Colonel Duhousset, Le Cheval, Paris, 1881. Desfossés et Cie.
L. Goyau, Traité pratique de maréchalerie. Paris, 1882.
p. 169

Chapitre VIII
Les allures du cheval
(Pl. VI).

  • Amble. —
  • Pas. —
  • Trot. —
  • Galop. —
  • Réactions du garrot et de la croupe. —
  • Saut. —
  • Reculer. —
  • Cabrer. —
  • Ruade.

L’amble.

Dans cette allure, les membres du même côté exécutent les mêmes mouvements en même temps : le cheval passe de l’appui latéral droit à l’appui latéral gauche.

Supposons que deux hommes marchent en se suivant pour représenter les allures du cheval ; s’ils marchent au pas en faisant mouvoir en même temps les jambes du même côté, ils simuleront l’amble.

Pendant que les membres du côté droit de l’animal exécutent leur appui, les membres gauches sont au lever. Le poids du corps n’est donc plus en équilibre, et alors les membres levés reviennent vivement à l’appui pour le rétablir.

C’est donc pour cette raison une allure plus vive que le pas, et, si nous l’étudions avant ce dernier, c’est qu’elle est très simple et nous servira de point de départ pour étudier, dans les autres allures, le manque de concordance des mouvements des bipèdes latéraux.

L’amble se compose donc de deux temps égaux pendant lesquels un bipède latéral est en l’air, tandis que l’autre est à l’appui ; puis celui-ci se lève à son tour pendant que le premier revient à l’appui.

Les mouvements de chaque bipède ayant lieu simultanément, l’oreille perçoit deux bruits, c’est-à-dire deux battues pendant la durée d’un pas de cette allure.

p. 170Prenons maintenant le cheval articulé que représente la planche VI, et, glissant entre lui et le carton sur lequel il est fixé, la feuille correspondant à l’amble, arrêtons-en les angles supérieurs sur les repères désignés par le mot AMBLE.

Plaçons alors le sabot rouge sur la marque de même couleur portant le n° 1, et faisons de même pour les autres pieds : nous voyons le corps supporté par le bipède latéral droit, tandis que le bipède latéral gauche est levé ; nous sommes donc au milieu de l’appui pour un bipède et au milieu du lever, c’est-à-dire au soutien, pour l’autre. Les membres antérieurs exécutent les mêmes oscillations que les membres postérieurs, et en même temps.

Plaçant ensuite de la même manière les sabots sur les nos 2, nous voyons que, le corps ayant progressé en avant, les membres droits à l’appui sont devenus obliques en bas et en arrière, et que les membres gauches vont bientôt se poser sur le sol, leurs talons s’abaissent et ils vont commencer leur appui au n° 3. Sur ces nouvelles traces, le corps est supporté par le bipède latéral gauche, qui, à cet instant, est au commencement de son appui (les membres obliques en bas et en avant), tandis que le bipède latéral droit vient de se lever et va passer au soutien ; les sabots de ce bipède sont alors verticaux.

Les mouvements que nous venons d’étudier se répéteront maintenant, mais inversement, c’est-à-dire que le bipède droit va être remplacé par le gauche ; les premières traces peuvent donc donner les empreintes des pieds opposés ; dans celles qui étaient affectées tout à l’heure à un bipède, nous placerons l’autre, c’est pour cela qu’au dessous de la trace rouge n° 1 par exemple, qui contenait précédemment le pied antérieur droit, nous avons ajouté un petit cercle bleu portant le n° 4, indiquant que pour le quatrième temps de cette allure, c’est le pied antérieur gauche (bleu) qui doit être placé sur cette trace.

Pour les autres pieds, nous avons fait de même. Dans la trace bleue n° 1, au-dessous de laquelle se trouve un cercle rouge portant un n° 4, se placera le pied antérieur droit au quatrième temps de cette allure.

Mettant alors les pieds sur les nos 4, nous obtenons l’appui sur le bipède latéral gauche, le bipède opposé étant au lever.

