Général E. Daumas, Les chevaux du Sahara et les mœurs du désert, 8e édition. Paris, 1881.
De Solleysel, Le véritable parfait mareschal, 3e édition. Paris, MDCLXXII, p. 8.
Goubaux et Barrier, De l’extérieur du cheval, Paris, 1884.
F. Lecoq, Traité de l’extérieur du cheval. Paris, 1870.
Commission d’hygiène hippique, Cours abrégé d'hippologie, Paris, 1875.
p. 204

CHAPITRE XI
Des robes

On entend par robe, ou extérieur, l’ensemble des poils et des crins qui recouvrent la surface du corps.

Ces poils et ces crins présentent des colorations très variées, au moins chez nos animaux domestiques ; car, chez les animaux sauvages, la livrée est uniforme.

Les couleurs des poils du cheval sont : le noir, le blanc, le rouge, le roussâtre, le gris et le jaune. Le mélange des diverses nuances de ces couleurs forme la multiplicité des robes et rend leur étude assez compliquée.

On a réuni celles-ci en deux groupes principaux : les robes simples et les robes composées ; les premières sont formées de poils d’une seule espèce ; les secondes, au contraire, renferment des poils de plusieurs couleurs. Ces dernières ont été subdivisées en binaires et ternaires, suivant le nombre des nuances qu’elles présentent.

Voici, d’ailleurs, la classification complète des différentes robes du cheval1.

p. 205

I. — Classification des robes

ROBES

A. SIMPLES...

a. Une seule couleur répandue sur tout le corps, y compris les crins et les extrémités...

1° Blanc.

2° Café au lait.

3° Alezan.

4° Noir.

B. COMPOSÉES...

b. Deux couleurs séparées l’une, rouge, jaune, ou grise, sur le corps ; l’autre, noire, localisée aux crins et aux extrémités...

5° Bai.

6° Isabelle.

7° Souris.

c. Deux couleurs mélangées répandues sur tout le corps, extrémités et crins y compris...

8° Gris.

9° Aubère

10° Louvet.

d. Trois couleurs, deux ou trois mélangées....

11° Rouan.

e. Deux robes...

12° Pie.

Ensuite viennent les variétés dans chaque espèce, dont nous dirons un mot en même temps que nous décrirons celle-ci.

A. — Robes simples
Une seule couleur répandue sur tout le corps, y compris les crins et les extrémités

1° Robe noire. — Cette robe, qui n’a pas besoin d’être définie, comprend :

Le noir mal teint, terne, roussâtre au soleil.

Le noir franc, d’une belle couleur uniforme, mais sans reflet.

Le noir jais ou jayet, avec reflet brillant.

2° Robe blanche. — Cette robe se passe également de définition.

Elle présente plusieurs espèces :

Le blanc mat, d’aspect laiteux, sans reflet.

Le blanc sale, qui tire sur le jaunâtre.

Le blanc argenté, avec reflet d’argent pâle.

Le blanc porcelaine, qui a la teinte bleuâtre de la porcelaine de Chine.

Le blanc rosé, qui offre par places des teintes rosées dues à l’absence de pigment cutané.

p. 2063° Robe alezane. — La robe alezane est composée de poils fauves, roussâtres, tirant sur la couleur de la cannelle. Elle comprend :

L’alezan clair, dont la teinte jaunâtre rappelle le pelage des bêtes fauves.

L’alezan ordinaire, qui se rapproche de la couleur de la cannelle.

L’alezan foncé, tirant un peu sur le brun.

L’alezan doré, qui a le reflet de l’or poli.

L’alezan cuivré, qui présente le reflet du cuivre rouge.

L’alezan brûlé, dont la nuance est très exactement celle du café torréfié.

4° Robe café au lait. — Cette robe, dont la nuance ressemble à celle d’un mélange de lait et de café, se rapproche beaucoup de la robe alezane, dans laquelle, d’ailleurs, certains auteurs la comprennent.

Encore appelée soupe de lait, la robe café au lait est claire ou foncée.

