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Deuxième partie

Chapitre premier
Notions préliminaires

A. — Objet, but et utilité de l'extérieur

L’extérieur est la partie de l’hippologie qui permet de reconnaître, par l’examen de la conformation extérieure du cheval, sa beauté, ses bonnes ou ses mauvaises qualités, les maladies qui diminuent sa valeur, et les particularités de sa conformation qui le rendent plus ou moins apte à tel ou tel service. C’est donc une science essentiellement appliquée, nécessitant non-seulement la connaissance générale de la structure et des fonctions de la machine du cheval, mais encore quelques éléments de mécanique et de pathologie. L’avantage incontestable que donne la possession sérieuse de ces notions préliminaires n’empêche même pas l’étude de la conformation extérieure du cheval d’être un sujet hérissé de difficultés, qu’on ne peut réellement bien posséder qu’après une longue pratique. Si les données théoriques diminuent cet apprentissage par lequel doit passer tout homme de cheval, si elles permettent d’acquérir plus vite ce jugement, ce coup d’œil qui distingue le véritable connaisseur du routinier ou de l’ignorant, il n’en est pas moins vrai que, pour toucher à la perfection, il faut, en outre, avoir vu beaucoup, avoir exercé ce sens qui permet de reconnaître immédiatement, dans un cheval, le point faible, la défectuosité, la tare de telle ou telle région, ce sens enfin qui fait l’artiste. Et il faut non seulement l’exercer p. 38souvent, toujours, mais encore intelligemment, sans idée fixe, sans parti pris. Il faut se garder, en somme, d’adopter un type, une race, en dehors desquels on ne trouve rien de bien. À ce propos, qu’on n’oublie jamais qu’il y a de bons chevaux dans tous les pays, dans toutes les races.

B. — Beautés, Défectuosités, Tares, Vices et défauts.
(Définitions générales)

Avant d’entreprendre l’étude des régions extérieures du cheval, nous devons nous arrêter un instant sur certaines expressions souvent employées et dont il est bon de connaître la signification exacte.

a. — Beautés.

On entend par beauté, en extérieur, non pas ce qui plaît à l’œil de l’observateur, mais ce qui indique la force et l’énergie, ce qui est qualifié de bon par le connaisseur. Beauté sera donc synonyme de bonté toutes les fois qu’une ou plusieurs régions prises isolément seront considérées comme belles par l’homme compétent, en même temps que l’ensemble de l’animal sera en proportion, que l’énergie vitale existera à un degré convenable.

Moins que tout autre, l’Arabe s’est laissé séduire par cette beauté qui flatte l’œil de l’ignorant. C’est ainsi qu’il dira, en voyant un bel étalon qui ne doit ses formes brillantes qu’à un excès de nourriture ou à l’inaction : « Ne nous pressons pas, voyons-le à l’oeuvre ; il n’y a peut-être là qu’une peau de lion sur le dos d’une vache. »

On distingue des beautés absolues et des beautés relatives.

Les beautés absolues conviennent à tous les genres de services : selle, trait léger, gros trait. Des articulations larges, des muscles denses, des aplombs réguliers, sont des beautés absolues.

Les beautés relatives, au contraire, conviennent plus spécialement à tel ou tel service. Une croupe et un rein doubles, un poitrail très large, des membres courts, sont des beautés de premier ordre pour le cheval de gros trait et des défauts pour le cheval de selle.

b. — Défectuosités.

Les défectuosités consistent dans l’absence d’un ou de plusieurs p. 39des caractères qui constituent la beauté des régions. Elles sont dites absolues, relatives, congénitales ou acquises.

Les défectuosités absolues diminuent la valeur du cheval, quel que soit le service auquel on le destine ; tels les membres grêles, la poitrine étroite.

Les défectuosités relatives ne sont des défauts que relativement à l’utilisation du cheval. Ainsi, un dos ensellé est une défectuosité grave pour un cheval de selle, tandis que cette conformation nuit peu ou pas au cheval de trait.

Les défectuosités congénitales sont apportées par le cheval en naissant. (Exemple : cheval brassicourt.)

Les défectuosités acquises, au contraire, proviennent de l’utilisation, de l’usure. (Exemple : cheval arqué.)

c. — Tares.

On entend par tare « toute trace apparente de dépréciation ayant son siège à la peau ou dans les parties sous-jacentes »1; telles les traces laissées par le feu, le tord-nez, les sétons, les vésicatoires, etc. Mais on comprend plus particulièrement sous cette dénomination des tumeurs dures ou molles placées le long des rayons osseux et autour des articulations. Celles-ci gênent plus ou moins les mouvements des membres et font très souvent boiter le cheval (voy. IIe partie, Tares des membres, et pl. V).

d. — Vices et défauts.

Le vice résulte du mauvais caractère de l’individu ou de la mauvaise éducation qu’il a reçue (le cheval qui mord, rue, se cabre, etc., est un cheval vicieux). C’est une imperfection morale grave.

Le défaut, au contraire, est une imperfection morale légère (voy. IIe partie, Des chevaux vicieux).

C. — Principes et mécanique.

a. — Centre de gravité, sa situation chez le cheval.

La détermination du centre de gravité, chez les animaux, offre de nombreuses difficultés, grâce aux déplacements continuels des particules p. 40matérielles dues aux fonctions digestives, au jeu des organes, aux attitudes diverses du corps, etc., etc. Aussi, ce point, chez le cheval, n’a-t-il jamais été déterminé d’une façon absolument exacte.

Pour Borelli, il serait situé au milieu de la hauteur du tronc, et la ligne de gravitation viendrait tomber au centre du quadrilatère formé par les quatre membres.

D’après M. Colin, professeur à Alfort, le centre de gravité correspond à peu près, chez le cheval, à l’intersection de deux lignes, l’une verticale, tombant en arrière de l’appendice xiphoïde du sternum, l’autre horizontale, séparant le tiers moyen du tiers inférieur du corps. Le même auteur ajoute plus loin que la position du centre de gravité doit varier beaucoup chez les animaux, dont la tête, l’encolure, l’abdomen et la croupe offrent des proportions si diverses (fig. 7 du texte).

Fig. 7. — Contre de gravité chez le cheval.

p. 41Le général Morris et l’écuyer Baucher, d’une part, le général Morris et M. Bellanger, vétérinaire militaire, d’autre part, ont constaté expérimentalement, à l’aide de pesées, les déplacements du centre de gravité en changeant la situation de la tête et de l’encolure, ainsi que celle du cavalier. « On peut remarquer dans ces différentes pesées, conclut le général Morris : que le poids de l’avant-main l’emporte à peu près d’un neuvième du poids total sur celui de l’arrière-main ; que le changement de position de la tête fait varier les poids de 10 kilogrammes de l’avant-main sur l’arrière-main ; que les encolures longues donnent plus de poids à l’avant-main que les encolures courtes et fortes ; que l’avant-main est plus pesant que l’arrière-main, de sorte que la progression a lieu naturellement sans que le cheval soit obligé d’employer d’autres forces que celles nécessaires au déplacement d’un neuvième de son poids. »

b. — Base de sustentation, équilibre.

On appelle base de sustentation l’espace occupé par un corps sur le sol, si ce corps présente une surface continue, ou encore l’espace compris entre les lignes joignant les points d’appui, quand le corps repose sur le sol par plusieurs points.

L’équilibre est le repos d’un corps produit par deux ou plusieurs forces qui se compensent en agissant dans des directions différentes et souvent opposées. Si une de ces forces vient à diminuer ou à cesser d’agir, l’équilibre est rompu et il y a mouvement dans le sens de la puissance prépondérante. Les solides sont en équilibre quand leur centre de gravité est soutenu, ou plutôt quand la verticale, passant par le centre de gravité, tombe dans l’intérieur de la base de sustentation.

L’équilibre est stable ou instable suivant que le centre de gravité est placé très bas ou très haut, ou suivant que la base de sustentation est large ou étroite relativement à la hauteur du corps.

Il est admis en principe qu’une allure est d’autant plus rapide que l’équilibre est plus instable. C’est grâce à la grande instabilité de l’équilibre du corps dans le galop que cette allure est la plus accélérée de toutes.

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c. — Leviers.

En se contractant, les muscles mettent en jeu la machine animale par l’intermédiaire des os, qui jouent alors le rôle de leviers.

On appelle levier une tige inflexible pouvant se mouvoir sur un point fixe.

Tout levier comprend, un point d’appui (A) et deux forces opposées : la puissance (P) et la résistance (R).

On entend par bras de levier les perpendiculaires menées du point d’appui A sur la direction des forces P et R (fig. 8, 9 et 10 du texte).

La position du point d’appui variant, on a pu distinguer trois genres de leviers : le levier du premier genre ou inter-fixe (les extenseurs de la tête agissent sur un levier du premier genre ; le point fixe est à l’articulation atloïdo-occipitale) ; le levier du deuxième genre ou inter-résistant (les fléchisseurs des phalanges agissent sur un levier du deuxième genre en empêchant l’angle du boulet de se fermer ; la résistance est représentée par le poids du corps) ; le levier du troisième genre ou inter-puissant (les fléchisseurs de la tête agissent sur un levier du troisième genre ; le point fixe est à l’articulation atloïdo-occipitale).

Fig. 8. — Levier du premier genre sollicite par des forces non parallèles.

Fig. 9. — Levier du deuxième genre.

Fig. 10. — Levier du troisième genre.

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Chapitre II
Étude des régions

Nous avons divisé le corps du cheval en trois parties principales : la tête, le corps, les membres, et en régions secondaires. Nous allons examiner dans ce chapitre celles de ces dernières régions comprises p. 43dans le tableau synoptique ci-dessous, et représentées dans la planche I, premier plan, et sur les figures 11, 12 et 13 du texte.

Tableau des régions

I. — TÊTE.

Face antérieure.

Front.

Chanfrein.

Bout du nez.

Faces latérales.

Oreilles.

Tempes.

Salières.

7° Sourcils.

Œil.

Joues.

10° Naseaux.

Face postérieure.

11° Auge.

12° Ganaches.

13° Barbe.

Extrémité inférieure.

14° Bouche.

a. Lèvres.

b. Dents et gencives.

c. Barres.

d. Langues.

e. Canal.

f. Palais.

Extrémité supérieure

15° Nuque.

16° Toupet.

17° Parotides.

18° Gorge.

II. — CORPS

Face supérieure

19° Encolure.

a. Crinière.

20° Garrot.

21° Dos.

22° Reins.

23° Croupe.

24° Hanches.

Extrémité antérieure.

25° Poitrail.

26° Inter-ars.

27° Ars.

Face inférieure.

28° Passage des sangles.

29° Ventre.

Faces latérales.

30° Côtes.

31° Flancs.

32° Aînes.

Extrémité postérieure.

33° Queue.

34° Anus.

35° Périnée.

a. Raphé.

Organes génitaux.

Mâle.

36° Testicules et bourses.

37° Fourreau et verge.

Femelle.

38° Vulve.

39° Mamelles.

III. — MEMBRES.

Antérieurs.

40° Épaule.

41° Bras.

42° Coude.

43° Avant-bras.

44° Châtaigne.

45° Genou.

Postérieurs.

46° Cuisse.

47° Fesse.

48° Grasset.

49° Jambe.

50° Jarret.

51° Châtaigne.

52° Canon et tendons.

53° Boulet.

54° Fanon et ergot.

55° Paturon.

56° Couronne.

57° Pied.

I. — Tête

Située en avant du tronc et à l’extrémité du bras de levier représenté p. 44p. 45par l’encolure, la tête a une très grande influence sur la position du centre de gravité et conséquemment sur la station et les mouvements de l’animal. Elle est, de plus, très importante à étudier, eu égard au grand nombre d’organes essentiels et de régions qu’elle renferme. On lui reconnaît quatre faces, une base et un sommet.

Fig. 11. — Les régions sur le cheval vu de profil.

1. Lèvres.2. Bout du nez.3. Chanfrein.4. Front.5. Salière.6. Toupet.7. Oreilles.8. Ganache et auge.9. Joue.10. Naseau.11. Nuque.11’. Gorge.12. Parotide.13. Encolure.13’. Crinière.14. Gouttière de la jugulaire.15. Poitrail.16. Garrot.17. Dos.18. Côtes.19. Passage des sangles.19’. Veine de l’éperon.20. Reins.21. Croupe.22. Queue.23. Anus.24. Flanc.25. Ventre.26. Fourreau.27. Testicules.27’. Veine saphène.28. Épaule et bras.28’. Pointe de l’épaule.29. Coude.30. Avant-bras.31. Châtaigne.32. Genou.33. Canon et tendons.34. Boulet.35. Paturon.36. Couronne.37. Pied antérieur.38. Ergot et fanon.39’. Hanche.40. Cuisse.41. Grasset.42. Fesse.43. Jambe.44. Jarret.45. Châtaigne.46. Canon et tendons.47. Boulet.48. Ergot et fanon.49. Paturon.50. Couronne.51. Pied postérieur.

Fig. 12 et 13. — Les régions sur le cheval vu de face et de derrière. (D’après Duhousset, Le cheval. Paris, Desfossés, 1881.)

Nous allons d’abord examiner en particulier chacune des régions qui la constituent ; nous dirons ensuite un mot de l’ensemble de ces régions.

A. — Face antérieure.
a. — Front.

Cette région, qui occupe la partie antérieure et supérieure de la tête, a pour base osseuse l’os frontal (voy. pl. VII). Elle est d’autant plus belle qu’elle est plus large et mieux musclée.

On a dit que le développement transversal du front était un indice certain de l’intelligence du cheval, que le front étroit, bombé, annonçait la rétivité. Si cela est souvent vrai, il n’en est pas moins certain p. 46que les exemples du contraire sont nombreux. Toutefois, les Arabes, dont les appréciations relativement au cheval ne doivent jamais être négligées, rangent le front dans les choses qui doivent être larges. Les anciens eux-mêmes recherchaient un front développé, comme semble le prouver le cheval de Marc-Aurèle, au Capitole, dont le front, très large, rappelle celui du bœuf2.

b. — Chanfrein.

Le chanfrein, qui a pour base principale les os sus-nasaux (voy. pl. VII), doit être aussi large que possible ; car, de sa largeur dépend l’ampleur des cavités nasales, premières parties des voies respiratoires.

Le chanfrein a des formes, des directions variées, qui ont fait donner à la tête des noms différents.

c. — Bout du nez.

Située entre les deux naseaux, au-dessus de la lèvre supérieure, cette région, peu importante à étudier, doit être large et exempte de tares, celles-ci étant généralement la suite de chutes qu’a faites le cheval, par suite d’usure ou de faiblesse des membres.

B. — Faces latérales.
a. — Oreilles.

Placées en haut et de chaque côté de la tête, les oreilles constituent les ouvertures externes de l’appareil auditif. Elles doivent être en proportion avec le volume du corps ; mais plutôt minces et courtes que longues : « Les oreilles minces et mobiles, ainsi que les yeux saillants, annoncent toujours, d’après les Arabes, que le cœur fonctionne bien, et que l’animal est énergique. » On les préfère aussi franchement dirigées en avant et assez écartées de la ligue médiane, ce qui permet d’apprécier, jusqu’à un certain point, la largeur du crâne.

Déjà, du temps de Xénophon, on recherchait les oreilles ainsi conformées ; p. 47d’où la préférence accordée aux chevaux bucéphales, qu’on rencontrait surtout en Thessalie.

Courtes, bien placées, franchement dirigées en avant, les oreilles sont dites hardies ou de renard (fig. 14 du texte).

On exprime qu’elles sont larges, longues, lourdes, épaisses, dirigées horizontalement, en qualifiant le cheval de mal coiffé, d’oreillard.

Fig. 14. — Oreilles hardies ou de renard.

Fig. 15. — Oreilles pendantes ou de cochon.

Si elles tombent fortement en dehors, on les appelle oreilles de cochon (fig. 15 du texte) : « S’il marquoit chaque pas, dit de Solleysel, par un mouvement d’oreilles de haut en bas, il auroit cela de commun avec les cochons3. »

Le cheval dont les oreilles sont continuellement en mouvement (oreilles inquiètes) a ordinairement la vue mauvaise ; il tâche, en quelque sorte, de voir par les oreilles.

Celui qui les couche en arrière a l’intention de mordre ou de frapper.

Les tares des oreilles sont nombreuses et intéressantes à connaître :

On ne rencontre plus aujourd’hui de chevaux ayant les oreilles coupées ; mais, au siècle dernier, on coupait fréquemment ces organes vers le milieu de leur hauteur, et l’on désignait le cheval qui avait subi cette mutilation sous les noms de moineau, bretaud ou bretaudé.

Il y a peu de temps encore, il était d’usage, dans l’armée, de fendre l’oreille gauche aux chevaux réformés avant l’âge de huit ans. Complètement abandonnée en France de nos jours, cette opération ne se pratique plus qu’en Algérie, en Tunisie, et dans la plupart des pays musulmans, sur les poulains dont la naissance coïncide avec celle d’un enfant, ou sur ceux nés un vendredi, jour que l’on sait être consacré à Mahomet. Dans ce cas, elle ne peut évidemment être une cause de dépréciation pour l’animal.

Si les tares précédentes sont rares, pour ne pas dire inconnues p. 48actuellement, celles représentées par des cicatrices circulaires résultant de l’application réitérée du tord-nez sur la région, sont assez fréquentes. Elles indiquent que l’animal est méchant ou a subi une opération grave, et méritent, par ce fait même, d’attirer toute l’attention de l’acheteur.

Maintenant que nous avons signalé les principales tares et défectuosités de l’oreille, il nous reste à dire un mot de quelques moyens frauduleux employés pour les dissimuler. Parmi ceux-ci, il y a lieu de signaler, en première ligne, cette partie de la toilette d’avant la vente, qui consiste à faire le poil des oreilles, c’est-à-dire à couper les longs poils qui existent normalement à rentrée de la conque et dont le rôle est d’empêcher l’introduction de corps étrangers dans l’appareil auditif. Ces poils étant rares chez les chevaux fins, leur suppression a pour résultat de donner plus de distinction à l’animal. « Un autre moyen très usité, disent MM. Goubaux et Barrier, est le capuchon ou bonnette, soi disant destiné à mettre l’oreille à l’abri des insectes. Il faut le faire retirer, car il peut cacher autre chose qu’une défectuosité sans importance, un tord-nez très court, par exemple, si le cheval est difficile à harnacher, atteler ou ferrer, — ou encore une balle de plomb suspendue à une ficelle et placée à l’intérieur de l’oreille pour maîtriser les chevaux rétifs4. »

La surdité n’est pas absolument rare chez le cheval ; mais ce défaut étant difficile à reconnaître, il passe généralement inaperçu au moment de la vente et on ne le constate qu’après quelque temps de service. Toutefois, il est bon de dire que les chevaux sourds ont ordinairement les oreilles fixes et dirigées en avant.

b. — Tempes.

Cette région correspond à l’articulation de la mâchoire inférieure avec la mâchoire supérieure, ou articulation temporo-maxillaire ; elle doit tout simplement être sèche, nette et exempte de cicatrices, qui indiquent que l’animal a été atteint de vertige, de coliques violentes, ou qu’il est resté longtemps couché par suite de maladie grave.

C’est généralement aux tempes qu’apparaissent les premiers poils blancs.

p. 49
c. — Salières.

Les salières sont des dépressions situées au-dessus de chaque œil. Elles répondent à la partie la plus superficielle des fosses temporales (voy. IIIe partie, Tête). Leur grande profondeur indique généralement la vieillesse ; mais ce n’est pas là un indice certain, car nous avons souvent rencontré de jeunes chevaux à salières creuses.

Dans le but de donner plus d’apparence à leur marchandise, les maquignons ont imaginé d’insuffler de l’air dans le tissu cellulaire de la fosse temporale à l’aide d’une piqûre faite à la peau de la région des salières. On reconnaît cette fraude à la saillie que forme alors la région, à la petite ouverture qu’elle présente, et à la crépitation anormale que décèle la moindre pression des doigts.

d. — Œil.

L’œil forme une région paire située de chaque côté du front et excessivement importante à étudier. Nous ne dirons ici qu’un mot de son organisation, renvoyant, pour plus de détails, à la troisième partie de notre travail (voy. Tête).

La partie principale de l’œil est constituée par un globe membraneux, dit globe oculaire, logé en grande partie dans la cavité orbitaire et protégé en avant par deux voiles mobiles : les paupières.

Mis en mouvement par plusieurs muscles et lubrifié par les larmes, que sécrète une glande spéciale dite lacrymale, située sous l’apophyse orbitaire, le globe oculaire est formé d’une coque membraneuse close. Très bombée en avant, où elle constitue la cornée lucide ou vitre de l’œil, cette coque est remplie par des liquides de densité variable constituant les milieux de l’œil, et séparée en deux compartiments : l’un antérieur, l’autre postérieur, par le cristallin, lentille biconvexe apparaissant en arrière de l’iris.

Celui-ci représente un diaphragme contractile elliptique percé d’une ouverture de même forme, la pupille, et divise le compartiment antérieur lui-même en deux chambres communiquantes : une antérieure et une postérieure.

Le liquide qui remplit ces deux chambres, aussi limpide que l’eau, est connu sous la dénomination d’humeur aqueuse, tandis que l’espèce p. 50de gelée translucide qui occupe le compartiment postérieur prend le nom de corps vitré (fig. 16 du texte).

Les quelques descriptions sommaires que nous venons de consacrer à l’organisation de l’œil permettront au lecteur d’en comprendre les beautés, les défectuosités, les tares et les principales maladies, sans qu’il lui soit indispensable de recourir aux détails de la troisième partie, si ce n’est à titre de renseignements complémentaires.

Fig. 16. — Coupe théorique de l’œil.

a. Nerf optique.b. Sclérotique.c. Choroïde.d. Rétine.e. Cornée.f. Iris.gh. Cercle et corps ciliaires, dépendances de la choroïde, dont ils ont été représentés isolés pour mieux indiquer leurs limites.i. Insertion des procès ciliaires sur le cristallin.j. Cristallin.k. Capsule cristalline.l. Corps vitré.mn. Chambre de l’humeur aqueuse.o. Indication théorique de la membrane de l’humeur aqueuse.p. Tarse.g. Membrane fibreuse des paupières.r. Muscle releveur de la paupière supérieure.s. Orbiculaire des paupières.t. Peau des paupières.u. Conjonctive.v. Lame épidermique qui représente cette membrane sur la cornée.x. Muscle droit postérieur.y. Muscle droit supérieur.z. Muscle droit inférieur.w. Gaîne fibreuse de l’orbite.(A. CHAUVEAU et S. ARLOING, Traité d’Anatomie comparée des animaux domestiques.)  

Pour être beau, l’œil doit être grand, à fleur de tête, de couleur foncée, brillant et modérément convexe. De plus, les humeurs doivent être limpides et l’iris parfaitement mobile.

p. 51Ces caractères dévoilent l’énergie, l’intelligence, un bon naturel, et donnent à la tête une grande partie de son élégance.

L’œil du cheval, d’après les Arabes, doit s’incliner, paraissant regarder le nez, comme l’œil de l’homme qui louche : « Semblable à une belle coquette qui louche à travers son voile, son regard tourné vers le coin de l’œil perce à travers la crinière qui, comme un voile, lui couvre le front5. »

« De plus, dit de Solleysel, l’œil doit être résolu, effronté et fier ; ... l’effronterie sied admirablement bien au cheval ; dans l’œil se découvrent son inclination, sa colère, sa santé, sa malice, et sa maladie : profecto in oculis unimus habitat6. »

L’œil petit, gras, ou œil de cochon, de même que l’œil gros ou œil de bœuf, indiquent que le cheval est lymphatique, mou, et provient de pays froids et humides.

L’œil cerclé, qui laisse voir autour de la cornée transparente un large cercle blanc nacré formé par la sclérotique, est tout simplement disgracieux et n’indique pas la méchanceté, comme certains auteurs l’ont avancé.

L’œil trop convexe, ou myope, et l’œil trop plat, ou presbyte, rendent le cheval ombrageux et indécis.

L’œil vairon, chez lequel l’ouverture pupillaire est entourée d’une zone blanchâtre, ne nuit pas à la vision.

Les yeux inégaux sont généralement l’indice d’une maladie ancienne (fluxion périodique, par exemple).

Enfin, l’œil ne doit présenter aucune des affections désignées sous les noms de nuage (légère opalescence de la cornée), taie (opacité complète sur une étendue variable), de leucoma (cicatrice de la cornée), de cataracte (opacité complète ou partielle du cristallin ; très grave), de glaucome (coloration verdâtre de l’humeur vitrée ; grave), d’amaurose (paralysie de la rétine et de la pupille rendant le cheval borgne ou aveugle), d’hydropisie (hyperformation de l’humeur aqueuse), de fluxion périodique (inflammation périodique de l’œil ; grave), d’ophthalmie simple (inflammation de la muqueuse conjonctive).

Manière d’examiner l’œil. — Dans un endroit un peu sombre, l’œil p. 52est beaucoup plus facile à examiner ; on aperçoit mieux le fond de l’organe, dont la pupille est alors dilatée (à moins toutefois que l’œil soit atteint d’amaurose). Aussi, doit-on, autant que possible, examiner les yeux dans l’écurie ou sous un hangar, à quelque distance du jour.

Nous ne saurions mieux faire, à ce propos, que de reproduire les indications si claires et si précises de Bourgelat : « Si je veux examiner les yeux d’un cheval, dit-il, je le place à l’abri du grand jour, pour diminuer, jusqu’à un certain point, la quantité des rayons lumineux, et je le fais ranger de manière à m’opposer à la chute de ceux qui, tombant perpendiculairement, causeraient une confusion qui ne me permettrait plus de distinguer clairement les parties.

« Je fais attention encore à ce qu’aucun objet capable de changer la couleur naturelle de l’œil, en s’y peignant, ne soit voisin de l’abri que j’ai choisi ; car il est bon de savoir que plusieurs maquignons, dans le dessein de déguiser les défauts des yeux des chevaux qu’ils vendent, ont le soin trompeur de faire blanchir le mur qui se trouve vis-à-vis la porte des écuries où il les font arrêter pour en soumettre les yeux à la critique des acheteurs7…..»

e. — Joues.

Les joues s’étendent des tempes à la commissure des lèvres ; elles peuvent se diviser en deux parties séparées par un sillon : l’une supérieure, le plat de la joue ; l’autre inférieure, la poche de la joue.

Cette région doit être bien musclée, mais sèche. À travers la peau fine, on doit voir nettement se dessiner les vaisseaux, les nerfs et les muscles de la face.

Quand la poche de la joue présente des bosselures, on dit que le cheval fait magasin, et il y a généralement alors accumulation de matières alimentaires en dehors des arcades malaires, matières qui, en fermentant, exhalent une odeur fétide et dégoûtent les animaux. Ce défaut est surtout fréquent chez les chevaux usés, à mauvaise dentition.

Si, d’autre part, les joues présentent des traces de séton ou de vésicatoire, on àa l’indication que le cheval a été traité pour une affection p. 53des yeux ou des cavités nasales. L’application mal faite d’un séton dans cette région peut, d’ailleurs, léser le nerf facial et paralyser le mouvement de la lèvre supérieure d’un côté, ce que l’on reconnaît au déplacement de celle-ci, qui se porte du côté opposé.

f. — Naseaux.

Placés à l’extrémité inférieure de la tête, de chaque côté du bout du nez, au bas des joues et du chanfrein, les naseaux sont les ouvertures extérieures des cavités nasales et les seules voies par lesquelles l’air peut s’introduire dans les poumons. On ne doit pas oublier, en effet, que le cheval présente cette particularité qu’il ne respire pas par la bouche.

Ces orifices présentent chacun deux lèvres ou ailes : une interne, l’autre externe, et deux commissures : une inférieure, l’autre supérieure ; celle-ci se prolonge en arrière par un cul-de-sac conique spécial aux solipèdes, la fausse narine, véritable repli cutané compris entre l’épine nasale et le biseau du petit sus-maxillaire (voy. pl. VII).

La première condition à rechercher dans les naseaux, c’est leur largeur et leur dilatation facile et régulière : « Chacune des narines du cheval, disent les Arabes, ressemble à l’antre du lion ; le vent en sort quand il est haletant8. »

Lorsque les naseaux sont étroits, la respiration est courte, gênée, et le cheval s’essouffle facilement ; aussi, les Arabes disent-ils encore du cheval qui a les naseaux étroits qu’il laissera son cavalier dans la veine.

On croyait autrefois remédier à cet inconvénient en fendant la fausse narine ; mais, aujourd’hui qu’on sait que l’incision de ce diverticulum ne peut en aucune façon agrandir les cavités nasales, on a renoncé à l’opération, que les Arabes seuls pratiquent souvent encore, surtout sur l’âne, dans le but de faciliter l’entrée de l’air dans les voies respiratoires et de diminuer le timbre de la voix.

Les mouvements précipités, la dilatation exagérée et irrégulière des naseaux, indiquent que l’animal est atteint d’une affection plus ou moins grave des voies respiratoires (emphysème pulmonaire, par exemple).

p. 54Le tégument qui revêt la face interne des naseaux doit avoir une belle teinte rosée, être à peine humecté par le liquide limpide provenant du canal lacrymal, dont l’ouverture extérieure se voit à la partie inférieure de chaque naseau, et ne présenter aucune plaie, aucune trace d’ulcération.

Si l’écoulement nasal devient plus abondant et change de nature, il indique un état maladif des voies respiratoires (angine, bronchite, emphysème pulmonaire, etc.).

En général, lorsque le jetage est consistant, coloré en jaune ou en vert, marqué de stries sanguines, adhérent aux ailes du nez, on doit craindre la morve, maladie contagieuse nécessitant l’abattage du cheval, et consulter l’état de la muqueuse nasale et de l’auge pour plus de sûreté.

La pituitaire est ordinairement pâle ou jaune cuivré dans la morve, et présente des ulcérations plus ou moins étendues, à bords irréguliers, désignées vulgairement sous le nom de chancres morveux.

Ces ulcérations, jointes aux caractères particuliers du jetage morveux et de la glande de l’auge, permettent de distinguer assez facilement la morve de la gourme, maladie à laquelle sont sujets presque tous les jeunes chevaux et qui présente quelque analogie avec la première.

On doit également tenir compte des caractères de l’air expiré. À l’état de santé, il est toujours inodore. Sa mauvaise odeur est l’indice d’une maladie du poumon, d’une carie dentaire ou d’une collection purulente, soit des sinus, soit des poches gutturales.

L’inégalité de la colonne d’air qui s’échappe des ouvertures nasales, jointe à un jetage particulier, indique, d’autre part, qu’elle rencontre sur son passage des obstacles de diverse nature (tumeurs, polypes, etc.).

Afin de rendre le jetage plus apparent et de mieux distinguer ses caractères, on fait tousser l’animal en lui comprimant la gorge ; on provoque aussi l’ébrouement, en lui serrant les fausses narines sur la cloison médiane du nez.

C. — Face postérieure.
a. — Auge.

L’auge est le vide plus ou moins large, plus ou moins creux, qui existe à la face postérieure de la tête, entre les deux ganaches.

p. 55Cette région doit être profonde, large, bien nette, bien évidée, pour loger la gorge dans les mouvements de flexion de la tête. Le poing placé en travers doit y entrer facilement.

L’auge pleine ou empâtée indique un cheval mou, lymphatique, élevé dans des pays humides.

Les ganglions de l’auge sont quelquefois engorgés ; alors, en passant la main dans cette région, on sent, immédiatement sous la peau, des tumeurs à caractères spéciaux, et le cheval est dit glandé. Il faut toujours attacher une grande importance à ce glandage ; car il peut être le symptôme de la morve.

b. — Ganaches.

Les ganaches ont pour base le bord refoulé du maxillaire inférieur et circonscrivent l’auge. C’est à la face interne de cette région qu’on est dans l’habitude d’explorer le pouls du cheval (artère glosso-faciale).

Les ganaches doivent être sèches, peu épaisses, et suffisamment écartées. Leur épaisseur trop considérable charge inutilement la tête, indique un tempérament mou, et fait dire du cheval qu’il est chargé de ganaches.

c. — Barbe.

Région peu importante située en arrière du menton et constituée par une dépression qui donne appui à la gourmette. Ne doit être ni trop tranchante ni trop arrondie.

D. — Extrémité inférieure.
a. — Bouche.

La bouche, qui représente l’ouverture d’entrée de l’appareil digestif, est une région assez complexe offrant à étudier les parties suivantes : 1° lèvres ; 2° dents et gencives ; 3° barres ; 4° langue ; 5° canal ; 6° palais.

De la bouche en général.

Au point de vue de l’extérieur, la bouche est surtout intéressante à étudier en ce sens qu’elle loge le mors. Aussi, a-t-elle reçu différentes p. 56dénominations suivant l’impression que produit cet instrument de conduite.

On dit le cheval bien embouché lorsque toutes les parties sont bien proportionnées et que le mors s’applique convenablement.

La bouche fraîche est celle qui se remplit d’écume lorsque le cheval est bridé.

La bouche tendre ou sensible est celle qui reçoit du mors une impression douloureuse un peu forte.

La bouche égarée présente le même défaut porté à l’extrême.

La bouche dure, au contraire, se montre très peu sensible à l’action du mors.

Il importait de bien connaître toutes ces expressions ; mais nous pensons, avec M. Sanson, que « les difficultés du dressage dépendent bien plus des vices de conformation ou de l’insuffisance des organes destinés à accomplir les mouvements, ou encore de l’état obtus plus ou moins prononcé des facultés intellectuelles dans leur limite physiologique, que de prétendus défauts des parties constituantes de la bouche. Il serait plus exact, du reste, de dire que ceux-ci, quand ils existent réellement, sont presque toujours le résultat de l’ignorance ou de la brutalité des cavaliers, et souvent des deux à la fois9. »

1° Lèvres. — Situées à l’entrée de la bouche, les lèvres sont au nombre de deux : une inférieure et une supérieure, réunies par deux commissures.

Organes de tact, servant de plus à la préhension des aliments, elles doivent être très mobiles, la supérieure surtout, d’une épaisseur moyenne, et bien fermer l’ouverture de la bouche, afin d’éviter toute déperdition de salive.

Leur face externe, recouverte d’une peau fine, présente quelques poils durs qui sont les véritables organes de leur grande sensibilité tactile.

Chez quelques chevaux, la lèvre supérieure présente, en outre, deux faisceaux de poils plus longs que les autres simulant de véritables moustaches. Nous ne pensons pas, comme certains auteurs l’ont avancé, que cette particularité soit l’apanage exclusif des chevaux communs. Nous croyons qu’elle est tout simplement le résultat de p. 57l’irritation continuelle des bulbes pileux par les plantes grossières composant la nourriture ordinaire des animaux.

Dans une tournée que nous faisions en Bretagne, il y a quelques années, nous avons pu nous convaincre, en effet, que les moustaches existaient exclusivement sur les chevaux qui recevaient dans leurs rations des ajoncs et des genêts.

La lèvre inférieure porte une protubérance arrondie à laquelle on donne le nom de houppe du menton.

Les lèvres donnent à la physionomie de l’animal des expressions très diverses ; ainsi, pendant les grandes souffrances, elles se contractent d’une façon particulière et font dire que la face est grippée.

Chez les chevaux vieux et usés, plus rarement chez les jeunes, la lèvre inférieure est quelquefois pendante. Quoique cette défectuosité indique le plus souvent une débilitation profonde de l’organisme, il n’est pas absolument rare de la voir coïncider avec un tempérament énergique.

Enfin, certains animaux ont l’habitude d’agiter continuellement, par des mouvements saccadés et rapides, cette même lèvre inférieure. On dit alors qu’ils cassent la noisette. Ce vice est tout simplement disgracieux à l’œil.