Sur les nos 5, le bipède latéral droit va se poser, et le latéral gauche est à la fin de l’appui, et, enfin sur les nos 6, les membres droits s’étant posés à terre, les membres gauches se lèvent pour repasser par les p. 171mêmes phases, si on les replace sur les nos 1. On voit donc qu’il y a bien concordance entre les membres d’un bipède latéral, et jeu alternatif de chacun de ces bipèdes.

Si cependant un pied postérieur venait effectuer sa battue, un peu avant le membre antérieur du même côté, ce serait alors l’amble rompu, dans lequel les battues, au lieu d’être synchrones comme dans l’amble régulier, sont désunies par l’anticipation très légère de celles des membres postérieurs.

Cet amble rompu est intermédiaire entre l’amble et le pas qui, nous le verrons bientôt, est produit par l’anticipation d’un quart de pas des membres postérieurs sur les antérieurs.

Cet amble rompu a lieu lorsque l’allure est lente, et s’observe souvent chez les animaux jeunes ou chez les sujets affaiblis ou fatigués.

On remarque chez la girafe cette modification de l’amble ; chez elle « le pied postérieur entame l’allure, et, à chaque temps, il continue à se lever avant l’antérieur du même côté ; aussi y a-t-il quatre temps distincts, dont deux très courts et deux autres beaucoup plus longs.

« Enfin dès que l’amble a acquis une certaine vitesse, il ressemble tout à fait à celui des solipèdes. Chez le dromadaire, les mêmes caractères se présentent, l’amble se substitue au pas dès que la progression devient un peu rapide. » (Colin.)

L’amble est une allure assez douce, dont les réactions sont moins pénibles que celles du trot.

Le pas.

Nous avons vu précédemment que pour représenter l’amble, les marcheurs d’avant et d’arrière exécutaient des pas qui s’emboitaient, les mouvements des jambes du même côté étaient simultanés. Supposons maintenant que le marcheur d’arrière anticipe d’un quart de pas sur le marcheur d’avant, et nous obtiendrons l’allure du pas chez le cheval.

Dans l’amble, les battues étaient au nombre de deux, on entendait deux bruits (battue du bipède latéral droit à laquelle succédait celle du bipède latéral opposé) ; dans le pas, nous en entendrons quatre, car les appuis se sont dissociés.

La succession des battues se produit dans l’ordre suivant et d’une façon égale ; si le pied antérieur droit est considéré comme agissant le p. 172premier : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, et enfin postérieur droit.

Le pas est une allure lente que l’on retrouve dans la marche de la plupart des quadrupèdes. Son observation est très difficile et son étude assez compliquée.

Nous allons avoir recours à la planche VI pour en suivre la description :

Plaçons la planche du pas sous le cheval, et arrêtons ses angles supérieurs sur les repères portant le nom de cette allure ; mettons ensuite, comme précédemment, les sabots sur leurs couleurs correspondantes et aux nos 1. Nous sommes ici à la fin d’un pas, si nous convenons de le faire débuter à l’appui du pied antérieur droit, ce qui va avoir lieu au n° 2.

Comme le cheval est placé au n° 1, le pied antérieur droit va se poser, l’antérieur gauche est à la fin, de son appui le postérieur droit est presque au milieu du sien et le postérieur gauche venant de se lever va passer au soutien. L’appui a lieu sur le bipède diagonal gauche.

Fixons maintenant les extrémités sur les nos 2, nous obtenons le commencement de l’appui du membre antérieur droit, qui a lieu au milieu de celui du postérieur droit ; nous voyons donc bien que le membre postérieur a précédé de la moitié d’un appui, ou du quart d’une oscillation complète, l’appui du membre antérieur du même côté.

Si nous ne considérons que les membres antérieurs, nous les verrons, comme dans l’amble, exécuter des oscillations régulières, en ce sens que l’un de ces membres se posant, l’autre se lèvera.