B. — Robes composées

a. — Deux couleurs séparées : l'une, rouge, jaune, ou grise, sur le corps ; l'autre, noire, localisée aux crins et aux extrémités

1° Robe baie. — C’est la robe alezane avec des tons plus chauds, les crins et les extrémités noirs. Elle comprend :

Le bai clair, dont la teinte rouge est très claire.

Le bai ordinaire, de couleur nettement rouge.

Le bai cerise, le bai acajou, le bai sanguin, qui se ressemblent beaucoup et dont les qualificatifs indiquent la nuance.

Le bai châtain, d’un brun clair uniforme, comme la châtaigne arrivée à maturité.

Le bai marron, caractérisé par le reflet brillant et foncé du marron.

Le bai foncé, dont la couleur sombre tire sur le brun.

Le bai brun, qui se montre presque noir.

2° Robe isabelle. — Cette robe correspond au café au lait, avec crins et extrémités noirs. Elle est claire, ordinaire ou foncée.

La légende rapporte, à propos de l’étymologie de la couleur isabelle, que l’archiduchesse d’Autriche, fille de Philippe II d’Espagne p. 207et gouvernante des Pays-Bas, fit le vœu, lors du siège d’Ostende, où elle accompagnait son époux, de ne changer de linge qu’après la reddition de la place. La ville ayant résisté pendant trois ans (1601 à 1604), la chemise de la princesse avait acquis, au bout de ce temps, une nuance fauve spéciale à laquelle on donna, depuis, le nom d’isabelle2.

3° Robe souris. — La robe souris a une couleur gris cendré qui rappelle celle de l’animal de ce nom, avec crins et extrémités noirs. Elle peut aussi être claire, ordinaire, ou foncée.

b. — Deux couleurs mélangées répandues sur tout le corps, extrémités et crins y compris

1° Robe grise. — Composée d’un mélange de poils blancs et de poils noirs, cette robe comprend :

Le gris très clair, qui se rapproche beaucoup du blanc. Beaucoup d’auteurs n’admettent même pas la robe blanche, dans laquelle ils ne voient qu’une robe gris très clair.

Le gris clair, où les poils blancs dominent.

Le gris ordinaire, qui présente un mélange à peu près égal de blanc et de noir.

Le gris foncé, dans lequel les poils noirs dominent.

Le gris de fer, dont la nuance bleuâtre rappelle celle du fer fraîchement cassé.

Le gris ardoisé, qui a quelque analogie avec la couleur bleu sombre de l’ardoise.

Le gris sale, dont la teinte est jaunâtre.

2° Robe aubère. — Cette robe, formée d’un mélange d’alezan et de blanc, est claire, foncée, ou ordinaire, suivant que le poil blanc ou le poil alezan prédomine, ou qu’ils sont en proportion égale.

3° Robe louvet. — La robe louvet présente deux couleurs réunies sur le même poil : du noir et du jaune. Cette robe, très rare, peut également être claire, ordinaire, ou foncée.

p. 208
c. — Trois couleurs, deux ou trois mélangées

Robe rouanne. — La robe rouanne se trouve constituée par le blanc, l’alezan et le noir, celui-ci formant généralement, mais non toujours, les crins et les extrémités. Elle renferme :

Le rouan clair, où le blanc domine.

Le rouan vineux, où le rouge est en plus grande quantité.

Le rouan ordinaire, dans lequel les trois poils sont à peu près dans les mêmes proportions.

Le rouan foncé, lorsque le rouge-brun domine.

d. — Robe composée de deux robes

Robe pie. — Cette robe n’est autre chose que l’union, et non le mélange, de la robe blanche avec l’une ou l’autre de celles que nous venons de décrire. Il y a des chevaux pie noir, pie alezan, pie bai, pie aubère, pie rouan, etc.

Pour rendre le signalement plus exact, on est convenu de placer en première ligne le nom de la couleur qui l’emporte en étendue.

C’est ainsi qu’on dit pie bai lorsque le blanc est plus étendu que le bai, et bai pie dans le cas contraire.

II. — Particularités des robes

Les particularités des robes tiennent à des reflets brillants, à la présence de poils différents des autres, soit par la couleur, soit par la direction, enfin, à la décoloration de la peau et de la robe elle-même.