Les tares les plus fréquentes des lèvres sont des excoriations circulaires résultant de l’application réitérée du tord-nez. Comme les tares semblables des oreilles, elles indiquent un animal difficile, ou ayant subi une opération grave.

2° Dents et gencives. —(Voy. IIe partie, Âge, et pl. IV.)

3° Barres. — Les barres occupent, à la mâchoire inférieure, l’espace compris entre les crochets et les premières molaires (voy. pl. VII).

Servant de point d’appui au mors, elles doivent être modérément arrondies.

Les barres sont dites tranchantes quand la crête osseuse qui en forme la base est trop prononcée ; elles sont alors très sensibles à l’appui du mors. On les dit arrondies ou basses dans le cas contraire, et on leur reproche d’être peu impressionnées par l’action du mors.

4° Langue. — La langue, organe principal du goût, sert encore à la mastication, à l’insalivation et à la déglutition.

Elle comprend une partie libre ou mobile, antérieure, et une partie fixe, postérieure.

p. 58Elle ne doit être ni trop épaisse, ni trop mince, pour remplir convenablement ses fonctions et participer dans une bonne mesure à l’appui du mors.

La langue qui reste toujours hors de la bouche est dite pendante ; celle qui sort et rentre continuellement est appelée serpentine.

Ces défauts, outre qu’ils rendent le cheval disgracieux, indiquent un tempérament mou, et sont une cause d’amaigrissement par la perte de salive qui en est le résultat.

On dit qu’un cheval double sa langue quand il en recourbe la partie libre au-dessus ou au-dessous du mors. Dans ce dernier cas, celui-ci repose à peine sur les barres, et la bouche est généralement dure.

Enfin, par suite de causes diverses, la langue peut être coupée ou entaillée. Cet accident, fréquent surtout chez les chevaux qui tirent au renard, a l’inconvénient grave de rendre l’alimentation lente et difficile.

5° Canal. — Situé entre les deux branches du maxillaire inférieur, le canal loge la langue.

C’est une espèce de rigole présentant, en avant et de chaque côté du frein de la langue, un petit prolongement membraneux connu sous le nom de barbillon, destiné à protéger l’origine du canal de la glande maxillaire correspondante (Canal de Warton).

Par suite de l’introduction de parcelles alimentaires, d’épillets de brome stérile le plus souvent, dans la partie terminale du canal de Warton, celle-ci est quelquefois le siège d’un état maladif connu vulgairement sous le nom de grenouillette, qui disparaît généralement avec la cause qui l’a fait naître. On dit aussi, dans ce cas, que l’animal a un painvin.

C’est tout ce que présente de particulier la région qui nous occupe.

6° Palais. — Le palais forme la voûte de la bouche. Comme le canal, il ne présente ni beauté ni défectuosité.

L’excroissance de cette région connue sous le nom de fève ou de lampas, n’a jamais existé que dans l’imagination de ceux qui l’ont décrite. Sans doute les jeunes chevaux ont souvent le palais engorgé au moment de la dentition ; mais cet engorgement se dissipe peu à peu à mesure que l’animal vieillit et ne constitue point une maladie. Aussi, doit-on absolument proscrire la cautérisation et la saignée au palais que pratiquent encore quelques empiriques, sous prétexte de p. 59combattre l’inappétence de certains chevaux dont la région leur paraît plus gonflée qu’à l’état normal.

E. — Extrémité postérieure.
a. — Nuque.

La nuque occupe le sommet de la tête et a pour base l’articulation atloïdo-occipitale. C’est sur cette région que s’appuie la têtière de la bride et du licol. Par suite, la nuque peut être le siège d’excoriations, de cors, auxquels peut même succéder une plaie fistuleuse laissant écouler un pus liquide, verdâtre, plus ou moins odorant ; on dit alors que le cheval a un mal de nuque ou de taupe, affection toujours très grave.

b. — Toupet.

Le toupet est une touffe de crins d’autant plus fins que l’animal a plus d’énergie et de distinction, passant entre les oreilles et tombant sur le front et les yeux, qu’il préserve, disent quelques auteurs, de l’ardeur des rayons solaires. Les Arabes aiment le toupet fourni, peut-être pour cette dernière raison : « Au temps de la peur, disent-ils, monte une cavale légère dont le front est couvert par une crinière épaisse. »

c. — Parotides.

Les parotides ont pour base les glandes salivaires de même nom. Cette région doit se montrer légèrement déprimée ; trop excavée, la tête est mal attachée ; trop en saillie, la tête est plaquée.

d. — Gorge.

La gorge, qui a pour base la partie inférieure du larynx, doit être aussi large que possible.

C’est cette région, ou les premiers anneaux de la trachée, que l’on comprime pour provoquer la toux du cheval.

De la tête en général.

Jusqu’ici nous n’avons étudié que les parties constituantes de la p. 60tête ; il nous reste maintenant à examiner l’ensemble de ces parties et à voir quelles inductions pratiques on peut tirer de la forme, de la configuration générale, de la longueur, du volume, de l’attache et de de la direction de la tête, pour l’appréciation du cheval.

La tête, dans son ensemble, est d’autant plus importante à étudier qu’elle est la partie du corps qui indique le mieux le degré de noblesse, d’intelligence et d’énergie des animaux. Elle présente, d’un autre côté, cette particularité très remarquable qu’il y a entre ses régions un rapport de conformation, une harmonie qui n’existe pas ailleurs. S’il est fréquent, par exemple, de rencontrer un beau jarret et une hanche défectueuse, une belle épaule avec une mauvaise croupe, il est rare de voir coïncider un front large avec un œil petit, mal situé, des naseaux étroits avec des ganaches écartées, etc. ; d’où il résulte que l’étude d’une seule région de la tête peut permettre d’apprécier presque sûrement toutes les autres.

La forme générale de la tête varie beaucoup suivant les races et chez les individus de même race.

Elle est dite carrée (fig. 17 du texte) lorsque sa face antérieure est large et plane. Comme cette forme de la tête coïncide généralement avec un grand développement du crâne, qu’elle est, d’un autre côté, l’apanage des races anglaise et arabe de pur sang, on a dit qu’elle indiquait la noblesse, la pureté de la race, l’intelligence, la valeur, l’énergie, le fond et même la bonté du tempérament10. Si cela est vrai dans la majorité des cas, il y a toutefois lieu de faire remarquer qu’on rencontre assez fréquemment de bons chevaux avec une configuration de la tête toute différente.

Suivant que la tête, dans la région crânienne, est plus large que longue ou plus longue que large, le cheval est dit brachycéphale (crâne court), ou dolichocéphale (crâne allongé), et quelques auteurs ont fait de la brachycéphalie et de la dolichocéphalie la principale, la seule vraie caractéristique des races. Tout en reconnaissant les avantages de cette méthode, nous sommes d’avis qu’il faut être moins absolu aujourd’hui, et que dans les races les mieux caractérisées, les moins abâtardies, p. 61les plus faciles à reconnaître par l’ensemble de leurs caractères, on peut quelquefois rencontrer des individus dont la tête n’est plus celle du type ordinaire. Nous reviendrons sur ce sujet quand nous décrirons chaque race en particulier (voy. IVe partie, Races).

La tête conique (fig. 18 du texte) est celle qui va en se rétrécissant de la partie supérieure au bout du nez. Autrefois à la mode, elle est aujourd’hui regardée, avec raison, comme présentant généralement des caractères opposés à la précédente. Aussi, les amateurs d’occasion qui veulent faire admirer la tête d’un cheval en disant qu’il pourrait boire dans un verre, indiquent-ils sans le savoir le point faible qui prouve précisément le contraire de ce qu’ils veulent démontrer.

Bien que de Solleysel, en conseillant de choisir la tête « le plus menu qu’il se pourra »11 à son extrémité inférieure, ait contribué à répandre l’expression ci-dessus, qui implique une erreur de jugement, on ne peut guère l’accuser d’avoir mis la tête conique à la mode ; car il a eu soin d’expliquer que, par une tête menue inférieurement, il entendait une tête peu charnue, peu chargée et que, d’un autre côté, il demande des naseaux très ouverts permettant de voir « le vermeil qui est au dedans ».

Fig. 17. — Tête carrée.

Fig. 18. — Tête conique.

La tête camuse (fig. 19 du texte) présente une dépression sur sa face antérieure ; elle coïncide généralement avec un front large.

Si la dépression porte seulement sur la région du chanfrein, la tête est dite de rhinocéros (fig. 20 du texte).

Tandis que la tête camuse est un caractère de race (chevaux bretons, arabes, etc.), et donne d’ordinaire une physionomie mutine, intelligente, à l’animal, la tête de rhinocéros résulte tout simplement d’une compression exercée sur le chanfrein par la muserolle, le caveçon, etc., p. 62compression allant quelquefois jusqu’à perforer les os sus-nasaux.

La tête busquée (fig. 21 du texte) est convexe sur toute sa face antérieure. Quand la convexité est limitée au front, la tête est dite de lièvre. Si, au contraire, cette convexité porte exclusivement sur le chanfrein, on a la tête moutonnée.

La convexité de la tête, quels que soient son siège et son degré, est regardée comme une défectuosité. Très recherchée au siècle dernier, sous le règne de Louis XV surtout, la tête busquée est actuellement plus que démodée ; on l’accuse de prédisposer au cornage et à d’autres maladies plus ou moins graves, la morve par exemple. Pour M. de Curnieu, le cheval à tête busquée serait l’idiot de l’espèce. Il y a là beaucoup de vrai mélangé à non moins d’exagération.

Si la tête convexe coïncide généralement avec des naseaux étroits, une poitrine resserrée, etc., il n’en est pas moins certain que beaucoup de chevaux à tête busquée sont de bons, agréables et même brillants serviteurs. La convexité du chanfrein n’implique pas toujours, en effet, un rétrécissement des cavités nasales, et il est nombre de cas où elle existe avec un bon développement de toutes les parties de l’appareil respiratoire.

Fig. 19. — Tête camuse.

Fig. 20. — Tête de rhinocéros.

D’un autre côté, nous ne croyons pas qu’elle prédispose plus que la tête la mieux conformée au cornage chronique, cette affection n’ayant généralement pas son siège dans les cavités nasales. Quant à son influence sur la morve, il est à peine utile, en l’état actuel de la science, de dire qu’elle ne peut être qu’imaginaire.

La tête longue (fig. 22 du texte) est celle qui présente un excès de longueur relativement aux autres parties du corps. On l’accuse surtout d’être lourde et de peser trop à la main du cavalier. Pour nous, elle p. 63n’est même pas toujours disgracieuse, et ne devient une réelle défectuosité que quand ses parties constituantes, prises isolément, ne sont pas dans de bonnes conditions de conformation. La nature, dit M. Richard, a donné à l’encolure assez de puissance pour supporter le poids de la tête, quelque lourde qu’elle soit, sans le soutien de la bride. Il y a là une autre cause qui tient, soit au dressage, soit à un vice de conformation de l’avant-main, soit à l’espèce du cheval. C’est entièrement notre avis, et nous sommes persuadé que la tête longue n’est souvent lourde que parce qu’on la rencontre généralement chez des individus mous, lymphatiques, ou encore parce qu’elle est fréquemment grosse et dans une mauvaise direction. La tête longue , bien portée, chez un cheval énergique, peut être tout aussi légère que la plus belle tête carrée.

Fig. 21. — Tête busquée.

Fig. 22. — Tête longue.

La tête décharnée, ou de vieille, est longue, peu volumineuse, et d’une extrême sécheresse.

Les têtes grosses et grasses (fig. 23 du texte), sont disgracieuses et réellement trop pesantes. D’ailleurs, elles indiquent un animal grossier, mou, lymphatique, et ne conviennent que pour le service du gros trait.

Pour le trait léger et la selle, on doit rechercher une tête peu volumineuse et sèche, où les saillies osseuses, les reliefs musculaires, les vaisseaux et les nerfs sous-cutanés sont bien dessinés.

Relativement à sa direction, la tête doit être portée obliquement de haut en bas et d’arrière en avant, de manière à former avec le sol un angle d’environ 45 degrés (fig. 24 du texte).

Si elle est trop horizontale (fig. 25 du texte), le centre de gravité se trouve déplacé en haut et en avant, et le cheval porte au vent. Ce p. 64défaut nuit à la bonne action du mors, qui se rapproche des molaires et ne prend plus qu’une faible partie de son appui sur les barres. Le cheval se soustrait, de cette manière, à la volonté de celui qui le conduit et prend facilement, selon l’expression consacrée, le mors aux dents ; de plus, il ne voit pas, en général, les obstacles près de lui et se trouve d’autant plus exposé à butter ou à tomber que l’avant-main est toujours un peu surchargé.

Fig. 23. — Tête grosse et encolure épaisse.

Fig. 24. — Tête bien portée et encolure droite, bien dirigée.

Lorsque, au contraire, le cheval porte la tête verticale (fig. 26 du texte), le centre de gravité se déplace en arrière et l’animal s’encapuchonne, c’est-à-dire qu’il rapproche le menton du poitrail. Il ne voit plus alors les obstacles que lorsqu’il lui est impossible de les éviter, et se soustrait bientôt à l’action de la main ; mais, nous doutons fort qu’il p. 65prenne réellement un point d’appui sur le poitrail avec les branches du mors, comme la plupart des auteurs l’avancent.

Fig. 25. — Tête horizontale et encolure de cerf

Fig. 26. — Tête verticale et encolure rouée.

Enfin, la tête peut être bien attachée, mal attachée ou plaquée.

On la dit bien attachée quand elle se trouve séparée du sommet de l’encolure par une légère dépression de la région parotidienne ; mal attachée, quand cette dépression est trop accentuée ; plaquée, lorsque le sillon parotidien est, au contraire, effacé.

Les mouvements de la tête bien attachée sont faciles et étendus ; ceux de la tête plaquée sont très restreints. Il s’en suit que le cheval à tête mal attachée est non seulement disgracieux, mais encore peu propre au service de la selle.

II. — Corps

A. — Face supérieure.
a. — Encolure.

Le long balancier représenté par l’encolure est situé en avant du tronc et supporte la tête ; il a pour base osseuse les sept vertèbres cervicales.

On reconnaît à cette région deux faces latérales, un bord supérieur, un bord inférieur, une extrémité antéro-supèrieure ou sommet, et une extrémité postéro-inférieure ou base.

Les faces latérales présentent inférieurement une dépression longitudinale (gouttière de la jugulaire) logeant une grosse veine superficielle, la jugulaire, où l’on pratique généralement la saignée.

Le bord supérieur est orné de la crinière, dont les crins sont d’autant plus fins que l’animal est plus distingué, plus énergique.

Le bord inférieur a pour base le tube trachéal ; on doit, pour cette raison, le préférer large et arrondi.

La forme droite et la direction oblique (Voy. fig. 24 du texte) à 45 degrés environ sont deux conditions à rechercher dans l’encolure ; elles donnent de la grâce à l’ensemble du corps et rendent le cheval apte à tous les services.

L’encolure verticale et l’encolure horizontale sont considérées comme des défectuosités chez le cheval de selle : la première donne du brillant à l’animal, mais elle le prédispose porter au vent ; la seconde le rend pesant à la main et le fait butter.

p. 66Relativement à son volume, l’encolure doit être fine, mais bien musclée.

Trop grêle, elle ne convient à aucun service. Trop épaisse (Voy. fig. 23 du texte) ou charnue, elle n’est à rechercher que pour le cheval de gros trait.

L’encolure ne doit être, d’un autre côté, ni trop courte, ni trop longue.

L’encolure courte manque de flexibilité et ne couvre pas assez le cavalier ; aussi ne convient-elle aucunement pour le service de la selle, surtout dans l’armée.

L’encolure longue n’est un inconvénient que dans le cas où elle est mal musclée et supporte une tête lourde. Les Arabes rangent cette région dans les choses qui doivent être longues : « En allongeant l’encolure et la tête pour boire dans un ruisseau qui coule à fleur de terre, si le cheval est bien d’aplomb, sans replier l’un de ses membres antérieurs, soyez assuré, disent-ils, qu’il a des qualités, et que toutes les parties de son corps sont en harmonie12. »

Fig. 27. — Encolure de cygne.

Fig. 28. — Encolure chargée ou tombante.

L’encolure varie dans sa direction : souvent elle décrit une courbe (à convexité supérieure) plus ou moins prononcée du garrot à la nuque ; elle est alors désignée sous le nom d’encolure rouée (Voy. fig. 26 du texte) (chevaux andalous et barbes).

Si la courbe existe à son sommet seulement, elle est dite encolure de cygne (fig. 27 du texte).

Ces deux directions, en rapprochant la tête de la verticale, ont l’inconvénient de permettre au cheval de sencapuchonner.

L’encolure de cerf (Voy. fig. 25 du texte) est courbée dans le sens p. 67inverse de l’encolure rouée ; en favorisant l’horizontalité de la tête, elle prédispose le cheval à porter au vent.

L’encolure chargée ou tombante (fig. 28 du texte) est celle dont le bord supérieur, gros et empâté, se renverse plus ou moins d’un côté (gros chevaux).

Nous avons vu les attaches supérieures de l’encolure en parlant de la tête ; nous n’y reviendrons pas. « Les attaches inférieures, dit M. H. Bouley, doivent être marquées, de chaque côté, par un léger relief que forme sous la peau le bord antérieur des épaules...13. » Dans ces conditions, l’encolure est dite bien sortie.

On appelle coup de hache une dépression du bord supérieur de l’encolure, immédiatement en avant du garrot, et coup de lance, un creux situé sur les faces latérales, en avant de l’épaule. Cette dernière dépression, due en réalité à une atrophie du muscle angulaire de l’omoplate, a donné lieu à une légende d’après laquelle un magnifique cheval turc, ayant reçu un coup de lance dans la bataille que se livrèrent Constantin et Maxence sous les murs de Rome (an 312), fut ensuite employé à la reproduction et transmit à ses descendants cette marque que de Garsault appelle une « marque d’honneur ».

b. — Garrot.

Situé en arrière de l’encolure et en avant du dos, le garrot a pour base les apophyses épineuses des cinq ou six vertèbres dorsales qui suivent la première, ainsi que la portion des ligaments surépineux cervical et dorso-lombaire qui recouvre leurs sommets renflés. Le bord supérieur du cartilage complémentaire de l’omoplate et des plans musculaires nombreux (voy. pl. VIII et IX) concourt aussi à former cette région.

Le beau garrot doit être élevé et reporté en arrière (fig. 29 du texte). Cette conformation facilite les mouvements de l’encolure et de l’épaule : d’abord, en permettant au ligament et aux muscles cervicaux d’agir plus perpendiculairement sur le bras de levier de la résistance représenté par l’encolure ; en augmentant, ensuite, la longueur des muscles qui vont du garrot à l’épaule. Chez le cheval destiné à être p. 68monté, elle facilite, en outre, l’application de la selle, en empêchant celle-ci de fuir en avant.

Il y a lieu, toutefois, de faire observer que le garrot doit être modérément reporté en arrière, sous peine de devenir défectueux.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer un certain nombre de chevaux, en Tunisie surtout, chez qui le garrot se prolongeait tellement en arrière qu’il n’y avait plus place pour la selle, et qu’on ne pouvait les monter une journée sans les blesser.

Le garrot doit non seulement être élevé, mais sec à son bord supérieur, c’est-à-dire peu chargé de parties molles. L’expérience prouve qu’un garrot gras, empâté, est plus facilement blessé par la selle que le garrot sec, et que les blessures y sont, en outre, plus graves et plus longues à guérir.

Fig. 29. — Garrot élevé et épaule longue et oblique.

Fig. 30. — Garrot bas et épaule courte et droite.

Il y a lieu de remarquer que la hauteur du garrot peut être absolue ou relative.

Pour nous, elle est absolue quand la saillie formée par la région est plus ou moins prononcée relativement aux parties environnantes.

Elle est, au contraire, relative si on la compare à celle de la croupe.

Quoi qu’il en soit, d’après les observations de MM. Goubaux et Barrier, consignées dans leur magnifique Traité de l’extérieur du cheval, la hauteur absolue du garrot ne tient pas seulement à la longueur des apophyses épineuses des vertèbres constitutives, comme p. 69on l’a cru jusque-là, mais encore au mode de suspension du tronc entre les membres antérieurs, à l’état d’embonpoint des sujets, à la longueur du scapulum et de son cartilage, à l’inclinaison de l’épaule.

Quant aux différences de hauteur portant sur l’avant et l’arrière main, elles peuvent tenir aussi : au degré d’ouverture des angles articulaires du membre thoracique ; à la longueur de ses divers rayons ; enfin, au rapport de longueur existant entre les membres antérieurs et les membres postérieurs.

Outre l’inconvénient de rendre le cheval plus difficile à harnacher, inhérent à tout garrot bas (fig. 30 du texte), le peu d’élévation de cette région relativement à celle de la croupe a encore pour résultat de surcharger les membres antérieurs ; d’où « actions insuffisantes de l’avant-main, trot raccourci avec manifestation ordinaire du défaut de forger, inaptitude à l’allure du galop, difficulté d’exécuter le saut et le cabrer14. »

Nous devons cependant faire observer qu’il ne manque pas de chevaux de pur sang possédant une très grande vitesse chez qui le garrot est bas comparativement à la croupe. C’est qu’ici, avec un avant-main très léger, des épaules fortement obliques, un équilibre plus instable (le centre de gravité étant reporté en avant), coexistent un arrière-main puissant et long, une croupe généralement oblique et des membres postérieurs engagés sous le tronc, projetant le corps en haut. D’où, en somme, inconvénient racheté par une compensation au moins égale.

Nous reviendrons, d’ailleurs, sur ce sujet à propos de la croupe.

Terminons en disant que si le garrot élevé commande généralement une poitrine profonde et des épaules longues et obliques, cette règle souffre pas mal d’exceptions. Nous avons vu maints chevaux à garrot très élevé, à poitrine profonde même, chez qui les épaules étaient droites, courtes, mal musclées, et l’angle scapulo-huméral très remonté (Voy. Épaule).

Par suite de sa saillie, de sa complexité anatomique, des nombreux mouvements dont il est le centre, le garrot se trouve souvent blessé. Or, les blessures de cette région se compliquant fréquemment d’une affection très difficile et très longue à guérir, le mal de garrot (nécrose ou carie des ligaments et des os, avec fistule et pus liquide très odorant, p. 70de mauvaise nature), il y a lieu d’accorder une grande importance à la netteté du garrot.

c. — Dos.

Situé au-dessus des côtes, entre le garrot et les reins, le dos a pour base les onze ou douze dernières vertèbres dorsales.

Il doit être à peu près horizontal, large, c’est-à-dire bien musclé, et court (fig. 31 du texte).

Si le dos s’incline trop en avant, on le dit plongé (fig. 32 du texte). S’il est concave, le cheval est dit ensellé (fig. 33 du texte).

Fig. 31. — Dos bien conformé.

Ces deux conformations nuisent à la solidité et sont de graves défectuosités pour les chevaux de selle et de bât.

Si la ligne dorsale est convexe, le dos est dit de mulet (fig. 34 du texte), ou de carpe quand cette convexité est exagérée. Les chevaux qui présentent ces conformations ont le dos solide ; mais leurs réactions sont très dures et ils ne conviennent guère qu’au service du trait ou du bât.

On admet en général et il semble logique d’admettre que le dos long donne plus de douceur aux réactions, surtout s’il existe avec des angles articulaires fermés, des paturons longs et obliques ; mais la pratique prouve que cette conformation de la région dorsale coïncide souvent avec des réactions dures, même lorsque les rayons phalangiens sont longs et obliques. Le seul point qui paraisse bien démontré, c’est que la longueur de la tige dorsale diminue sa solidité et prédispose à l’ensellement si l’on fait porter des fardeaux un peu lourds au cheval.

p. 71On a dit que le dos long diminuait aussi la vitesse ; cela, d’après M. H. Bouley, est absolument le contraire de la vérité : « Car, dit-il, la brièveté de la colonne rachidienne n’est pas compatible avec la rapidité des allures. » Il en résulte que si l’on considère le cheval au seul point de vue de son utilisation comme moteur à grande vitesse, on doit rechercher un dos long.

Fig. 32. — Dos plongé.

Fig. 33. — Dos ensellé.

Le dos court est plus solide et convient mieux pour la selle et la plupart des autres services.

En somme, bien qu’on rencontre des avantages dans le dos long et dans le dos court, il est bon de poser en principe général que le dos p. 72le mieux conformé sera celui qui présentera une longueur en harmonie avec l’ensemble des autres parties du corps.

Le dos peut encore être tranchant ou double. Cette dernière conformation n’est à rechercher que pour les chevaux de gros trait.

Fig. 34. — Dos de mulet.

Les blessures du dos par le harnachement sont fréquentes, mais beaucoup moins graves qu’au garrot.

d. — Reins.

Située entre le dos et la croupe, cette région a pour base les six vertèbres lombaires.

Pour être beaux, les reins doivent être courts, larges, dans une bonne direction, bien musclés et bien attachés.

Les reins longs sont toujours faibles, d’autant plus qu’ils sont en même temps souvent étroits.

Les reins convexes, voussés, indiquent la vieillesse, l’usure, une maladie grave (effort de reins), ou encore un défaut originel, non absolument rare chez les produits des juments précédemment livrées à la production mulassière. Dans ce dernier cas, la voussure des reins n’est pas un défaut bien grave, si ce n’est pour le cheval destiné à la selle, qui peut se blesser plus facilement.

Quand les reins sont plus bas que la croupe, mal liés à elle, on dit qu’ils sont bas, mal attachés, mal soudés. Cette défectuosité, qui coexiste généralement avec des reins longs, étroits, nuit d’ordinaire à la rapidité des allures, à la solidité, rend l’arrière-main vacillant et le reculer difficile.

p. 73Il faut se garder de considérer comme bas, mal attachés, des reins ne paraissant en contre-bas que par suite de la saillie exagérée des angles internes de l’ilium ou du sommet de la croupe (bosse du saut).

Comme le dos, les reins peuvent être tranchants ou doubles.

Les blessures sont également les mêmes que dans cette dernière région.

e. — Croupe.

La croupe forme réellement le premier rayon des membres postérieurs et correspond, anatomiquement, à l’épaule. Mais, sous le rapport de l’extérieur, cette région n’étant pas nettement distincte du tronc, auquel elle est unie, d’ailleurs, de la manière la plus intime, nous la comprenons dans les régions du corps.

La croupe fait suite aux reins et a pour base les deux coxaux, composés chacun, ainsi que nous l’avons vu, de trois parties : 1° l’illium, qui s’appuie sur le sacrum ; 2° le pubis, compris entre les deux autres ; 3° l’ischium, qui, au lieu de suivre la direction oblique de haut en bas et d’avant en arrière de l’ilium, se relève et se porte en arrière (voy. IIIe partie, Bassin, et pl. XIV).

Ces trois parties, en se réunissant, forment inférieurement, et de chaque côté, une cavité dite cotyloïde, dans laquelle se trouve logée la tête du fémur correspondant.

De cette disposition résulte l’articulation coxo-fémorale, servant de point d’appui au levier représenté par chaque coxal.

La belle croupe doit être longue, légèrement inclinée, d’une largeur moyenne, et bien musclée.

La longueur est la première condition de beauté ; car le grand développement de la région, d’avant en arrière, est en rapport avec la longueur des muscles qui s’y attachent (muscles fessiers et ischio-tibiaux), et, par conséquent, avec l’étendue de leur contraction.

La longueur de la croupe se mesure de la hanche à la pointe de la fesse (tubérosité postérieure et externe de l’ischium). Cette longueur, indispensable à la rapidité des allures, a son effet d’autant plus marqué, pour le saut ou le galop surtout, qu’elle réside principalement dans les dimensions des ischiums, c’est-à-dire des bras de levier qui s’étendent de l’articulation coxo-fémorale à la pointe de la fesse, et sur lesquels agissent les muscles ischio-tibiaux chargés de faire basculer p. 74le coxal, et avec lui toute la partie antérieure du corps, sur la tête du fémur (fig. 35 du texte).

L’importance du grand développement de la croupe, d’avant en arrière, n’a pas échappé à l’esprit d’observation des Arabes : « Le cheval dont la croupe est aussi longue que le dos et les reins réunis, disent-ils, prends-le les yeux fermés : c’est une bénédiction. » Fitz-Émilius, par exemple, était dans ces conditions, et l’on sait quels grands moyens ce petit cheval a montrés en toute circonstance.

Fig. 35. — Croupe longue et croupe courte (fig. théorique).

AB. Croupe longue.A’B’. Croupe courte.CF. Fémur.E. Tibia.O. Articulation coxo-fémorale.AO et A’O. Ischiums.CB. Muscles fessiers de la croupe longue.CB’. Muscles fessiers de la croupe courte.AD. Muscles ischio-tibiaux de la croupe longue.A’D. Muscles ischio-tibiaux de la croupe courte.

Fig. 36. — Croupe horizontale et croupe oblique (fig. théorique).

AB. Croupe horizontale.A’B’. Croupe oblique.CB et AD. Muscles fessiers et ischio-tibiaux de la croupe horizontale (maximum de longueur).CB’ et A’D. Les mêmes muscles dans la croupe oblique (minimum de longueur).

La bonne direction de la croupe a été et est encore très discutée. Pour les uns, on doit la rechercher horizontale (fig. 37 du texte) ; pour les autres, l’obliquité est préférable (fig. 38 du texte). La vérité est que la croupe horizontale, entraînant de longs muscles ischio-tibiaux et ilio-trochantériens avec des attaches ischiatiques et trochantériennes plus perpendiculaires, des membres postérieurs plus reportés en arrière, un angle coxo-fémoral plus fermé, et, partant, une plus grande extension de la cuisse, favorise l’étendue des mouvements, l’impulsion en avant, la vitesse ; tandis que la croupe oblique, comportant un angle p. 75coxo-fémoral plus ouvert 15, des muscles plus courts, permet des mouvements moins étendus, une extension moins grande du fémur, et convient conséquemment moins bien pour les allures rapides que la conformation précédente (fig. 36 du texte).

D’un autre côté, la croupe oblique coïncidant le plus souvent avec des membres postérieurs fortement engagés sous le tronc, une partie de la détente de ceux-ci est employée en pure perte à soulever le corps jusqu’au moment où l’effort peut se transmettre intégralement au rachis dans le sens du mouvement. D’où, en somme, nouvel inconvénient de l’obliquité de la croupe pour la vitesse.

Fig. 37. — Croupe horizontale.

Fig. 38. — Croupe oblique.

Mais hâtons-nous de faire remarquer que « les conséquences de l’obliquité de la croupe sont subordonnées à la longueur, à la direction des ischiums, et aux rapports qui existent entre l’avant-main et l’arrière-main. Une croupe oblique, si elle est longue, puissamment musclée et élevée, et si l’avant-main est bas et léger, chassera fortement la masse en avant [•] 16. » Par suite, en effet, d’un simple déplacement du centre de gravité en avant, tout se trouve changé dans l’individu, et la projection peut s’opérer horizontalement, même chez l’animal à croupe oblique, pourvu qu’il soit bas et léger du devant ou, tout simplement, que l’encolure se relève, que la tête se porte en arrière, qu’en un mot la plus grande partie du poids du corps soit répartie sur les extrémités postérieures.

Il y a donc lieu de faire entrer en ligne de compte, pour l’appréciation p. 76de telle ou telle direction de la croupe, la conformation de l’avant-main. C’est ainsi que, chez les chevaux anglais, généralement bas du devant, on ne fait aucune différence, pour la vitesse, entre un cheval à croupe horizontale et son concurrent à croupe oblique. « Si le premier a des avantages dans un sens, le second en a dans l’autre, dit M. Richard, et il en résulte une compensation qui peut niveler leurs conditions de vitesse comme structure, sinon comme sang17. »

Fig. 39. — croupe tranchante ou de mulet

Avec la plupart des auteurs, nous admettons que la croupe oblique facilite d’ordinaire les allures enlevées18, non pas que nous croyions que cette direction soit favorable par elle-même à l’impulsion verticale ; mais parce que, coexistant généralement, comme nous l’avons vu, avec des membres postérieurs plus ou moins engagés sous le centre de gravité, la détente de ceux-ci a d’abord pour résultat de projeter le tronc en haut avant que l’effort puisse se transmettre au rachis dans le sens du mouvement en avant.

L’obliquité de la croupe est, d’ailleurs, favorable aussi à la force : par suite de l’inclinaison des rayons et de la fermeture des angles articulaires du membre abdominal, que nous savons être très souvent la conséquence de l’abaissement de la croupe, les attaches musculaires sont plus perpendiculaires à leurs bras de levier et permettent à l’animal de leur faire produire des efforts d’une grande intensité.

Fig. 40. — croupe double

Donc, d’une façon générale, la direction de la croupe doit être horizontale pour les services rapides ; oblique chez les chevaux destinés aux allures enlevées et chez ceux de gros trait lent ; moyennement inclinée, enfin, pour tous les services mixtes.

p. 77Cette direction répond à peu près à une ligne qui unirait la hanche à la pointe de la fesse.

Si la croupe est trop oblique, on la dit avalée, en pupitre, ou coupée. Cette dernière expression indique que le défaut est porté à l’excès et que les ischiums sont en même temps courts.

Sous le rapport de ses dimensions, la croupe peut être non seulement longue ou courte, mais large ou étroite.

La croupe large est une beauté pour tous les services et doit être surtout recherchée pour les juments poulinières. Par contre, la croupe étroite est très défectueuse ; elle indique que la région est mal musclée, sans force, et fait dire du cheval qu’il est pointu du derrière.

Relativement à la direction de sa ligne supérieure et à sa musculature, la croupe reçoit également différentes dénominations.

Lorsque l’épine sus-sacrée est très saillante et que les muscles fessiers s’abaissent de chaque côté, de manière à former un plan incliné, elle est dite tranchante ou de mulet (fig. 39 du texte). Cette conformation, commune chez les chevaux barbes, andalous, et du midi de la France, n’est défectueuse que si la région est en même temps étroite et mal musclée.

Quand, au contraire, l’épine sus-sacrée est figurée par un sillon limité de chaque côté par les muscles de la croupe trop fortement développés, on a la croupe double (fig. 40 du texte), qui ne convient que pour le service du gros trait.

Si, enfin, les éminences osseuses sont plus développées et plus saillantes que d’habitude, la croupe est dite anguleuse et dénote généralement des leviers d’une grande puissance. La saillie formée par les angles internes de l’ilium est quelquefois désignée sous la dénomination particulière de bosse du saut.

f. — Hanche.

Située à la partie externe de la croupe, avec laquelle elle se confond, cette région paire a pour base l’angle externe de l’ilium.

Fig. 41. — Cheval cornu.

La hanche doit faire une légère saillie ; alors elle est dite bien sortie.

p. 78Trop proéminente, le cheval est appelé cornu (fig. 41 du texte). Cette conformation de la hanche, tout simplement disgracieuse, est surtout commune chez les chevaux allemands. On la remarque aussi chez les chevaux maigres. « Il y avait une plaisanterie, dit à ce propos de Curnieu, qui consistait à faire semblant d’accrocher son chapeau à la hanche d’un cheval qu’on trouvait trop maigre. »

B. — Extrémité antérieure.
a. — Poitrail.

Placé au-dessous de l’encolure, le poitrail a pour base le sternum et les muscles pectoraux qui s’y attachent. Il devra être très large pour les chevaux de gros trait, et d’une largeur moyenne pour les chevaux de luxe.

Fig. 42. — Poitrail large.

Fig. 43. — Poitrail étroit.