Pour les membres postérieurs, qui sont en avance sur les précédents : le droit étant au milieu de l’appui, l’antérieur droit n’est encore qu’au commencement du sien, le gauche se porte en avant et il sera bientôt à la fin de son soutien, l’antérieur gauche n’est encore qu’à son lever.

L’appui du corps est en ce moment sur le bipède latéral droit.

« Le pas complet est l’écartement des deux pinces de droite » (on nomme pince, la partie antérieure et médiane du sabot), « la foulée du pied postérieur gauche partagera en deux parties égales l’espace limité par les pieds latéraux à l’appui, dont la distance entre les pinces excède souvent, de quelques centimètres, la longueur du corps du cheval. L’empreinte ou foulée des deux pieds d’un même côté, répond p. 173précisément au milieu de l’espace qui sépare les empreintes successives des deux autres. »

« La pince, dans la courbe qu’elle décrit, s’élève rarement au-dessus du boulet du pied opposé fixé à terre1. »

Au n° 3 le pied antérieur droit passe au milieu de son appui, l’antérieur gauche est au soutien, le postérieur droit est à la fin de l’appui et le postérieur gauche va se poser (on peut constater que les membres postérieurs sont toujours en avance sur les antérieurs).

L’appui est encore latéral droit.

Au n° 4, l’animal passe à l’appui diagonal droit ; le membre antérieur droit approche de la fin de son appui qu’il atteindra au n° 5 ; l’antérieur gauche est encore au soutien ; le postérieur droit vient de se lever et le postérieur gauche vient de se poser. L’appui est diagonal droit. L’écartement entre les pieds de ce bipède diagonal est égal à un demi-pas ou à une demi-longueur de l’animal.

En résumé : lorsque l’appui est latéral, les pieds qui le constituent sont au maximum d’écartement (longueur d’un pas complet) ; si c’est un bipède diagonal que l’on observe les pieds qui le forment, ne sont plus qu’à une demi-longueur de pas.

Au n° 5, fin de l’appui du pied antérieur droit ; le poser de l’antérieur gauche va s’effectuer (le talon s’abaisse) ; le postérieur droit avance dans son soutien et le postérieur gauche est presque au milieu de l’appui.

Ici nous retrouvons les phases parcourues précédemment, mais par les pieds opposés ; ceci est indiqué, comme nous l’avons dit pour l’amble, par des cercles coloriés, montrant, par exemple, que dans la trace rouge n° 1, qui a été occupée précédemment par le pied antérieur droit, viendra se placer le pied antérieur gauche (bleu) au 5me temps de l’allure, car le n° 5 est marqué dans un cercle bleu.

Nous arrivons alors à l’appui latéral gauche (n° 6) qui se continue au n° 7, et de là, replaçant les membres sur les nos 8, nous retrouvons l’appui diagonal gauche dont nous avons étudié la fin au n° 1.

Dans cette allure nous avons observé :

Quatre battues se suivant à intervalles égaux ; un pied postérieur ayant accompli la moitié de son appui lorsque le membre antérieur du même côté vient à son tour commencer le sien.

p. 174Dans l’amble ; nous avions vu l’animal supporté par une succession d’appuis des bipèdes latéraux ; dans le pas, nous le voyons d’abord au n° 1, reposant sur l’appui diagonal gauche (c’est-à-dire celui dans lequel le pied d’avant est le gauche) ; ensuite, au n° 2, sur l’appui latéral droit ; au n°4, sur l’appui diagonal droit ; et enfin, au n° 6, sur l’appui latéral gauche.

Les pieds postérieurs viennent recouvrir les empreintes des pieds antérieurs ; cependant ils les dépasseront dans une descente ; ou lorsque l’animal étant tiré par la bride sera forcé d’accélérer sa marche. Au contraire, s’il traîne un fardeau ou monte une côte, les pieds postérieurs n’atteignent pas les pistes antérieures, leurs empreintes sont placées en arrière.

Le trot.

