Chapitre XIX
Loi sur les vices rédhibitoires dans les ventes et échanges d'animaux domestiques
(Promulguée le 2 août 1884)
Bien que le Code civil, dans les art. 1641, 16421 et suivants, définisse et réglemente, d’une manière générale, les principes de la garantie des défauts de la chose vendue, il était nécessaire qu’une loi spéciale p. 263intervînt, en ce qui concerne le commerce des chevaux, tant pour « substituer l’uniformité de la loi à la diversité des coutumes2 », que pour « établir une nomenclature à la place des généralités de l’art. 1641, offrir des règles aux juges, lever l’incertitude dans les marchés, et y faire cesser la fraude » 3 .
C’est dans ce but que fut rédigée la loi du 20 mai 1838, qui vient d’être tout récemment modifiée et abrogée par celle du 2 août 1884, dont nous allons reproduire ici les articles relatifs à l’espèce chevaline : ART. 1er. — L’action en garantie, dans les ventes ou échanges d’animaux domestiques, sera régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions suivantes, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus s’il y a dol. ART. 2. — Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 et suivants du Code civil, sans distinction de localités où les ventes et échanges auront lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir : ART. 3. — L’action en réduction de prix, autorisée par l’article 1644 du Code civil, ne pourra être exercée dans les ventes et échanges d’animaux énoncés à l’article précédent, lorsque le vendeur offrira de reprendre l’animal vendu, en restituant le prix et en remboursant à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente. ART. 4. — Aucune action en garantie, même en réduction de prix, ne sera admise pour les ventes ou pour les échanges d’animaux domestiques, si le prix, en cas de vente, ou la valeur, en cas d’échange, ne dépasse pas 100 francs. ART. 5. —Le délai pour intenter l’action rédhibitoire sera de neuf jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison, excepté pour la fluxion périodique, pour laquelle ce délai sera de trente jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison. ART. 6. — Si la livraison de l’animal a été effectuée hors du lieu du domicile du vendeur ou si, après la livraison et dans le délai ci-dessus, l’animal a été conduit hors du lieu du domicile du vendeur, le délai pour intenter l’action p. 264sera augmenté à raison de la distance, suivant les règles de la procédure civile. ART. 7. — Quel que soit le délai pour intenter l’action, l’acheteur, à peine d’être non recevable, devra provoquer, dans les délais de l’article 5, la nomination d’experts chargés de dresser procès-verbal ; la requête sera présentée, verbalement ou par écrit, au juge de paix du lieu où se trouve l’animal ; ce juge constatera dans son ordonnance la date de la requête et nommera immédiatement un ou trois experts, qui devront opérer dans le plus bref délai. Ces experts vérifieront l’état de l’animal, recueilleront tous les renseignements utiles, donneront leur avis, et, à la fin de leur procès-verbal, affirmeront par serment la sincérité de leurs opérations. ART. 8. — Le vendeur sera appelé à l’expertise, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par le juge de paix, à raison de l’urgence et de l’éloignement. La citation à l’expertise devra être donnée au vendeur dans les délais déterminés par les articles 5 et 6 ; elle énoncera qu’il sera procédé même en son absence. Si le vendeur a été appelé à l’expertise, la demande pourra être signifiée dans les trois jours, à compter de la clôture du procès-verbal, dont copie sera signifiée en tête de l’exploit. Si le vendeur n’a pas été appelé à l’expertise, la demande devra être faite dans les délais fixés par les articles 5 et 6. ART. 9. — La demande est portée devant les tribunaux compétents suivant les règles ordinaires du droit. Elle est dispensée de tout préliminaire de conciliation, et, devant les tribunaux civils, elle est instruite et jugée comme matière sommaire. ART. 10. — Si l’animal vient à périr, le vendeur ne sera pas tenu à la garantie, à moins que l’acheteur n’ait intenté une action régulière dans le délai légal, et ne prouve que la perte de l’animal provient de l’une des maladies spécifiées dans l’article 2. ART. 11. — Le vendeur sera dispensé de la garantie résultant de la morve ou du farcin pour le cheval, l’âne et le mulet, et de la clavelée pour l’espèce ovine, s’il prouve que l’animal, depuis la livraison, a été mis en contact avec des animaux atteints de ces maladies. ART. 12. — Sont abrogés tous règlements imposant une garantie exceptionnelle aux vendeurs d’animaux destinés à la boucherie. Sont également abrogées la loi du 20 mai 1838 et toutes les dispositions contraires à la présente loi.
En somme, les dispositions nouvelles qui distinguent la loi du 2 août 1884 de son aînée du 20 mai 1838 peuvent se résumer ainsi : suppression de quelques vices ayant donné lieu à des abus ; rétablissement de la faculté, pour l’acheteur, de se contenter de l’action en réduction de prix ; enfin, fixation d’un maximum d’intérêt en dessous duquel toute action est refusée à l’acquéreur pour vices rédhibitoires.
1 | ART. 1641. — Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. |
2 | Discours du Ministre des travaux publics à la Chambre des députés (mai 1838). |
3 | Discours de M. Lherbette à la Chambre des députés (mai 1838). |