La grande largeur du poitrail fait dire du cheval qu’il est bien ouvert du devant (fig. 42 du texte) ; son étroitesse rend, au contraire, le cheval serré, étroit (fig. 43 du texte). Cette dernière conformation, favorable aux allures rapides, n’est un défaut que si la poitrine manque p. 79de hauteur et de profondeur, et si les côtes sont serrées en arrière des épaules.

Il est à remarquer que la largeur du poitrail n’entraîne pas nécessairement celle de la poitrine ; car elle peut tenir exclusivement au grand développement des muscles pectoraux. D’ailleurs, les dimensions de la poitrine ne varient guère, chez les sujets de même taille, qu’en arrière des épaules. Si donc un large poitrail indique généralement une poitrine développée, c’est plutôt par suite de cette espèce de solidarité, mise en évidence par M. H. Bouley, qui existe entre le développement général de l’appareil respiratoire et celui du système musculaire.

Le poitrail qui laisse voir un creux entre les deux épaules est dit enfoncé ; c’est le glus grand défaut absolu de cette région. Aussi, les Arabes méprisent-ils profondément un cheval qui présente cette défectuosité (Voy. Épaule).

b, c. — Ars et Inter-ars.

L’ars répond au point de jonction de l’extrémité supérieure et interne de l’avant-bras avec le tronc, et se trouve limité, en avant, par le poitrail, en arrière, par le passage des sangles.

Cette région présente peu d’intérêt en extérieur ; néanmoins, elle est quelquefois le siège d’excoriations qui font dire que le cheval est frayé aux ars.

L’inter-ars est l’espace situé entre les deux ars. Il n’offre à considérer que des traces de sétons, auxquelles on attache généralement peu d’importance.

C. — Face inférieure.
a. — Passage des sangles.

Située en arrière des ars et des coudes, en avant du ventre, cette région doit être bien descendue, arrondie d’un côté à l’autre et horizontale d’avant en arrière, de façon à ce que les sangles ne glissent pas continuellement en avant ou en arrière. Elle est souvent le siège de blessures dues au harnachement, surtout si elle forme un plan incliné.

p. 80
b. — Ventre.

Placé au-dessous des flancs et des côtes, le ventre a pour base les muscles des parois inférieures de l’abdomen. Son développement doit être médiocre.

Fig. 44. — Ventre avalé ou de vache.

S’il est trop volumineux, on le dit avalé ou ventre de vache (fig. 44 du texte) ; cette conformation nuit aux allures rapides et indique généralement un cheval mou, lymphatique, grand mangeur. Elle peut cependant p. 81se rencontrer chez des chevaux vigoureux, qui ont reçu pour toute nourriture, pendant un temps plus ou moins long, des aliments grossiers, peu nutritifs ; dans ce cas, une alimentation bien entendue ramène d’autant plus facilement le ventre à un volume convenable que l’on a affaire à des animaux jeunes.

Fig. 45. — Ventre levretté.

On rencontre aussi le ventre avalé chez les poulinières qui ont mis bas plusieurs fois.

Si l’animal présente le défaut opposé, on le dit levretté (fig. 45 du texte) ou étroit de boyaux. Cela indique que le cheval se nourrit mal, qu’il a longtemps souffert, ou qu’on l’a entraîné pour les courses. Quand cette défectuosité n’est pas due à l’entraînement ou à une longue maladie, qu’elle est, pour ainsi dire, naturelle, les chevaux boudent sur leur nourriture après la moindre fatigue, lisent la gazette, comme disent les maquignons.

Sur les parois du ventre peuvent exister des tumeurs molles appelées hernies, produites par la sortie d’une anse intestinale, soit à travers l’anneau ombilical dont l’ouverture a persisté, soit à travers les muscles abdominaux déchirés. La portion herniée qui fait ainsi saillie sous la peau au niveau de l’ombilic est dite hernie ombilicale. Dans les autres points du ventre, les hernies sont dites ventrales, ou tout simplement éventrations, et résultent de coups ou d’efforts violents.

D. — Face latérales.
a. — Côtes.

Cette région forme latéralement la charpente osseuse de la cavité de la poitrine. Elle a pour base tous les arcs costaux situés en arrière de l’épaule.

Elle doit offrir une convexité assez prononcée et être longue.

Les côtes plates et courtes (fig. 46 du texte) indiquent une respiration et une circulation peu étendues, conséquemment un cheval sans fond.

Les côtes longues ou descendues (voy. fig. 45 du texte), rondes très reportées en arrière, annoncent, au contraire, une poitrine large, haute, profonde, et la faculté de supporter un exercicep. 82 violent et soutenu : « Choisis-le large et achète, disent les Arabes, l’orge le fera courir. »

S’il est évident que la grande longueur des côtes peut compenser en partie leur manque d’incurvation, il est théoriquement et pratiquement impossible d’admettre, avec certains auteurs, que l’énergie, la bonne conformation des autres régions du cheval, peuvent racheter le peu de capacité de sa cavité thoracique. Comme le dit avec raison M. Richard, le cheval à côtes courtes et plates « ne sera jamais capable de faire un bon service ; il ne sera jamais un cheval de fond, quels que soient son sang et sa conformation ; manquant par le foyer, par le principe qui préside à toutes les fonctions de la vie, il ne sera, d’un autre côté, qu’un mauvais reproducteur, malgré la noblesse de son origine19 ».

Fig. 46. — Côtes courtes.

La véritable hauteur de la poitrine se mesure verticalement du sternum à la colonne vertébrale, sous le garrot ; sa profondeur, ou longueur, se prend horizontalement de la partie antérieure du sternum, sous l’encolure, au diaphragme ; enfin, sa largeur est représentée par la distance qui existe d’un côté à l’autre, en arrière de l’épaule, au dessus du passage des sangles.

b. — Flanc.

Limité en haut par les reins, en avant par les côtes, en arrière p. 83par la hanche, et en bas par le ventre, le flanc a pour base principale le muscle petit oblique de l’abdomen. Il présente trois parties à étudier : une supérieure, le creux ; une moyenne, la corde ; une inférieure, ou la partie fuyante.

Le flanc doit être plein et court.

Le flanc long, coïncidant généralement avec des côtes courtes, plates, et des reins longs, doit être considéré comme une grave défectuosité.

Le flanc est creux quand la partie supérieure forme un enfoncement prononcé ; cordé, si la partie moyenne est tendue et se dessine fortement en relief sous la peau. La première de ces conformations annonce un cheval mou, lymphatique, gros mangeur ; la seconde indique une affection quelconque des organes digestifs, la maigreur, ou encore l’excès de travail.

Lorsque le flanc est à la fois creux et cordé, on dit que l’animal est efflanqué.

Enfin, le flanc est retroussé quand il simule celui du lévrier.

Les mouvements du flanc correspondent exactement à ceux de l’inspiration et de l’expiration. Comme ces derniers, ils sont lents et réguliers à l’état sain et au repos, et, comme eux aussi, ils augmentent par suite d’un exercice violent ou d’une maladie plus ou moins grave. De plus, dans certaines affections, l’emphyséme pulmonaire, par exemple, ils deviennent irréguliers, et les mouvements d’abaissement ou d’élévation, ces derniers plus particulièrement, se font en deux temps séparés l’un de l’autre par un moment d’arrêt appelé soubresaut, coup de fouet, contre-temps de la pousse (voy. IIIe partie, Rhythme de la respiration).

Les flancs peuvent être le siège de hernies, comme le ventre.

E. — Extrémité postérieure.
a. — Queue.

La queue a pour base les os coccygiens et fait suite à la croupe. Les crins dont elle est garnie sont d’autant plus fins que le cheval a plus de distinction.

Lorsque les crins sont entiers et le tronçon intact, on dit le cheval à tous crins. Celui-ci est dit écourté, courte-queue, lorsqu’on a retranché p. 84une partie notable du tronçon et coupé les crins au niveau de la section. Si, au contraire, les crins ont été ménagés, la queue est dite en balai.

On appelle queue de rat celle qui se trouve en grande partie dépourvue de crins ; elle a l’inconvénient de laisser le cheval sans arme contre les insectes qui viennent l’assaillir l’été. Pourtant les chevaux qui présentent cette particularité sont généralement estimés ; tout le monde connaît, en effet, ce vieux dicton : Jamais cheval à queue de rat n’a laissé son maître dans l’embarras.

La queue est dite bien attachée quand le tronçon élevé se sépare bien des fesses ; elle est, au contraire, mal attachée, collée, si, parlant de bas, elle se détache peu.

Pour donner à certains chevaux la distinction qu’ils n’avaient pas dans le port de la queue, on pratiquait beaucoup autrefois l’opération de la queue à l’anglaise (section des muscles abaisseurs), et le cheval était dit anglaisé ou niqueté.

On juge assez sûrement de l’énergie d’un cheval par la résistance qu’offre sa queue quand on veut la soulever.

Les Arabes font, avec raison, grand cas de cet élément d’appréciation.

b. — Anus.

Ouverture postérieure du tube digestif, l’anus doit être recouvert d’une peau fine, arrondi, peu volumineux, et toujours parfaitement clos. L’anus béant, avec expulsion continuelle de gaz et de matières alimentaires mal liées, caractérise le cheval vidard, cheval mou, faible, vieux ou épuisé : « Méfie-toi, disent les Arabes, du cheval dont l’anus est béant ou venteux, ou dont les crottins ne sont pas égaux20. »

c. — Périnée.

Le périnée est l’espace compris entre les fesses, de l’anus aux testicules chez le cheval, et de l’anus à la vulve chez la jument.

La peau qui recouvre cette région doit être lisse, fine et souple.

Raphé. — Le raphé est la ligne médiane qui sépare le périnée en deux parties égales.

p. 85
F. — Organes génitaux.
1° — Organes génitaux du mâle.
a. — Testicules et Bourses.

Situés sous la région inguinale, dans l’entre-deux des cuisses, le gauche toujours plus bas et plus en arrière que le droit, les testicules représentent deux masses glanduleuses de forme ovoïde, enveloppées chacune dans une poche membraneuse appelée bourse.

Ils doivent être fermes, volumineux, roulants sous les doigts, sans inégalité, et non douloureux à la pression.

Le cheval pourvu de ses testicules est dit entier ; il est hongre dans le cas contraire.

Le cheval monorchide n’a qu’un seul testicule descendu dans les bourses.

Chez le cheval cryptorchide, les deux testicules sont restés dans la cavité abdominale. Cette dernière expression s’applique souvent aussi au cheval monorchide.

Les animaux monorchides ou cryptorchides étant généralement méchants, on doit les proscrire de certains services, de celui de l’armée par exemple.

Les cryptorchides doivent aussi être rejetés de la reproduction, l’expérience ayant démontré qu’ils sont inféconds.

Les maladies et les tares de la région testiculaire sont fréquentes et généralement graves.

Parmi celles-ci, il y a lieu de signaler :

L’orchite (inflammation de la substance propre du testicule) ; le sarcocèle (engorgement chronique de l’organe formant une tumeur considérable dure et peu sensible) ; l’hydrocèle (hydropisie aiguë ou chronique des bourses, qui sont alors augmentées de volume, tendues et luisantes) ; le champignon (tumeur indurée de l’extrémité du cordon qui supporte les testicules, survenant, d’un côté ou de l’autre, à la suite de la castration) ; enfin, la hernie inguinale aiguë ou chronique (due à l’irruption d’une anse intestinale dans les bourses ; les douleurs qui accompagnent la forme aiguë empêchent toujours la mise en vente de l’animal ; mais il n’en est plus de même pour la forme chronique, qu’on rencontre assez souvent, surtout à l’état intermittent).

p. 86D’une manière générale, on ne devra jamais faire l’acquisition d’un cheval atteint de l’une ou de l’autre des affections précédentes.

b. — Fourreau et Verge.

Fourreau. — Repli de la peau dans lequel se trouve logé le pénis, le fourreau doit être ample et recouvrir complètement cette dernière partie, excepté pendant les émissions d’urine.

Sa cavité est enduite d’une humeur sébacée, de couleur gris noirâtre, que l’on désigne, à cause de son aspect, sous le nom de cambouis. Cette matière s’accumulant quelquefois en trop grande quantité donne lieu à une irritation qu’on évite en ayant soin d’éponger souvent la région.

Certains chevaux font entendre, pendant l’allure du trot ou du galop, un bruit particulier auquel on a donné le nom de bruit de grenouilles. D’après MM. Merche21, Goubaux et Barrier22, ce bruit est dû à l’aspiration et au refoulement successifs de l’air à l’intérieur du fourreau. C’est ainsi que M. Franconi a pu le faire disparaître en bourrant le fourreau avec des étoupes.

Souvent on trouve, de chaque côté du repli cutané qui nous occupe, un petit mamelon représentant le même organe chez la femelle.

Verge.— La verge ou pénis est l’organe de la copulation chez le mâle.

On doit s’assurer qu’elle est exempte de verrues, d’ulcérations, de tumeurs mélaniques, etc., qui nuisent à ses fonctions. Il est, en outre, indispensable qu’elle se meuve avec facilité dans le fourreau et en sorte partiellement lors de l’émission des urines, sans quoi l’animal urine dans son fourreau, défaut d’autant plus important que le séjour prolongé de l’urine dans l’enveloppe protectrice du pénis détermine là une irritation plus ou moins grave.

Quelquefois, la verge est frappée de paralysie et pend hors du fourreau ; outre qu’elle est très désagréable à l’œil, la verge pendante gêne considérablement le cheval pendant les allures. « Dans les conditions habituelles, la tête de la verge n’est pas visible à l’entrée du fourreau ; elle est masquée par les replis de la peau. Aussi, est-ce p. 87à tort que les peintres et les sculpteurs représentent cette partie à peu près avec la disposition qu’elle affecte chez l’homme. Il vaudrait beaucoup mieux qu’ils s’astreignissent, en cela, à copier la nature, de préférence aux modèles du Parthénon, d’ailleurs défectueux sous plus d’un autre rapport23. »

2° — Organes génitaux de la femelle.
a. — Vulve.

Orifice extérieur des organes génito-urinaires de la jument, la vulve constitue une fente verticale située au-dessous de l’anus, dont la sépare le périnée.

Elle présente deux lèvres, qui doivent être fermes et exemptes de blessures, et deux commissures : l’une supérieure, aiguë, l’autre inférieure, arrondie. Celle-ci laisse voir, quand on écarte les lèvres, un gros tubercule impair, le clitoris, logé dans un repli muqueux.

Chez les juments en chaleur, la vulve se gonfle, devient plus chaude, plus sensible, plus rouge, et laisse écouler une petite quantité de liquide. En outre, « les bêtes se campent fréquemment, rejettent une petite quantité d’urine et font saillir leur clitoris à plusieurs reprises et d’une façon convulsive à la suite de ces efforts. Souvent alors elles se montrent chatouilleuses, difficiles à approcher, et détachent la ruade au moindre attouchement. On les dit pisseuses, lorsque cet état devient habituel24.

Les tares les plus fréquentes de la vulve sont des plaies, des déchirures, des morsures, des venues, etc., qui ne nuisent généralement pas au service journalier. Toutefois, d’après M. Huzard, les verrues, étant héréditaires, doivent faire exclure la jument des haras.

b. — Mamelles.

Les mamelles sont deux glandes préposées à la sécrétion du lait. Elles forment, dans la région inguinale, deux éminences arrondies surmontées chacune d’un petit prolongement nommé mamelon, qui p. 88donne passage au lait par deux orifices excréteurs aboutissant à l’intérieur de l’organe.

Les mamelles doivent être exemptes de maladies et bien dessinées chez les juments destinées à la reproduction.

III. — Membres

Les membres, au nombre de quatre, deux antérieurs et deux postérieurs, sont les supports et les véritables moteurs du corps.

Nous ne reviendrons, ni sur la disposition angulaire de leurs rayons, ni sur leur mode d’attache avec le tronc, toutes particularités qui ont été suffisamment examinées dans nos généralités (voy. Divisions principales et Squelette). Nous nous contenterons ici de les étudier au point de vue de l’extérieur.

L’association de deux membres forme ce qu’on appelle un bipède, et l’on distingue les bipèdes en antérieur, postérieur, latéral, et diagonal.

Le bipède antérieur est constitué par les deux membres de devant ; le bipède postérieur, par les deux membres de derrière ; le bipède latéral droit, par les membres droits de devant et de derrière ; le bipède latéral gauche, par les membres du côté opposé ; le bipède diagonal droit, par les membres antérieur droit et postérieur gauche ; le bipède diagonal gauche, par les membres antérieur gauche et postérieur droit.

Chaque membre comprend plusieurs régions que nous étudierons successivement, en commençant par celles des membres antérieurs.

A. — Membres antérieurs.

Les régions comprises dans chaque membre antérieur sont, de haut en bas : l’épaule, le bras, l’ avant-bras, le coude, le genou, le canon, le tendon, le boulet, le fanon, l’ergot, le paturon, la couronne et le pied.

a. — Épaule.

Fixée de chaque côté de la poitrine, entre l’encolure et les côtes, le garrot et le bras, cette région paire a pour base le scapulum et son cartilage de prolongement. Elle est dirigée obliquement de haut en bas, d’arrière en avant, et s’articule à son extrémité antéro-inférieure p. 89avec l’humérus, formant ainsi une saillie connue sous le nom de pointe de l’épaule.

Pour le cheval de selle et de trait léger, l’épaule devra être longue, oblique, bien musclée (voy. fig. 29 du texte) ; elle devra avoir, de plus, des mouvements très faciles et très étendus.

La première condition de beauté est certainement la longueur, car elle indique un grand développement des muscles qui agissent sur le bras ; or, comme de la longueur de ceux-ci dépend leur degré d’extension ou de contraction, il est facile de concevoir que le jeu du bras sur l’épaule sera d’autant plus étendu que les muscles qui le font mouvoir seront plus longs : « l’angle formé par l’épaule et le bras, dit M. Richard, se fermera et s’ouvrira davantage, condition sine qua non de grande liberté du membre antérieur25. »

Fig. 47. — Épaule oblique et épaule droite (fig. théorique).

AB. Épaule oblique.A’B’. Épaule droite.OC. Encolure.BC. Direction schématique des muscles élévateurs de l’épaule AB.B’C’. Direction des mêmes muscles dans l’épaule A’B’ (insertions plus obliques que ci-dessus).

Fig. 48. — Épaule oblique et épaule droite (fig. théorique).

A’B’ et AB. Épaule oblique et épaule droite.A’O’ et AO. Verticales abaissées de l’extrémité supérieure de chaque épaule.B’C’ et BC. Amplitudes égales des deux oscillations scapulaires.

Une autre condition de beauté inhérente à l’épaule du cheval de vitesse réside dans son obliquité. Celle-ci donne une attache plus perpendiculaire aux muscles de la région (fig. 47 du texte), permet à la pointe de l’épaule de se porter plus en avant à chaque oscillation (fig. 48 du texte), à l’humérus de s’étendre davantage, et à l’avant-bras p. 90d’entamer une plus grande étendue de terrain (fig. 49 du texte).

Malgré ce qu’ont pu dire certains auteurs, la longueur de l’épaule est une beauté pour tous les services.

D’un autre côté, si les inconvénients résultant de l’épaule droite disparaissent en ce qui concerne le cheval de gros trait, il ne faut pas conclure de là qu’une épaule est défectueuse chez un boulonnais ou un percheron parce qu’elle est oblique : « Ceux qui voudront s’en assurer par des mensurations sérieuses reconnaîtront facilement que cette région est capable, sur les beaux modèles de ce genre, d’une très grande inclinaison26. » 

Fig. 49. — Épaule oblique et épaule droite (fig. théorique)

MN. Horizontale.AO. Épaule oblique.A’O. Épaule droite.OB. Humérus de l’épaule oblique.OB’. Humérus de l’épaule droite (les deux épaules et les deux bras sont supposés avoir la même longueur et former des angles égaux.B’C’. Arc décrit par l’humérus OB’.BC. Arc décrit par l’humérus OB.

Quelles que soient, d’ailleurs, sa longueur et sa direction, l’épaule devra toujours être bien musclée. Chez le cheval de selle et de trait léger, on recherchera en même temps des muscles bien dessinés, en relief sous la peau.

L’épaule chargée, massive, charnue, épaisse, noyée, c’est-à-dire celle dont les masses musculaires énormes alourdissent la démarche en surchargeant l’avant-main, ne convient qu’au cheval de gros trait.

L’épaule maigre, décharnée, est une défectuosité pour tous les services.

Relativement aux mouvements qu’elles peuvent exécuter, les épaules sont dites froides quand leurs actions, bornées au départ, deviennent plus libres à mesure qu’on exerce l’animal ; chevillées, lorsque cette difficulté des mouvements persiste toujours ; plaquées, quand elles offrent à la fois peu de saillie et peu de mouvement.

À notre avis, on n’accorde généralement pas assez d’importance, dans l’appréciation du cheval, à la conformation de l’épaule. Pour beaucoup, c’est là un petit détail sur lequel il serait puéril de s’arrêter.

p. 91Erreur profonde ! Le cheval dont l’épaule est droite, courte, mal musclée, (voy. fig. 30 du texte), est tout aussi sûrement un mauvais cheval que celui qui a la croupe courte et étroite : « Le cheval dont le poitrail est enfoncé et les épaules perpendiculaires, fuis-le comme la peste », disent les Arabes, et ils ont mille fois raison. « Si le cheval n’a point d’épaules, écrit d’autre part de Solleysel, et qu’il ne les puisse mouvoir, les ayant tout engourdies, cela est capable de faire rejeter un cheval de quelque beauté qu’il soit, hors que le prix en soit fort modique27. »

Aussi, ne saurions-nous trop engager le lecteur à voir dans l’épaule l’un des plus précieux éléments d’appréciation du cheval. Nous lui conseillons surtout de se défier des animaux chez lesquels cette région, en outre des défauts ci-dessus, se confond insensiblement avec l’encolure, le garrot et les côtes, et dont le rayon scapulaire s’amincit tellement à son extrémité supérieure qu’il semble s’accoler là à celui du côté opposé.

D’ailleurs, les épaules droites, courtes, mal musclées, présentent un autre inconvénient très grave pour les allures rapides, celui d’exposer le cheval à butter, surtout s’il est en même temps bas du devant. Les membres antérieurs, en effet, ne peuvent alors entamer une étendue de terrain commandée par l’impulsion des membres postérieurs, et l’animal se heurte aux moindres inégalités du sol dès qu’on force un peu son allure. Cet inconvénient est surtout sensible chez les chevaux à croupe bien musclée, horizontale, dont le corps est vigoureusement projeté en avant (voy. Croupe).

Maintenant, nous ferons observer que l’épaule n’est pas nécessairement bien conformée, comme on le croit souvent, par le seul fait que le garrot est sec et élevé. S’il est vrai que la beauté d’une de ces régions commande généralement celle de l’autre, il est non moins certain que souvent cette harmonie de conformation fait défaut. La longueur de l’épaule, en effet, dépend d’abord de celle de son rayon osseux et, secondairement, de la saillie des premières apophyses dorsales au-dessus des cartilages scapulaires ; or, il est évident que cette saillie, pour si accusée qu’elle soit, ne peut, en s’ajoutant à une omoplate courte, former une épaule longue, et, réciproquement, son effacement ne peut empêcher un scapulum très développé de constituer une épaule longue, descendue. Quant au raccourcissement des muscles qui, p. 92de cette région, vont au garrot, raccourcissement résultant du peu d’élévation de celui-ci, c’est là un inconvénient assez peu important, le rôle de ces muscles étant relativement effacé dans la locomotion de l’épaule.

Dans notre travail sur les chevaux tunisiens, nous signalions déjà timidement cette particularité : « Chose digne de remarque, écrivions-nous, « avec un garrot sec, élevé, tranchant, se prolongeant jusque vers le « milieu du dos, coexistent souvent des épaules mal conformées28. »

Aujourd’hui, grâce à de nouvelles et nombreuses observations sur les chevaux français, qui ont corroboré de tous points celles recueillies sur les chevaux tunisiens, nous ne craignons pas d’être plus affirmatif et d’appeler de nouveau l’attention du lecteur sur ce sujet.

Les régions de l’encolure et des côtes nous paraissent devoir être prises en plus sérieuse considération que celle du garrot pour l’appréciation de l’épaule. Donnant, en effet, attache à la plupart des muscles extrinsèques de cette dernière région, l’encolure et les côtes faciliteront d’autant plus les mouvements de l’épaule qu’elles seront plus longues, mieux musclées et dans une meilleure direction. La grande dimension de la région scapulaire n’est guère compatible, d’un autre côté, qu’avec une poitrine très haute.

L’épaule est l’une des régions de l’extérieur qui s’améliore le plus facilement par l’exercice.

M. de Sourdeval, si nous avons bonne mémoire, conseille aussi, pour développer l’obliquité des épaules, de ne jamais laisser le cheval prendre ses repas à terre, de lui donner, au contraire, ses aliments dans des râteliers et des crèches placés très haut.

b. — Bras.

Le bras, que l’on confond souvent avec l’épaule dans les traités d’extérieur, s’articule avec cette dernière région en formant l’angle scapulo-huméral. Il a pour base l’humérus et affecte une direction opposée à celle du rayon scapulaire.

Il devra être assez oblique pour fermer convenablement l’angle scapulo-huméral, disposition qui permet aux rayons osseux de s’écarter davantage au moment des allures.

p. 93
c. — Coude.

Situé en haut et en arrière de l’avant-bras, le coude a pour base le sommet du cubitus (olécrâne).

Il doit être long, ni trop écarté ni trop rentré sous la poitrine.

On appelle éponge une tumeur de la pointe du coude produite par la branche interne du fer des pieds antérieurs, quand le cheval se couche en vache.

d. — Avant-bras.

L’avant-bras fait suite au bras et a pour base le radius et le cubitus.

Fig. 50. — Avant-bras long et bien musclé.

Fig. 51. — Avant-bras court et grêle.

Il est d’autant mieux disposé pour la vitesse qu’il est plus long et plus vertical (fig. 50 du texte).

Les muscles recouvrant les rayons osseux doivent être volumineux, bien dessinés, fermes, et affecter la disposition de cônes renversés ; alors l’avant-bras est musculeux ; sinon il est grêle.

La longueur de l’avant-bras est moins à rechercher pour les chevaux de gros trait ; cependant, là encore, on pourrait la considérer comme une beauté, puisque les beaux chevaux de trait, ceux de la Compagnie générale des omnibus de Paris, par exemple, ont en général les avant-bras longs.

p. 94Pour certains services, celui du manège surtout, l’avant-bras court est préférable, en ce sens qu’il donne beaucoup de brillant au cheval : tels les chevaux andalous.

Châtaigne. — Production cornée peu intéressante située vers le tiers de la face interne de l’avant-bras.

Elle est d’autant moins développée que les chevaux sont plus fins.

e. — Genou.

Le genou a pour base les deux rangées des os carpiens (voy. pl. XI).

Fig. 52. — Genou large et épais.

Fig. 53. — Genou étroit.

Il présente à considérer deux faces : une antérieure à peu près plane, l’autre postérieure, ou le pli du genou.

Comme toutes les articulations, il doit être large (fig. 52 du texte) d’avant en arrière et épais d’un côté à l’autre, pour fournir une bonne surface d’appui à la partie antérieure du corps qui repose sur lui : « Le genoüil, « dit de Solleysel, doit être plat et « large, sans aucune grosseur ni « rondeur au-dessus29. » De plus, il doit se trouver dans la même direction verticale que le canon et l’avant-bras.

Ainsi conformé, il convient à tous les services.

Nous examinerons dans des chapitres spéciaux les défauts d’aplomb et les tares de cette région.

B. — Membres postérieurs.
a. — Cuisse.

Cette région a pour base le fémur et offre à étudier deux faces : une externe ; l’autre interne, dite plat de la cuisse, sur laquelle rampe une veine superficielle, la saphène, où l’on pratique quelquefois la saignée.

p. 95La face externe doit être, arrondie et séparée des régions voisines par des interstices musculaires, qu’il ne faut pas confondre avec les raies de misère résultant de l’amaigrissement. Si, avec cela, les muscles sont fermes, vigoureux, non empâtés, le cheval est dit bien gigoté.

Fig. 54. — Fesse et cuisse longues.

Fig. 55. — Fesse et cuisse courtes.

On dit qu’il a la cuisse plate, de grenouille, quand, au contraire, les muscles de cette région sont peu développés.

La longueur (fig. 54 du texte) et l’obliquité de la cuisse sont des beautés relatives à rechercher pour les allures rapides... « Et lorsque je dis : Reposons-nous, le cavalier s’arrête comme par enchantement et se met à chanter, restant en selle sur le cheval vigoureux dont les muscles des cuisses sont allongés et les tendons secs et bien séparés30. »

b. — Fesse.

Située en arrière de la cuisse, la fesse s’étend de la naissance de la queue à la corde du jarret. Cette région a pour base les muscles ischiotibiaux, chargés de faire basculer le coxal, et avec lui tout l’avant-main sur le fémur. Sa partie supérieure offre une espèce de saillie correspondant à l’angle postérieur de l’ischium ; c’est la pointe de la fesse.

p. 96Cette région doit être longue, large, et constituée par des muscles énergiques.

La fesse bien descendue (fig. 54 du texte) sur la jambe indique beaucoup de force dans le train postérieur et est à rechercher, surtout pour les chevaux destinés aux allures rapides.

c. — Grasset.

Cette région, peu importante en extérieur, correspond à l’articulation fémoro-rotulienne et a pour base la rotule. Elle est reliée à la partie postérieure de l’abdomen par un repli de la peau appelé pli du grasset.

d. — Jambe.

La jambe, qui s’étend de la cuisse au jarret, a pour base le tibia.

Fig. 56. — Jambe courte.

Fig. 57. — Jambe longue.

Elle doit être large, bien musclée, suffisamment longue et inclinée. Quand la jambe est ainsi conformée, le cheval est dit avoir du mollet.

La longueur de cette région (fig. 57 du texte), jointe à son peu p. 97d’inclinaison et à un grand développement des muscles, favorise les allures rapides.

Sa brièveté (fig. 56 du texte) et son obliquité, au contraire, si elle est en même temps bien musclée, doivent être préférées pour les chevaux dont on exige beaucoup de force et de fond. « Les animaux des montagnes, dit M. Richard dans son excellente Étude du cheval de service et de guerre, comme les hommes de ces pays, ont les membres courts et forts, pour gravir les mauvais chemins et les pics escarpés ; ceux des plaines les ont allongés, mais quelle différence dans le fond ! Les chasseurs des plaines reconnaissent les lièvres descendus des montagnes au peu de longueur de leurs jambes, en comparaison des indigènes, et à leur résistance au courre : les chiens forceront deux lièvres de la plaine avant de fatiguer un seul montagnard. Un grand échassier de cheval, quelle que soit sa vitesse à accomplir un tour d’hippodrome, sera toujours forcé par un concurrent près de terre, en augmentant le poids de charge et en allongeant la carrière pour une épreuve sérieuse31). »

e. — Jarret.

Le jarret a pour base les os du tarse, l’extrémité inférieure du tibia, et l’extrémité supérieure des métatarsiens (Voy. pl. XIII). Son mouvement de détente est l’agent essentiel de la progression. On distingue dans cette région : 1° le pli, ou partie antérieure ; 2° la pointe, ou partie postérieure, qui a pour base la tête du calcanéum ; 3° la corde, constituée par de forts tendons ; 4° le creux, situé entre la corde et l’extrémité inférieure du tibia.

Comme le genou, le jarret doit être large, épais (fig. 58 du texte), net, et bien évidé ; c’est-à-dire que les saillies osseuses et tendineuses doivent être parfaitement apparentes sous la peau fine.

Si, présentant une étroitesse anormale, il se confond insensiblement avec les régions voisines, surtout à sa base, on le dit étroit ou étranglé (fig. 59 du texte).

Il est dit gras, plein ou empâté, quand les reliefs osseux sont plus ou moins effacés par l’abondance du tissu conjonctif sous-cutané et l’épaisseur de la peau et des poils.

p. 98L’angle que forme le jarret peut être plus ou moins ouvert ; dans le premier cas, le jarret est droit ; il est coudé dans le second.

Le jarret droit (fig. 61 du texte) est favorable à la vitesse.

Le jarret coudé (fig. 60 du texte), au contraire, favorise plutôt les mouvements enlevés, surtout avec la croupe longue et oblique ; aussi, tous les animaux sauteurs ont-ils les jarrets plus ou moins coudés ; tel le Kanguroo, qui fait des bonds énormes. Par suite de l’insertion perpendiculaire sur le calcanéum de la corde de la puissance (tendon d’Achille chez l’homme), cette conformation du jarret est aussi plus favorable à la force.

Fig. 58. — Jarret large et épais

Fig. 59. — Jarret étroit ou étranglé

Fig. 60. — Jarret coudé

Fig. 61. — Jarret droit

Dans tous les cas, les jarrets droits et coudés à l’excès se fatiguent vite, soit par suite des réactions, soit par suite des tiraillements, toujours plus prononcés que sur les jarrets moyennement coudés. Aussi, les tumeurs molles ou dures sont-elles surtout fréquentes sur ces jarrets.

Nous étudierons ultérieurement les tares et les défauts d’aplomb de cette région.

f. — Canon et Tendons.

Canon. — Le Canon a pour base le métacarpien ou le métatarsien principal et les deux métacarpiens ou métatarsiens rudimentaires (encore appelés péronés).

Que l’on considère cette région dans le membre antérieur ou dans p. 99le membre postérieur, elle est la même, ainsi, d’ailleurs, que toutes celles qu’il nous reste à étudier maintenant. Toutefois, il y a lieu de faire remarquer que le canon antérieur est toujours plus long que le canon postérieur.

Le canon doit être large, bien musclé et aussi court que possible pour les chevaux destinés aux allures rapides : « Les rayons supérieurs des membres doivent être longs, disent les Arabes ; les rayons inférieurs courts. »

Nous examinerons les tares du canon en même temps que celles des autres régions.

Tendons. — Situés en arrière du canon, les tendons, au nombre de deux (fléchisseur profond et fléchisseur superficiel des phalanges), sont les agents essentiels des mouvements du pied et méritent, à ce titre, d’être examinés avec la plus grande attention. Ils doivent être forts, secs, fermes, nets, convenablement détachés (fig. 62 du texte) du canon, de manière à laisser entre eux et cette dernière région un creux, un évidement bien marqué, dans lequel on doit apercevoir, à travers la peau fine, le ligament suspenseur du boulet. « C’est une des parties les plus considérables d’un cheval que le nerf de la jambe, dit de Solleysel ; les plus gros, sans estre enflez, sont les meilleurs ; toutes les jambes qui ont le nerf menu seront bien tost ruinées32. »

Fig. 62. — Tendons nets, bien détachés.

Fig. 63. — Tendons faillis.

p. 100Chez les chevaux communs ou de gros trait, les tendons sont empâtés, mal détachés, et cela sans grand inconvénient.

Si, au-dessous du pli du genou, à l’endroit où ils semblent se détacher de l’os sus-carpien, les tendons offrent moins de saillie, semblent collés au canon, on les dit faillis (fig. 63 du texte) ; au lieu de suivre une direction verticale, ils deviennent alors obliques de haut en bas et d’avant en arrière. C’est l’une des plus graves défectuosités que nous connaissions, surtout pour le cheval de selle et de luxe.

Quand, au contraire, la région des tendons est plus grosse en bas, engorgée, dure, noueuse, on se trouve en présence d’un effort de tendon ou nerf-ferrure. Dans ce cas, il y a généralement, en même temps, douleur et boiterie.

La bride fibreuse qui descend de l’articulation carpienne ou tarsienne pour rejoindre le tendon perforant peut seule être malade ; alors l’engorgement et la sensibilité ont leur siège entre le canon et les tendons, qui restent ordinairement sains. On désigne quelquefois cette affection sous le nom de ganglion.