Les deux hommes, représentant les bipèdes antérieur et postérieur du cheval, ont marché en faisant mouvoir simultanément leurs jambes du même côté pour simuler l’amble ; dans le pas, nous avons vu un pied du marcheur d’arrière précédant d’un demi-appui (ou d’un quart d’oscillation) la battue du membre du même côté du bipède antérieur ; pour imiter le trot du cheval, le bipède postérieur devra être en avance d’un demi-pas sur le bipède antérieur ; en un mot, les membres qui se meuvent ensemble agissent par paires diagonales, le marcheur d’arrière avançant sa jambe droite, par exemple, pendant que le marcheur d’avant avancera sa jambe gauche.

Les appuis se succédant sans interruption donnent, lorsqu’ils ont lieu dans l’ordre que nous venons d’indiquer, l’allure du trot bas et raccourci que l’on observe d’ordinaire au départ de l’animal, ou bien au moment où il passe de l’allure du pas à celle du trot. Mais le trot est généralement élevé et allongé, et alors, entre chaque appui diagonal, le cheval est soulevé de terre pendant un instant, il est en suspension.

Ce trot sera représenté par deux hommes qui, au lieu de marcher sans quitter le sol, seront à l’allure de la course, dans laquelle il y a un temps où le corps est soulevé (Voir les notations, fig. 88 et 89, page 153).

Il nous semble intéressant de revenir souvent à cette comparaison p. 175des deux marcheurs, car elle traduit d’une façon saisissante les allures du cheval.

Plaçons à présent les sabots sur les traces nos 1 de la planche du trot ; nous obtenons la fin de l’appui diagonal droit ; le bipède diagonal gauche est au soutien, mais il ne touchera le terrain que lorsque l’autre bipède se sera soulevé.

« Dans le trot ordinaire, l’espace compris entre les pieds qui sont en l’air, diagonalement opposés, est le même que celui de ceux qui arrivent à terre pour y faire ressort. À l’allure ordinaire, la distance entre ces deux pinces ne dépasse pas les 3/4 de la longueur de l’animal » (Duhousset).

Nous représentons au n° 2 le temps de suspension, le bipède diagonal droit vient de se lever, le bipède diagonal gauche va se poser (les talons s’abaissent) ; le corps est suspendu. Nous devons faire remarquer que les oscillations de chaque bipède diagonal s’opérant en même temps, les sabots diagonaux sont toujours parallèles.

Au n° 3, le bipède diagonal gauche qui vient de se poser est arrivé au milieu de son appui, le diagonal droit est au soutien et va aller retrouver le sol, mais il ne l’atteindra qu’après une nouvelle suspension qui aura lieu au n° 4 ; alors aura lieu l’appui diagonal droit au n° 5 ; ce dernier sera le milieu de l’appui dont nous avions obtenu la fin au n° 1.

Pendant cette allure, l’oreille n’entend donc que deux battues, comme dans l’amble, mais avec cette différence que ce sont toujours un pied droit et un pied gauche, et non deux pieds du même côté qui produisent chaque bruit.

Le trot est un mode de progression que l’animal prend lorsqu’on précipite sa marche, et qui devient ainsi intermédiaire entre le pas et le galop.

Le galop.

L’allure la plus rapide du cheval, c’est le galop ; malgré cette grande vitesse, M. le professeur Marey a pu noter les appuis successifs des pieds, et démontrer qu’ils s’effectuent dans l’ordre suivant : un membre postérieur d’abord, ensuite deux membres situés diagonalement, enfin un pied de devant (celui-ci est opposé au membre postérieur qui, le premier, a donné l’impulsion). À ces trois battues succède une suspension du corps qui est projeté en avant.

p. 176Le galop est dit à droite ou à gauche.

Dans le galop à droite, c’est le membre antérieur de ce côté qui est toujours en avant de son voisin de gauche, c’est lui qui se pose le dernier ; il est toujours opposé au pied du bipède postérieur qui entame l’allure.