Nous les partagerons, à l’exemple de MM. Goubaux et Barrier, en quatre groupes principaux :

Particularités générales ; 2° particularités spéciales à la tête ; 3° particularités spéciales au corps ; 4° particularités spéciales aux membres.

A. — Particularités générales

1° Reflets brillants. — Ils comprennent : le jais, l’argenté, le doré, le cuivré, le bronzé, et le moiré.

p. 2092° Poils nuancés. — Nous y comprenons les miroitures et les pommelures.

Miroitures. — Les miroitures sont des taches régulières et arrondies, plus claires ou plus foncées que le fond de la robe, mais toujours de même couleur. S’observent sur les chevaux bais ou alezans.

Pommelures. — Taches analogues aux précédentes, ordinairement plus claires, quelquefois plus foncées que le fond de la robe. Particulières à la robe grise.

3° Poils blancs. — Les particularités dues aux poils blancs sont les suivantes :

Zabi. — Absence de poils blancs sur les robes foncées.

Rubican. — Poils blancs disséminés sur les sujets à robes noires, alezanes ou baies.

Neigé. — Les neigeures sont de petites taches blanches qui parsèment quelquefois une robe foncée.

Auberisé. — Quand les parties rouges de l’alezan ou du bai sont envahies par des poils blancs. Ex. : bai châtain auberisé sur la joue droite.

Grisonné. — Poils ou crins blancs sur une partie noire, à la crinière, à la queue, etc.

Taches accidentelles. — Marques blanches qui sont la conséquence de blessures produites par les harnais, les entraves, etc.

4° Poils noirs. — Les particularités formées par les poils noirs sont : le moucheté, l’herminé, le tigré, le tisonné, le charbonné.

Moucheté. — Les mouchetures sont de petites taches noires arrondies sur gris et quelquefois sur aubère.

Herminé. — Les herminures sont des taches noires plus ou moins grandes sur balzanes.

Tigré. — Les tigrures sont des taches noires irrégulières, plus allongées que les mouchetures, dont la disposition rappelle celle qu’on observe chez le tigre.

Tisonné. — La tisonnure est une tache noire irrégulière, paraissant avoir été produite par un coup de charbon éteint.

Charbonné. — La charbonnure est une marque noire plus large et moins nettement circonscrite que la tisonnure.

5° Poils rouges. — Nous signalerons dans ce groupe : le truité, le marqué de feu, le rouanné.

p. 210Truité.— Les truitures sont de petites taches rouges plus ou moins foncées sur le gris.

Marqué de feu. — On désigne ainsi la coloration rouge vif ou jaunâtre que présentent les poils de certaines régions, telles que le pourtour des yeux, les ailes du nez, chez les chevaux bais et alezans.

Rouanné. — Le rouanné est formé par des poils alezans mêlés à la robe grise.

6° Épis. — Il est certaines régions du corps où les poils forment des sortes de tourbillons auxquels on a donné le nom d’épis (Voy. plus loin, Direction générale des poils).

Ceux-ci sont concentriques ou excentriques, suivant que les poils convergent vers le centre du tourbillon ou, au contraire, s’en éloignent et en divergent.

Certains épis sont constants ; d’autres se manifestent seulement sur quelques individus.

Les épis constants sont ceux que l’on voit au front, au poitrail, aux ars, aux parties supérieure et inférieure du flanc.

En France, on n’attache aucune importance à la présence ou à l’absence des épis ; mais les Orientaux, les Arabes surtout, leur accordent une grande influence.

D’après le général Daumas3, les Arabes comptent ordinairement quarante épis chez le cheval, parmi lesquels douze seulement ont, selon eux, une influence bonne ou mauvaise. Six sont considérés comme augmentant les richesses, portant bonheur, et six autres comme causant la ruine, amenant l’adversité. Nous les signalons à titre de curiosité :

Épis de bon augure. — L’épi qui est entre les oreilles (l’épi de la têtière) : le cheval est vite à la course.

L’épi qui règne sur les faces latérales de l’encolure (le doigt du Prophète) : son maître meurt bon musulman, dans son lit.