On dit ordinairement du cheval qui contracte une nerf-ferrure pendant un exercice violent qu’il s’est claqué les tendons, qu’il a les tendons claqués.

g. — Boulet.

Cette région est formée par l’articulation du métacarpe ou du métatarse avec la première phalange et les os sésamoïdes (Voyez pl. XI et XII).

À partir du boulet, la direction des rayons de chaque membre cesse d’être verticale pour devenir oblique de haut en bas et d’arrière en avant ; de cette disposition particulière résulte un amortissement du choc sur le sol et une décomposition des forces, dont toute l’action perdue porte sur le boulet. Cette jointure supportant ainsi de violents efforts et pendant la station, pour maintenir le boulet dans la position la plus convenable au support de la masse, et pendant l’impulsion dans les mouvements, doit présenter un grand développement d’un côté à l’autre et d’avant en arrière. La longueur du diamètre antéro-postérieur surtout est à rechercher, car elle indique que la poulie des tendons (sésamoïdes) est convenablement développée, que les cordes tendineuses et le ligament suspenseur du boulet se rapprochent p. 101de la perpendiculaire et sont, par conséquent, dans les meilleures conditions pour fonctionner énergiquement.

Chez les chevaux fins, destinés aux allures vives, le boulet devra également présenter des contours nets et des tendons saillants.

On dit d’un cheval dont les boulets sont minces qu’il manque de poignets : « Le cheval de demi-sang, disent MM. Moll et Gayot, faible dans cette région, ne promet qu’un pauvre serviteur, et il tient cette promesse avec une certitude et une promptitude désespérantes33. »

Quand le boulet est porté en avant, le cheval est dit droit sur ses boulets ou bouleté, suivant les différents degrés du redressement. Cette déviation est un signe certain d’usure ou de douleur vive dans les tendons.

Fig- 64 — Cheval bouleté

Les chevaux s’atteignent souvent au boulet avec le pied opposé, soit par suite de fatigue, de faiblesse (jeunes chevaux), ou d’usure, soit par suite d’une ferrure mal entendue.

h. — Fanon et Ergot.

En arrière du boulet se trouve une petite production cornée nommée ergot, autour de laquelle se groupe un paquet de poils qu’on appelle le fanon. Ces deux régions sont d’autant plus développées que les chevaux sont plus communs.

i. — Paturon.

Situé obliquement d’arrière en avant, le paturon a pour base la première phalange. Il doit être arrondi et présenter une certaine force ; mais c’est surtout sa direction et son plus ou moins de longueur qu’il importe de considérer dans le choix d’un cheval.

La direction du paturon ne doit pas tenir tout à fait le milieu entre la ligne verticale et la ligne horizontale, mais faire osciller le rayon phalangien entre 55 et 60 degrés sur l’horizon pour les membres antérieurs, et entre 60 et 65 degrés pour les membres postérieurs.

Suivant que le paturon est trop vertical ou trop horizontal, le cheval est dit droit-jointé ou bas-jointé.

p. 102Relativement à la longueur de cette région, le cheval peut encore être court-jointé ou long-jointé.

En général, le cheval court-jointé est en même temps droit-jointé, de même que le cheval long-jointé est ordinairement bas-jointé ; mais il faut bien se garder de considérer comme synonymes les expressions court et droit-jointé, long et bas-jointé, car cette règle, qui associe souvent deux à deux les défectuosités de direction et de longueur du paturon, souffre d’assez nombreuses exceptions.

Quoi qu’il en soit, les inconvénients résultant de l’excès ou du défaut d’obliquité sont à peu près de même nature que ceux qui découlent de l’excès ou du défaut de longueur. Le paturon court et droit n’amortit pas assez les réactions et occasionne l’usure précoce des membres. Le paturon long et horizontal, d’un autre côté, rend généralement les réactions plus douces, mais il rejette la plus grande partie du poids du corps sur les tendons, qui se fatiguent alors très vite, surtout chez les chevaux dont le service exige de violents efforts.

Le paturon du membre postérieur est toujours plus rapproché de la verticale et plus court que celui du membre antérieur.

Les paturons sont très sujets aux crevasses, petites plaies allongées, peu graves, mais longues à guérir, situées dans le pli du paturon. De chaque côté de cette même région on rencontre quelquefois aussi des cicatrices linéaires indiquant que l’animal a été opéré de la névrotomie pour une affection chronique du pied ; il est bon, dans ce cas, de s’assurer avec soin si cette dernière affection existe encore.

j. — Couronne.

Située à l’extrémité inférieure du paturon, la couronne n’est pour ainsi dire que le prolongement de cette dernière région. Elle surmonte le bord supérieur du sabot et se trouve constituée par la deuxième phalange et la partie supérieure des cartilages complémentaires de l’os du pied.

« Sa beauté réside dans l’étendue de ses dimensions en longueur, en épaisseur, et dans la netteté de ses contours. Il ne doit y avoir sur elle ni dépilation ni poil hérissé [•] 34 ».

p. 103En dehors des tares osseuses (formes), dont nous dirons un mot dans un chapitre spécial, cette région est souvent le siège de plaies contuses ou atteintes, que l’animal se donne lui-même ou qu’il reçoit de ses voisins. Ces blessures, généralement bénignes, peuvent devenir très graves lorsqu’on les néglige, et dégénérer en javart cartilagineux, ou carie du fibro-cartilage de l’os du pied. Cette complication se reconnaît à la forme fistuleuse de la plaie, à la couleur verdâtre et à l’odeur infecté du pus qui s’en écoule ; elle nécessite ordinairement une opération grave.

À la partie antérieure de la couronne se développe quelquefois une affection appelée crapaudine, se caractérisant par une modification particulière de la fonction sécrétoire du bourrelet kératogène et dont la persistance nuit à la régularité du développement du sabot.

Du pied (Pl. II.)

En anatomie comparée, le pied embrasse toute la partie des membres antérieurs ou postérieurs qui fait immédiatement suite à l’avant-bras et à la jambe. Mais, en extérieur, cette région est bien plus bornée, et le pied ne comprend que l’extrémité des membres qui repose sur le sol, c’est-à-dire la boîte cornée connue vulgairement sous le nom de sabot, laquelle contient et protège des tissus vivants très sensibles, de texture et de propriétés variables.

L’examen du pied est de la plus haute importance, puisque de la bonne conformation de cette partie résulte la véritable aptitude au service :

« Pas de pied, pas de cheval  ! » disait Lafosse.

« No foot, no horse ! » répètent les Anglais.

Les pieds, au nombre de quatre, sont distingués en pieds de devant et en pieds de derrière.

A. — Organisation du pied

Le pied est constitué par un certain nombre de parties intérieures recouvertes par la peau modifiée et par une enveloppe cornée connue p. 104sous le nom de sabot. Nous allons rapidement examiner chacune de ces parties en nous aidant des figures 1 et 2.

a. — Enveloppe cornée ou sabot.
(Fig. 1, I, et fig. 2, II.)

Le sabot est l’enveloppe de corne qui entoure toute l’extrémité inférieure du membre. Sa forme est celle d’un tronc de cône à base inférieure et à sommet coupé obliquement de haut en bas et d’avant en arrière. Concave en dessous, fendu en arrière, il est composé de quatre pièces : la paroi, la sole, la fourchette, et le périople.

Vu sa soudure intime avec la fourchette, le périople est souvent décrit en même temps que cette dernière partie.

1° Paroi (fig. 1, I, et fig. 2, II). — La paroi ou muraille (fig. 1, I) forme le pourtour du sabot, c’est-à-dire toute la portion de la boîte cornée qui est visible quand le pied appuie sur le sol. C’est une bande de corne en forme de croissant, dont la largeur diminue progressivement d’avant en arrière, et dont les extrémités, terminées en pointe, convergent l’une vers l’autre en encadrant la fourchette.

On divise la paroi en plusieurs régions :

1° La pince (fig. 1, I, 1), située à la partie la plus antérieure du pied ;

2° Les mamelles (fig. 1, I, 2), au nombre de deux, une de chaque côté de la pince ;

3° Les quartiers (fig. 1, I, 3), immédiatement après les mamelles ;

4° Les talons (fig. 1, I, 4), tout à fait en arrière ;

5° Les arcs-boutants ou barres (fig. 2, II, 5. 5), placés de champ sous le pied, et formés par les extrémités repliées de la paroi35.

Outre ces régions, la paroi offre encore à considérer deux faces : une externe, une interne, et deux bords : un inférieur, un supérieur.

La face externe (fig. 1, I), lisse, polie, luisante, doit son aspect à la lame épidermique, ou périople, qui la recouvre.

La face interne (fig. 1, I, verso), concave, présente dans toute son étendue, ses bords exceptés, une série de feuillets de corne blanche, placés de champ suivant sa hauteur. Ces feuillets, désignés sous le p. 105nom de tissu kéraphylleux (fig. 1, I, verso, 3), s’engrènent solidement avec les feuillets correspondants de l’enveloppe cutanée ou de chair.

Le bord supérieur, en rapport avec la couronne, est creusé à sa face interne d’une espèce de gouttière où se loge le renflement que forme la terminaison apparente de la peau et que l’on appelle le bourrelet ou cutidure. Cette gouttière porte le nom de biseau ou de cavité cutigérale36(fig. 1, I, verso, 1).

Le bord inférieur (fig, 2, II, 1), plus étendu que le précédent, se trouve en rapport avec le sol à l’état de nature et avec la face supérieure du fer chez le cheval ferré. Par sa partie interne, il s’unit d’une manière intime avec la sole.

La corne de la paroi est assez molle à sa face interne, mais très dure extérieurement. Son épaisseur est plus grande en pince, mamelles et talons qu’en quartiers ; plus grande aussi au quartier externe qu’au quartier interne.

La paroi a une direction générale oblique, mais cette obliquité est plus prononcée en pince qu’en talons.

De l’épaisseur, de la qualité, de la direction de la muraille dépendent en grande partie la bonté du pied et la solidité de la ferrure.

2° Sole (fig. 2, II, 10). — La sole, ou plancher du sabot, forme, avec la fourchette, les barres et le bord inférieur de la paroi, le dessous du sabot. C’est une large plaque cornée emprisonnée dans l’arc de la paroi et échancrée en arrière pour loger la fourchette.

La face inférieure (10), excavée en voûte, dure, écailleuse, est en rapport avec le sol.

La face supérieure (verso, 4), bombée, est criblée de porosités qui logent les innombrables villosités du tissu réticulaire de la face inférieure de la troisième phalange.

Le bord externe forme une demi circonférence qui s’unit intimement avec le bord inférieur de la paroi. Il est parfaitement figuré par le cordon circulaire blanc jaunâtre qu’on voit sur le deuxième plan de la figure 2.

L’interne, moins étendu et en forme de V, adhère aux barres, qui le séparent de la fourchette.

3° Fourchette (fig. 2, II, 6, 7, 8, 9). — La fourchette représente p. 106un coin de corne molle placé horizontalement à la face inférieure du pied, dans l’espace triangulaire que circonscrivent les barres. On lui reconnaît deux faces ; une inférieure, une supérieure.

La face inférieure se divise en pointe, corps et branches.

La pointe (6’) est l’extrémité qui s’enfonce dans la sole.

Le corps (6) se trouve entre la pointe et les branches.

Les branches (6") occupent, en arrière, l’espace compris entre les barres. Cette même face inférieure est creusée, dans son milieu, d’une cavité dite lacune médiane (7), séparant les deux branches. Entre chaque branche et la barre correspondante, se trouvent les lacunes latérales (8. 8).

La face supérieure présente une disposition inverse de celle de la face inférieure. C’est ainsi qu’à l’opposé de la lacune médiane s’élève une éminence assez prononcée connue sous le nom d’arrête-fourchette (verso, 5).

Son extrémité postérieure est bifurquée et se termine par deux renflements arrondis, mous, élastiques, appelés glômes de la fourchette (9. 9), qui se continuent le long du bord supérieur de la paroi par une mince bande de corne que nous allons décrire en particulier sous le nom de périople.

Fig. 65. - Fourchette et périople

4° Périople. — « C’est une bande mince de corne molle, qui forme comme une espèce de couronne au sabot et se soude en arrière avec la fourchette (fig. 65 du texte). Le périople s’étend sur toute la paroi, sous forme d’un vernis brillant, mince, peu perméable à l’eau. Il protège la paroi contre la sécheresse et l’humidité37. »

b. — Enveloppe cutanée.
(Fig. 1, II, et fig. 2, III.)

Connu vulgairement sous le nom d’enveloppe de chair ou de chair du pied, le revêtement cutané du pied n’est autre chose que la continuité de la peau du membre, laquelle est modifiée dans son aspect extérieur et dans ses propriétés. Ce revêtement est très riche en p. 107vaisseaux sanguins et en filets nerveux ; aussi est-il excessivement sensible et prompt à se congestionner, à s’enflammer, dès que la boîte cornée qui l’entoure a perdu, pour une raison ou pour une autre, ses propriétés physiologiques.

On distingue, dans l’enveloppe de chair, trois parties : le bourrelet, le tissu podophylleux, et le tissu velouté.

1° Bourrelet ou Cutidure (fig. 1, II, 1). — Le bourrelet, encore appelé bourrelet principal, couronne supérieurement les parties vives et se trouve logé dans la gouttière circulaire du bord supérieur du sabot, auquel il est étroitement uni, grâce à une multitude de prolongements filamenteux appelés villosités, qui partent de sa surface et pénètrent, par autant d’ouvertures, dans l’épaisseur de la corne.

Préposé à la sécrétion de la paroi, le bourrelet constitue encore, grâce à ses villosités très riches en nerfs, un véritable organe de tact pour le cheval, qui peut ainsi percevoir les sensations à travers l’épaisseur de la corne.

Un autre petit bourrelet, le bourrelet périoplique (fig. 1, II, 2), se trouve situé au-dessus du bourrelet principal. Il sécrète le périople.

2° Tissu podophylleux, chair cannelée ou feuilletée (fig. 1, II, 3). — Le tissu podophylleux recouvre tout le pourtour du pied et se présente sous forme d’une membrane à plis parallèles et longitudinaux, comme les feuillets d’un livre, s’engrenant solidement avec les feuillets de corne (tissu kéraphylleux). Ils sécrètent ces mêmes feuillets de corne et se replient en arrière pour se mettre en rapport avec le tissu kéraphylleux des barres (Voy. fig. 2, III, 2).

3° Tissu velouté (fig. 2, III). — La chair veloutée recouvre tout le dessous du pied et présente l’aspect d’un fin gazon, par suite des nombreuses villosités qui se détachent de sa surface pour pénétrer dans la corne. Elle sécrète la sole et la fourchette.

c. — Parties intérieures.
(Fig. 1, III, IV, V, VI.)

Les parties intérieures du pied sont nombreuses ; elles comprennent trois os, deux plaques fibro-cartilagineuses, des ligaments, deux forts tendons, un coussinet élastique dit coussinet plantaire ; enfin, des synoviales, des vaisseaux et des nerfs.

p. 108Nous dirons successivement un mot de chacune de ces parties, en procédant de dehors en dedans.

1° Fibro-cartilages de l’os du pied (fig. 1, III). — Immédiatement au-dessous des deux premiers plans de la figure 1, c’est-à-dire en dedans du sabot et de l’enveloppe cutanée, nous trouvons les fibro-cartilages ou cartilages complémentaires de l’os du pied, grandes plaques élastiques aplaties d’un côté à l’autre, convexes en dehors et concaves en dedans, placées de chaque côté et en haut du troisième phalangien, pour l’empêcher de descendre trop brusquement dans le sabot et amortir les chocs, au moment où le pied vient rencontrer le sol.

2° Ligaments et tendons (fig. 1, IV et VI). — Les tendons sont situés en avant et en arrière des os. Le premier que nous rencontrons est celui de l’extenseur antérieur des phalanges (IV, 1) ; ce tendon longe la face antérieure du métacarpien ou du métatarsien principal et de l’articulation du boulet, arrive en avant du doigt, et se termine à l’os du pied (éminence pyramidale), après s’être élargi d’une manière remarquable et avoir reçu, par côté, une bride de renforcement (IV, 7), qui semble provenir de l’extrémité inférieure du ligament suspenseur du boulet. (Voy. pl. 11, fig. 2, e.) [•]

En arrière se détachent les deux tendons des fléchisseurs des phalanges :

Le premier, tendon du fléchisseur superficiel ou perforé (IV, 2), après avoir traversé la gaine carpienne (Voy. pl. XI et XII), arrive en arrière du boulet où il forme un anneau parfaitement visible sur la figure 1, dans lequel s’engage la corde du fléchisseur profond. Il s’infléchit ensuite en avant, sur la coulisse formée par les os sésamoïdes, et se termine par deux branches, en arrière de l’extrémité supérieure de la deuxième phalange.

Le second, tendon du fléchisseur profond ou perforant (IV, 3), après avoir traversé l’anneau sésamoïdien du tendon perforé, passe entre les deux branches terminales de ce tendon et s’épanouit ensuite en formant une large expansion, dite aponévrose plantaire. Celle-ci glisse sur la face inférieure du petit sésamoïde (VI, 7), à l’aide d’une synoviale particulière, la petite gaine sésamoïdienne (VI, 17)38, et s’insère enfin à la crête semi-lunaire de l’os du pied (VI, 6, 12).

p. 109Il résulte de cette description que deux tendons seulement : celui de l’extenseur antérieur et celui du fléchisseur profond des phalanges, se trouvent compris dans les parties intérieures du pied.

De tous les ligaments représentés sur le quatrième plan de la figure 1, ceux de l’articulation de la seconde phalange avec la troisième (ligaments latéraux postérieurs et antérieurs) (11, 12) sont seuls renfermés dans les enveloppes du pied.

Le premier (11) est formé des fibres les plus inférieures du ligament latéral de la première articulation interphalangienne (10), lesquelles fibres, après s’être attachées sur la seconde phalange, se réunissent en un cordon fibreux qui se fixe principalement sur l’extrémité et le bord supérieur du sésamoïde.

Le second (12) constitue un large faisceau attaché par son extrémité supérieure sur les empreintes latérales de la deuxième phalange, et par son extrémité inférieure dans les deux cavités creusées à la base de l’éminence pyramidale de l’os du pied (Voy. fig. 1, V, 6).

3° Os (fig. 1, V et VI). — Trois os forment la base résistante du pied et en permettent les mouvements ; ce sont :

1° L’os du pied ou troisième phalange (V, 5), qui donne au sabot la forme que nous lui connaissons.

Cet os présente à étudier trois faces, trois bords et deux angles latéraux.

La face antérieure, convexe d’un côté à l’autre, criblée de porosités et de trous vasculaires, présente de chaque côté : 1° Un sillon horizontal ou scissure préplantaire (V, 9) ; 2° l’éminence patilobe (V, 10), surface rugueuse et en relief, située entre la scissure précédente et le bord inférieur de l’os.

La face supérieure est occupée par la surface articulaire qui répond à la face inférieure de la deuxième phalange et au petit sésamoïde. On y remarque deux cavités glénoïdes et un léger relief médian.

La face inférieure (V, verso, 1), excavée en voûte, est divisée en deux régions : une antérieure, une postérieure, par la crête semi-lunaire (VI, 6), ligne saillante qui décrit une courbe à concavité tournée en arrière. La région postérieure présente, en outre, une empreinte médiane et deux scissures latérales ou scissures plantaires (V, verso 2). p. 110

Fig. 66. — Artères du pied (membre antérieur).

1, artère radiale postérieure.2,2, artère collatérale du canon.3, tronc commun des interosseuses métacarpiennes.4, artère épicondylienne.5, arcade sus-carpienne.6, branche qui descend de cette arcade pour concourir à former l’arcade sous-carpienne.7, artériole fournie à la châtaigne par le tronc commun des interosseuses métacarpiennes.8, arcade sous-carpienne.9, branche de la collatérale du canon qui participe sur cette pièce à la formation des artères interosseuses métacarpiennes.10, une artère interosseuse métacarpienne dorsale.11, branche de communication de l’artère collatérale du canon avec les interosseuses.12,12, artères digitales.13,13, artérioles de l’ergot.14, artère perpendiculaire (l’une de ses branches inférieures, qui participe à la formation de l’artère circonflexe du bourrelet, est ici brusquement interrompue par suite de l’ablation du cartilage complémentaire de la troisième phalange).15,15, artère du coussinet plantaire.16, partie antérieure du cercle coronaire.17, partie postérieure du même.18, artère unguéale pré-plantaire.19, artère circonflexe inférieure du pied.(A. Chauveau et S. Arloing, Traité d’anatomie comparée des animaux domestiques, 3e édit. Paris, 1879.)  

p. 111Le bord supérieur décrit une courbe à convexité antérieure, et présente, dans son milieu, l’éminence pyramidale (V, 6), apophyse impaire aplatie d’avant en arrière, sur laquelle s’insère le tendon de l’extenseur antérieur des phalanges.

Le bord inférieur, mince, convexe, dentelé, se trouve disposé en demi-cercle.

Le bord postérieur, légèrement concave, concourt à former la surface articulaire.

Chaque angle latéral se trouve divisé en deux éminences particulières : l’une, supérieure, nommée par M. H. Bouley apophyse basilaire (V, 7) ; l’autre, inférieure, appelée par Bracy-Clark apophyserétrossale (V, 8).

2° L’os de la couronne ou deuxième phalange (V, 4), dont la forme générale est celle d’un cuboïde aplati d’avant en arrière s’articulant supérieurement avec la première phalange, inférieurement avec l’os du pied.

3° L’os naviculaire ou petit sésamoïde (VI, 7), situé en arrière des précédents et complétant la jointure articulaire que ceux-ci constituent. Ce petit os, allongé transversalement, aplati de dessus en dessous, rétréci à ses extrémités, présente deux faces : une supérieure, qui répond à la seconde phalange, une inférieure, sur laquelle glisse le tendon du perforant ; deux bords : un antérieur, qui met le petit sésamoïde en contact avec la troisième phalange, et un postérieur.

4° Coussinet plantaire (fig. 1, VI, 20). — Le coussinet plantaire est un volumineux coussin fibro-élastique situé sous le pied, au dessous du tendon fléchisseur, au-dessus de la sole et entre les cartilages. Il est pointu en avant et bifurqué en arrière. Toutes les pressions subies par le sabot de haut en bas et de bas en haut, ont pour résultat de l’aplatir et de le chasser vers les parties latérales, où il fait effort sur les deux fibro-cartilages décrits plus haut (Voy. élasticité du pied).

5° Vaisseaux et nerfs. — Le pied est très riche en vaisseaux et en nerfs. p. 112

Fig. 67. — Appareil nerveux du pied.

P, nerf plantaire.B, branche moyenne.C, branche antérieure.D, artère digitale.H, division non constante destinée aux bulbes cartilagineux.I, I, branche du coussinet plantaire.K, branche transverse coronaire.M, division podophylleuse.O, branche pré-plantaire.Q, rameau descendant dans la scissure des patilobes.R, ramuscules artériels qui accompagnent l’artère digitale dans la scissure plantaire.V, veine, dont l’existence n’est pas constante, qui longe quelquefois le nerf plantaire dans tout son trajet phalangien.(Figure empruntée au Traité de l’organisation du pied du cheval, par M. H. Bouley in CHAUVEAU et S. ARLOING, Traité d’anatomie comparée des animaux domestiques, 3e édit. Paris, 1879.)  

Les artères et les veines sont la continuation de celles du canon et enveloppent la troisième phalange dans un réseau très remarquable (fig. 66 du texte).

p. 113Les nerfs fournissent également de nombreuses ramifications dans toutes les parties vivantes du pied (fig. 67 du texte).

Connus sous la dénomination générale de nerfs plantaires et distingués en interne et en externe, les nerfs de la région digitée se divisent, en arrivant sur le boulet, chacun en trois branches : une antérieure, une moyenne et une postérieure. La section du nerf plantaire au-dessus du boulet ou de l’une de ses branches au-dessous de cette région (névrotomie plantaire), se pratique quelquefois comme moyen curatif de certaines maladies du pied.

Différences entre les pieds de devant et ceux de derrière, entre les pieds gauches et les pieds droits.

Les pieds de devant sont plus arrondis, plus évasés, moins concaves que ceux de derrière ; leurs talons sont moins écartés, et leur paroi, vue de profil, est plus oblique.

Les pieds de derrière, au contraire, sont ovales, creux, ont les talons plus écartés, plus élevés, et la paroi plus verticale.

Le pied droit se distingue assez bien du pied gauche, par ce fait que la partie externe du sabot est toujours plus évasée et plus oblique que celle du dedans.

On se rendra facilement compte de ces différences en comparant les figures 1 et 2 aux figures 3 et 4 de la planche II.

B. — Propriétés et mécanisme du pied
a. — Propriétés du sabot.

Le sabot est constitué par une matière élastique et résistante connue sous le nom de corne, jouissant de la propriété de se ramollir au contact de l’eau et de durcir en se desséchant.

La couleur de l’enveloppe cornée du pied est noire ou blanche, souvent noire et blanche à la fois sur le même pied. Cela dépend de la nuance des parties dont le sabot émane. Quand la peau du bourrelet est rose, non pigmentée, la corne pariétale est blanche dans une égale étendue ; dans le cas opposé, elle reste noire.

La corne de la paroi est toujours blanche à l’intérieur ; celle de la sole, au contraire, a une teinte uniforme dans toute son épaisseur.

p. 114La consistance du sabot diminue de dehors en dedans ; on le reconnaît facilement en parant le pied.

b. — Pousse et usure du sabot.

La pousse du sabot, ou avalure, est continuelle, mais lente ; la boîte cornée met environ huit ou neuf mois pour se renouveler complètement.

L’usure est en proportion de la croissance chez le cheval à l’état de nature ; mais, chez l’animal ferré, la paroi peut acquérir une longueur démesurée, si le maréchal n’y met ordre en la raccourcissant de temps en temps dans les limites que comporterait l’usure naturelle.

La sole et la fourchette n’acquièrent ordinairement pas une bien grande épaisseur ; elles se dessèchent et tombent par écailles.

La pousse de la corne est beaucoup plus marquée dans les pays chauds que dans les pays froids, en été qu’en hiver, sur l’animal sain, abondamment nourri, bien entretenu, que sur l’animal malade, soumis à une mauvaise hygiène, à une alimentation insuffisante.

c. — Élasticité du pied.

Par suite de la brisure des rayons osseux des membres, la quantité de mouvement dont la masse est animée arrive au sabot déjà considérablement atténuée ; elle ne tarderait pourtant pas à amener la ruine complète de cette admirable machine du pied si, là encore, la nature n’avait pris soin de placer certains appareils élastiques dont la mission est de continuer, d’augmenter même la décomposition des forces commencée plus haut. Ces appareils sont : le tendon perforant, les cartilages latéraux, le coussinet plantaire, et les diverses parties de l’ongle (la paroi, la sole et la fourchette).

Aussitôt que le sabot touche le sol, les os, recouverts de leur enveloppe de chair, tendent à descendre dans l’intérieur de la boîte cornée ; mais ce mouvement de descente se trouve empêché, au moins en partie, par la disposition du tissu feuilleté, qui ne permet qu’un très léger glissement de ses feuillets sur ceux de la paroi.

De plus, le pied, ainsi sollicité à descendre en totalité dans le sabot, rencontre inférieurement un autre obstacle, le coussinet plantaire qui, fortement comprimé en haut par le poids du corps, en bas par la fourchette et la sole, tend à aplatir la voûte solaire en même temps p. 115qu’à fuir sur les côtés, où nous l’avons vu maintenu par les deux cartilages latéraux qui surplombent en arrière le bord supérieur de la paroi.

Or, ceux-ci, grâce à leur élasticité, s’écartent sensiblement l’un de l’autre sous l’influence des pressions excentriques qu’ils reçoivent du coussinet, lorsque le membre arrive à terre, et opposent, par ce fait même, un nouvel obstacle à la descente du pied dans le sabot, que nous savons légèrement conique en haut.

Quant à la sole, après avoir opposé une certaine résistance à la chute des parties intérieures du pied, elle cède sensiblement au poids de la masse, s’abaisse vers le point d’appui, devient moins concave en dessous, s’évase par son bord périphérique et refoule en dehors la paroi, dont les extrémités s’écartent l’une de l’autre.

La fourchette se déprime dans la même mesure ; elle agit comme un coin placé entre les deux branches de la sole et comme un tampon élastique interposé entre la masse du corps et le sol. Son rôle dans l’élasticité du pied est tellement important, qu’on peut presque poser en principe qu’il n’y a pas de bon pied sans bonne fourchette.

« C’est seulement lorsqu’elle participe à l’appui que se manifeste un notable écartement des talons, dit M. Goyau ; quand elle n’appuie pas, son mouvement de descente est très accusé et remplace ainsi l’écartement des talons qui, alors, fait plus ou moins défaut39. »

Enfin « la voûte de la sole, en cédant momentanément au mouvement d’abaissement, l’arc de la paroi, en obéissant à celui d’écartement, réagissent bientôt par leur élasticité propre, et arrêtent insensiblement l’impulsion à laquelle ils impriment à leur tour une direction en sens inverse40 » ; puis, les phénomènes ci-dessus se reproduisent lors d’un nouvel appui du pied, et ainsi de suite. De sorte que l’élasticité du pied consiste, en définitive, dans un léger mouvement d’écartement et de rapprochement des talons. Cette élasticité joue un très grand rôle au point de vue de la conservation des sabots et de la locomotion ; si l’on y met obstacle, le pied ne tarde pas à s’altérer.

« Le maréchal doit, en parant le pied, imiter l’usure naturelle, respecter ce qu’elle épargne. Elle arrondit et écourte fortement la pince et un peu moins les mamelles ; intéresse la sole seulement à son pourtour antérieur, sans trop affaiblir sa soudure avec la paroi ; arrondit davantage p. 116en dehors qu’en dedans le bord tranchant de cette dernière ; n’enlève de la sole, de la fourchette et des barres que ce qui se détache naturellement41. »

C. — Beauté du pied

« Le pied vierge de ferrure d’un cheval élevé sur un bon sol et suffisamment exercé est un type de beauté et de perfection. Comparé au pied ferré, le pied vierge est grand et fort, aussi large que long, bien d’aplomb ; il constitue un solide support.

« Vu de face, il est moins large en haut qu’en bas, plus évasé en dehors qu’en dedans, d’une égale hauteur sur chacun de ses côtés (fig. 68 du texte).

Fig. 68. — Le pied, vu de face.

Fig. 69. — Le pied, vu de profil.

Fig. 70. — Le pied, vu en dessous.

« Vu de profil, la ligne de pince est moyennement inclinée ; la hauteur des talons est égale à la moitié au moins de la hauteur de la pince ; le bourrelet est régulièrement incliné, en ligne droite, de la pince aux talons (fig. 69 du texte).

« Vu par derrière, le beau pied a des talons largements écartés, égaux et également élevés, qui tombent verticalement sur le sol, surtout le talon du dedans, sensiblement plus vertical que l’autre.

« Vu en dessous, il a la sole creuse et épaisse, la fourchette forte, saine et assez dure, les barres ou arcs-boutants ni trop droits ni trop couchés ; la pince et les mamelles de la paroi et de la sole sont fortement attaquées par l’usure (fig. 70 du texte).

« La corne du beau pied est noire ou gris foncé ; la paroi, lisse et luisante, laisse voir sa structure fibreuse42. »

p. 117
D. — Défectuosités du pied

Le pied présente souvent des défauts qui l’altèrent et nuisent plus ou moins au service de l’animal. Nous allons successivement passer en revue les plus fréquents de ces défauts :

Pied trop grand. — Le pied trop grand présente un volume exagéré par rapport au corps du cheval. Il rend l’animal maladroit.

Pied trop petit. — Ce défaut, contraire au précédent, coïncide généralement avec un pied très impressionnable.

Pieds inégaux. — L’inégalité des pieds indique que le cheval a boité, boite ou boitera, généralement du pied le plus petit.

Fig. 71. — Pied panard.

Fig. 72. — Pied cagneux.

Pied plat. — Le pied plat a la paroi très oblique, très évasée, les talons bas et largement écartés, la sole plate, et la fourchette forte. Il est très difficile à ferrer et prédispose à la bleime et à la foulure de la sole.

Pied comble. — C’est le défaut précédent exagéré : la sole est bombée au lieu d’être plane.

Pieds à talons hauts. — Ce défaut n’est pas surtout dû à une hauteur exagérée de la paroi en talons, mais principalement à ce que la sole est creuse et la fourchette très élevée. Il prédispose à l’encastelure.

Pieds à talons bas. — Dans le pied à talons bas, le poids du corps se reporte dans la région des talons, qui est ordinairement faible, l’écrase et la contusionne.

p. 118Pieds à talons fuyants. — Là, les talons sont à la fois très inclinés en avant et très longs, et le poids du corps se trouve reporté en arrière ; aussi, le cheval se fatigue-t-il au repos et en marche.

Pied panard. — Le pied est dit panard quand la pince est tournée en dehors (fig. 71 du texte et fig. 8, pl. III). Le quartier externe est fort et évasé ; celui du dedans est généralement faible, resserré et droit. De plus, le talon interne a de la tendance à chevaucher l’externe, et l’animal se coupe souvent avec la branche de dedans du fer.

Dans la plupart des cas, la ferrure ne peut que s’opposer à l’aggravation de ce défaut ; car, celui-ci coexistant généralement avec un membre panard et entraînant, en outre, très souvent une déformation de la troisième phalange, ainsi que nous l’avons observé chez les chevaux tunisiens, où la panardise est la règle générale, on n’a guère à espérer le rétablissement complet de l’aplomb. Il n’y a qu’un cas où l’on puisse tenter de remédier au mal ; c’est quand la panardise du pied existe à l’extrémité d’un membre bien d’aplomb ou même cagneux, et qu’alors le vice d’aplomb est de fabrication humaine. (Voy. Aplombs.)

Pied cagneux. — Le pied cagneux a la pince tournée en dedans (fig. 72 du texte et fig. 7, pl. III). Le quartier interne est fort et évasé ; celui du dehors, au contraire, est faible et resserré. (Voy. Aplombs.)

Fig. 73 — Pied pinçard.

Pied pinçard ou rampin. — Le pied pinçard appuie en pince seulement ; celle-ci est courte, verticale, et les talons, généralement très hauts, ne posent pas sur le sol. Ce défaut, propre aux membres postérieurs, expose le cheval aux fissures de la paroi, dites seimes en pince (fig. 73 du texte et A, fig. 4, pl. V).

Pied gras. — On appelle ainsi le pied dont la corne est molle, sans consistance, tendre à couper. La paroi et la sole étant, en outre, très minces, l’ouvrier est exposé à attaquer les parties internes par le boutoir et les clous.

Pied sec ou maigre. — Ce pied est formé de corne mince, sèche et cassante. Il est exposé aux mêmes accidents que le pied gras.

Pied dérobé. — Le pied dérobé a le bord inférieur de la paroi irrégulier, déchiqueté, éclaté par places. Il ne peut donner attache aux clous à tout son pourtour.

p. 119
E. — Accidents occasionnés par la ferrure

Piqûre. — La piqûre est le fait du maréchal qui enfonce un clou dans le vif, mais qui a eu soin de le retirer de suite. Cet accident est ordinairement sans gravité et il suffit presque toujours de supprimer le clou pour voir disparaître toute crainte de complication.

Enclouure. — L’enclouure diffère de la piqûre en ce que l’ouvrier a laissé le clou dans le pied. Il faut amincir à fond la corne autour de la piqûre, et recourir à l’application de cataplasmes, de bains.

Retraite. — La retraite est une piqûre faite par un clou pailleux dont l’un des segments a pénétré dans la corne, tandis que l’autre est sorti au dehors. Même traitement que pour l’enclouure.