Pour placer la feuille du galop entre le cheval et la planche de fond, il faut la glisser de façon à faire passer le rivet, qui est fixé au centre, dans l’ouverture verticale ménagée au milieu de cette feuille.

Nous voyons, en étudiant cette planche du galop, que le corps est d’abord appuyé sur le pied postérieur gauche au n° 1 ; les autres membres sont levés et l’antérieur droit, plus en avant que le gauche, se posera à terre le dernier (le galop est à droite).

Nous avons indiqué des repères avec des numéros correspondant à ceux des traces des pieds ; de ces traces, les premières en haut et à droite sont destinées à la partie inférieure de la tête, d’autres, situées un peu en dedans, sont attribuées au cou, celles du centre de la feuille correspondent à l’abdomen, et enfin, les dernières à gauche indiquent l’extrémité inférieure de la queue. Les pieds étant sur les nos 1, toutes ces parties doivent être sur les traces portant ce numéro.

En plaçant les membres sur les nos 2, le cheval repose sur le bipède diagonal gauche ; puis il va retomber au n° 3 sur le membre antérieur droit (celui qui donne son nom au galop que nous reproduisons ici) ce qui constitue le troisième temps. Il semble que ce temps de l’allure est exagéré : en effet, ce n’est peut-être pas celui qu’il faudrait choisir pour représenter un cheval galopant, le premier temps se prête certainement mieux à une œuvre artistique ; cependant cette allure est exacte, et, en nous reportant aux photographies instantanées de Muybridge, nous avons constaté qu’elle existait.

Au n° 4 le corps est suspendu, puis il va retomber au n° 1 sur le pied postérieur gauche, et ce sera ce pied qui soutiendra le choc.

La pression des pieds sur le sol est bien plus énergique dans cette allure que dans les précédentes, car non seulement ils doivent supporter le poids du corps, mais aussi lui donner de fortes impulsions.

Dans la série de mouvements que nous venons d’analyser, l’oreille entendra trois battues. La première battue produite par un pied postérieur, la seconde par un bipède diagonal, et la troisième par un pied d’avant ; puis viendra un silence pendant lequel le corps sera soulevé.

p. 177Le galop que nous avons décrit est celui que l’on nomme galop à trois temps ; le galop à quatre temps n’en diffère qu’en ce que les battues du bipède diagonal sont un peu désunies et donnent des bruits distincts.

Les réactions.

Bien que nous avons déjà parlé des réactions à propos des allures de l’homme, il est utile d’y revenir en traitant du cheval, car cette étude est destinée à expliquer un phénomène, qui, au premier abord, semble discutable.

Les réactions verticales sont traduites par des courbes dont les maxima se trouvent correspondre au moment où le corps est le plus élevé. Deux points du corps du cheval, le garrot et la croupe, sont à observer dans ce cas.

Il semble que le corps, en quittant le sol (temps de suspension), doit être plus élevé que lorsque les membres y appuient ; c’est cependant le contraire qu’on observe. Ces élévations se produisent pendant les appuis, ce sont les réactions verticales ; nous ne les avons pas représentées sur nos planches afin d’en simplifier le maniement, nous réservant d’indiquer en quoi elles consistent, et à quels instants elles se produisent.

C’est au moment où les pieds ne touchent pas le sol, que le corps est le plus près de terre. Le temps de suspension n’étant pas produit (nous l’avons dit pour l’homme, mais nous voulons y insister) par la projection du corps en l’air, mais bien par la flexion des membres.

De deux cavaliers, dont l’un restera stationnaire, tandis que le second le dépassera au trot ou au galop, ce dernier paraîtra le plus petit.

Les réactions du garrot et de la croupe ne sont pas égales ; ainsi, dans le cas, ce sont celles de l’avant-main qui sont un peu fortes, dans le trot elles sont également plus élevées que celles de la croupe.