L’épi qui suit le bord inférieur de l’encolure (l’épi du sultan) : amour, richesses, prospérité.

L’épi du poitrail : remplit la tente de butin.

L’épi du passage des sangles : augmente les troupeaux.

L’épi du flanc (épi des éperons) : s’il se dirige du côté du dos, p. 211préserve le cavalier de tout accident à la guerre ; s’il se dirige du côté du ventre et en bas, il est un signe de richesses pour son maître.

Épis qui portent malheur. — L’épi qui se trouve au-dessus des sourcils : son maître mourra frappé à la tête.

L’épi qui se trouve auprès du garrot et descend vers l’épaule (épi du cercueil) : le cavalier ne peut manquer de mourir sur le dos d’un pareil cheval.

L’épi qu’on rencontre sur les joues (les pleureurs) : dettes, pleurs, ruine.

L’épi du boulet (épi du vol) : matin et soir, le cheval qui le porte dit : « O mon Dieu, fais que je sois volé, ou que mon maître meure ! »

L’épi que l’on trouve à côté de la queue : annonce la misère, la famine.

L’épi qui règne à la face interne des cuisses : femmes, enfants, troupeaux, tout doit disparaître.

7° Décoloration de la robe ou de la peau. — On comprend dans ce groupe le lavé et les taches de ladre.

Lavé. —Décoloration générale ou partielle de la robe.

Ladre. — Décoloration de la peau due à l’absence de pigment et teinte rosée de celle-ci. Le ladre est dit marbré quand il est parsemé de petites taches noires.

B. — Particularités de la tête

Les particularités propres à la tête sont les suivantes :

1° Marques blanches en tête. — Le cheval est marqué en tête quand il présente des taches blanches sur le front ou le chanfrein.

On dit qu’il a quelques poils en tête, s’il n’offre qu’une petite quantité de poils blancs sur le front ;

Qu’il est légèrement en tête, s’il en a un plus grand nombre ;

Qu’il est en tête, si la tache est de dimension moyenne ;

Qu’il est fortement en tête, dans le cas où la marque est étendue ;

Qu’il est en tête prolongé, si elle se prolonge sur le chanfrein ;

Qu’il est en tête interrompu, lorsqu’elle est coupée par une place dépourvue de poils blancs ;

Relativement à la forme, à la situation, à la direction de la marque, on dit encore : p. 212Pelote en tête, quand cette marque est ronde ;

Étoile en tête, lorsqu’elle offre des prolongements analogues aux rayons d’une étoile ;

En tête en croissant, si elle a la forme d’un demi-cercle ;

Irrégulièrement en tête, en tête en cœur, en tête en pointe, en tête en haut, en tête en bas, en tête à droite, en tête à gauche, obliquement en tête, etc.

Enfin, relativement à sa composition, la marque peut être :

Mélangée, lorsque le fond de la robe apparaît à travers les poils blancs ;

Bordée, lorsqu’elle est circonscrite par une bordure mélangée ;

Truitée, mouchetée, herminée, etc.

La marque prend le nom de liste ou lisse, quand elle porte sur le chanfrein.

Le cheval est appelé demi-belle face si la liste s’étend sur l’une des parties latérales, et belle face si elle occupe les deux côtés du chanfrein.

La liste peut être petite, grande, complète, incomplète, interrompue, en pointe, terminée par du ladre, etc.

2° Boire dans son blanc. — Le cheval boit dans son blanc lorsque le bout du nez et les lèvres sont ladres.

3° Nez de renard. — Poils rouges ou jaunes, que les chevaux de robe foncée portent à l’extrémité inférieure de la tête.

4° Moustaches. — (Voy. IIe partie, Lèvres.)

5° Cap de maure. — Le cheval est cap de maure ou de more, lorsqu’il a la tête noire.

6° Œil vairon. — On désigne ainsi l’œil dont l’iris, dépourvu de matière colorante, reflète une couleur gris-jaunâtre.

C. — Particularités du corps

1° Raie-de-mulet. — La raie-de-mulet est une bande foncée, noirâtre, qui s’étend depuis le garrot jusqu’à la naissance de la queue. Elle s’observe chez les chevaux isabelles, bais, alezans, souris, gris, louvets.