Pied serré par les clous. — Ce pied est celui dans lequel les clous ont été brochés trop près de la chair, qu’ils compriment et blessent. Il n’y a, en général, qu’à enlever les clous pour faire disparaître toute trace de l’accident.

Pied comprimé par le fer. — Le pied se trouve comprimé par le fer quand celui-ci, mal ajusté, porte sur la sole faible ou amincie. Cet accident est surtout fréquent sur les pieds plats ou combles.

Sole chauffée ou brûlée. — Cet accident est produit par le fer chaud maintenu trop longtemps sous le pied. Il n’est pas grave, mais assez long à guérir, par suite des décollements de la sole qui le compliquent assez souvent.

F. — Maladies du pied

Seime. — La seime est une fente de la paroi procédant du bourrelet et suivant la direction des fibres de la corne.

Elle siège en pince (seime en pince), ou en quartier (seime quarte). La seime en pince (B, fig. 4, pl. V) est beaucoup plus fréquente aux pieds de derrière qu’aux pieds de devant. La seime quarte (fig. 74 du texte), au contraire, est surtout l’apanage des pieds de devant (quartier interne principalement).

Cette affection est facile à guérir ; mais, sur les pieds qui y sont prédisposés, c’est-à-dire sur les pieds faibles, à corne sèche et cassante, elle se montre très souvent sujette à récidive.

La seime fait généralement boiter le cheval.

p. 120Bleime. — La bleime est une contusion de la sole en talon. Elle est le propre des pieds de devant à talons bas, faibles ou resserrés, et se déclare parliculièrement aux talons internes (fig. 75 du texte).

On dit la bleime sèche quand la corne est simplement teinte en jaune et pointillée de sang.

Elle est humide quand la corne est molle, imprégnée de sang ou de sérosité, et légèrement décollée.

Enfin, on la dit suppurée lorsqu’il y a du pus dans le sabot. Celle-ci est la plus longue à guérir.

Étonnement de sabot. — Résulte d’un coup violent porté sur la paroi ayant confusionné la chair feuilletée au point correspondant.

Fourmilière. — On appelle ainsi une cavité noire contenant du sang ou de la sérosité desséchés, creusée entre la chair et la corne, sous la sole ou la paroi. Elle résulte d’une forte foulure de la sole, d’une fourbure aiguë, ou d’un étonnement de sabot.

Fig. 74. — Seime.

Fig. 75. — Bleime.

Sole foulée. — C’est une contusion de la sole en quartier ou en pince ; elle ne diffère donc de la bleime que par sa situation.

Fourbure. — La fourbure est, primitivement, une congestion du tissu feuilleté en pince et en mamelles. Sous l’influence de l’exsudation séreuse ou sanguine qui en résulte, la chair du pied se gonfle et se trouve ainsi violemment comprimée entre l’os du pied et la paroi, ce qui oblige le cheval à marcher sur les talons. Dans ce cas, la fourbure est dite aiguë et s’accompagne de phénomènes généraux intenses.

Si, l’inflammation ayant succédé à la congestion, des déformations graves du pied et un notable changement de rapport de ses parties osseuses surviennent, on a la fourbure chronique.

p. 121Le pied, dans ce cas, est fortement cerclé ; sa pince acquiert une épaisseur énorme, se relève, et le fait ressembler à un sabot chinois ; ses talons grandissent ; enfin, la sole s’amincit, se bombe, et présente bientôt, au voisinage de la pince, un refoulement en forme de croissant (fig. 76 du texte).

Quelquefois, au lieu de cet épaississement en pince que nous venons de signaler, il se forme, entre la paroi et la chair feuilletée, une cavité contenant du sang ou de la sérosité desséchés ; on a alors la fourmilière.

Kéraphyllocèle. —C’est une tumeur cornée, de forme cylindrique ou conique, qui existe à la face interne de la muraille dont elle suit la direction de haut en bas, comprime et atrophie les tissus vivants.

Fig. 76. — Fourbure chronique (pied vu latéralement)

Fig. 77. — Pied encastelé.

Pied cerclé. — Le pied cerclé se reconnaît aux saillies circulaires étagées à la surface de la paroi. Ce défaut indique ordinairement que le pied a souffert ou souffre encore (A, fig. 5, pl. V).

Javarts. — On désigne sous ce nom la mortification partielle de quelques tissus qui entrent dans la constitution de la partie inférieure des membres. Ils sont divisés en javart cutané, encorné, ou du bourrelet ; javart tendineux ; javart de la fourchette ; enfin, en javart cartilagineux. Ce dernier, de beaucoup le plus grave, n’est autre chose que la nécrose des cartilages complémentaires de l’os du pied.

Crapaudine ou mal d’âne. — Le mal d’âne, ainsi nommé parce qu’il est surtout fréquent chez l’âne, consiste en une espèce de dartre des bourrelets kératogènes et constitue, dans le point malade, en pince généralement, une surface rugueuse, fendillée en long et en travers, p. 122comme tourmentée et plus ou moins étendue suivant son ancienneté.

Fourchette échauffée, pourrie. — Ce sont deux états inflammatoires qui consistent dans un décollement de la corne avec suintement purulent, noirâtre, d’odeur forte et désagréable.

Crapaud. — Le crapaud consiste en un ramollissement de la fourchette d’abord ; puis de la sole et des talons, avec décollement de la corne. Les parties vives, mises à nu, suppurent, exhalent une odeur infecte et se couvrent de végétations d’un aspect repoussant.

C’est une affection longue et difficile à guérir.

Clou de rue. — C’est une blessure de la face inférieure du pied produite par des corps pointus, le plus ordinairement par des clous, qui traversent la corne de la sole ou de la fourchette, et attaquent plus ou moins gravement les parties vives.

Encastelure. — L’encastelure consiste en un resserrement plus ou moins prononcé du pied dans sa partie postérieure. On la divise en vraie et en fausse.

Dans l’encastelure vraie, le resserrement porte à la fois sur les quartiers et sur les talons. Alors le pied, haut, vertical et resserré par côté, aies talons forts et rentrés, la sole creuse, la fourchette maigre et remontée, les barres verticales, la corne dure et sèche (fig. 77 du texte).

Dans l’encastelure fausse, ou resserrement des talons (pieds serrés, à talons serrés par en haut ou par en bas, étroits, chevauchés, etc.), le pied a les talons plus ou moins rapprochés l’un de l’autre, la fourchette atrophiée, la corne de la région sèche, mince et cerclée ; mais il a conservé sa forme générale ordinaire.

L’encastelure est surtout fréquente chez les chevaux du Midi et d’Afrique.

Elle rend souvent le pied sensible, douloureux même, et le cheval, au départ surtout, semble marcher sur des épines.

D’après M. le vétérinaire militaire Chénier43, cette maladie serait la conséquence nécessaire et forcée de l’atrophie primordiale du coussinet plantaire.

p. 123
Fer à cheval.
(Fig. 2, I.)

Le fer est une lame métallique contournée sur elle-même, destinée à protéger la face inférieure du pied du cheval. Sa forme est celle du bord inférieur de la paroi.

On lui reconnaît plusieurs régions :

La pince (1), partie la plus antérieure du fer, qui correspond à la pince de la paroi ;

Les mamelles (2), situées de chaque côté de la pince ;

Les branches (3, 3), qui s’étendent des mamelles à l’extrémité du fer ;

Les éponges (4, 4), parties postérieures des branches correspondant aux talons.

« Le fer à cheval présente à considérer, d’un autre côté :

« La face supérieure (I, verso), en contact avec le sabot ;

« La face inférieure (I), qui frotte sur le sol ;

« La rive externe (6), ou contour extérieur ;

« La rive interne (5), ou contour intérieur ;

« L’épaisseur, comprise entre les deux faces ;

« La couverture, largeur du fer comprise entre les deux rives ; le fer est dit dégagé ou couvert, suivant qu’il est étroit ou large ;

« La tournure, forme donnée au fer pour lui faire prendre le contour du pied ;

« L’ajusture, incurvation régulière et calculée de la face supérieure du fer ;

« La garniture, partie du fer débordant la paroi et élargissant la surface d’appui.

« Les étampures (7, 7), trous carrés creusés à la face inférieure du fer et destinés à loger les clous.

« Le fer est dit : étampé à gras, quand les étampures sont éloignées de la rive externe ; étampé à maigre, dans le cas contraire.

« Les contre-perçures (verso, 1, 1), petites ouvertures pratiquées au fond des étampures et livrant passage à la lame des clous ;

« Les crampons, replis du fer quelquefois levés en éponges ;

« La mouche, petit crampon de forme carrée, levée à l’éponge du dedans ;

p. 124« Le pinçon, petite languette de fer levée en pince et quelquefois en mamelles. Le pinçon donne de la fixité au fer44. »

Les détails dans lesquels nous venons d’entrer relativement au pied paraîtront peut-être un peu longs ; mais, eu égard à l’importance capitale de cet appareil, véritable assise de l’édifice animal, nous estimons qu’il n’était guère possible de les passer sous silence, à moins d’être absolument incomplet.

Régions correspondantes de l'homme et du cheval

Avant de terminer ce qui a trait aux régions du cheval, nous allons reproduire une figure que nous empruntons à M. le colonel Duhousset45. C’est la représentation des régions correspondantes de l’homme et du cheval, dont on trouve la première idée dans le Nouveau Parfait Maréchal de Garsault (1769) (fig. 78 du texte).

Fig. 78. — Régions correspondantes de l’homme et du cheval.

p. 125Les lettres de cette figure doivent être ainsi interprétées :

S, s, scapulum ou omoplate (épaule chez l’homme et chez le cheval) ; H, h, humérus (bras chez l’homme et chez le cheval) ; A, a, olécrâne (coude chez l’homme et chez le cheval) ; C, c, carpe (poignet chez l’homme, genou chez le cheval) ; M, m, enveloppe cornée de l’extrémité inférieure du doigt (ongle chez l’homme, sabot chez le cheval) ; I, i, iléons ou coxaux (régions pubienne, sacro-coccygienne, latérales (hanches) et périnéale du bassin chez l’homme ; croupe et hanches chez le cheval) ; F, f, fémur (cuisse chez l’homme et chez le cheval) ; R, r, rotule (genou chez l’homme, grasset chez le cheval) ; T, t, culcanéum (talon chez l’homme, pointe du jarret chez le cheval) ; P, p, pied (le pied du cheval, en extérieur, ne comprend que la boîte cornée connue sous le nom de sabot ; au contraire, le pied et la main de l’homme, comme le pied du cheval en anatomie comparée, embrassent toute la partie des membres qui fait suite à l’avant-bras et à la jambe) ; OC, oc, radius et cubitus (avant-bras chez l’homme et chez le cheval) ; RT, rt, tibia et péroné (jambe chez l’homme et chez le cheval).

Ce paragraphe n’a qu’un seul but, une seule prétention : contribuer à rendre l’étude du cheval plus agréable et plus facile, tout en évitant au lecteur quelques-unes de ces erreurs de comparaison que, seules, les personnes absolument étrangères au cheval ont le droit de commettre.

p. 125

Chapitre III
Des proportions

On entend par proportions les rapports de dimensions que les régions doivent avoir entre elles et avec l’ensemble pour que de leur action résultent des mouvements faciles et sûrs.

C’est à tort qu’on attribue à un hippiâtre italien du XVIe siècle, Grisone46, la première idée des proportions du cheval ; il suffit, en effet, de jeter un coup d’œil sur les écrits de cet auteur pour reconnaître qu’il s’est tout simplement occupé de déterminer les caractères propres p. 126à telle ou telle région, sans établir de rapport entre les dimensions de l’une et celles de l’autre.

Avant lui, d’ailleurs, un vétérinaire arabe du XVIe siècle, Abou-Bekr ben Bedr, donnait déjà, dans son livre le Nâcerî47, quelques indications relativement aux mesures que doit avoir, chez le cheval, telle région comparée à telle autre.

Mais, malgré leur originalité, ces indications elles-mêmes sont tellement vagues et incomplètes, que c’est bien à Bourgelat que revient tout le mérite des proportions ; le premier, en effet, il les a établies d’une façon rationnelle, en prenant pour unité de mensuration la tête même de l’animal qu’il examinait. Il a ensuite subdivisé la tête en trois parties, ou primes, chaque prime en trois secondes, et chaque seconde en vingt-quatre points, de façon à pouvoir apprécier les plus petites dimensions.

Disons tout d’abord que, sans contester d’une façon absolue l’exactitude et l’utilité des proportions de Bourgelat, la plupart des auteurs ont critiqué les minuties dans lesquelles il est entré et n’ont accepté de son système que les règles principales.

M. Richard a même été plus loin : il a entièrement condamné ce système, comme étant « sans base raisonnée, sans motif fondé48. »

La question en était là lorsque M. le colonel Duhousset, puis MM. Goubaux et Barrier, vinrent appuyer de leur autorité la méthode de Bourgelat. Se rangeant néanmoins à l’avis de la majorité des hippologues, ces auteurs considèrent comme superflus les détails infinis dans lesquels est entré le fondateur des écoles vétérinaires ; MM. Goubaux et Barrier lui reprochent même :

« 1° D’avoir cru à la valeur absolue de ses règles, alors qu’elles sont essentiellement relatives à chaque genre de service en particulier ;

« 2° D’avoir méconnu les compensations qui règnent entre les régions ;

« 3° D’avoir laissé pour ainsi dire absolument de côté les rapports angulaires entretenus par les rayons osseux des membres ;

« 4° Enfin, d’avoir omis de parler des rapports de l’ensemble avec le système nerveux49. »

p. 127Mais, selon eux, ces exagérations, ces inexactitudes et ces omissions ne condamnent en aucune façon ce que le système a de vrai : « Bourgelat, disent-ils, a tenté de déterminer les rapports des parties entre elles et avec l’ensemble, c’est là son idée directrice ; il a vu, il a senti ces rapports, c’est là son mérite ; enfin, il en a trouvé quelques-uns qui resteront impérissables et qui témoignent des résultats auxquels peut conduire une idée juste secondée par un jugement sûr et un talent exceptionnel. »

Plus loin, d’ailleurs, ils proclament hautement que l’étude des proportions est des plus fructueuses, non seulement pour celui qui veut arriver vite à se former le coup d’œil et le jugement, mais encore pour l’artiste soucieux d’imprimer à ses œuvres l’exactitude de limitation.

À ce double point de vue, nous sommes absolument d’accord avec les auteurs précités ; mais, quant à l’utilité pratique des proportions, nous avouons ne pas y croire beaucoup ; nous sommes même bien près de partager la manière de voir de M. Richard relativement aux détails du système de Bourgelat ; comme lui, nous pensons qu’on ne peut pas limiter, en extérieur, le développement du garrot, la hauteur de la poitrine, celle des épaules, etc. ; comme lui, enfin, nous croyons qu’ « on ne trouvera jamais un boulet ou un avant-bras trop larges, ce dernier trop long, un genou trop développé, un tendon trop détaché, etc., etc.50. » Si, d’un autre côté, nous pensons avec Lecoq que « l’opinion de M. Richard laisse intact le principe relatif aux proportions d’ensemble, d’après lequel la longueur et la hauteur du corps doivent être égales dans un cheval bien conformé51 », nous n’en restons pas moins convaincu que, d’une manière générale, les proportions ne peuvent avoir qu’une importance secondaire au point de vue purement pratique, seraient-elles exactes dans tous leurs détails et applicables à tous les chevaux.

Et ceci est tellement vrai qu’il n’est pas un seul connaisseur réellement digne de ce titre qui se trouverait embarrassé en présence d’un cheval acéphale, dont il aurait à apprécier, sous le rapport des proportions, les autres parties du corps.

Toutefois, le système de Bourgelat a été tellement élargi depuis la mort de son auteur qu’il est vrai de dire que l’étude des proportions p. 128telles que nous les trouvons exposées dans le Traité de l’extérieur du cheval de MM. Goubaux et Barrier, offre, dans certains cas, une incontestable utilité pratique. Mais, nous le répétons, c’est surtout pour l’artiste et le débutant que cette étude sera fructueuse.

À l’exemple des auteurs ci-dessus, auxquels nous empruntons, d’ailleurs, une bonne partie des détails qui suivent, nous comprendrons dans les proportions : 1° les relations de dimensions des parties constituantes du corps ; 2° les rapports de direction que peuvent affecter les rayons osseux les uns avec les autres ; 3° les rapports généraux de l’ensemble ; 4° enfin, les rapports de l’ensemble avec le système nerveux.

A. — Rapports de dimensions des parties entre elles

Comme il nous est impossible de relater ici les différents résultats auxquels sont arrivés les hippologues qui, avec Bourgelat, se sont occupés de la question des proportions, nous nous contenterons de résumer dans ce paragraphe les conclusions de M. le colonel Duhousset, l’homme qui, en France, s’est le plus attaché, depuis une vingtaine d’années, aux mensurations de toutes les régions du cheval.

De même que Bourgelat, M. Duhousset52 a choisi la tête pour unité de mesure. Aussi, ses dimensions se rapprochent-elles beaucoup de celles du fondateur des écoles vétérinaires (fig. 79 du texte) :

« La longueur de la tête se retrouve à peu près exactement :

1° Du dos au ventre, NO ;

2° Du sommet du garrot à la pointe du bras, HE ;

3° Du pli supérieur du grasset à la pointe du jarret, J’J ;

4° De la pointe du jarret à terre, JK ;

5° De l’angle dorsal du scapulum à la pointe de la hanche D’D ;

6° Du passage des sangles au boulet, MI ; au-dessus de celui-ci pour les grands chevaux et ceux de course ; au milieu et au bas pour les petits et ceux de taille moyenne ;

7° Du pli supérieur du grasset au sommet de la croupe. « Deux fois et demie la tête donnent :

1° La hauteur du garrot H, au-dessus du sol ;

p. 1292° La hauteur du sommet de la croupe au-dessus du sol ;

3° Très fréquemment la longueur du corps, depuis la pointe du bras jusqu’à celle de la fesse.

« La longueur de la croupe, de la pointe de la hanche à celle de la fesse, DF, est toujours inférieure à celle de la tête : cela varie de 5 fesse, DF, est toujours inférieure à celle de la tête : cela varie de 5 à 10 cent.

« Quant à sa largeur d’une hanche à l’autre, elle ne dépasse que très peu sa longueur (souvent elle lui est égale).

« La croupe DF se rencontre assez exactement, comme longueur, quatre fois sur le même cheval :

Fig. 79. — Les proportions sur le cheval vu de profil.

« 1° De la pointe de la fesse à la partie inférieure du grasset, FP ;

« 2° Comme largeur de l’encolure à son attache inférieure, de son insertion dans le poitrail à l’origine du garrot, SX ;

« 3° De l’insertion de l’encolure dans le poitrail au-dessous de la ganache, XQ, lorsque la tête est placée parallèlement à l’épaule ;

« 4° Enfin, de la nuque au naseau, nn’, ou à la commissure des lèvres.

« La mesure de la moitié de la tête guidera aussi beaucoup pour la construction du cheval, lorsqu’on saura qu’elle s’applique fréquemment à plusieurs de ses parties, savoir :

p. 130« 1° Du point le plus saillant de la ganache au profil antérieur du front, au-dessus de l’œil, PQ (épaisseur de la tête) ;

« 2° De la gorge au bord supérieur de l’encolure, en arrière de la nuque, QL (attache de la tête) ;

« 3° De la partie inférieure du genou à la couronne, TT’ ;

« 4° De la base du jarret au boulet, VU ;

« 5° Enfin, de la pointe du bras à l’articulation du coude. »

Dans le coin de la figure 79, AB représente la longueur de la tête ; B, 2, la moitié ; B, 4, le quart ; BG est une verticale égale à celle du garrot H, au sol.

Proportions de la tête.

La tête étant prise comme unité de mesure, il est évident que ses proportions offrent une grande importance. Dans le but de nous rapprocher le plus possible de la vérité, nous les prendrons sur un cheval intermédiaire entre le cheval fin et celui de trait.

C’est, d’ailleurs, ainsi qu’a procédé M. le colonel Duhousset, auquel nous empruntons encore les mesures suivantes :

« Longueur, de la nuque au bout des lèvres, 0m, 60.

« Épaisseur, du bord refoulé de la ganache à la face antérieure, 0m, 30.

« Largeur, d’une arcade orbitaire (point extrême, la tête vue de face) à l’autre, 0m, 22. »

B. — Rapports angulaires des rayons osseux

Des rapports de direction ou du mode de superposition des rayons locomoteurs résultent, sur le trajet de ceux-ci, des angles dont le sommet correspond toujours au centre de mouvement d’une articulation, et dont le sinus regarde constamment, soit en avant, soit en arrière de l’animal.

Ce sont ces rapports de direction, ces inclinaisons des rayons osseux et les angles qu’ils forment, que nous allons essayer de passer en revue dans ce paragraphe.

En outre de la Théorie de la similitude des angles et du parallélisme des rayons que faisait paraître, en 1835, le capitaine Morris53 et que p. 131M. le professeur Neumann54, de l’école vétérinaire de Toulouse, a, depuis, victorieusement réfutée, plusieurs tentatives ont été faites par MM. Vallon, Daudet, et le professeur Lemoigne, de Milan, dans le but d’arriver à la connaissance des angles articulaires du cheval. Mais, de tous ces expérimentateurs, le dernier seul est arrivé à des résultats précis55, ainsi qu’ont pu le vérifier tout récemment MM. Goubaux et Barrier56, dont les observations, que nous reproduisons dans le tableau ci-dessous, se rapprochent, en effet, beaucoup de celles du professeur italien. Recueillies avec soin et à l’aide d’instruments spéciaux, ces observations portent sur un grand nombre de sujets de services divers, mais de conformation irréprochable dans leur genre, et présentent, par ce fait même, un intérêt tout particulier.

Inclinaisons des rayons locomoteurs sur l’horizon et valeur des angles articulaires chez les chevaux de vitesse.

DÉSIGNATION DES ANGLES

INCLINAISON

VALEUR de L’ANGLE COMPRIS

du RAYON SUPÉRIEUR

du RAYON INFÉRIEUR

Membre antérieur.

Scapulo-huméral...

60°

50 à 55°

110 à 115°

Huméro-radial...

50 à 55°

90°

140 à 145°

Métacarpo-phalangien...

90°

60°

150°

Membre postérieur.

Coxo-fémoral...

30 à 35°

80°

110 à 115°

Fémoro-tibial...

80°

65 à 70°

145 à 150°

Tibio-tarsien...

65 à 70°

90°

155 à 160°

Métatarso-phalangien...

90°

65°

155°

p. 132« Le degré d’ouverture des angles locomoteurs du cheval, d’après MM. Goubaux et Barrier, a une influence capitale sur le déploiement de la vitesse ; ils rappellent, d’ailleurs, en terminant :

« 1° Que la fermeture des angles supérieurs (scapulo-huméral et coxo-fémoral) est une des premières beautés à rechercher pour les chevaux rapides ;

« 2° Que les angles huméro-radial et fémoro-tibial exigent une ouverture suffisante... ;

« 3° Que la fermeture des angles supérieurs doit tenir surtout à l’inclinaison de leurs rayons supérieurs ; scapulum ou coxal... ;

« 4° Enfin, que le jeu complet et aisé des angles locomoteurs implique de toute nécessité telles inclinaisons de leurs branches qui leur permettent de s’écarter ou de se rapprocher dans le sens du mouvement en avant, et non en hauteur, ce qui occasionnerait une perte de force et de temps essentiellement préjudiciable à la vélocité de l’allure57. »

C. — Rapports généraux de l'ensemble

Hauteur. — La hauteur moyenne du cheval bien conformé est de deux têtes et demie, d’après la judicieuse observation de Bourgelat. Les animaux qui dépassent ce chiffre d’une façon sensible, de même que ceux qui ne l’atteignent pas, sont disproportionnés, décousus.

Longueur. — La longueur du corps se mesure de la pointe de l’épaule à celle de la fesse. Bourgelat lui assigne également, et avec raison, deux têtes et demie sur les chevaux bien conformés. MM. Goubaux et Barrier recommandent de se renseigner très exactement sur la valeur des divers éléments qui composent la longueur du corps, et de ne pas se contenter d’évaluer superficiellement cette dimension, même lorsqu’elle semble dans les conditions indiquées plus haut... « En assignant deux têtes et demie à la longueur, disent-ils, nous avons entendu parler en même temps d’une distance scapuloiliale convenable, d’une épaule et d’une croupe bien faites58... »

Rapports entre la hauteur et la longueur. — Pour les services rapides, Bourgelat a considéré, avec raison, l’égalité p. 133entre la hauteur et la longueur comme le juste milieu à atteindre ; à fortiori, ce juste milieu doit-il être le même pour les services lents.

Ampleur. — L’ampleur, ou développement transversal du corps, au niveau du poitrail, de la poitrine, et de la croupe, doit être considérable chez le cheval de gros trait, auquel elle donne à la fois de la masse et de la puissance. On la recherche moyenne chez les chevaux de l’armée et chez ceux de luxe. Pour les services rapides, au contraire, on préfère un tronc plus osseux, une poitrine plus profonde, des muscles plus denses ; une ampleur accusée serait même tout à fait préjudiciable.

Mais, quels que soient les services, le défaut absolu d’ampleur est un vice capital.

Rapports entre le corps et les membres. — Il ne suffit pas que le cheval soit bien conformé sous le rapport de la hauteur, de la longueur et de l’ampleur, il faut encore que le corps et les membres, c’est-à-dire le dessus et le dessous, entretiennent des relations convenables.

Les parties constituantes du corps ne pouvant guère pécher par excès de développement, ainsi que nous l’avons démontré précédemment, il s’ensuit que si la disproportion semble résulter du dessus comparé au dessous, c’est, le plus souvent, que celui-ci ne se trouve pas suffisamment charpenté pour supporter le premier.

De même, si la disproportion paraît tenir du dessous comparé au dessus, cela tient certainement à ce que le corps est grêle ; car si des membres solides, bien musclés, peuvent quelquefois être inutiles, ils ne sont jamais défectueux.

Le défaut de proportion entre le dessus et le dessous ne peut guère se reconnaître que par l’habitude jointe à la connaissance parfaite des beautés et des défectuosités de chaque région ; car là, plus que dans toute autre circonstance, les mensurations nous paraissent être d’une très faible utilité pratique.

C’est, dans tous les cas, un défaut capital que rien ne peut racheter et sur lequel nous ne saurions trop appeler l’attention du lecteur.

Comme le manque d’harmonie chez le cheval est généralement dû à la faiblesse des supports, on reconnaîtra les animaux présentant ce défaut à la grande longueur de leurs membres, au petit volume de p. 134leurs muscles, à l’étroitesse de leurs articulations, etc. ; ce sont ces chevaux qu’on qualifie généralement de manqués, de ficelles, de haut perchés, échassiers, etc.

D. — Rapports de l'ensemble avec le système nerveux

Il est indispensable, en dernier lieu, qu’il y ait harmonie, équilibre parfait, entre le système nerveux qui préside au fonctionnement des organes, qui dirige la machine, et les rouages de cette même machine : « Sans le système nerveux, disent MM. Goubaux et Barrier, les instruments locomoteurs ne sont rien ; sans eux, il est réduit à la plus stérile impuissance ; avec eux, il est tout59. »

Il s’ensuit que si la grande excitabilité nerveuse est à rechercher comme complément des qualités de solidité et de bon agencement de toutes les parties de l’animal, elle devient, par contre, nuisible chez les animaux dépourvus de ces dernières qualités physiques. Aucun doute ne peut subsister à cet égard.

Là se place naturellement une des questions les plus fréquemment discutées et les plus mal définies par les hippologues ; nous voulons parler du sang.

Du sang

Le cheval qui « a du sang ». — Pour beaucoup, un cheval « a du sang » lorsqu’il se montre doué à un haut degré de cette excitabilité dont nous venons de parler.

Pour d’autres, Gayot en particulier, « la désignation du sang a prévalu dans le langage hippique ; elle a remplacé le mot noblesse... Physiologiquement parlant, le sang est la source génératrice de toute trame organique ; il en contient le germe ; il est la cause de toutes les qualités physiques et morales ; il est le véhicule de tous les éléments de l’organisme... »60. C’est, en quelque sorte, l’expression d’une essence immatérielle, isolée et indépendante du corps qu’elle gouverne.

Suivant M. Magne, quand on dit d’un cheval qu’il a du sang, on entend p. 135simplement indiquer qu’il offre certains caractères extérieurs61.

Enfin, d’après MM. Goubaux et Barrier, lorsqu’on dit qu’un cheval a du sang, « on veut simplement exprimer que sa famille, sa race, ont subi le métissage de la noblesse à une époque plus ou moins reculée et dans une proportion plus ou moins accusée. On qualifiera, par suite, ajoutent-ils, de pur sang, l’animal de haute lignée, issu de race noble et absolument pur de toute souillure en ce qui concerne les alliances de ses propres ascendants... »

Pourtant, d’après les mêmes auteurs, si le sang est héréditaire, « il est aussi inné chez certains sujets appartenant à des races qui n’en possèdent pas habituellement », et même « il est un fait également démontré, c’est que le sang s’acquiert »62.

Il faut bien l’avouer, ces différentes définitions du sang ne sont guère plus claires les unes que les autres, et il en sera toujours ainsi tant que l’on conservera une expression née des idées fausses qu’on se faisait autrefois de la fécondation, conséquemment inexacte en elle-même et sujette aux mille acceptions diverses d’une chose exclusivement conventionnelle. Cependant, la définition qui fait du sang le presque synonyme de grande excitabilité nerveuse nous paraît devoir être préférée, non comme plus juste, mais comme exprimant mieux, à notre avis, l’idée qu’on se fait généralement d’un cheval dont on dit : Il a peu ou beaucoup de sang, il manque de sang, etc.

Si le sang peut être inné, s’il s’acquiert (et, pour nous, cela ne fait aucun doute), il est évident qu’il n’est pas l’apanage exclusif des chevaux qui « ont subi le métissage de la noblesse ». Il y a lieu d’admettre, au contraire, qu’un cheval, quels que soient ses ancêtres, quelle que soit sa provenance, peut être considéré comme ayant du sang, s’il a beaucoup d’énergie, de vigueur, etc.

Pour nous, enfin, si certaines races sont particulièrement favorisées sous le rapport de l’énergie, de l’excitabilité nerveuse, dans toutes on peut rencontrer des sujets ayant du sang ; il suffit souvent, en effet, de mettre les animaux dans des conditions de milieux convenables pour faire naître et fixer chez eux les aptitudes les plus élevées de l’espèce : « Dans les aliments de force, dit M. Sanson, est le secret ou la source p. 136de la véritable noblesse, de ce que les hippophiles les moins fantaisistes expriment en le nommant « le sang »63.

Quoi qu’il en soit et de quelque côté que se trouve la vérité, nous ne saurions trop critiquer cette absurde opinion d’après laquelle « le sang rachète tout ». Il faut être dépourvu de tout bon sens ou ne pas se faire la moindre idée de la machine du cheval pour soutenir sérieusement une pareille hérésie.

Le cheval « de pur sang- ». — Quant au cheval « de pur sang ou tout simplement « de sang », nous le qualifierons un animal de race fine, possédant au plus haut degré cette excitabilité nerveuse qui dénote « le sang », et pur de toute souillure en ce qui concerne les alliances de ses propres ascendants, au moins depuis une époque plus ou moins reculée ; car, pour le cheval anglais de course, par exemple, « quoiqu’il passe pour être uniquement du sang oriental, dit M. de la Gondie, le fait n’est point exact si l’on remonte au temps où l’on a commencé à enregistrer les faits »64.

Quelque bizarre que soit cette expression de pur sang, il nous appartient d’autant moins de la changer que, sur ce point, tout le monde se trouve à peu près d’accord. D’ailleurs, le cadre restreint de notre livre ne nous permet pas d’aller plus au fond de la question.

Différence entre le cheval qui « a du sang » et le cheval « de pur sang ». — En somme, le cheval « de pur sang » est un animal de race pure, fin, élégant, rapide, tandis que le cheval qui « a du sang » possède tout simplement une grande excitabilité nerveuse qui le rapproche plus ou moins du premier ; c’est du moins l’acception que l’usage semble avoir donnée aujourd’hui du mot sang.

On reconnaît l’animal qui a du sang à son regard vif, hardi ; à son œil bien ouvert ; à ses oreilles toujours dressées et très mobiles ; à une grande impressionnabilité nerveuse ; à la finesse et à la sensibilité de la peau ; au peu d’abondance de toutes les productions pileuses, etc.

p. 137
Résultat des belles proportions sur la résistance du cheval à la fatigue
Du fond.

Maintenant, qu’entend-on par fond ? « Dans le langage ordinaire, disent MM. Goubaux et Barrier65, le fond est celle faculté en quelque manière mystérieuse, cachée, secrète, que l’animal paraît avoir en réserve et à l’aide de laquelle il résiste mieux qu’un autre à la fatigue... »

« C’est un mot, ajoutent-ils plus loin, dans lequel on a tout résumé : Vérité, préjugés, erreurs ! »

Pour nous, si l’on pénètre plus loin dans l’essence même des choses, on arrive à reconnaître que le fond est tout simplement l’expression, le résultat d’une bonne conformation des régions, d’un parfait rapport de dimensions de ces régions entre elles et avec l’ensemble, d’une heureuse harmonie entre celui-ci et le système nerveux, d’une nourriture et d’un entraînement rationnels. Cependant, nous devons avouer avec MM. Goubaux et Barrier que, si l’étude de la conformation peut le faire préjuger, l’épreuve seule est capable de le mettre en évidence.

Il existe aussi bien chez les chevaux lents que chez ceux de vitesse, et s’il offre moins d’intérêt chez les premiers que chez les seconds, il ne s’ensuit pas qu’on doive qualifier de niaiserie [•] 66 la croyance au fond des chevaux qui n’ont pas de vitesse.

La niaiserie est bien plutôt le fait de ceux qui nient l’extraordinaire force de résistance de la plupart des chevaux de trait. S’ils avaient jamais vu un charretier embourbé ; s’ils s’étaient mieux rendu compte des énormes difficultés que ces animaux ont sans cesse à surmonter, surtout lorsque le terrain est gras, couvert de neige ou de verglas, ils ne porteraient pas sur les chevaux de camion, d’omnibus, d’artillerie, etc., une appréciation à la fois si légère et si injuste !

À notre avis, tout cela vient de ce que l’on a confondu résistance à la fatigue avec énergie et excitabilité nerveuse, fond avec sang ; de ce que l’on n’a pas bien compris que le sang est une qualité subordonnée à la forme, tandis que le fond est le résultat heureux d’une parfaite harmonie entre la conformation de l’animal et son système nerveux.

Toutefois, nous le répétons, le fond est beaucoup plus important à p. 138considérer chez les chevaux de vitesse ; car le travail est plus « considérable, la dépense plus forte et, conséquemment, la fatigue plus grande...

« It is the pace that kill, c’est le train qui tue !...» disent les Anglais, exprimant ainsi les pertes énormes que cause une course précipitée67.

Au point de vue qui nous occupe, de véritables tours de force (performances) ont été accomplis par certains chevaux exceptionnels. Citons-en quelques-uns : Le Stud Book anglais rapporte (tome III, p. 151) que Sharper, cheval de pur sang, parcourut, le 4 août 1825, à Saint-Pétersbourg, 80,100 mètres, soit un peu plus de 20 lieues, en 2 heures 48 minutes.

Youatt, de son côté, raconte qu’un cheval hackney fit l’énorme trajet de Londres à York (plus de 315 kilomètres) en 40 heures 35 minutes.

