côté (les deux membres droits ou les deux membres gauches).

Un membre antérieur associé à un membre postérieur du côté opposé forme un bipède diagonal (le membre antérieur droit avec le postérieur gauche ou inversement).

Le bipède, soit latéral, soit diagonal, prend le nom du membre antérieur qui en fait partie.

Ainsi le bipède latéral droit, ce sont les deux membres droits. Le bipède diagonal droit, c’est le membre antérieur droit avec le membre postérieur gauche.

Nous retrouverons ces termes dans la description de chaque allure ; ainsi nous verrons des appuis latéraux se succéder dans l’amble, des appuis diagonaux, au contraire, caractériser le trot.

Explication et maniement de la planche VI.

Nous devons, maintenant, avant d’utiliser la planche VI pour la description de ces allures, donner quelques explications sur son maniement. Les oscillations des membres, dont nous parlons plus haut, pourront être reproduites par un cheval découpé et articulé ; ce cheval est fixé sur un carton, par son centre autour duquel il peut tourner ; p. 168chacun de ses pieds est peint d’une couleur différente, rouge et jaune pour les pieds droits, bleu et vert pour les pieds gauches. D’autre part, des feuilles de carton correspondant à chaque allure sont destinées à être glissées entre les deux surfaces, planche de fond et cheval articulé ; elles doivent être placées de telle sorte que leurs angles supérieurs coïncident avec des lignes de repère portant le nom de l’allure que chaque planche représente. Sur ces cartons sont des traces coloriées de la teinte des sabots et numérotées ; on place alors les sabots sur les couleurs correspondantes et sur les mêmes numéros : par exemple, rouge 1, jaune 1, vert 1, bleu 1, puis, passant aux numéros suivants, on obtient les périodes successives d’une allure. Pour certaines allures, des traces portant des numéros qui correspondent à ceux des sabots, donnent la position de la tête, de l’encolure, du corps et de la queue, parties du corps qui sont aussi articulées.

Nous donnerons plus loin des explications plus détaillées en parlant de chaque planche en particulier. Nous n’avons reproduit que quelques temps de chaque allure ; nous aurions pu en indiquer beaucoup plus, si nous n’avions eu la crainte de trop compliquer les figures ; il est facile du reste de prendre des points intermédiaires.

Cette planche a été le sujet d’une note communiquée à l’Académie des Sciences par M. le professeur Marey2, le 26 juin 1882 ; d’autre part elle a été l’objet d’une présentation que nous avons eu l’honneur d’être admis à faire à l’Académie des Beaux-Arts, dans la séance du 4 novembre 1882.

1

Colin, Traité de physiologie comparée des animaux, 2e édition. Paris, 1871.  

2

Marey, Comptes rendus de l’Académie des Sciences, séance du 28 juin 1882.