2° Bande cruciale. — On appelle ainsi une bande foncée, analogue à la précédente, jetée transversalement sur le garrot et les deux épaules.

p. 2133° Crins mélangés. — Ainsi nommés lorsqu’il entre dans leur composition des crins blancs (robes alezane, baie, isabelle, souris, buvette).

D. — Particularités de membres

1° Balzanes. — Les balzanes sont des marques blanches de la partie inférieure des membres. Le cheval peut en avoir une ou plusieurs.

Lorsqu’il y a une seule balzane, on désigne l’extrémité qui la porte. Ex. : balzane antérieure gauche. S’il y en a deux, elles sont nécessairement antérieures, postérieures, latérales ou diagonales. Ex. : balzanes latérales ou diagonales gauches. Dans le cas de deux balzanes diagonales, le membre antérieur indique leur disposition ; on dit balzanes diagonales droites ou gauches, suivant le membre antérieur qui en est pourvu.

D’après leur étendue, on divise les balzanes en :

Trace de balzane, quand elle n’occupe qu’une faible partie de la couronne ;

Principe de balzane, lorsqu’elle entoure presque complètement la couronne ;

Petite balzane, quand elle monte vers le milieu du paturon (1, fig. 3, pl. XVI) [•]  ;

Balzane, toutes les fois qu’elle recouvre le boulet (2, fig. 3, pl. XVI) [•]  ;

Grande balzane, lorsqu’elle arrive au milieu du canon (3, fig. 5, pl. XVI) [•]  ;

Balzane chaussée, quand elle parvient au genou ou au jarret ;

Balzane haut-chaussée, si elle recouvre la jambe ou l’avant-bras.

Les balzanes peuvent être bordées, mouchetées, herminées, fruitées, mélangées, régulières, irrégulières, en pointe, dentées, etc.

On appelait autrefois travat le cheval qui était pourvu de deux balzanes latérales, et transtravat, celui qui en avait deux diagonales. De Solleysel4 considère ces marques comme très mauvaises.

De même, on nommait arzel, le sujet qui n’avait qu’une balzane postérieure droite, et l’on considérait une telle marque comme un mauvais présage. Il y a même une légende à ce propos : « La monture p. 214d’un certain Séjan, consul romain, favori de Tibère, était précisément arzelle, et comme elle coûta successivement la vie aux cinq maîtres qui l’eurent, on appliqua, par la suite, à ceux qui semblaient menacés d’une fin malheureuse, ce mot d’un fâcheux augure : « Il a le cheval de Séjan5 ! »

Il est évident que le nombre et la situation des balzanes n’influent en rien sur les qualités du cheval. Pourtant, aujourd’hui encore, beaucoup de vrais connaisseurs ne peuvent se défendre d’une certaine préférence capricieuse pour telle ou telle robe, pour telle ou telle marque ; c’est ainsi que le proverbe : « balzane trois, cheval de roi », est souvent pris en sérieuse considération, bien qu’on ne sache pas au juste s’il veut dire que le cheval est réellement bon ou qu’il a plus de brillant que de fond :

« De ces balzans de trois, dit à ce propos de Solleysel, marquez en teste, l’Italien les appelle cheval de roy, je ne sçay pourquoy, car je ne voy pas qu’ils soient meilleurs que les autres ; peut-être qu’il dit cheval de roy, parce que dans les escuries des roys, les chevaux travaillent peu et que le balzan de trois estant de médiocre travail, sera bon pour un roy6

2° Zébrures. — Les zébrures sont des marques noires transversales aux membres : chevaux isabelles, souris, alezans, bai clair.

3° Couleur de la corne. — Elle est blanche, noire ou mélangée. S’indique rarement.