Enfin, le 3 avril 1882, un officier français, M. Prieur de la Comble, partait de Lunéville sur une jument hongroise, La Mascotte, et arrivait à Paris trois jours après, ayant parcouru en 72 heures les 388 kilomètres qui séparent les deux villes.

Ces exemples, pris au hasard parmi cent autres qu’il nous serait facile de signaler, montrent suffisamment de quel fond extraordinaire certains chevaux sont doués.

Il y a lieu de noter en passant que le fond du cheval est en partie subordonné à la manière dont on le conduit.

M. le général Bonie68, qui a spécialement étudié la meilleure combinaison des allures « pour marcher avec le moins de fatigue et le plus de vitesse possibles », estime qu’une troupe en marche69 doit l’aire 2 kilomètres au trot (le kilomètre en 4 minutes 15 secondes environ) et 1 au pas (le kilomètre en 10 minutes). Toutefois, c’est là une vitesse moyenne qu’il est souvent nécessaire d’augmenter, en campagne par exemple. Or, dit l’auteur précité, « deux moyens se présentent pour obtenir une rapidité plus grande. L’un consiste à prolonger la durée des temps de trot, l’autre, au contraire, à la diminuer, en abrégeant également la durée des temps de pas ».

Discutant successivement ces deux moyens, M. le général Bonio démontre que le second seul est acceptable. « Pour le cheval qui a peu p. 139de sang, dit-il, il importe d’alterner souvent les allures. On donne ainsi de fréquentes relâches au travail des poumons et des muscles, et l’animal chemine toujours calme et presque sans transpirer.

« Il ne faudrait pas cependant tomber dans l’exagération, et couper à chaque instant les allures. Un passage trop fréquent du pas au trot et du trot au pas énerverait hommes et chevaux. Il y a, entre les deux excès, un juste et sage milieu que l’expérience nous a permis de déterminer :

« Aucun cheval ne forge jusqu’à 1500 mètres. C’est une preuve que, sur cette distance, les muscles ont toujours le même ressort ; l’allure y est très franche, a de l’entrain, et se soutient d’elle-même sans fatigue. Passé ce point, le nombre de chevaux qui forgent va toujours en augmentant. Par contre, la vitesse diminue. Sous le rapport de la rapidité, la distance de 1500 mètres au trot est donc la plus avantageuse. Elle est aussi parfaitement ajustée à la puissance musculaire de nos chevaux, puisqu’il n’est pas besoin de stimuler leur ardeur, ni de réveiller leur énergie pour un effort aussi limité.

« Pour déterminer la durée du temps de pas qui se combinera avec les 1500 mètres de trot, nous interrogerons les poumons70 : Après 1500 mètres de trot, il faut cinq minutes de pas, ou 500 mètres, pour que la respiration du cheval redevienne calme et normale. Après 500 mètres de pas, on pourra donc reprendre le trot, et l’animal s’avancera, ainsi dans les meilleures conditions. »

Le nombre des haltes est encore à considérer M. le général Bonie admet qu’en temps ordinaire (paix), si l’étape ne dépasse pas 28 kilomètres, deux haltes sont suffisantes : l’une à 5 ou 6 kilomètres du départ ; l’autre à 10 kilomètres de l’arrivée. Au-dessus de 28 kilomètres et jusqu’à 40, entre la première halte, qui est de cinq minutes, et la dernière, on arrêtera à moitié distance et on mettra pied à terre pendant un quart d’heure.

En temps de guerre, le nombre des haltes doit se calculer d’après la vitesse adoptée pour la route, en raison de la longueur du trajet ; or, pour un parcours de 120 kilomètres, la vitesse doit être la suivante, et les haltes ainsi réparties :

12 kilom. en 1 heure (pas de halte).

22 ————— 2 ——— (1 halte).p. 140

32 ————— 3 ——— (2 haltes).

40 ————— 4 ——— (3 haltes).

45 ————— 5 ——— (4 haltes).

54 ————— 6——— (5 haltes).

60 ————— 7——— (6 haltes).71

En tout, une heure vingt minutes de repos, distribuée en six haltes.

On fera ensuite un repos de quatre ou cinq heures ; puis, on pourra refranchir 60 autres kilomètres en dix heures, avec cinq haltes de dix minutes chacune, de 12 en 12 kilomètres.

Jusque-là, nous nous sommes exclusivement occupé du fond du cheval examiné au pas et au trot. Il nous reste à déterminer la limite de ses moyens au galop, comme fond et comme vitesse. « Cette puissance, dit M. le général Bonie, dépasse de beaucoup l’idée générale que nous avons à ce sujet. Elle peut s’étendre jusqu’à la distance énorme de 5000 mètres. Seulement, il est de toute importance de connaître les principes indiquant la manière de ménager le train selon la distance, car si les chevaux sont malmenés, ils s’épuisent vite, surtout si le départ est trop rapide...

« Le tableau suivant indique les points où on peut changer de vitesse :

(La troupe court sur un terrain uni et ferme, et est supposée ne pas avoir encore travaillé de la journée.)

« Pour 1000 mètres et au-dessous, on peut se lancer très vite dès le départ.

« Pour :

1,500 mètres,

800 au galop ordinaire ;

700 à la charge.

2000 —

1,500 — —

500 —

2,500 —

2,200 — —

300 —

3000 —

Le parcours —

60 —

3,500 —

2,000 mètres au galop ordinaire.

« De 2000 à 3500 mètres, galop de 500 mètres par minute. Le train ne peut pas augmenter à l’arrivée.

« Pour 5000 mètres, galop ralenti sur tout le parcours. Pas de charge possible à l’arrivée.

« Après 1000 mètres de charge, il faut arrêter ou prendre le pas, parce que les poumons sont gorgés ; mais les muscles ont encore assez de vigueur pour agir. Il faudrait vingt à vingt-cinq minutes pour que la respiration revînt à l’état normal ; mais, après dix minutes de repos, p. 141on peut repartir et avoir encore assez de liberté de respiration pour parcourir 4 à 500 mètres à toute vitesse ou, si le galop ordinaire est suffisant, 12 à 1500 mètres, puisque la charge exige une triple dépense de force... »

Quant à l’influence du poids porté par le cheval, elle est considérable :

Lorsque le cheval n’est pas trop poussé dans ses allures, la charge n’agit pas sensiblement sur sa vitesse ; mais elle augmente considérablement la fatigue et, par conséquent, épuise le fond. En voici la preuve : Après un certain nombre de kilomètres au trot, les respirations s’élèvent, pour les chevaux non chargés, à 60 par minute en moyenne ; pour les mêmes animaux chargés, elles montent à 74. Il s’ensuit que les kilomètres de trot ont autant essoufflé les chevaux chargés qu’un parcours au galop.

« En présence d’une pareille diminution de fond, conclut M. le général Bonie, l’hésitation n’est plus permise, et il faut débarrasser à tout prix nos chevaux de leur attirail en campagne... L’augmentation de puissance qui en résulterait est vraiment prodigieuse. Avec la charge de campagne, un cheval au trot dépense autant de force qu’un cheval au galop non chargé. En le soulageant de cette différence de poids, on triple donc sa puissance72. »

p. 142

Chapitre IV
De la locomotion

Les actions produites par l’appareil locomoteur peuvent être divisées en trois groupes principaux : 1° les attitudes ; 2° les mouvements sur place ; 3° les allures.

I. — Attitudes

On entend par attitudes, en extérieur, les diverses positions du cheval au repos, soit debout, soit couché. Elles comprennent la station et le décubitus ou coucher.

A. — Station

La station est l’attitude du cheval debout, immobile et supporté par ses quatre membres ou par trois d’entre eux seulement. Elle peut être libre ou forcée.

Fig. 80. — Station libre.

La station libre est celle du cheval abandonné à lui-même ; généralement alors, le corps ne repose que sur trois pieds. Le quatrième, qui est toujours un postérieur, reste au repos et à demi fléchi (fig. 80 du texte).

Fig. 81. — Le rassembler.

p. 143La station forcée est l’attitude dans laquelle les quatre extrémités sont placées sur le terrain de façon à former les quatre angles d’un rectangle. On la subdivise en rassembler, placer et camper.

Dans le rassembler, les quatre membres sont ramenés plus ou moins vers le centre de la base de sustentation. Ainsi placé, le cheval est prêt à exécuter facilement les principaux mouvements (fig. 81 du texte).

Fig. 82. — Le camper.

Fig. 83. - Le placer73.

Dans le camper, les quatre membres sont éloignés du centre de gravité et en dehors de la ligne d’aplomb (fig. 82 du texte).

p. 144Le placer est la station dans laquelle le cheval pose d’aplomb sur ses membres, la tête et l’encolure soutenues. Dans cette situation, les membres doivent suivre certaines directions, que nous allons examiner sous le titre d’aplombs (fig. 83 du texte).

Aplombs
(Pl. III).

On entend par aplombs la répartition régulière du poids du corps sur les extrémités, ou plus exactement, la direction que doivent suivre les membres du cheval, considérés dans leur ensemble ou dans leurs différentes régions en particulier, pour que le corps soit supporté de la manière la plus solide et en même temps la plus favorable à l’exécution des mouvements.

Les aplombs sont dits réguliers « quand les axes directeurs des membres tombent perpendiculairement et oscillent dans des plans parallèles au plan médian ». Ils sont, au contraire, irréguliers « lorsque les axes directeurs des membres s’écartent de la verticale et effectuent leurs déplacements dans des plans autres que ceux dont nous venons de parler »74 Alors, le poids de la masse n’est plus réparti régulièrement sur les quatre extrémités, les rayons osseux ne portent plus exactement l’un sur l’autre, et une partie du membre ou tout au moins d’une région se trouve surchargée ; d’où prompte usure.

Pour examiner les aplombs d’un cheval, il faut tout d’abord le placer, c’est-à-dire le maintenir en repos, les quatre pieds occupant les quatre coins d’un rectangle qui représente la base de sustentation. On abaisse ensuite certaines lignes verticales partant de différents points du corps et tombant jusqu’à terre. Suivant la direction des rayons osseux par rapport à ces lignes, on juge de la régularité ou de l’irrégularité des aplombs.

Il est évident que, dans la pratique, on ne peut pas se servir du fil à plomb et qu’il faut de toute nécessité se faire suffisamment l’œil pour pouvoir remplacer par la pensée les lignes qu’il marquerait réellement.

p. 145
a. — Aplombs des membres antérieurs

1° Aplombs vus de profil (fig. 1, 2, 3, 4). — 1° Une verticale CD (fig. 1), abaissée de la pointe de l’épaule jusqu’au sol, doit rencontrer ce dernier un peu en avant de l’extrémité de la pince.

Si cette ligne touche le sol à une distance plus grande de la pince, ou si la verticale EF (fig. 1), abaissée de la pointe du coude, rencontre les talons, le cheval est dit sous lui du devant (fig. 1, 3).

Cette direction surcharge les membres, fatigue les os, les muscles, les tendons, et expose le cheval à raser le tapis, butter et forger ; aussi, est-elle incompatible avec le service de la selle.

Si, au contraire, la ligne CD tombe sur le sabot avant de rencontrer le sol, le cheval est campé du devant (fig. 1, 2). Ce défaut l’expose à la foulure des talons, au tiraillement des tendons, et surcharge l’arrière-main ; de plus, il ralentit l’allure, puisque le membre, en se portant en avant, part d’un point plus rapproché de celui où doit s’opérer son appui. Il est à remarquer, enfin, que, le plus souvent, on observe le défaut qui nous occupe chez les chevaux à talons serrés et chez ceux qui ont été fourbus ou qui présentent une déformation quelconque du sabot.

Une verticale AB (fig. 1), abaissée de l’articulation du coude (tiers postérieur de la partie supérieure et externe de l’avant-bras), doit partager également le genou, le canon et le boulet, et tomber un peu en arrière des talons.

Si le genou fait saillie en avant de cette verticale et si cette déviation est naturelle, congénitale, le cheval est dit brassicourt (fig. 2, 1) ; on le dit arqué, lorsqu’elle résulte de l’usure (fig. 2, 1).

Si, au contraire, le genou se trouve trop en arrière, il est qualifié de creux, d’effacé ou de mouton (fig. 2, 2).

Quand la ligne tombe trop loin des talons, le sujet est long et généralement bas-jointé (fig. 3). « Cette sorte de parenté qui associe étroitement la longue-jointure et la basse-jointure est facile à comprendre, le paturon devenant de moins en moins colonne de soutien et de plus en plus ressort élastique à mesure que sa longueur augmente75. » Cependant, nous avons vu (IIe partie, chap. II, paturon) p. 146que ces deux défectuosités ne sont pas toujours inséparables l’une de l’autre.

Quoi qu’il en soit, les réactions du cheval long et bas-jointé sont plus douces ; mais ses tendons se trouvent sans cesse tiraillés et l’usure de ses extrémités est rapide.

Si, enfin, la verticale tombe trop près des talons, le membre est court et ordinairement droit-jointé (fig. 4). Le cheval a alors les réactions dures et est très prédisposé à se bouleter.

2° Aplombs vus de face (fig. 5, 6, 7, 8). — Une verticale CD ( fig. 5), abaissée de la pointe de F épaule, doit partager le genou, le canon, le boulet et le pied en deux parties égales (fig. 5, 1. 1).

Quand le membre, dans son ensemble, se trouve en dehors de la verticale, on dit le cheval trop ouvert du devant (fig. 5, 2. 2) ; son allure devient alors plus lourde, s’accompagne d’un bercement nécessité par le déplacement horizontal du centre de gravité, et il n’est plus propre qu’au service du gros trait lent.

S’il s’agit de la région du genou seulement, celle-ci est qualifiée de cambrée (fig. 6, 1. 1). Ce défaut d’aplomb nuit à la solidité de l’appui et à la rapidité des allures.

Si c’est la pince qui se trouve tournée en dehors, le sujet est panard du devant (fig. 8) ; ce défaut, qui peut tenir à une simple déviation du pied, accompagne le plus ordinairement une déformation du genou et du coude en dedans de la verticale. Dans tous les cas, le talon interne, surchargé, a de la tendance à chevaucher l’externe et à s’écraser ; de plus, l’animal se coupe souvent avec la branche interne du fer.

Lorsque, au contraire, le membre, dans son ensemble, est situé en dedans de la verticale, l’animal est dit serré du devant (fig. 5, 3. 3). Ce défaut, généralement dû au resserrement du thorax, expose l’animal à se couper, à s’atteindre, et le rend assez souvent impropre à tout service un peu pénible.

Il est bon de noter, toutefois, que l’étroitesse du devant peut résulter d’un trop grand développement du poitrail entraînant le rapprochement de l’extrémité inférieure des membres, de même que sa trop grande ouverture peut provenir d’un défaut de largeur de la poitrine ou des muscles pectoraux, rendant les membres convergents vers leur partie supérieure, l’extrémité opposée étant en réalité bien placée ou un peu divergente.

p. 147Si c’est la région du genou seulement qui se trouve déviée en dedans, on a affaire au genou de bœuf (fig. 6, 2. 2) : mêmes inconvénients que le genou cambré.

Enfin, si c’est celle de la pince, le cheval devient cagneux du devant (fig. 7), et l’appui se fait surtout en quartier externe. Considérée comme moins grave que le défaut opposé (panardise), cette déviation du pied expose le cheval à se couper avec la mamelle interne du fer. Le cheval peut également être cagneux du membre ou du pied seulement.

À propos des déviations de la pince en dehors ou en dedans, nous trouvons dans William Day76 cette opinion assez nouvelle : « Les pieds doivent être droits ; mais, s’ils sont tournés, il est préférable de les prendre tournés en dehors, c’est-à-dire panards, ce qui est un signe de vitesse, que tournés en dedans, ou cagneux, ce qui indique la lenteur. » Sans admettre avec l’auteur précité que la panardise favorise la vitesse, cette assertion nous paraissant être une pure hérésie physiologique, nous devons cependant avouer qu’il n’est pas rare de rencontrer des chevaux panards possédant des allures très vites. Tels la plupart des chevaux arabes.

b. — Aplombs des membres postérieurs

1° Aplombs vus de profil (fig. 9). — Une verticale GH, abaissée de l’articulation coxo-fémorale, doit passer par le milieu de la jambe, couper en bas le milieu du sabot, et se trouver équidistante des verticales JK et LM, partant de la rotule et de la pointe de la fesse, la dernière tangente à la pointe du jarret et au boulet.

Si le membre, dans son ensemble, est placé en avant de cette ligne, le cheval est dit sous lui du derrière (3). Cette déviation, ordinairement liée à des jarrets coudés, est une cause de surcharge pour les membres postérieurs ; de plus, elle raccourcit les allures et expose les chevaux à forger.

Si, au contraire, il se porte en arrière, on qualifie l’animal de campé du derrière (2). Ce dernier défaut surcharge l’avant-train et coïncide le plus souvent avec des jarrets droits.

p. 148Enfin, le cheval peut aussi être long et bas-jointé, ou court et droit-jointé du derrière, lorsque le milieu du pied H (fig. 9) se rapproche de la verticale JK ou de la verticale LM.

2° Aplombs vus de derrière (fig. 10 et 11). — Une verticale LM (fig. 10), abaissée de la pointe de la fesse, doit diviser également la partie inférieure du membre, à compter de la pointe au jarret (fig. 10, 1, 1).

Si le membre, dans son ensemble, se porte en dehors de cette ligne, le cheval est dit trop ouvert du derrière (fig. 10, 2. 2) ; dans ce cas, le pied est souvent cagneux.

S’il s’agit de la région du jarret seulement, celle-ci est qualifiée de cambrée (fig. 11, 1.1), et le cheval est presque toujours cagneux, soit du pied seulement, soit en même temps de tout le membre.

Quand, au contraire, le membre, dans son ensemble, est situé en dedans de la verticale, l’animal est dit serré du derrière (fig. 10, 3. 3). Ce défaut s’observe habituellement sur les sujets étroits de poitrine, de reins et de croupe, sans allures, sans vigueur et sans énergie.

S’il s’agit du jarret seulement, celui-ci est qualifié de clos ou crochu (fig. 11, 2. 2). Cette conformation, très désagréable à l’œil, coïncide ordinairement avec des pieds panards et ralentit aussi les allures. Comme le fait remarquer M. Vallon77, elle est cependant fréquente chez beaucoup de sujets des pays montagneux, remarquables, d’ailleurs, par leur aptitude à supporter les fatigues et les privations. Nous l’avons nous-même notée chez les chevaux tunisiens, dont l’énergie et la force de résistance sont au-dessus de tout éloge78.

B. — Coucher ou décubitus.

Le décubitus ou coucher est l’attitude que prend l’animal qui se repose et dont le corps se met directement en contact avec le sol, soit par le poitrail et le ventre, la tête plus ou moins relevée (décubitus sternocostaï), soit par l’un des côtés du tronc, la tête et les membres étendus ou fléchis (décubitus latéral).

Il est bon, dit M. Vallon, que le cheval se couche quand il est p. 149fatigué ; mais il faut se méfier de celui qui prend trop souvent cette attitude : il est mou et peu énergique.

II. — Mouvements sur place

Les mouvements sur place comprennent la ruade et le cabrer, que M. Cuyer a décrits dans un des chapitres suivants, p. 181 ; nous nous dispenserons, pour cette raison, d’en parler ici.

III. — Allures

Les allures, ou modes divers de la progression chez les différents animaux quadrupèdes, ont été divisées en naturelles, irrégulières et artificielles.

Pour l’étude des allures naturelles (amble, pas, trot, galop, saut, reculer), comme pour celle des mouvements sur place, nous renvoyons le lecteur au texte de M. Cuyer (Chap. V, VI, VII et VIII)79.

Nous nous contenterons de dire un mot des allures irrégulières et des défectuosités des allures (chap. IX).

Quant aux allures artificielles (passage, piaffer, ballotade, courbette, etc.), nous les laisserons de côté, comme étant du ressort exclusif de l’équitation.

p. 150

Chapitre V
Les allures étudiées par la méthode graphique

  • Difficulté de l’étude des allures du cheval par l’observation. —
  • Importance d’une méthode expérimentale et d’une représentation graphique de ces allures. —
  • Travaux de M. le professeur Marey. —
  • Notations des allures de l’homme et des animaux. —
  • But de noire planche des allures et des attitudes du cheval. —
  • Représentation des allures, au moyen du zootrope par M. le professeur Mathias Duval. —
  • Photographies instantanées.

Soit qu’il examine les changements de forme produits dans l’ensemble du cheval par les déplacements des membres, soit qu’il écoute les bruits successifs causés par les battues de ces membres, l’observateur qui cherche à représenter les allures est exposé à des erreurs nombreuses, dues à l’imperfection de ses moyens d’investigation.

Que de difficultés n’éprouvera-t-il pas, lorsqu’il voudra examiner la succession des différentes phases du pas ou du galop ?

Des appareils enregistrant ces allures sont un contrôle sûr des phénomènes de la locomotion, car ils permettent de les noter, comme sur une portée musicale, par des lignes plus ou moins longues et des intervalles ou silences représentant, les unes, les appuis et leur durée, les autres, les instants pendant lesquels le corps est soulevé de terre.

M. le professeur Marey, au moyen d’appareils très ingénieux, a réalisé cette notation qui a gardé son nom.

Une pelote creuse, de substance compressible, placée sous chaque pied du cheval (fig. 84), se déprime toutes les fois qu’un de ces pieds p. 151appuie sur le sol ; l’air qui y est contenu en est chassé, et passe, par des tubes de transmission, dans les appareils enregistreurs portés par le cavalier ; quand le pied se relève, la pelote reprend sa forme primitive, et l’air, qui en avait été expulsé, la remplit de nouveau.

Fig. 84.— Appareil explorateur de la pression du sabot du cheval sur le sol.

Un stylet, oscillant sous l’influence de ces déplacements de l’air renfermé dans l’appareil, trace sur un cylindre noirci, animé d’un mouvement de rotation régulier, des lignes ascendantes pour les appuis des pieds, descendantes lorsque ces pieds sont soulevés et qu’ils ne pressent plus le sol.

Fig. 85 — Tracé des appuis et soutiens des deux pieds dans la marche ordinaire. La ligne pleine indique le pied droit (D) et la ligne ponctuée le pied gauche (G).

Nous empruntons à l’ouvrage de M. le professeur Marey un des tracés qu’il contient (fig. 85 ; mais, pour rendre la démonstration plus simple, nous prenons celui d’une des allures de l’homme80.

p. 152Les tracés des allures de l’homme et du cheval sont obtenus par des instruments dont le principe est le même. Le marcheur porte des Chaussures (fig. 86), sous lesquelles se trouve une pelote creuse, qui se déprime sous l’influence de la pression des pieds.

Fig. 86.— Chaussure exploratrice destinée à signaler la pression du pied sur le sol.

Fig. 87. — Coureur muni des appareils explorateurs et enregistreurs des diverses allures.

La figure 87 représente un coureur muni des appareils dont nous parlons plus haut ; il tient de la main droite l’appareil enregistreur, et de la main gauche une boule de caoutchouc, destinée, lorsqu’on la presse, p. 153à rapprocher le stylet du cylindre ; il s’en éloigne au contraire lorsque la pression cesse.

Voici un autre tracé se rapportant à la course de l’homme ; momentanément ne tenons pas compte de la ligne onduleuse O, nous verrons bientôt à quoi elle correspond.

Fig. 88.— Tracé de la course de l’homme. D, appuis et levés du pied droit ; G, appuis et levés du pied gauche.

Au-dessous de la figure précédente tirons deux lignes horizontales 1, 2, fig. 89. Du commencement de la courbe ascendante d’une foulée du pied droit, abaissons jusque sur ces deux horizontales, une perpendiculaire a ; cette ligne déterminera le début de l’appui du pied droit. Une perpendiculaire b, descendant de la fin de la courbe, déterminera la fin de l’appui de ce pied. Entre ces deux points, traçons une forte ligne blanche ; elle exprimera, par sa longueur, la durée de la période d’appui du pied droit.

Fig. 89.— Notation d’un tracé de la course de l’homme.

Une construction semblable faite sur la ligne n° 1, donnera la notation de l’appui du pied gauche. On a teinté par des hachures les notations du pied gauche, afin d’éviter toute confusion.

p. 154S’il existe un intervalle entre deux courbes ascendantes, cet intervalle correspond au temps où il n’y a pas d’appui, où le corps est soulevé.

On peut comparer ceci à une véritable notation musicale ; sur les horizontales 1 et 2 figurant la portée, les appuis sont indiqués par des lignes (notes) dont la longueur représente leur durée (rondes, blanches, noires, etc.) ; les silences sont les instants pendant lesquels les pieds, ne touchant pas le sol, ne font entendre aucune battue.

Les détails que nous venons de donner s’appliquent à l’homme, et, dans l’étude de ses différentes allures, on trouve l’explication simplifiée de la marche du cheval ; c’est pourquoi nous étudierons plus loin, rapidement, les allures bipèdes.

C’est en examinant ces notations de M. le professeur Marey que l’idée nous est venue de représenter les allures, au moyen d’un cheval dont les membres sont articulés.

Ces articulations permettent de placer les pieds sur des traces correspondantes et fixes.

Il nous a semblé que ces notations graphiques exigeaient, pour être utiles aux artistes en particulier, une étude préalable, une sorte d’initiation, et nous avons pensé la faciliter en imaginant une disposition figurative qui, étant donnée la position d’un membre à une période quelconque d’une allure, permît de retrouver instantanément la position des trois autres membres pour cette même période ; c’est, on le voit, une sorte de barême ou compte-fait de la concordance des membres pour n’importe quelle phase des allures.

Notre maître, M. le professeur Mathias Duval, a entrepris déjà de faire, pour la marche de l’homme et du cheval, une série de tableaux d’un autre genre qui, vus au zootrope, produisent une illusion des plus frappantes. Voici la disposition qu’il a employée pour le cheval.

Ayant dessiné d’abord une série de figures du cheval prises aux divers instants d’un pas de l’amble, et ces figures correspondant à seize instants de cette allure, il place dans l’instrument la bande de papier qui porte cette série d’images et obtient l’apparence d’un cheval qui marche l’amble.

Or, nous verrons plus tard que les autres allures (pas, trot) peuvent p. 155être considérées comme dérivant de l’amble avec une anticipation plus ou moins grande de l’action des membres postérieurs.

Cette anticipation est réalisée par M. Mathias Duval, de la manière suivante :

Chaque planche sur laquelle est dessinée la série des images du cheval à l’amble est formée de deux feuilles superposées. Celle du dessus est fenêtrée de façon que chacun des chevaux se trouve dessiné à moitié sur cette feuille et à moitié sur celle qui est placée au-dessous.

L’arrière-main (partie postérieure du corps et membres postérieurs), par exemple, étant dessinée sur la feuille du dessus, l’avant-main (partie antérieure du corps et membres antérieurs) est dessinée sur la feuille du dessous et est visible par la fenêtre taillée dans la feuille supérieure.

En faisant glisser la feuille supérieure de l’intervalle qui sépare deux figures du cheval, on aura une série d’images dans lesquelles l’avant-main sera en retard d’un temps sur l’arrière-main. On reproduira ainsi, sous forme de figures, la série des positions successives d’un pas de l’amble rompu. Si ce glissement est d’un plus grand nombre de degrés on aura la série des attitudes du cheval dans la marche au pas. Un glissement plus grand encore donnera la série des attitudes dans le trot.

Cette représentation a l’avantage de faire dériver d’une allure simple les allures plus compliquées. Nous souhaitons que M. Mathias Duval, donnant suite à son idée, publie ses planches qui seront d’un grand intérêt pour les artistes s’occupant de la représentation du cheval.

Parmi les moyens employés pour la reproduction des allures de l’homme et des animaux, la photographie instantanée est un de ceux qui donnent aussi des résultats indiscutables comme exactitude. M. Muybridge en a publié qui ont rendu aux artistes de réels services pour la représentation de ces allures.

M. le colonel Duhousset, dont le nom fait autorité pour toutes les questions se rapportant au cheval, a utilisé ces photographies de M. Muybridge en les espaçant convenablement et les soumettant à l’épreuve du zootrope.

M. le professeur Marey vient de présenter à l’Académie des Sciences une p. 156note sur une nouvelle application de la photographie à ces études ; il a bien voulu nous autoriser à reproduire quelques unes des épreuves qu’il a obtenues. Nous ne pouvons mieux faire que d’accompagner ces reproductions (fig. 90 et 91) de la communication à laquelle elles ont donné lieu81.

« L’admirable méthode inaugurée par M. Muybridge, et qui consiste à employer la photographie instantanée pour l’analyse des mouvements de l’homme ou des animaux, laissait encore au physiologiste une tâche difficile : il fallait comparer les unes aux autres des images successives dont chacune représente une attitude différente, et classer ces images en série d’après la position dans le temps et dans l’espace qui correspond chacune d’elles.

« Admettons que rien n’ait été négligé dans l’expérience : que, d’une part, des points de repère que la photographie devra reproduire aient été disposés sur le chemin parcouru par l’animal, de manière à permettre d’estimer à tout instant la position qu’il occupe dans l’espace et que, d’autre part, l’instant auquel chaque image a été prise soit déterminé, comme il arrive pour des photographies faites à des intervalles égaux. Toutes ces précautions prises, il faut encore, pour tirer des figures le sens qu’elles renferment, les superposer, par la pensée ou effectivement, les unes aux autres, de manière à couvrir une bande de papier correspondant au chemin parcouru, par une série d’images imbriquées dont chacune exprime la position que le corps et les membres occupaient dans l’espace à chacun des instants considérés.

» De telles représentations donnent naissance à des figures semblables à celles dont les frères Weber ont introduit l’usage pour expliquer théoriquement la marche de l’homme82. On voit dans leurs ouvrages une série de silhouettes d’hommes, teintées de hachures d’intensités décroissantes et imbriquées de manière à représenter les déplacements successifs des jambes, des bras, du tronc et de la tête aux différentes phases d’un pas.

» Ce mode de représentation est le plus saisissant qu’on ait encore trouvé jusqu’ici ; il a été adopté dans la plupart des traités classiques.

p. 157Or il m’a paru, et l’expérience vient de confirmer cette prévision, qu’on pouvait demander à la photographie des figures de ce genre, c’est-à-dire réunir sur une même plaque une série d’images successives représentant les différentes positions qu’un être vivant, cheminant à une allure quelconque, a occupées dans l’espace à une série d’instants connus.

Fig. 90.— Calque d’une photographie de la marche de l’homme.

Fig. 91.— Calque d’une photographie de la course de l’homme.

» Supposons, en effet, qu’un appareil photographique soit braqué p. 158sur le chemin que parcourt un marcheur et que nous prenions une première image en un temps très court. Si la plaque conservait sa sensibilité, nous pourrions, au bout d’un instant, prendre une autre image qui montrerait le marcheur dans une autre attitude et dans un autre lieu de l’espace ; cette deuxième image, comparée à la première, indiquerait exactement tous les déplacements qui s’étaient effectués à ce second instant. En multipliant ainsi les images à des intervalles très courts, on obtiendrait, avec une authenticité parfaite, la succession des phases de la locomotion.

» Or, pour conserver à la glace photographique la sensibilité nécessaire pour des impressions successives, il faut qu’au devant de l’appareil règne une obscurité absolue et que l’homme ou l’animal qui passe se détache en blanc sur un fond noir.

» Mais les corps les plus noirs, quand ils sont fortement éclairés, réfléchissent encore beaucoup de rayons actiniques ; j’ai recouru, pour avoir un champ d’un noir absolu, au moyen indiqué par M. Chevreul ; mon écran est une cavité dont les parois sont noires. Un homme, entièrement vêtu de blanc et vivement éclairé par le soleil, marche, court ou saute pendant que l’appareil photographique, muni d’un obturateur à rotation plus ou moins rapide, prend son image à des intervalles plus ou moins rapprochés.

» Cette même méthode peut s’appliquer à l’étude des différents types de locomotion : un cheval blanc, un oiseau blanc, donneront de la même façon la série de leurs attitudes.

» La fenêtre dont est percé le disque de mon obturateur tournant peut être à volonté élargie ou resserrée, de manière à régler la durée de la pose suivant l’intensité de la lumière ou suivant la vitesse de rotation du disque. Avec une fenêtre resserrée et une rotation lente, on a des images très espacées les unes des autres. Une rotation rapide donne des images plus rapprochées, mais dont le temps de pose pourrait être insuffisant si la fenêtre n’était pas élargie.

» Enfin, un obturateur à volet, placé en avant de l’autre, sert à régler le commencement et la fin de l’expérience83. »

Il est parlé dans cette communication de M. le professeur Marey des figures des frères Weber destinées à représenter les différentes phases p. 159de la marche de l’homme ; il nous semble intéressant d’en reproduire une (fig. 92) ; elle est réduite d’après la planche originale84.

Le premier groupe (4 à 7) représente les diverses situations que les deux jambes prennent simultanément, tandis qu’elles posent toutes deux sur le sol ; le deuxième (8 à 11), les diverses situations que les deux jambes acquièrent pendant que celle qui est soulevée se trouve le plus souvent en arrière de la jambe appuyée ; le troisième (12 à 14), les diverses situations que les deux jambes prennent pendant le temps que la jambe oscillante passe au devant de la jambe appuyée ; le quatrième (1 à 3), les diverses situations que les deux jambes acquièrent pendant le temps que la jambe oscillante s’est portée fort en avant de l’autre.

Fig. 92.— Représentant la situation simultanée des deux jambes pour la durée d’un pas85.

p. 160

Chapitre VI
Les allures de l'homme

  • Marche. —
  • Course. —
  • Réactions verticales. —
  • Galop. —
  • Saut.

La marche.

L’allure la plus simple et la plus usitée est la marche qui, lorsqu’elle a lieu sur un plan horizontal, est caractérisée par ce fait que le corps ne quitte jamais le sol. Le poids du corps passe d’un membre sur l’autre (Voir la notation de la marche de l’homme, fig. 85, page 151). Les courbes se succèdent sans interruption, la courbe ascendante correspondant à l’appui d’un pied se termine au moment où le pied opposé effectue le sien.

Chacun des membres se place en avant pendant que l’autre appuie encore sur le sol et est en arrière, puis, celui-ci se soulève et vient se placer en avant du premier, le corps est alors transporté en avant et il progresse.

Il en résulte que chaque membre se trouve à une phase d’appui lorsqu’il presse le sol ; lorsqu’il se soulève pour venir en avant il est à une phase de soutien, c’est-à-dire qu’il est soutenu en l’air par la contraction musculaire.

Nous retrouverons un phénomène analogue dans les allures du cheval.

Dans la montée d’un escalier, le pied qui est sur la marche inférieure ne la quitte que lorsque le pied opposé a déjà appuyé un instant sur la marche supérieure ; il y a donc chevauchement des appuis.

p. 161

La course.

Une allure plus rapide que la marche, la course, présente aussi des appuis alternatifs des deux pieds ; mais elle est différente en ce sens que ces appuis sont séparés par un temps de suspension, pendant lequel le corps reste en l’air un instant (fig. 88 et 89). La durée de ce temps de suspension semble peu varier ; cependant si on l’apprécie par rapport à la durée d’un pas de course, on voit la valeur relative de cette suspension croître avec la vitesse de l’allure, car avec cette vitesse diminue la durée de chacun des appuis.

Cette suspension du corps n’est pas, comme on pourrait le croire, une sorte de saut, pendant lequel le corps serait projeté en haut en décrivant une courbe dont le maximum d’élévation correspondrait à cette suspension. Il n’en est rien ; le temps de suspension correspond au moment où le corps est à son minimum d’élévation ; ce temps de suspension ne tient donc pas à ce que le corps est projeté en l’air, mais à ce que les jambes se sont retirées du sol par l’effet de leur flexion (Marey).