Les réactions ont été notées par M. le professeur Marey, au moyen d’appareils explorateurs placés sur les régions du garrot et de la croupe ; on peut se rendre un compte exact de la force de ces réactions, car elles sont traduites par une ligne, dont les sinuosités sont plus ou moins accentuées, selon que la réaction est plus ou moins violente.

p. 178RÉSUMÉ. — Il nous semble utile de résumer maintenant, d’une façon aussi simple que possible, les différences des allures que nous venons d’étudier :

Amble. — Mouvements alternatifs des bipèdes latéraux ; deux battues.

Pas. — Anticipation du bipède postérieur sur le bipède antérieur, d’un demi-appui pour les pieds posés et d’un demi-trajet dans l’espace pour les membres levés ; ordre des battues : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, postérieur droit ; deux appuis diagonaux et deux appuis latéraux ; quatre battues.

Trot. — Membres associés par paires diagonales ; deux battues séparées par une suspension.

Galop. — Appuis d’un membre postérieur, d’un bipède diagonal, puis d’un pied antérieur ; trois battues suivies d’une suspension.

Le saut.

Le saut est l’acte par lequel le corps, détaché du sol, est lancé en haut et en avant à une distance plus ou moins grande.

Il est préparé par la flexion des membres postérieurs qui, en s’étendant brusquement, lancent le corps, et lui permettent alors de franchir un obstacle.

Cette disposition préparatoire est très remarquable dans le saut du lion, du chat, de la panthère, qui exécutent des bonds d’une grande étendue ; chez le cheval, pour lequel le saut n’est pas un mode habituel de progression, cette flexion des membres postérieurs est moins marquée, chez cet animal le saut est associé généralement au galop, cependant il est quelquefois exécuté de pied ferme.

En examinant le lièvre ou le lapin, chez lesquels le saut est habituel, on voit les membres postérieurs très fléchis reposer sur le sol jusqu’au jarret, se redresser par l’action de leurs extenseurs, devenir verticaux, puis obliques en arrière au moment où le corps est lancé dans l’espace par une détente brusque de ces membres postérieurs.

L’action des extenseurs est énergique et instantanée, et leur énergie est plus grande que dans la progression ordinaire, car ils doivent soulever le corps et le lancer fortement à une distance plus ou moins grande. C’est l’extrême rapidité de cette détente qui permet à l’animal p. 179de franchir un obstacle, car, sans cette condition, le corps serait élevé, mais il ne se détacherait pas du sol.

Plaçons sous notre cheval la planche du saut, et suivons les diverses positions du corps et des membres dans cette action. Il est facile de concevoir que ce cheval ne pouvant progresser en avant, comme dans la réalité, nous ayons dû déplacer l’obstacle dans le sens opposé.

Cet obstacle est représenté par des traits noirs verticaux dont les numéros correspondent à ceux des traces sur lesquelles on placera les sabots, la tête, le cou, l’abdomen et la queue.

Au n° 1, l’animal se prépare à sauter comme s’il se cabrait, les membres postérieurs fléchis et portés sous le corps ; la tête est rejetée en arrière afin d’alléger l’avant-main qui s’enlève au-dessus de l’obstacle. Puis une détente brusque, produite par la contraction violente des extenseurs des membres postérieurs, a lieu au n° 2 ; le cheval, projeté en avant par cette détente, se trouve placé au-dessus de l’obstacle n° 2 qu’il va franchir ; les membres postérieurs, dans la réalité, n’ont pas changé de place, mais ils ont projeté le corps en avant par leur extension ; nous avons été forcé (notre cheval étant fixé à son centre) de reporter l’obstacle plus à gauche que précédemment ; on peut toutefois s’assurer que la distance qui en sépare les sabots à cet instant égale celle qui les en séparait au n° 1 par rapport à l’obstacle portant le même numéro.

Au n° 3, le corps est enlevé par la détente qui vient d’avoir lieu, l’animal passe au dessus de l’obstacle, le franchit, et les membres antérieurs se portent en avant au n° 4 pour retomber sur le sol ; les membres postérieurs restent fléchis, afin de dépasser cet obstacle.