III. — Causes des modifications des robes

1° Influence de l’âge. — En naissant, le poulain est couvert de poils ternes, bourrus, dont il est très souvent impossible de préciser la nuance ; d’ailleurs, ces poils disparaissent vers le milieu de la première année et sont remplacés par d’autres de coloration généralement toute différente. « Ainsi, dit de Curnieu [•] 7, le gris naît toujours très foncé, souvent absolument noir ; le noir, au contraire, est d’abord roussâtre, quelquefois même gris de cendre... »

Les robes d’adultes elles-mêmes changent au fur et à mesure que p. 215les animaux prennent de l’âge. Le bai, par exemple, devient rubican, puis aubère ou rouan. Le gris foncé est envahi de plus en plus par le blanc ; de sorte qu’il faut bientôt le classer gris clair et même blanc. Cette dernière modification survient d’autant plus rapidement que la tête de l’animal est plus claire au début.

2° Influence du sexe. — Ordinairement le cheval entier a les poils plus lisses, d’une nuance plus franche que le cheval hongre et la jument.

3° Influence des saisons, des climats et du hâle. — En hiver et dans les pays froids, les poils des chevaux sont beaucoup plus longs, plus ternes, plus clairs qu’en été et sous les climats chauds. De même, un cheval qui demeure presque constamment exposé au soleil et à l’air libre prend une robe plus claire, plus malpropre que celui qui reste presque toujours à l’écurie, à l’abri des intempéries, protégé contre la poussière, le froid et le hâle, par des couvertures, des camails, etc.

4° Influence de la lumière. — L’intensité de la lumière solaire change tout à fait l’aspect de la robe et lui communique des tons vifs et des reflets éclatants qu’elle n’a pas à l’ombre.

5° Influence de la santé, de l’embonpoint. — Le cheval malade et maigre n’a jamais le poil aussi brillant que le cheval gras et en bonne santé.

6° Influence du pansage et du tondage. — Les chevaux bien pansés ont toujours la robe plus lustrée que ceux malproprement tenus.

Le tondage éclaircit les robes foncées, et fonce très légèrement, au contraire, les robes blanches et gris clair ; c’est ainsi que le noir franc devient mal teint.

IV. — Indices fournis par les robes sur les qualités des chevaux

On a cru pendant longtemps, beaucoup de personnes croient encore à l’influence de la couleur des poils sur les qualités ou les défauts du cheval ; rien, cependant, n’est aussi absurde que cette croyance aux bonnes et aux mauvaises marques ! Mais, qu’y a-t-il de plus difficile à détruire qu’un préjugé ?

p. 216S’il nous fallait donner la liste de toutes les opinions plus ou moins incohérentes et étranges qui ont été émises relativement à la valeur des indices fournis par les robes et les marques particulières pour le choix des chevaux, un chapitre entier ne serait pas suffisant ; aussi ne relèverons-nous, à cet égard, que certains faits particuliers dignes d’intérêt.

En règle générale, nous le répétons, il n’y a pas l’ombre d’une raison en faveur du jugement porté, et depuis longtemps déjà l’expérience a fait consacrer par un proverbe qu’il est de tous poils bons chevaux ; pourtant, « il n’en est pas moins vrai, dit Lecoq8, que le tempérament de l’animal influe sur la couleur de son pelage, dans les espèces domestiques. On s’accorde généralement à regarder les chevaux de poil pâle ou lavé comme moins forts que ceux dont la robe est foncée ou brillante...»

D’un autre côté, la nuance des poils pouvant quelquefois être considérée comme un caractère de race, l’acheteur, dans ce cas, a quelque raison d’exiger une robe déterminée. C’est un élément d’appréciation qui vient s’ajouter utilement aux autres. Mais là, pas plus qu’ailleurs, la couleur des poils ne peut être considérée comme ayant une action propre sur les qualités ou les défauts du cheval. Donc, à part quelques marques que tout le monde regarde avec raison comme d’un aspect désagréable (larges listes en tête, belles faces, balzanes grandes et haut-chaussées), il n’est pas logique de rechercher telle ou telle robe, telle ou telle marque comme indice de la beauté du cheval.

Aussi, croyons-nous inutile de reproduire ici toutes les métaphores des Arabes à ce sujet. Leurs appréciations du cheval, d’ordinaire si justes, ne reposent, dans ce cas particulier, sur aucun fondement sérieux ; ce sont ordinairement de vulgaires superstitions pouvant se résumer ainsi :

« Le blanc, c’est la couleur des princes ; mais il ne supporte pas la chaleur.