Un appareil fixé sur la tête du coureur (fig. 87, page 152) est destiné à enregistrer les réactions verticales ou élévations du corps et ses moments d’abaissement.

Il consiste en un tambour dont la membrane supporte un levier à l’extrémité duquel est placée une masse de plomb qui agit par son inertie, de sorte que, lorsque le corps oscille verticalement (réactions verticales) elle résiste à ces mouvements et force la membrane du tambour à s’abaisser quand le corps s’élève ; elle s’élève, au contraire, lorsque le corps descend (fig. 93).

Fig. 93. — Appareil explorateur des réactions verticales pendant les différentes allures.

L’air est ainsi comprimé alternativement et chassé dans un tube qui aboutit à l’appareil enregistreur.

p. 162De cette disposition il résulte que les réactions sont reproduites par désalignés, dont les courbes ascendantes indiquent l’instant où le corps est le plus élevé ; pour les comparer avec les appuis des pieds, il faut se souvenir que ces appuis sont inscrits par une ligne ascendante.

En comparant le niveau des têtes des figures 90 et 91, on peut voir à quels moments correspondent ces réactions.

Sur la notation que nous donnons de la course de l’homme (fig. 89), la ligne O indique ces réactions verticales. On voit en effet que les points les plus élevés correspondent avec les appuis des pieds représentés par les portions ascendantes des lignes D. G.

Le galop et le saut.

Dans les allures qui précèdent, le mouvement des membres est alternatif et régulier ; les battues de chaque pied alternent et ont une durée égale. Le galop est une allure à cadences irrégulières que l’homme peut imiter jusqu’à un certain point, et dans laquelle un pied porte plus longtemps que l’autre.

Dans le galop, que les enfants imitent lorsqu’ils jouent au cheval, le pied placé en arrière appuie le premier sur le sol ; il exerce une pression énergique et prolongée vers la fin de laquelle le pied placé en avant touche terre à son tour, mais pour un temps moins long ; à ces deux battues succède un temps de suspension.

Dans cette allure, comme dans les précédentes, les oscillations verticales du corps sont à leur maximum d’élévation au moment où les pieds appuient sur le sol.

Le galop est dit à droite, lorsque le pied droit, étant toujours en avant, retombe après le pied gauche qui appuie le premier sur le sol et est placé en arrière.

Le galop à gauche est l’inverse. Dans cette allure, le corps est donc d’abord sur un pied, puis sur deux, puis sur un, et enfin soulevé de terre (temps de suspension).

Dans le saut sur deux pieds, les appuis ont lieu en même temps, puis le corps est soulevé pour retomber de nouveau.

p. 163RÉSUMÉ. — Dans la marche ordinaire ou pas, les appuis se succèdent sans interruption.

Dans l’ascension d’un escalier, les appuis empiètent l’un sur l’autre, le corps repose un instant sur les deux pieds.

Dans la course, les appuis sont plus brefs que dans le pas et désunis par une suspension du corps.

Dans le galop, le corps appuie sur un pied, puis sur deux, puis sur un et est enfin soulevé.

Dans le saut, les deux appuis sont unis, puis le corps est soulevé.

Il peut sembler qu’à propos des allures du cheval nous nous soyons étendus un peu longuement sur celles de l’homme; nous verrons plus loin l’utilité des pages précédentes, car nous pourrons considérer le quadrupède comme formé de deux bipèdes marchant à la suite l’un de l’autre ; il était donc indispensable de déterminer d’abord comment chacun de ces bipèdes se comportait isolément.

p. 164

Chapitre VII
Les allures du cheval

  • Oscillations des membres du cheval. —
  • Bipèdes latéraux et diagonaux. —
  • Explication et maniement de notre planche.

Oscillations des membres du cheval.

Avant d’entrer dans le détail des allures, il est nécessaire de voir comment les membres du cheval oscillent pendant la durée d’un pas complet, c’est-à-dire quelle est la série de mouvements qui s’exécute entre deux positions semblables d’un même pied.

Examinons un membre pendant la progression en avant. Il passe par quatre positions : lever, soutien, poser, appui ; dans le lever, le pied quitte le terrain ; dans le soutien, il est en l’air et se porte en avant ; au poser, il se repose sur le sol ; et enfin à l’appui, il supporte sa part du poids du corps.

Étudions ces différentes phases dans un membre antérieur.

Lorsque ce membre se lève il est d’abord dirigé obliquement de haut en bas et d’avant en arrière (C, fig. 94), le sabot vient de se détacher du sol, c’est le lever. Il se porte alors en avant, en se fléchissant, et comme ce membre est soutenu par l’action de ses fléchisseurs, il est au temps nommé soutien ; le sabot est vertical (B, fig. 94). Puis il se porte encore plus en avant, en s’étendant, le talon s’abaisse, le pied va obliquement à la rencontre du sol, c’est le poser (A, fig. 94).

À ce moment commence l’appui, le pied vient de se poser sur le sol : le membre est d’abord oblique de haut en bas et d’arrière en avant, commencement de l’appui (A, fig. 95) ; puis il est vertical, car le corps progressant en avant, le membre décrit un arc de cercle autour de son p. 165extrémité digitale D, fixée au sol, milieu de l’appui (B, fig. 95) ; et enfin, il devient oblique de haut en bas et d’avant en arrière, il est arrivé à la fin de l’appui (C, fig. 95), il va se lever de nouveau pour effectuer un autre pas.

Fig. 94 . — Oscillation d’un membre levé86.

Ainsi l’extrémité inférieure du membre, du lever au poser, décrit un arc de cercle autour de son extrémité supérieure (fig. 94), tandis qu’à l’appui, c’est son extrémité supérieure qui en décrit un autour de son extrémité inférieure fixée au sol (fig. 95).

Fig. 95. — Oscillation d’un membre à l’appui. (Colin.)

p. 166Si maintenant nous considérons les deux membres antérieurs, nous remarquerons que lorsque l’un commence son appui, l’autre le termine, et réciproquement ; c’est ce que nous avons observé chez l’homme.

Pour les membres postérieurs, les oscillations sont les mêmes que pour les antérieurs ; ce sont eux qui donnent l’impulsion à la masse ; ils la donnent à tour de rôle et dans la seconde moitié de l’appui, en passant de la direction verticale (B, fig. 96) à l’extrême obliquité en arrière (C, fig. 96). Les membres antérieurs et postérieurs font le même nombre de pas, et ces pas ont la même étendue.

Fig. 96. — Membre postérieur donnant l’impulsion. (Colin.)

Les pieds, en appuyant sur un sol capable d’en garder les empreintes, y laissent ce qu’on nomme les foulées ; ils produisent, en frappant ce sol, des bruits que l’on désigne sous le nom de battues.

Pour reproduire les allures du cheval, on peut, selon une comparaison attribuée à Dugès, considérer ce quadrupède comme formé de deux hommes marchant l’un derrière l’autre. Ces deux hommes doivent faire le même nombre de pas, et s’ils meuvent leurs jambes du même côté, en même temps, en emboitant le pas, ou s’ils marchent à contretemps, ils pourront reproduire tous les rythmes des mouvements qui caractérisent les différentes allures du cheval.

Car ces différentes allures sont produites par une anticipation des membres postérieurs (représentés par le marcheur d’arrière) sur les p. 167antérieurs (représentés par le marcheur d’avant). Si les deux marcheurs marchent au pas, c’est-à-dire les jambes du même côté agissant simultanément, on obtient l’amble. Si, au contraire, pendant que le marcheur d’avant porte sa jambe droite en avant, le marcheur d’arrière avance sa jambe gauche, ils simulent le trot. Ce dernier est, en effet, en avance d’un demi-pas.

Du reste, les notations des allures du cheval ressemblent à deux notations de la marche de l’homme qui seraient superposées.

Bipèdes latéraux et diagonaux.

Les membres du cheval sont divisés en bipède antérieur (les deux membres antérieurs) et bipède postérieur (les deux membres postérieurs).

On donne le nom de bipède latéral aux deux membres du même côté (les deux membres droits ou les deux membres gauches).

Un membre antérieur associé à un membre postérieur du côté opposé forme un bipède diagonal (le membre antérieur droit avec le postérieur gauche ou inversement).

Le bipède, soit latéral, soit diagonal, prend le nom du membre antérieur qui en fait partie.

Ainsi le bipède latéral droit, ce sont les deux membres droits. Le bipède diagonal droit, c’est le membre antérieur droit avec le membre postérieur gauche.

Nous retrouverons ces termes dans la description de chaque allure ; ainsi nous verrons des appuis latéraux se succéder dans l’amble, des appuis diagonaux, au contraire, caractériser le trot.

Explication et maniement de la planche VI.

Nous devons, maintenant, avant d’utiliser la planche VI pour la description de ces allures, donner quelques explications sur son maniement. Les oscillations des membres, dont nous parlons plus haut, pourront être reproduites par un cheval découpé et articulé ; ce cheval est fixé sur un carton, par son centre autour duquel il peut tourner ; p. 168chacun de ses pieds est peint d’une couleur différente, rouge et jaune pour les pieds droits, bleu et vert pour les pieds gauches. D’autre part, des feuilles de carton correspondant à chaque allure sont destinées à être glissées entre les deux surfaces, planche de fond et cheval articulé ; elles doivent être placées de telle sorte que leurs angles supérieurs coïncident avec des lignes de repère portant le nom de l’allure que chaque planche représente. Sur ces cartons sont des traces coloriées de la teinte des sabots et numérotées ; on place alors les sabots sur les couleurs correspondantes et sur les mêmes numéros : par exemple, rouge 1, jaune 1, vert 1, bleu 1, puis, passant aux numéros suivants, on obtient les périodes successives d’une allure. Pour certaines allures, des traces portant des numéros qui correspondent à ceux des sabots, donnent la position de la tête, de l’encolure, du corps et de la queue, parties du corps qui sont aussi articulées.

Nous donnerons plus loin des explications plus détaillées en parlant de chaque planche en particulier. Nous n’avons reproduit que quelques temps de chaque allure ; nous aurions pu en indiquer beaucoup plus, si nous n’avions eu la crainte de trop compliquer les figures ; il est facile du reste de prendre des points intermédiaires.

Cette planche a été le sujet d’une note communiquée à l’Académie des Sciences par M. le professeur Marey87, le 26 juin 1882 ; d’autre part elle a été l’objet d’une présentation que nous avons eu l’honneur d’être admis à faire à l’Académie des Beaux-Arts, dans la séance du 4 novembre 1882.

p. 169

Chapitre VIII
Les allures du cheval
(Pl. VI).

  • Amble. —
  • Pas. —
  • Trot. —
  • Galop. —
  • Réactions du garrot et de la croupe. —
  • Saut. —
  • Reculer. —
  • Cabrer. —
  • Ruade.

L’amble.

Dans cette allure, les membres du même côté exécutent les mêmes mouvements en même temps : le cheval passe de l’appui latéral droit à l’appui latéral gauche.

Supposons que deux hommes marchent en se suivant pour représenter les allures du cheval ; s’ils marchent au pas en faisant mouvoir en même temps les jambes du même côté, ils simuleront l’amble.

Pendant que les membres du côté droit de l’animal exécutent leur appui, les membres gauches sont au lever. Le poids du corps n’est donc plus en équilibre, et alors les membres levés reviennent vivement à l’appui pour le rétablir.

C’est donc pour cette raison une allure plus vive que le pas, et, si nous l’étudions avant ce dernier, c’est qu’elle est très simple et nous servira de point de départ pour étudier, dans les autres allures, le manque de concordance des mouvements des bipèdes latéraux.

L’amble se compose donc de deux temps égaux pendant lesquels un bipède latéral est en l’air, tandis que l’autre est à l’appui ; puis celui-ci se lève à son tour pendant que le premier revient à l’appui.

Les mouvements de chaque bipède ayant lieu simultanément, l’oreille perçoit deux bruits, c’est-à-dire deux battues pendant la durée d’un pas de cette allure.

p. 170Prenons maintenant le cheval articulé que représente la planche VI, et, glissant entre lui et le carton sur lequel il est fixé, la feuille correspondant à l’amble, arrêtons-en les angles supérieurs sur les repères désignés par le mot AMBLE.

Plaçons alors le sabot rouge sur la marque de même couleur portant le n° 1, et faisons de même pour les autres pieds : nous voyons le corps supporté par le bipède latéral droit, tandis que le bipède latéral gauche est levé ; nous sommes donc au milieu de l’appui pour un bipède et au milieu du lever, c’est-à-dire au soutien, pour l’autre. Les membres antérieurs exécutent les mêmes oscillations que les membres postérieurs, et en même temps.

Plaçant ensuite de la même manière les sabots sur les nos 2, nous voyons que, le corps ayant progressé en avant, les membres droits à l’appui sont devenus obliques en bas et en arrière, et que les membres gauches vont bientôt se poser sur le sol, leurs talons s’abaissent et ils vont commencer leur appui au n° 3. Sur ces nouvelles traces, le corps est supporté par le bipède latéral gauche, qui, à cet instant, est au commencement de son appui (les membres obliques en bas et en avant), tandis que le bipède latéral droit vient de se lever et va passer au soutien ; les sabots de ce bipède sont alors verticaux.

Les mouvements que nous venons d’étudier se répéteront maintenant, mais inversement, c’est-à-dire que le bipède droit va être remplacé par le gauche ; les premières traces peuvent donc donner les empreintes des pieds opposés ; dans celles qui étaient affectées tout à l’heure à un bipède, nous placerons l’autre, c’est pour cela qu’au dessous de la trace rouge n° 1 par exemple, qui contenait précédemment le pied antérieur droit, nous avons ajouté un petit cercle bleu portant le n° 4, indiquant que pour le quatrième temps de cette allure, c’est le pied antérieur gauche (bleu) qui doit être placé sur cette trace.

Pour les autres pieds, nous avons fait de même. Dans la trace bleue n° 1, au-dessous de laquelle se trouve un cercle rouge portant un n° 4, se placera le pied antérieur droit au quatrième temps de cette allure.

Mettant alors les pieds sur les nos 4, nous obtenons l’appui sur le bipède latéral gauche, le bipède opposé étant au lever.

Sur les nos 5, le bipède latéral droit va se poser, et le latéral gauche est à la fin de l’appui, et, enfin sur les nos 6, les membres droits s’étant posés à terre, les membres gauches se lèvent pour repasser par les p. 171mêmes phases, si on les replace sur les nos 1. On voit donc qu’il y a bien concordance entre les membres d’un bipède latéral, et jeu alternatif de chacun de ces bipèdes.

Si cependant un pied postérieur venait effectuer sa battue, un peu avant le membre antérieur du même côté, ce serait alors l’amble rompu, dans lequel les battues, au lieu d’être synchrones comme dans l’amble régulier, sont désunies par l’anticipation très légère de celles des membres postérieurs.

Cet amble rompu est intermédiaire entre l’amble et le pas qui, nous le verrons bientôt, est produit par l’anticipation d’un quart de pas des membres postérieurs sur les antérieurs.

Cet amble rompu a lieu lorsque l’allure est lente, et s’observe souvent chez les animaux jeunes ou chez les sujets affaiblis ou fatigués.

On remarque chez la girafe cette modification de l’amble ; chez elle « le pied postérieur entame l’allure, et, à chaque temps, il continue à se lever avant l’antérieur du même côté ; aussi y a-t-il quatre temps distincts, dont deux très courts et deux autres beaucoup plus longs.

« Enfin dès que l’amble a acquis une certaine vitesse, il ressemble tout à fait à celui des solipèdes. Chez le dromadaire, les mêmes caractères se présentent, l’amble se substitue au pas dès que la progression devient un peu rapide. » (Colin.)

L’amble est une allure assez douce, dont les réactions sont moins pénibles que celles du trot.

Le pas.

Nous avons vu précédemment que pour représenter l’amble, les marcheurs d’avant et d’arrière exécutaient des pas qui s’emboitaient, les mouvements des jambes du même côté étaient simultanés. Supposons maintenant que le marcheur d’arrière anticipe d’un quart de pas sur le marcheur d’avant, et nous obtiendrons l’allure du pas chez le cheval.

Dans l’amble, les battues étaient au nombre de deux, on entendait deux bruits (battue du bipède latéral droit à laquelle succédait celle du bipède latéral opposé) ; dans le pas, nous en entendrons quatre, car les appuis se sont dissociés.

La succession des battues se produit dans l’ordre suivant et d’une façon égale ; si le pied antérieur droit est considéré comme agissant le p. 172premier : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, et enfin postérieur droit.

Le pas est une allure lente que l’on retrouve dans la marche de la plupart des quadrupèdes. Son observation est très difficile et son étude assez compliquée.

Nous allons avoir recours à la planche VI pour en suivre la description :

Plaçons la planche du pas sous le cheval, et arrêtons ses angles supérieurs sur les repères portant le nom de cette allure ; mettons ensuite, comme précédemment, les sabots sur leurs couleurs correspondantes et aux nos 1. Nous sommes ici à la fin d’un pas, si nous convenons de le faire débuter à l’appui du pied antérieur droit, ce qui va avoir lieu au n° 2.

Comme le cheval est placé au n° 1, le pied antérieur droit va se poser, l’antérieur gauche est à la fin, de son appui le postérieur droit est presque au milieu du sien et le postérieur gauche venant de se lever va passer au soutien. L’appui a lieu sur le bipède diagonal gauche.

Fixons maintenant les extrémités sur les nos 2, nous obtenons le commencement de l’appui du membre antérieur droit, qui a lieu au milieu de celui du postérieur droit ; nous voyons donc bien que le membre postérieur a précédé de la moitié d’un appui, ou du quart d’une oscillation complète, l’appui du membre antérieur du même côté.

Si nous ne considérons que les membres antérieurs, nous les verrons, comme dans l’amble, exécuter des oscillations régulières, en ce sens que l’un de ces membres se posant, l’autre se lèvera.

Pour les membres postérieurs, qui sont en avance sur les précédents : le droit étant au milieu de l’appui, l’antérieur droit n’est encore qu’au commencement du sien, le gauche se porte en avant et il sera bientôt à la fin de son soutien, l’antérieur gauche n’est encore qu’à son lever.

L’appui du corps est en ce moment sur le bipède latéral droit.

« Le pas complet est l’écartement des deux pinces de droite » (on nomme pince, la partie antérieure et médiane du sabot), « la foulée du pied postérieur gauche partagera en deux parties égales l’espace limité par les pieds latéraux à l’appui, dont la distance entre les pinces excède souvent, de quelques centimètres, la longueur du corps du cheval. L’empreinte ou foulée des deux pieds d’un même côté, répond p. 173précisément au milieu de l’espace qui sépare les empreintes successives des deux autres. »

« La pince, dans la courbe qu’elle décrit, s’élève rarement au-dessus du boulet du pied opposé fixé à terre88. »

Au n° 3 le pied antérieur droit passe au milieu de son appui, l’antérieur gauche est au soutien, le postérieur droit est à la fin de l’appui et le postérieur gauche va se poser (on peut constater que les membres postérieurs sont toujours en avance sur les antérieurs).

L’appui est encore latéral droit.

Au n° 4, l’animal passe à l’appui diagonal droit ; le membre antérieur droit approche de la fin de son appui qu’il atteindra au n° 5 ; l’antérieur gauche est encore au soutien ; le postérieur droit vient de se lever et le postérieur gauche vient de se poser. L’appui est diagonal droit. L’écartement entre les pieds de ce bipède diagonal est égal à un demi-pas ou à une demi-longueur de l’animal.

En résumé : lorsque l’appui est latéral, les pieds qui le constituent sont au maximum d’écartement (longueur d’un pas complet) ; si c’est un bipède diagonal que l’on observe les pieds qui le forment, ne sont plus qu’à une demi-longueur de pas.

Au n° 5, fin de l’appui du pied antérieur droit ; le poser de l’antérieur gauche va s’effectuer (le talon s’abaisse) ; le postérieur droit avance dans son soutien et le postérieur gauche est presque au milieu de l’appui.

Ici nous retrouvons les phases parcourues précédemment, mais par les pieds opposés ; ceci est indiqué, comme nous l’avons dit pour l’amble, par des cercles coloriés, montrant, par exemple, que dans la trace rouge n° 1, qui a été occupée précédemment par le pied antérieur droit, viendra se placer le pied antérieur gauche (bleu) au 5me temps de l’allure, car le n° 5 est marqué dans un cercle bleu.

Nous arrivons alors à l’appui latéral gauche (n° 6) qui se continue au n° 7, et de là, replaçant les membres sur les nos 8, nous retrouvons l’appui diagonal gauche dont nous avons étudié la fin au n° 1.

Dans cette allure nous avons observé :

Quatre battues se suivant à intervalles égaux ; un pied postérieur ayant accompli la moitié de son appui lorsque le membre antérieur du même côté vient à son tour commencer le sien.

p. 174Dans l’amble ; nous avions vu l’animal supporté par une succession d’appuis des bipèdes latéraux ; dans le pas, nous le voyons d’abord au n° 1, reposant sur l’appui diagonal gauche (c’est-à-dire celui dans lequel le pied d’avant est le gauche) ; ensuite, au n° 2, sur l’appui latéral droit ; au n°4, sur l’appui diagonal droit ; et enfin, au n° 6, sur l’appui latéral gauche.

Les pieds postérieurs viennent recouvrir les empreintes des pieds antérieurs ; cependant ils les dépasseront dans une descente ; ou lorsque l’animal étant tiré par la bride sera forcé d’accélérer sa marche. Au contraire, s’il traîne un fardeau ou monte une côte, les pieds postérieurs n’atteignent pas les pistes antérieures, leurs empreintes sont placées en arrière.

Le trot.

Les deux hommes, représentant les bipèdes antérieur et postérieur du cheval, ont marché en faisant mouvoir simultanément leurs jambes du même côté pour simuler l’amble ; dans le pas, nous avons vu un pied du marcheur d’arrière précédant d’un demi-appui (ou d’un quart d’oscillation) la battue du membre du même côté du bipède antérieur ; pour imiter le trot du cheval, le bipède postérieur devra être en avance d’un demi-pas sur le bipède antérieur ; en un mot, les membres qui se meuvent ensemble agissent par paires diagonales, le marcheur d’arrière avançant sa jambe droite, par exemple, pendant que le marcheur d’avant avancera sa jambe gauche.

Les appuis se succédant sans interruption donnent, lorsqu’ils ont lieu dans l’ordre que nous venons d’indiquer, l’allure du trot bas et raccourci que l’on observe d’ordinaire au départ de l’animal, ou bien au moment où il passe de l’allure du pas à celle du trot. Mais le trot est généralement élevé et allongé, et alors, entre chaque appui diagonal, le cheval est soulevé de terre pendant un instant, il est en suspension.

Ce trot sera représenté par deux hommes qui, au lieu de marcher sans quitter le sol, seront à l’allure de la course, dans laquelle il y a un temps où le corps est soulevé (Voir les notations, fig. 88 et 89, page 153).

Il nous semble intéressant de revenir souvent à cette comparaison p. 175des deux marcheurs, car elle traduit d’une façon saisissante les allures du cheval.

Plaçons à présent les sabots sur les traces nos 1 de la planche du trot ; nous obtenons la fin de l’appui diagonal droit ; le bipède diagonal gauche est au soutien, mais il ne touchera le terrain que lorsque l’autre bipède se sera soulevé.

« Dans le trot ordinaire, l’espace compris entre les pieds qui sont en l’air, diagonalement opposés, est le même que celui de ceux qui arrivent à terre pour y faire ressort. À l’allure ordinaire, la distance entre ces deux pinces ne dépasse pas les 3/4 de la longueur de l’animal » (Duhousset).

Nous représentons au n° 2 le temps de suspension, le bipède diagonal droit vient de se lever, le bipède diagonal gauche va se poser (les talons s’abaissent) ; le corps est suspendu. Nous devons faire remarquer que les oscillations de chaque bipède diagonal s’opérant en même temps, les sabots diagonaux sont toujours parallèles.

Au n° 3, le bipède diagonal gauche qui vient de se poser est arrivé au milieu de son appui, le diagonal droit est au soutien et va aller retrouver le sol, mais il ne l’atteindra qu’après une nouvelle suspension qui aura lieu au n° 4 ; alors aura lieu l’appui diagonal droit au n° 5 ; ce dernier sera le milieu de l’appui dont nous avions obtenu la fin au n° 1.

Pendant cette allure, l’oreille n’entend donc que deux battues, comme dans l’amble, mais avec cette différence que ce sont toujours un pied droit et un pied gauche, et non deux pieds du même côté qui produisent chaque bruit.

Le trot est un mode de progression que l’animal prend lorsqu’on précipite sa marche, et qui devient ainsi intermédiaire entre le pas et le galop.

Le galop.

L’allure la plus rapide du cheval, c’est le galop ; malgré cette grande vitesse, M. le professeur Marey a pu noter les appuis successifs des pieds, et démontrer qu’ils s’effectuent dans l’ordre suivant : un membre postérieur d’abord, ensuite deux membres situés diagonalement, enfin un pied de devant (celui-ci est opposé au membre postérieur qui, le premier, a donné l’impulsion). À ces trois battues succède une suspension du corps qui est projeté en avant.

p. 176Le galop est dit à droite ou à gauche.

Dans le galop à droite, c’est le membre antérieur de ce côté qui est toujours en avant de son voisin de gauche, c’est lui qui se pose le dernier ; il est toujours opposé au pied du bipède postérieur qui entame l’allure.

Pour placer la feuille du galop entre le cheval et la planche de fond, il faut la glisser de façon à faire passer le rivet, qui est fixé au centre, dans l’ouverture verticale ménagée au milieu de cette feuille.

Nous voyons, en étudiant cette planche du galop, que le corps est d’abord appuyé sur le pied postérieur gauche au n° 1 ; les autres membres sont levés et l’antérieur droit, plus en avant que le gauche, se posera à terre le dernier (le galop est à droite).

Nous avons indiqué des repères avec des numéros correspondant à ceux des traces des pieds ; de ces traces, les premières en haut et à droite sont destinées à la partie inférieure de la tête, d’autres, situées un peu en dedans, sont attribuées au cou, celles du centre de la feuille correspondent à l’abdomen, et enfin, les dernières à gauche indiquent l’extrémité inférieure de la queue. Les pieds étant sur les nos 1, toutes ces parties doivent être sur les traces portant ce numéro.

En plaçant les membres sur les nos 2, le cheval repose sur le bipède diagonal gauche ; puis il va retomber au n° 3 sur le membre antérieur droit (celui qui donne son nom au galop que nous reproduisons ici) ce qui constitue le troisième temps. Il semble que ce temps de l’allure est exagéré : en effet, ce n’est peut-être pas celui qu’il faudrait choisir pour représenter un cheval galopant, le premier temps se prête certainement mieux à une œuvre artistique ; cependant cette allure est exacte, et, en nous reportant aux photographies instantanées de Muybridge, nous avons constaté qu’elle existait.

Au n° 4 le corps est suspendu, puis il va retomber au n° 1 sur le pied postérieur gauche, et ce sera ce pied qui soutiendra le choc.

La pression des pieds sur le sol est bien plus énergique dans cette allure que dans les précédentes, car non seulement ils doivent supporter le poids du corps, mais aussi lui donner de fortes impulsions.

Dans la série de mouvements que nous venons d’analyser, l’oreille entendra trois battues. La première battue produite par un pied postérieur, la seconde par un bipède diagonal, et la troisième par un pied d’avant ; puis viendra un silence pendant lequel le corps sera soulevé.

p. 177Le galop que nous avons décrit est celui que l’on nomme galop à trois temps ; le galop à quatre temps n’en diffère qu’en ce que les battues du bipède diagonal sont un peu désunies et donnent des bruits distincts.

Les réactions.

Bien que nous avons déjà parlé des réactions à propos des allures de l’homme, il est utile d’y revenir en traitant du cheval, car cette étude est destinée à expliquer un phénomène, qui, au premier abord, semble discutable.

Les réactions verticales sont traduites par des courbes dont les maxima se trouvent correspondre au moment où le corps est le plus élevé. Deux points du corps du cheval, le garrot et la croupe, sont à observer dans ce cas.

Il semble que le corps, en quittant le sol (temps de suspension), doit être plus élevé que lorsque les membres y appuient ; c’est cependant le contraire qu’on observe. Ces élévations se produisent pendant les appuis, ce sont les réactions verticales ; nous ne les avons pas représentées sur nos planches afin d’en simplifier le maniement, nous réservant d’indiquer en quoi elles consistent, et à quels instants elles se produisent.

C’est au moment où les pieds ne touchent pas le sol, que le corps est le plus près de terre. Le temps de suspension n’étant pas produit (nous l’avons dit pour l’homme, mais nous voulons y insister) par la projection du corps en l’air, mais bien par la flexion des membres.

De deux cavaliers, dont l’un restera stationnaire, tandis que le second le dépassera au trot ou au galop, ce dernier paraîtra le plus petit.

Les réactions du garrot et de la croupe ne sont pas égales ; ainsi, dans le cas, ce sont celles de l’avant-main qui sont un peu fortes, dans le trot elles sont également plus élevées que celles de la croupe.

Les réactions ont été notées par M. le professeur Marey, au moyen d’appareils explorateurs placés sur les régions du garrot et de la croupe ; on peut se rendre un compte exact de la force de ces réactions, car elles sont traduites par une ligne, dont les sinuosités sont plus ou moins accentuées, selon que la réaction est plus ou moins violente.

p. 178RÉSUMÉ. — Il nous semble utile de résumer maintenant, d’une façon aussi simple que possible, les différences des allures que nous venons d’étudier :

Amble. — Mouvements alternatifs des bipèdes latéraux ; deux battues.

Pas. — Anticipation du bipède postérieur sur le bipède antérieur, d’un demi-appui pour les pieds posés et d’un demi-trajet dans l’espace pour les membres levés ; ordre des battues : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, postérieur droit ; deux appuis diagonaux et deux appuis latéraux ; quatre battues.

Trot. — Membres associés par paires diagonales ; deux battues séparées par une suspension.

Galop. — Appuis d’un membre postérieur, d’un bipède diagonal, puis d’un pied antérieur ; trois battues suivies d’une suspension.

Le saut.

Le saut est l’acte par lequel le corps, détaché du sol, est lancé en haut et en avant à une distance plus ou moins grande.

Il est préparé par la flexion des membres postérieurs qui, en s’étendant brusquement, lancent le corps, et lui permettent alors de franchir un obstacle.

Cette disposition préparatoire est très remarquable dans le saut du lion, du chat, de la panthère, qui exécutent des bonds d’une grande étendue ; chez le cheval, pour lequel le saut n’est pas un mode habituel de progression, cette flexion des membres postérieurs est moins marquée, chez cet animal le saut est associé généralement au galop, cependant il est quelquefois exécuté de pied ferme.

En examinant le lièvre ou le lapin, chez lesquels le saut est habituel, on voit les membres postérieurs très fléchis reposer sur le sol jusqu’au jarret, se redresser par l’action de leurs extenseurs, devenir verticaux, puis obliques en arrière au moment où le corps est lancé dans l’espace par une détente brusque de ces membres postérieurs.

L’action des extenseurs est énergique et instantanée, et leur énergie est plus grande que dans la progression ordinaire, car ils doivent soulever le corps et le lancer fortement à une distance plus ou moins grande. C’est l’extrême rapidité de cette détente qui permet à l’animal p. 179de franchir un obstacle, car, sans cette condition, le corps serait élevé, mais il ne se détacherait pas du sol.

Plaçons sous notre cheval la planche du saut, et suivons les diverses positions du corps et des membres dans cette action. Il est facile de concevoir que ce cheval ne pouvant progresser en avant, comme dans la réalité, nous ayons dû déplacer l’obstacle dans le sens opposé.

Cet obstacle est représenté par des traits noirs verticaux dont les numéros correspondent à ceux des traces sur lesquelles on placera les sabots, la tête, le cou, l’abdomen et la queue.

Au n° 1, l’animal se prépare à sauter comme s’il se cabrait, les membres postérieurs fléchis et portés sous le corps ; la tête est rejetée en arrière afin d’alléger l’avant-main qui s’enlève au-dessus de l’obstacle. Puis une détente brusque, produite par la contraction violente des extenseurs des membres postérieurs, a lieu au n° 2 ; le cheval, projeté en avant par cette détente, se trouve placé au-dessus de l’obstacle n° 2 qu’il va franchir ; les membres postérieurs, dans la réalité, n’ont pas changé de place, mais ils ont projeté le corps en avant par leur extension ; nous avons été forcé (notre cheval étant fixé à son centre) de reporter l’obstacle plus à gauche que précédemment ; on peut toutefois s’assurer que la distance qui en sépare les sabots à cet instant égale celle qui les en séparait au n° 1 par rapport à l’obstacle portant le même numéro.

Au n° 3, le corps est enlevé par la détente qui vient d’avoir lieu, l’animal passe au dessus de l’obstacle, le franchit, et les membres antérieurs se portent en avant au n° 4 pour retomber sur le sol ; les membres postérieurs restent fléchis, afin de dépasser cet obstacle.

Au n° 5, le corps repose sur les membres antérieurs qui viennent de retomber sur le sol ; l’obstacle est dépassé.

Les membres postérieurs se préparent à rejoindre les membres antérieurs, et leurs foulées se feront en avant de celles de ces derniers ; nous obtenons cette dernière phase du saut au n° 6, où le cheval, se redressant du devant, se prépare à continuer le galop, allure à laquelle il progressait avant de rencontrer l’obstacle qu’il a dû franchir.

p. 180

Le reculer.

Il faut distinguer dans cette progression rétrograde deux circonstances dans lesquelles elle peut avoir lieu : ou elle a lieu rapidement, et alors elle s’opère par des mouvements alternatifs des bipèdes diagonaux ; ou bien elle a lieu lentement, lorsque, par exemple, l’animal repousse un fardeau, et alors les pieds se succèdent comme dans le pas, et dans l’ordre suivant : pied antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche, postérieur droit ; mais avec ceci de particulier, qu’un seul membre est levé dans ce cas, et qu’il revient à l’appui avant le lever de celui qui va quitter le sol. Il y a donc toujours trois membres à l’appui.

Dans les progressions en avant que nous avons étudiées jusqu’ici, nous avons vu qu’un membre à l’appui était d’abord oblique en bas et en avant, puis vertical, et enfin oblique en bas et en arrière ; on comprendra facilement que, dans le reculer, qui est une progression inverse, l’appui d’un membre aura des directions opposées ; il sera d’abord oblique en bas et en arrière, puis, passant par la verticale, arrivera à une obliquité en bas et en avant.

Le reculer que nous représentons est lent, nous supposons que l’animal repousse un fardeau ; comme nous l’avons dit plus haut, il y aura toujours trois membres à l’appui pour un membre levé. Mais si l’allure devient plus rapide, ce sont alors les deux pieds de chaque bipède diagonal qui agissent ; l’appui n’a plus lieu que sur deux des extrémités.

Au n° 1, c’est le membre antérieur droit qui est levé, les trois autres membres sont à appui ; ce membre antérieur droit va se poser au n° 2, et à ce moment le pied postérieur gauche se lève, les membres antérieur gauche et postérieur droit sont plus obliques en avant, le corps se portant en arrière. Au n° 3, c’est le pied antérieur gauche qui se lève, puis se repose au n° 4, à ce moment c’est le postérieur droit qui se détache du sol.

Nous rappelons que les petits cercles coloriés, portant un numéro, indiquent la couleur du pied qui doit venir se placer dans la trace occupée précédemment par le pied opposé ; au n° 1 rouge est adjoint un cercle p. 181bleu n° 3 ; sur cette trace se placera au n° 1 le pied antérieur droit et au n° 3 le pied gauche du même bipède.