Au n° 5, le corps repose sur les membres antérieurs qui viennent de retomber sur le sol ; l’obstacle est dépassé.

Les membres postérieurs se préparent à rejoindre les membres antérieurs, et leurs foulées se feront en avant de celles de ces derniers ; nous obtenons cette dernière phase du saut au n° 6, où le cheval, se redressant du devant, se prépare à continuer le galop, allure à laquelle il progressait avant de rencontrer l’obstacle qu’il a dû franchir.

p. 180

Le reculer.

Il faut distinguer dans cette progression rétrograde deux circonstances dans lesquelles elle peut avoir lieu : ou elle a lieu rapidement, et alors elle s’opère par des mouvements alternatifs des bipèdes diagonaux ; ou bien elle a lieu lentement, lorsque, par exemple, l’animal repousse un fardeau, et alors les pieds se succèdent comme dans le pas, et dans l’ordre suivant : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, postérieur droit ; mais avec ceci de particulier, qu’un seul membre est levé dans ce cas, et qu’il revient à l’appui avant le lever de celui qui va quitter le sol. Il y a donc toujours trois membres à l’appui.

Dans les progressions en avant que nous avons étudiées jusqu’ici, nous avons vu qu’un membre à l’appui était d’abord oblique en bas et en avant, puis vertical, et enfin oblique en bas et en arrière ; on comprendra facilement que, dans le reculer, qui est une progression inverse, l’appui d’un membre aura des directions opposées ; il sera d’abord oblique en bas et en arrière, puis, passant par la verticale, arrivera à une obliquité en bas et en avant.

Le reculer que nous représentons est lent, nous supposons que l’animal repousse un fardeau ; comme nous l’avons dit plus haut, il y aura toujours trois membres à l’appui pour un membre levé. Mais si l’allure devient plus rapide, ce sont alors les deux pieds de chaque bipède diagonal qui agissent ; l’appui n’a plus lieu que sur deux des extrémités.

Au n° 1, c’est le membre antérieur droit qui est levé, les trois autres membres sont à appui ; ce membre antérieur droit va se poser au n° 2, et à ce moment le pied postérieur gauche se lève, les membres antérieur gauche et postérieur droit sont plus obliques en avant, le corps se portant en arrière. Au n° 3, c’est le pied antérieur gauche qui se lève, puis se repose au n° 4, à ce moment c’est le postérieur droit qui se détache du sol.

Nous rappelons que les petits cercles coloriés, portant un numéro, indiquent la couleur du pied qui doit venir se placer dans la trace occupée précédemment par le pied opposé ; au n° 1 rouge est adjoint un cercle p. 181bleu n° 3 ; sur cette trace se placera au n° 1 le pied antérieur droit et au n° 3 le pied gauche du même bipède.

Cette allure est très pénible, car elle exige une inversion dans le jeu habituel des membres ; l’impulsion est, en effet, donnée par les membres antérieurs, qui sont mal disposés pour remplir cette fonction, les segments qui les composent n’étant pas angulairement articulés comme ceux des membres postérieurs ; de plus, leur union avec le tronc se faisant surtout par des parties molles, et l’omoplate étant mobile sur les côtes, ces membres n’ont pas un point d’appui fixe, comme les membres abdominaux qui s’appuient sur le bassin.

La croupe, dans cette progression rétrograde, se berce latéralement, et l’allure n’a presque jamais lieu en ligne droite.

Les pistes des membres antérieurs ne recouvrent jamais celles des membres postérieurs, même lorsque le reculer est rapide.

L’espace franchi par chaque extrémité est moins étendu que dans le pas ordinaire.

Le cabrer.

Le cabrer a lieu lorsque l’animal s’enlève du devant et se maintient debout sur ses membres postérieurs.