« Le noir porte bonheur ; mais il craint les pays rocheux... Il ressemble à la négresse du Soudan, qui ne peut marcher pieds nus sur les cailloux.

p. 217« L’alezan est le plus léger. Si l’on assure avoir vu un cheval voler dans les airs, demandez de quelle couleur il était ; si l’on vous répond : alezan, croyez-le. Le Prophète a dit : « Si, après avoir rassemblé au même endroit tous les chevaux des Arabes, je les faisais courir ensemble, c’est l’alezan qui les devancerait tous. ».

« Le bai, c’est le plus dur et le plus sobre. Si l’on vous dit qu’un cheval a sauté dans le fond d’un précipice sans se faire de mal, demandez de quelle couleur il était ; si l’on vous répond : bai, croyez-le.

« Le pie, fuyez-le comme la peste ; c’est le frère de la vache.

« L’isabelle à queue et crins blancs. Un chef ne voudrait pas monter un pareil cheval ; il y a même des tribus qui ne consentiraient pas à lui laisser passer la nuit chez elles. On l’appelle le jaune du juif.

« Le rouan. On l’appelle une mare de sang. Son maître sera pris et ne prendra jamais.

« Si le cheval a des balzanes, désirez trois balzanes, un pied droit exempt, celui de devant ou de derrière indifféremment. Le Prophète a dit : « Si tu veux aller à la guerre, achète un cheval avec une pelote au front et des balzanes à toutes les jambes, la droite de devant exceptée.

« Un bon signe est le pied droit de devant et le pied gauche de derrière blancs tous deux.

« Deux balzanes postérieures sont un indice de bonheur.

« Il n’en est pas de même de deux balzanes antérieures et surtout de quatre balzanes. N’achetez jamais un cheval belle face avec quatre balzanes ; car il porte son linceul avec lui9. »

Quant aux indications fournies, selon les Arabes, par les épis, nous les avons déjà résumées en parlant des particularités des robes.

« Dans les corps de troupe, dit la Commission d’hygiène hippique, les robes claires où se mêle le blanc sont les moins estimées avec quelque raison. En temps de paix, les chevaux gris ou blancs paraissent toujours moins propres que les autres, et, en temps de guerre, ils servent souvent de point de mire à l’ennemi10. »

À ce dernier point de vue, nous ne partageons pas l’avis de la Commission d’hygiène hippique et nous croyons que le discrédit dont jouissent à la guerre les chevaux de robes grises ou blanches résulte d’une erreur d’appréciation qui s’est perpétuée, enracinée p. 218chez nous, comme tant d’autres, qu’une observation plus rigoureuse et un jugement plus sain ont seuls pu détruire : « On comprendrait difficilement, dit M. Sanson, que sur le fond éclairé d’un champ de bataille, des chevaux de couleur sombre, baie ou noire, fussent moins visibles que ceux de couleur claire, de couleur grise ou blanche notamment. Nul n’ignore qu’à l’horizon les points noirs s’aperçoivent de plus loin que les points blancs. Sur un fond lumineux, c’est l’ombre qui fait tache, non la lumière11. »

V. — Direction générale des poils

Bien que ce paragraphe soit un peu en dehors du domaine de l’extérieur proprement dit, nous avons pensé qu’il pourrait être lu avec quelque intérêt par le lecteur, soit que celui-ci veuille reproduire le cheval sur la toile, soit qu’il se trouve obligé de recourir à une opération intéressant une plus ou moins grande étendue de peau12, soit qu’il désire pratiquer des massages sur un point quelconque de la surface du corps, etc., etc.

L’implantation des poils se fait en général obliquement et suivant des lignes décrivant des courbes plus ou moins régulières (fig. 101, 102 et 103 du texte), qui constituent des courants, tantôt divergents ou excentriques, tantôt convergents ou concentriques.

1° Les courants divergents partent de points centraux ou tourbillons, auxquels on a donné, chez le cheval, le nom d’épis. Les racines des poils sont alors dirigées vers le centre du tourbillon, et les extrémités en sens inverse.