Nous représentons, dans notre planche, l’instant où le cheval est cabré. Pour préparer ce mouvement, il a d’abord porté en arrière l’encolure et la tête afin de débarrasser son avant-main de leur poids ; puis, s’enlevant sur ses membres antérieurs, il a, par une brusque détente de ces extrémités, soulevé la partie antérieure du tronc ; ce mouvement de projection est continué par la contraction des muscles du rachis et de la croupe, de telle sorte que le train de devant déjà soulevé par ses propres forces soit attiré par le train de derrière pour ramener le centre de gravité près de l’appui postérieur ; s’il le dépassait, le corps ferait une chute certaine en arrière, et s’il ne s’en rapprochait pas suffisamment, le corps retomberait immédiatement en avant.

Nous considérons ce mouvement du cabrer comme ayant lieu sur place, c’est ce qui arrive généralement ; mais nous ferons remarquer qu’à la suite d’une éducation spéciale, l’animal peut progresser dans cette position, c’est-à-dire marcher sur ses membres postérieurs ; p. 182c’est une action qu’on voit souvent exécutée dans les hippodromes.

Le cabrer est une défense du cheval, cherchant par ce moyen à se défaire de son cavalier, ou à frapper, des pieds de devant, un adversaire dont il veut éviter les attaques.

La ruade.

Au contraire du cabrer, dans la ruade c’est le bipède postérieur qui est levé sur l’antérieur ; l’animal surcharge son avant-main en baissant l’encolure et la tête, et projette fortement en arrière ses membres abdominaux.

La ruade dure fort peu de temps, l’équilibre est instable et il suffit pour l’empêcher de maintenir haute la tête de l’animal ; la ruade est une défense terrible du cheval, aussi en l’abordant est-il bon de prendre quelques précautions, surtout lorsqu’on ne connaît pas l’animal.

Sur les précautions à prendre en abordant un cheval pour la première fois, nous empruntons quelques conseils à l’excellent Traité pratique de maréchalerie de M. L. Goyau2, nous trouverons aussi dans ces quelques lignes l’aspect que présente un cheval prêt à se défendre :

« Le cheval a de terribles moyens de défense et d’attaque.

« Il mord, et sa morsure est grave.

« II frappe dangereusement des pieds de devant.

« Il rue, et ses coups de pieds broient les chairs et brisent les os.

« Le cheval entier est assez enclin à mordre et à frapper du devant ; la jument est parfois disposée à ruer.

« De là ce dicton : Méfiez-vous du devant du cheval entier et du derrière de la jument.

« Le cheval animé de mauvaises intentions prévient l’homme.

« S’il se dispose à mordre, à frapper du devant, à ruer, ses oreilles se couchent, ses yeux prennent une expression menaçante et sournoise, ses joues se rident ; ses lèvres se plissent, sa tête s’allonge vers l’homme.

« S’il piétine sur place, tourne une oreille et le train de derrière p. 183du côté de l’homme, c’est un coup de pied qui se prépare.

« Le cheval et surtout la jument qui fouaillent de la queue ruent souvent.

« Pour éviter les défenses et les accidents, en abordant le cheval, il faut :

« Regarder la tête du cheval, étudier sa physionomie ;

« Se tenir en garde, si ses intentions semblent suspectes ;

« L’aborder toujours du côté montoir » (côté gauche de l’animal) excepté dans les cas d’absolue nécessité.

« Marcher droit à l’épaule, sans précipitation, ni gestes, les bras tombant naturellement ;

« Avertir le cheval de la voix.

« Avant d’entrer dans une stalle ou au moment d’en sortir, faire ranger les hanches du cheval, à la voix et en levant la main.

« Il ne faut pas :

« L’aborder du côté hors-montoir (côté droit de l’animal) ;

« L’approcher en étendant les bras ;

« Le toucher sans l’avertir. »

Les artistes, qui auront l’occasion d’aller dans des écuries faire des études de chevaux, agiront prudemment en tenant compte de ces conseils ; ils leur sont donnés par un auteur connaissant parfaitement ces animaux, et habitué à les approcher.