Quelques-uns de ces tourbillons ou épis divergents sont constants ; d’autres n’existent que chez certains individus.

Les premiers se trouvent vers le milieu du front, aux ars et à la partie inférieure du flanc.

2° Les courants convergents sont formés par des poils dirigés en sens inverse, c’est-à-dire que les extrémités de ceux-ci sont tournées vers le tourbillon.

p. 219Il y a également des tourbillons convergents constants et d’autres qui n’existent qu’exceptionnellement.

Les épis convergents constants se rencontrent à droite et à gauche du poitrail et à la partie supérieure du flanc.

Les lignes suivant lesquelles deux tourbillons voisins se rencontrent, ou lignes nodales, disent MM. Beaunis et Bouchard13, aboutissent à des points de rencontre de quatre courants ou croix.

Fig. 101. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de profil.

Les lignes nodales les plus importantes se trouvent au flanc et de chaque côté du poitrail ; celle du flanc se dirige verticalement de l’épi excentrique inférieur à l’épi concentrique supérieur ; celles du poitrail vont, verticalement aussi, des épis divergents des ars à chaque épi convergent du poitrail.

p. 220Les croix se rencontrent de chaque côté des reins, à droite et à gauche du poitrail, etc.

En somme, les quelques lignes que nous venons de consacrer au sujet qui nous occupe, jointes à l’examen des figures 101, 102 et 103 du texte, amèneront certainement le lecteur à conclure avec nous qu’il n’est pas juste de définir tout simplement l’épi un changement de direction des poils ou un rebroussement de ceux-ci, comme se sont contentés de le faire la plupart des auteurs.

Fig. 102. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de face.

Fig. 103. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de derrière.

La première définition, en effet, n’est pas suffisante, car il est facile de se rendre compte que, dans une même région, les poils affectent souvent des changements de direction sans, pour cela, former d’épis. Quant à la seconde, elle s’applique très bien aux épis convergentsp. 221 ; mais elle n’est plus vraie quand il s’agit des épis divergents.

Il serait donc préférable, à notre avis, de définir les épis des espèces de tourbillons, dont le centre est tantôt le point de divergence, tantôt le point de convergence des poils d’une région ; d’où leur division en épis divergents ou excentriques et en épis convergents ou concentriques, etc.

Nous terminons là ce paragraphe, dont l’utilité, au seul point de vue de l’appréciation du cheval, est et demeurera probablement longtemps encore tout à fait nulle, aucune preuve expérimentale n’étant venue donner la raison physiologique de la direction normale des poils et de la présence des épis constants, aucune observation sérieuse, enfin, n’ayant jusque-là légitimé l’importance que les Arabes accordent à la présence ou à l’absence des épis.

Nous avons vu, d’ailleurs, aux paragraphes II et IV, ce qu’il y a lieu de penser des indices fournis par ces particularités des robes sur la qualité des chevaux.

1

Cette classification n’est certainement pas à l’abri de tout reproche ; mais elle présente au moins l’avantage d’être à la fois simple et claire.

2

Bouillet et Littré, Dictionnaires.

3

Général E. Daumas, loc. cit., pages 157 et 158.

4

De Solleysel, loc. cit., pages 119 et 120.

5

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 892.

6

De Solleysel, loc. cit., p. 119.

7

De Curnieu, loc. cit., p. 185.De Curnieu, Leçons de Science hippique générale, Paris, J. Dumaine, t. I, 1855, p. 195.

8

Lecoq, loc. cit., p. 492.

9

Général Daumas, loc. cit., pages 155 et suivantes.

10

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 141p. 131  .

11

Sanson, Traité de zootechnie. Paris, 1878, t. III, p. 201.

12

On sait, en effet, qu’une plaie linéaire suivant la direction des poils se cicatrise plus vite et laisse moins de trace qu’une autre coupant cette même direction ; qu’un feu tare d’autant moins l’animal qu’on a mieux suivi la ligne d’implantation des poils, etc., etc.

13

H. Beaunis et A. Bouchard, Nouveaux éléments d’anatomie descriptive et d’embryologie. Paris, 1868, pages 922 et 923.