Cette allure est très pénible, car elle exige une inversion dans le jeu habituel des membres ; l’impulsion est, en effet, donnée par les membres antérieurs, qui sont mal disposés pour remplir cette fonction, les segments qui les composent n’étant pas angulairement articulés comme ceux des membres postérieurs ; de plus, leur union avec le tronc se faisant surtout par des parties molles, et l’omoplate étant mobile sur les côtes, ces membres n’ont pas un point d’appui fixe, comme les membres abdominaux qui s’appuient sur le bassin.

La croupe, dans cette progression rétrograde, se berce latéralement, et l’allure n’a presque jamais lieu en ligne droite.

Les pistes des membres antérieurs ne recouvrent jamais celles des membres postérieurs, même lorsque le reculer est rapide.

L’espace franchi par chaque extrémité est moins étendu que dans le pas ordinaire.

Le cabrer.

Le cabrer a lieu lorsque l’animal s’enlève du devant et se maintient debout sur ses membres postérieurs.

Nous représentons, dans notre planche, l’instant où le cheval est cabré. Pour préparer ce mouvement, il a d’abord porté en arrière l’encolure et la tête afin de débarrasser son avant-main de leur poids ; puis, s’enlevant sur ses membres antérieurs, il a, par une brusque détente de ces extrémités, soulevé la partie antérieure du tronc ; ce mouvement de projection est continué par la contraction des muscles du rachis et de la croupe, de telle sorte que le train de devant déjà soulevé par ses propres forces soit attiré par le train de derrière pour ramener le centre de gravité près de l’appui postérieur ; s’il le dépassait, le corps ferait une chute certaine en arrière, et s’il ne s’en rapprochait pas suffisamment, le corps retomberait immédiatement en avant.

Nous considérons ce mouvement du cabrer comme ayant lieu sur place, c’est ce qui arrive généralement ; mais nous ferons remarquer qu’à la suite d’une éducation spéciale, l’animal peut progresser dans cette position, c’est-à-dire marcher sur ses membres postérieurs ; p. 182c’est une action qu’on voit souvent exécutée dans les hippodromes.

Le cabrer est une défense du cheval, cherchant par ce moyen à se défaire de son cavalier, ou à frapper, des pieds de devant, un adversaire dont il veut éviter les attaques.

La ruade.

Au contraire du cabrer, dans la ruade c’est le bipède postérieur qui est levé sur l’antérieur ; l’animal surcharge son avant-main en baissant l’encolure et la tête, et projette fortement en arrière ses membres abdominaux.

La ruade dure fort peu de temps, l’équilibre est instable et il suffit pour l’empêcher de maintenir haute la tête de l’animal ; la ruade est une défense terrible du cheval, aussi en l’abordant est-il bon de prendre quelques précautions, surtout lorsqu’on ne connaît pas l’animal.

Sur les précautions à prendre en abordant un cheval pour la première fois, nous empruntons quelques conseils à l’excellent Traité pratique de maréchalerie de M. L. Goyau89, nous trouverons aussi dans ces quelques lignes l’aspect que présente un cheval prêt à se défendre :

« Le cheval a de terribles moyens de défense et d’attaque.

« Il mord, et sa morsure est grave.

« II frappe dangereusement des pieds de devant.

« Il rue, et ses coups de pieds broient les chairs et brisent les os.

« Le cheval entier est assez enclin à mordre et à frapper du devant ; la jument est parfois disposée à ruer.

« De là ce dicton : Méfiez-vous du devant du cheval entier et du derrière de la jument.

« Le cheval animé de mauvaises intentions prévient l’homme.

« S’il se dispose à mordre, à frapper du devant, à ruer, ses oreilles se couchent, ses yeux prennent une expression menaçante et sournoise, ses joues se rident ; ses lèvres se plissent, sa tête s’allonge vers l’homme.

« S’il piétine sur place, tourne une oreille et le train de derrière p. 183du côté de l’homme, c’est un coup de pied qui se prépare.

« Le cheval et surtout la jument qui fouaillent de la queue ruent souvent.

« Pour éviter les défenses et les accidents, en abordant le cheval, il faut :

« Regarder la tête du cheval, étudier sa physionomie ;

« Se tenir en garde, si ses intentions semblent suspectes ;

« L’aborder toujours du côté montoir » (côté gauche de l’animal) excepté dans les cas d’absolue nécessité.

« Marcher droit à l’épaule, sans précipitation, ni gestes, les bras tombant naturellement ;

« Avertir le cheval de la voix.

« Avant d’entrer dans une stalle ou au moment d’en sortir, faire ranger les hanches du cheval, à la voix et en levant la main.

« Il ne faut pas :

« L’aborder du côté hors-montoir (côté droit de l’animal) ;

« L’approcher en étendant les bras ;

« Le toucher sans l’avertir. »

Les artistes, qui auront l’occasion d’aller dans des écuries faire des études de chevaux, agiront prudemment en tenant compte de ces conseils ; ils leur sont donnés par un auteur connaissant parfaitement ces animaux, et habitué à les approcher.

p. 183

Chapitre IX
Allures irrégulières et défectuosités des allures

A. — Allures irrégulières.

Les principales de ces allures sont : le pas relevé, l’amble rompu, le traquenard, l’aubin et le galop à quatre temps. Quelques auteurs y comprennent encore l’amble ordinaire ; mais, cette allure pouvant être naturelle et se trouvant, d’ailleurs, décrite dans les chapitres spéciaux de M. Cuyer, nous ne nous en occuperons pas ici.

p. 184

a. — Pas rélevés

Encore appelé haut pas, entre-pas, le pas relevé s’exécute comme le pas ordinaire, en quatre temps ; mais ceux-ci sont plus précipités et ne présentent pas la même régularité dans les espaces qui les séparent. Cette allure est plus vite que le pas et, « contrairement à ce que son nom indique, dit M. Vallon90, les membres rasent le tapis. »

b. — Amble rompu

Dans l’amble rompu (voy. chap. VIII, Amble), les levers et les posers latéraux ont lieu isolément ; de sorte que les chevaux qui le marchent font entendre quatre battues, au lieu de deux qu’on perçoit dans l’amble ordinaire. Cette allure est plus rapide que l’amble ordinaire et tout aussi douce que celui-ci pour le cavalier.

c. — Traquenard

Le traquenard est un trot rapide, sauté, irrégulier, dur, décousu. C’est du moins la définition que nous préférons ; car les auteurs sont, loin d’être d’accord sur ce point, et beaucoup considèrent le traquenard comme un amble rompu.

d. — Aubin

L’aubin est un mélange confus du trot et du galop. Le plus ordinairement, le cheval galope du devant et trotte du derrière ; quelquefois, cependant, c’est le devant qui trotte et le derrière qui galope. Dans tous les cas, cette allure étant le résultat de l’usure, doit être considérée comme des plus défectueuses.

e. — Galop à quatre temps

Le galop à quatre temps est une allure raccourcie, enlevée, s’effectuant p. 185pendant que l’animal est rassemblé. Elle diffère du galop ordinaire en ce que les membres font entendre quatre battues au lieu de trois. Le galop à quatre temps, d’après M. Vallon, fatigue considérablement l’arrière-main ; mais il donne à l’avant-main plus de grâce et de brillant.

B. — Défectuosités des allures

Les défectuosités des allures peuvent se manifester dans toutes indistinctement, qu’elles soient naturelles ou irrégulières. Elles ont reçu des dénominations particulières.

1° Cheval qui trousse. — On dit qu’un cheval trousse quand, au trot, le genou se lève haut sans que le membre gagne du terrain en avant. Ce défaut nuit à la rapidité des allures.

2° Cheval qui rase le tapis. — Ce défaut est l’opposé du précédent ; les extrémités du cheval qui le présentent s’élèvent très peu au-dessus du sol, et exposent l’animal à butter.

3° Cheval à épaules froides ou chevillées. — (Voy. IIe partie, chap. III, Épaule.) [•]

4° Cheval qui se berce. — Le cheval qui se berce est celui dont le corps, pendant les allures, éprouve un balancement latéral très prononcé. Ce défaut ralentit l’allure.

5° Cheval qui billarde. — On dit que le cheval billarde lorsqu’il jette, en marchant, les membres antérieurs en dehors. Le cheval qui présente ce défaut manque de franchise dans les allures.

6° Cheval qui se coupe. — Le cheval s’attrape, s’atteint, se coupe, s’entre-taille lorsque, pendant la marche, le membre en l’air du bipède antérieur ou postérieur vient frapper le membre à l’appui.

Ce défaut est assez grave, à moins qu’il ne soit le résultat du jeune âge, d’un défaut d’habitude ou d’une mauvaise ferrure.

7° Cheval qui forge. — On dit que le cheval forge quand, dans la marche, il atteint ou frappe avec la pince des pieds de derrière les éponges ou la voûte des fers antérieurs. On remédie facilement à ce défaut par une ferrure spéciale.

8° Cheval à éparvin sec. — L’éparvin sec est caractérisé par un mouvement de flexion brusque du jarret dès que le membre quitte le sol. Ce mouvement est connu sous le nom de harper. « On ne sait pas encore d’une manière bien exacte, disent MM. Goubaux et p. 186Barrier91, quelle est la cause de ce symptôme remarquable. Quoi qu’il en soit, le cheval qui en est atteint ne peut guérir, et, par conséquent, a perdu beaucoup de sa valeur. Cela ne veut pas dire qu’il ne puisse être encore utilisé, même à un service pénible. »

9° Cheval à jarrets vacillants. — Les jarrets sont dits vacillants lorsqu’au moment de l’appui, ils sont mal affermis et éprouvent quelques mouvements latéraux. Ce défaut est souvent, mais non toujours, un indice de faiblesse. Nous connaissons d’excellents et solides chevaux à jarrets vacillants.

10° Cheval à effort de reins. — On entend par effort de reins un état douloureux de la région lombaire dû, soit à un effort, soit à toute autre cause. Cette affection se traduit dans la marche par un défaut d’harmonie entre la partie antérieure et la partie postérieure du corps, par une vacillation très prononcée de l’arrière-main, dont les membres se posent sur le sol sans régularité et sans solidité, imitant assez bien la marche d’un homme ivre. Le cheval à effort de reins ne peut reculer ou recule très difficilement ; si, d’autre part, on veut le faire tourner, l’avant-main seul exécute le mouvement, les pieds de derrière restant à peu près fixes et servant de pivot.

L’effort de reins, même léger, guérit rarement et doit faire rejeter le cheval qui en est atteint, surtout s’il est destiné au service de la selle.

11° Boiteries ou claudications. — On appelle ainsi « une irrégularité de la marche déterminée par l’inégalité ou l’impuissance d’action d’un ou de plusieurs des membres locomoteurs92. »

Les boiteries dépendent d’une foule d’affections ayant leur siège sur l’une ou l’autre des régions des membres, mais plus généralement dans le pied. Elles sont dites congéniales quand l’animal les apporte en naissant, et acquises, lorsqu’elles sont le résultat de maladies, d’usure, etc.

On les divise encore en boiteries permanentes et en boiteries intermittentes.

Les premières disparaissent après la guérison ; les secondes cessent, puis reparaissent au bout d’un certain temps. Celles-ci se montrent, ou après le travail (boiteries à chaud), ou après le repos (boiteries à froid).

p. 187Suivant le degré de la claudication, on dit que le cheval feint, boite, boite tout bas ou marche sur trois jambes.

La boiterie bien développée se reconnaît facilement : l’appui du membre douloureux est plus court, moins franc que celui de son congénère, qui prolonge le sien pour suppléer à la diminution de l’appui de l’extrémité souffrante.

De plus, si le cheval boite du devant, au moment où le membre malade va tomber sur le sol, il relève la tête et la porte du côté du membre non souffrant, afin de repousser sur celui-ci et sur le bipède postérieur une plus forte partie du poids du corps. Puis, la tête retombe au moment du poser du membre sain, en s’inclinant vers lui.

Si, au contraire, l’animal boite d’un membre postérieur, c’est la hanche qui se soulève au moment de l’appui ; en même temps, la tête s’abaisse pour décharger l’arrière-train.

Le plus grand nombre des boiteries ayant, comme nous l’avons dit, leur siège dans le pied, il faut toujours examiner cette région avec soin. La chaleur du sabot, l’appui en pince, rendent encore cette exploration plus nécessaire.

Nous ne dirons rien des différentes expressions des boiteries, suivant le siège qu’elles occupent ; cette étude appartient à la pathologie.

La loi du 2 août 1884 a admis les boiteries intermittentes au nombre des vices rédhibitoires.

Chapitre X
De l'âge
(Pl. IV).

De tous les moyens mis en pratique pour reconnaître l’âge du cheval (examen des ganaches, pincement de la peau du front, exploration des nœuds de la queue, etc.), un seul, l’inspection des dents, permettant d’arriver à des déterminations précises, nous nous en occuperons à l’exclusion des autres.

Mais, comme il est impossible de bien comprendre les principes sur lesquels est basée la connaissance de l’âge par les dents sans connaître auparavant la forme, la structure, les divers changements p. 188que ces organes éprouvent à mesure que l’animal vieillit, nous commencerons notre étude par leur description sommaire.

A. — Des dents
Définition, nombre, répartition, structure générale

Les dents sont des corps solides tenant à la fois des os par leur aspect général, et des poils par leur mode de formation et d’accroissement.

Fig. 97. — Arcade dentaire (mâchoire supérieure)

Fig. 98. - Arcade dentaire (mâchoire inférieure).

Au nombre de trente-six à quarante, ces organes sont implantés à la suite les uns des autres dans les cavités ou alvéoles que leur fournissent p. 189les mâchoires, et forment ainsi, à chacune de celles-ci, une espèce de courbe parabolique, l’arcade dentaire, interrompue de chaque côté par un espace appelé interdentaire (fig. 97 et 98 du texte).

Leur sortie a lieu à des époques assez fixes. Il en est qui apparaissent peu de temps après la naissance pour tomber à l’âge adulte ; ce sont les dents de lait, caduques ou de première dentition ; elles font place à celles de remplacement, de cheval ou de seconde dentition.

D’autres enfin, dont la venue est plus ou moins tardive, ne tombent jamais ; on les dit, pour cette raison, persistantes.

On distingue, dans chaque dent, deux parties : une saillante en dehors, couronne ou partie libre ; l’autre, logée dans l’alvéole, ou racine.

Trois substances bien distinctes entrent dans la composition de ces organes : une fondamentale, l’ivoire ; deux de revêtement, le cément et l’émail.

Le cément (fig. 3, II, 8. 8) forme une couche superficielle d’un blanc jaunâtre directement appliquée sur l’émail ; il enveloppe toute la dent et se replie dans ses anfractuosités, au fond desquelles il forme une couche plus ou moins épaisse suivant les sujets et les dents qu’on examine.

L’émail (fig. 3, II, 6. 6, 7. 7), substance blanche très dense située immédiatement au-dessous du cément, s’enfonce, comme ce dernier, dans certaines cavités, et constitue la véritable couche protectrice des dents.

L’ivoire (fig. 3, II, 5. 5), de couleur jaunâtre, et beaucoup moins dur que l’émail, occupe l’intérieur de la dent, dont il forme le corps.

Pendant toute la vie de l’animal, les dents étant chassées des alvéoles et s’accroissant par leur racine (fig. 3, II, 9) à mesure qu’elles s’usent au dehors, il s’ensuit que leur longueur reste à peu près toujours la même. La forme, le volume et la direction de ces organes changent seuls avec l’âge, comme nous le verrons par la suite.

On divise les dents en incisives, canines et molaires.

a. — Incisives

(Fig. 1, 2, 3, 4).

Ainsi nommées parce qu’elles servent à couper, à inciser les aliments, les incisives se trouvent placées à l’extrémité de chaque mâchoire p. 190et forment, par leur réunion, dans l’âge adulte, un demi-cercle assez régulier (fig. 1) qui se déforme à mesure que l’animal vieillit et finit par ressembler à une ogive de plus en plus aiguë (fig. 2).

On compte en tout douze incisives : six à la mâchoire supérieure, six à la mâchoire inférieure, qui ont reçu les noms particuliers de pinces, mitoyennes, et coins.

Les pinces (fig. 1, 1. 1) sont situées près de la ligne médiane, l’une à gauche, l’autre à droite ; les mitoyennes (fig. 1, 2. 2), en dehors des pinces ; enfin, les coins (fig. 1, 3. 3), en dehors des mitoyennes. Il y a, en somme, deux pinces, deux mitoyennes, et deux coins dans chacune des mâchoires.

De forme générale conique, ces dents sont incurvées en arc suivant leur longueur (fig. 3, 1), aplaties d’avant en arrière à leur extrémité libre, rétrécies d’un côté à l’autre à leur racine, et enfin trifaciées dans leur partie moyenne. Pour en faciliter la description, on est dans l’habitude de leur reconnaître une face antérieure et une face postérieure ; deux bords : un interne (fig. 4, 1) et un externe (fig. 4, 2), celui-ci toujours plus étroit que le précédent ; enfin, deux extrémités : l’une libre, l’autre enchâssée.

La surface de frottement, ou extrémité libre, dont on se sert surtout pour reconnaître l’âge, présente de grandes différences suivant qu’on l’examine chez un cheval jeune ou chez un cheval vieux.

Dans la dent vierge, c’est-à-dire non encore usée, cette surface n’existe pas et se trouve remplacée par deux bords tranchants : un antérieur (fig. 3, II, 2) et un postérieur (fig. 3, II, 3), celui-ci moins élevé que le premier.

Ces deux bords limitent une cavité dite dentaire extérieure (fig. 3, II, 1), que circonscrit le cornet dentaire (fig. 3, II, 6. 6) et au fond de laquelle se trouve une substance noirâtre, cémenteuse, appelée germe de fève.

À l’intérieur de la racine, on trouve encore une autre cavité connue sous la dénomination de cavité dentaire intérieure (fig. 3, II, 4), renfermant la pulpe dentaire, organe sécréteur de la dent. Cette cavité se prolonge dans la partie libre, entre la face antérieure de l’organe et le cul-de-sac externe, avec lequel elle se chevauche.

Lorsque l’âge a amené la disparition, l’oblitération de la cavité interne, la substance qui la remplit se reconnaît à sa couleur plus jaune p. 191que le reste de l’ivoire. Cette particularité nous fournira, par la suite, un caractère secondaire important pour la détermination de l’âge.

À mesure que la dent s’use, la cavité dentaire extérieure disparaît et l’émail ne se continue plus. Alors se trouve constituée une véritable surface de frottement, ou table dentaire, sur laquelle on distingue deux cercles d’émail : un périphérique, dit émail d’encadrement (fig. 3, II, 7. 7 et fig. 4, 6), l’autre concentrique, ou émail central (fig. 3, II, 6. 6 et fig. 4, 5), englobant entre eux la substance éburnée ou l’ivoire (fig. 3, II, 5. 5 et fig. 4, 3), toujours un peu plus enfoncée que l’émail, parce que le frottement l’use plus facilement. Sur un point de cette surface d’ivoire, on voit apparaître, à une époque déterminée, entre la partie antérieure de la dent et le cul-de-sac du cornet dentaire externe, une tache jaunâtre qui, d’abord allongée d’un côté à l’autre, se rapproche plus tard de la forme arrondie. C’est l’étoile dentaire de Girard (fig. 4, 7), constituée par l’ivoire de nouvelle formation qui a rempli la cavité où se trouvait la pulpe de la dent.

La forme de la table dentaire varie beaucoup suivant l’âge du cheval.

Il est facile de s’en rendre compte à l’aide d’une incisive sciée en travers, de 3 en 3 millimètres, jusqu’à sa racine, comme l’indiquent les traits A, B, C, D, E de la fig. 3. On obtient ainsi des coupes figurant successivement une table aplatie d’avant en arrière (fig. 4, A), ovale (fig. 4, B), arrondie (fig. 4, C), triangulaire (fig. 4, D), aplatie latéralement ou biangulaire (fig. 4, E).

Nous verrons dans un prochain paragraphe que cette particularité forme la base principale de la connaissance de l’âge du cheval à partir de huit ans.

Les incisives caduques, de lait, ou de première dentition, se distinguent de celles de remplacement, de seconde dentition, ou d’adulte par leurs dimensions plus petites, leur blancheur et l’étranglement ou collet qui sépare la partie libre de la racine.

Que l’incisive soit caduque ou de remplacement, elle ne fait jamais son éruption par ses deux bords tranchants à la fois : c’est le bord antérieur qui sort le premier. Le bord postérieur n’est apparent qu’un certain temps après.

p. 192

b. — Cannines ou crochets
(Fig. 1).

Situés entre les molaires et les incisives, les crochets des solipèdes n’existent que chez le mâle. C’est tout à fait par exception qu’on les rencontre quelquefois chez la jument.

Ces dents sont au nombre de deux à chaque mâchoire : une à droite, l’autre à gauche (fig. 1, 4. 4). Elles ne poussent qu’une fois, et l’époque de leur apparition est tellement variable qu’elles ne peuvent guère aider à la détermination de l’âge. Aussi, n’en parlerons-nous pas plus longuement.

c. — Molaires
( Fig. 5, 6, 7, 8).

Les molaires occupent la partie postérieure de l’arcade dentaire ; ou en compte douze à chaque mâchoire : six d’un côté, six de l’autre, divisées en avant-molaires et en arrière-molaires.

Considérées d’une manière générale, les arcades molaires n’ont pas la même disposition aux deux mâchoires : elles sont plus écartées l’une de l’autre à la mâchoire supérieure qu’à la mâchoire inférieure ; d’un autre côté, comme elles s’opposent par des plans inclinés, il en résulte que la face interne est plus élevée que l’externe dans les molaires inférieures, tandis que le contraire se fait remarquer pour les supérieures.

Comme les incisives, les molaires présentent une partie libre (fig. 5) et une partie enchâssée.

La partie libre, à peu près carrée, offre à étudier quatre faces : une externe, une interne, une antérieure, une postérieure, et une surface de frottement.

La face externe (fig. 5 et fig. 7) présente deux sillons longitudinaux dans les molaires supérieures (fig. 5, 3, 3) et un seul, peu marqué, dans les molaires inférieures.

La face interne (fig. 6, 4 et fig. 8, 4) n’offre qu’un sillon très peu prononcé aux deux mâchoires.

La face antérieure (fig. 5, 1 et fig. 7, 1) et la face postérieure (fig. 5, 2 et fig. 7, 2) sont à peu près planes et ne présentent rien de p. 193particulier ; elles se trouvent en rapport avec les faces correspondantes des molaires voisines.

La surface de frottement (fig. 6 et fig. 8), inclinée en dehors à la mâchoire inférieure et en dedans à la mâchoire supérieure, ainsi que le font voir les figures 5 et 7, présente des caractères particuliers, suivant l’époque à laquelle on l’examine. Dans la dent vierge, elle est complètement recouverte de cément et d’émail, irrégulière, et ressemble assez bien à un B gothique dont les boucles, tournées en dedans à la mâchoire supérieure et en dehors à la mâchoire inférieure, circonscrivent des cavités profondes plus ou moins comblées de cément.

Avec le frottement, les cavités primitives disparaissent et une vraie table dentaire se forme ; mais, loin de rester plane, celle-ci, grâce à la densité différente et à l’usure inégale des substances qui la constituent, présente bientôt en relief des rubans d’émail (fig. 6, 8, 9 et fig. 8, 7) séparés par des rubans d’ivoire (fig. 6, 7 et fig. 8, 6) et de cément (fig. 6, 5. 5, 6. 6 et fig. 8, 5. 5).

Ce sont ces reliefs et ces creux de la surface de frottement des molaires du cheval qui les ont fait comparer par Cuvier à des meules se repiquant incessamment d’elles-mêmes.

Les molaires qui terminent les arcades, soit en avant, soit en arrière, soit à la mâchoire supérieure, soit à la mâchoire inférieure, ont trois racines. Les molaires intermédiaires en ont quatre à la mâchoire supérieure et deux seulement à la mâchoire inférieure.

Les trois premières dents molaires de chaque arcade, seules, sont caduques ; les autres sont persistantes.

B. — Des caractères fournis par les dents pour la détermination de l'âge
(Fig. 9, 10, 11, 12, 13)

Bien que les renseignements fournis par les dents puissent seuls permettre de déterminer l’âge du cheval d’une façon un peu précise, nous devons pourtant faire observer qu’il est bon de ne pas leur accorder une valeur absolue.

Les effets du frottement sur la table dentaire, par exemple, varient tellement suivant la texture des matières alimentaires, la configuration p. 194et la dureté des dents, suivant les pays et les races, qu’on ne peut vraiment tirer de l’usure des dents que des indications générales.

Le lecteur devra de toute nécessité y suppléer par ses connaissances théoriques, son coup d’œil, son sens pratique, par les renseignements qu’il aura pu se procurer relativement à la provenance, à la race du cheval, etc.

Transporté dans un pays où la population chevaline lui est inconnue, il se verra obligé de s’habituer, de s’adapter aux nouvelles bouches, aux nouveaux types d’usure qu’il rencontrera exclusivement désormais, et ne pourra se prononcer en toute connaissance de cause, fût-il un praticien consommé, qu’après avoir bouché un certain nombre de chevaux.

En général, tous les poulains, sauf ceux de pur sang, sont supposés naître au printemps ; toutefois, les exceptions à cet égard n’étant pas rares, il est indispensable de connaître certaines expressions à l’aide desquelles il est possible de préciser assez exactement l’époque réelle de la naissance du cheval : on dit qu’un cheval prend tel âge, lorsqu’il est sur le point de marquer l’âge auquel on fait allusion. Il a tel âge, dans le cas où il marque réellement cet âge. Enfin, il a tel âge fait, quand les caractères de l’âge dont on parle commencent à disparaître.

Les bases principales sur lesquelles on s’appuie pour déterminer l’âge des chevaux sont les suivantes :

L’éruption des incisives de première dentition ;

Leur rasement ;

L’éruption des incisives de seconde dentition ;

Le rasement de ces dernières ;

Les formes successives qu’elles présentent une fois rasées et usées, et les détails qui se font observer sur leurs tables93.

D’autres indices fournis par les crochets et les molaires peuvent s’ajouter aux renseignements tirés des incisives ; mais, comme on y a rarement recours et que, d’un autre côté, ils sont assez peu sûrs, nous nous dispenserons d’en parler.

p. 195Première période. — Éruption des incisives de première dentition.

À sa naissance, le poulain est généralement dépourvu d’incisives ; cependant, on distingue déjà très bien, sous la gencive, les pinces et même les mitoyennes, ainsi qu’on peut s’en rendre compte par l’examen de la figure 9, I.

Les pinces sortent du sixième au huitième jour ; les mitoyennes, du trentième au quarantième jour (fig. 9, II) ; les coins, de six à dix mois (fig. 10, III).

Deuxième période. — Rasement des incisives de première dentition.

Il est fort heureux qu’à cette période les renseignements fournis par les formes, la taille et la physionomie du jeune sujet viennent s’ajouter à ceux tirés de l’usure des dents ; car celle-ci se fait vite, et les changements de forme des tables dentaires sont très peu saisissables. Toutefois, à dix mois (fig. 10, III), les pinces sont rasées ; à un an (fig. 10, IV), les mitoyennes ; à quinze ou vingt mois (fig. 10, V), les coins.

Troisième période. — Éruption des incisives de remplacement ou d’adulte.

Prenant trois ans (fig. 11, VI). Les pinces de remplacement sortent à deux ans et demi environ par leur bord antérieur, et arrivent à hauteur des mitoyennes de lait à trois ans.

Prenant quatre ans (fig. 11, VII). Les mitoyennes sortent à trois ans et demi environ et arrivent à hauteur des pinces à quatre ans.

Prenant cinq ans (fig. 11, VIII). Les coins sortent à quatre ans et demi et arrivent à hauteur des mitoyennes à cinq ans. De sorte qu’à cet âge, un cheval doit avoir toutes ses incisives ; les deux bords des pinces sont usés ; ceux des mitoyennes sont au niveau.

Quatrième période. — Rasement des incisives de remplacement.

Six ans (fig. 12, IX). — Le rasement des pinces inférieures est complet, celui des mitoyennes a commencé ; le bord postérieur des coins est au niveau de l’antérieur, mais il reste encore vierge.

Sept ans. — Les mitoyennes ont aussi rasé, et souvent, à cet âge, une échancrure, appelée queue d’hirondelle, apparaît aux coins de la mâchoire supérieure.

Huit ans (fig. 12, X). — Toutes les incisives inférieures sont rasées et de forme ovale : l’étoile dentaire commence à paraître, sous forme p. 196d’une bande jaunâtre, entre le bord antérieur des dents et l’émail central.

Cinquième période. — Nivellement des incisives et formes successives de leurs tables.

Neuf ans (fig. 12, XI). — Les pinces inférieures s’arrondissent ; l’émail central se rapproche du bord postérieur, et l’étoile dentaire, plus étroite, mais mieux marquée, occupe presque le milieu de leurs tables.

Dix ans. — Les mitoyennes s’arrondissent ; les coins sont ovales, l’émail central diminue d’étendue et se rapproche encore du bord postérieur de la dent. L’étoile dentaire est plus apparente dans toutes les incisives.

Onze ans (fig. 13, XII). — Les coins s’arrondissent ; l’émail central ne forme plus qu’un petit point très étroit et touche presque le bord postérieur de la dent.

Douze ans (fig. 13, XIII). — Toutes les incisives sont arrondies. Généralement l’émail central a disparu dans les pinces et l’étoile dentaire occupe le milieu des tables de frottement.

Treize ans.— Les pinces inférieures commencent à devenir triangulaires. L’émail central n’existe plus sur les incisives inférieures. Dans les pinces supérieures, il a une forme arrondie.

Quatorze ans. — Triangularité complète des pinces ; les mitoyennes se rapprochent de la forme des pinces.

Quinze ans (fig. 13, XIV). — Triangularité des mitoyennes.

Seize ans. — Caractères plus accusés que dans l’âge précédent.

Dix-sept ans. — Toutes les incisives inférieures sont triangulaires.

Dix-huit ans. — Les pinces s’aplatissent d’un côté à l’autre (biangularité).

Dix-neuf ans (fig. 13, XV). — Les mitoyennes sont aplaties dans le même sens.

Vingt ans.— Les coins ont la même forme.

Trente ans (fig. 13, XVI). — À partir de vingt ans, on considère le cheval comme étant arrivé presque au terme de sa vie. Aussi les caractères de l’âge de trente ans sont-ils ceux de l’extrême vieillesse : les incisives inférieures sont, ou très longues et très horizontales, ou très courtes et usées jusqu’au ras des gencives ; leurs tables s’aplatissent de plus en plus sur les faces latérales, et de larges interstices séparent les pinces des mitoyennes et celles-ci des coins ; enfin, qu’elles p. 197soient longues ou courtes, il ne reste plus qu’une faible partie de leur racine enchâssée dans les alvéoles.

Ce sont là les principaux caractères à l’aide desquels on peut reconnaître l’âge jusqu’à l’extrême vieillesse du cheval ; mais il en est d’autres, très remarquables aussi, qu’on peut tirer des changements qui se manifestent dans l’arcade incisive, considérée dans son ensemble, à mesure que l’animal vieillit. Il est utile que nous en disions un mot, à titre de renseignement complémentaire : dans le jeune âge, chacune des moitiés de l’arc représenté par les incisives s’oppose à l’autre, « comme le feraient deux demi-circonférences accolées par leur diamètre .. » Mais, comme, par suite des progrès de l’usure, la table de frottement appartient à des régions de plus en plus rapprochées de la racine, le demi-cercle se déforme et ressemble à une ogive de plus en plus aiguë94...

D’un autre côté, dans la jeunesse, par le fait de l’aplatissement latéral de la partie enchâssée, les incisives se montrent toutes convergentes au niveau de leur racine ; mais, chassées des alvéoles à mesure que l’usure entame la partie libre, ces dents diminuent nécessairement de largeur en même temps que l’animal avance en âge, et leur ensemble suivant cette diminution, il arrive une époque où les deux arcs incisifs sont beaucoup plus étroits d’un côté à l’autre et moins convexes en avant.

On se rendra parfaitement compte de ces faits en se reportant à la description anatomique des incisives et en jetant un coup d’œil sur les figures 1 et 2 qui représentent, l’une, les incisives d’un cheval de cinq ans vues de profil ; l’autre, celles d’un cheval d’âge avancé.

Nous le répétons, ces changements de forme de l’arcade incisive peuvent être d’un utile secours dans certains cas douteux.

C. — Irrégularités du système dentaire incisives

De même que nous n’avons consulté que les incisives pour la détermination de l’âge, de même nous nous occuperons exclusivement ici des anomalies ou irrégularités que présentent ces dents.

Ces anomalies, dont l’importance est plus ou moins grande, portent p. 198sur le nombre (fig. 99 du texte), la forme générale des dents, la forme du cornet dentaire, la profondeur de ce même cornet, sur le défaut de longueur ou l’excès de largeur de l’une des mâchoires, sur l’excès ou le défaut d’usure. Elles peuvent être, enfin, la conséquence de l’usure produite par le tic ou de l’emploi de moyens frauduleux.

Fig. 99. — Deux pinces, a, c, et une mitoyenne, b, surnuméraires, de seconde dentition (mâchoire supérieure).

Parmi les irrégularités que nous venons d’énumérer, quelques-unes sont intéressantes seulement sous le rapport de la physiologie ; d’autres, au contraire, s’opposent à ce que l’on puisse reconnaître l’âge des chevaux ou en rendent l’appréciation plus difficile. C’est de ces dernières que nous nous occuperons exclusivement ici.

a. — Irrégularités de profondeur du cornet dentaire

1° Chevaux bégus. — Un cheval est dit bégu quand les incisives inférieures conservent leur cornet dentaire externe presque intact après huit ans. Pour reconnaître l’âge réel de l’animal, il faut laisser de côté les renseignements fournis par le rasement et ne consulter que la forme, la direction des dents, et la situation de l’étoile dentaire.

2° Chevaux faux bégus. — On dit que le cheval est faux bégu quand les incisives inférieures laissent voir l’émail central ou cul-de-sac du cornet dentaire après douze ans. Ici encore, on doit s’en rapporter principalement à la forme de la dent.

b. — Irrégularités par excès ou par défaut d'usure

On sait, d’après les données de Girard et de Pessina95, que la partie libre des incisives, depuis la gencive jusqu’à la table, mesure p. 199environ 15 à 16 millimètres et use de 3 millimètres à peu près chez les chevaux fins, et de 4 et demi seulement chez les chevaux communs.

Or il est des chevaux chez lesquels l’usure est plus prompte et d’autres où elle est plus lente, ce dont on peut s’assurer à l’aide des données précédentes. Comment, alors, rectifier l’indication nécessairement fausse fournie par leurs tables dentaires ? Rien de plus simple : si les dents sont trop longues, il faut les ramener par la pensée à leur longueur normale en vieillissant le cheval d’un an pour 3 ou 4 millimètres. Si, au contraire, elles sont trop courtes et que l’animal paraisse ainsi plus vieux qu’il n’est réellement, il faut lui retrancher autant d’années que les dents ont de fois 3 ou 4 millimètres de moins en longueur.

Ainsi, lorsqu’un cheval marquera douze ans, et que ses dents n’auront que 13 millimètres à peu près de longueur, il faudra lui donner onze ans seulement, l’usure ayant dépassé de 3 millimètres sa limite ordinaire.

c. — Irrégularités résultant de l'usure produite par le tic

Le tic est cette habitude vicieuse qui porte le cheval à déglutir de l’air, soit en prenant un point d’appui sur un corps quelconque, soit sans point d’appui ; dans le premier cas, on dit que le cheval tique à l’appui ; dans le second, qu’il tique en l’air.

Fig. 100. — Usure anormale de la face antérieure des incisives due au tic.

Dans le tic à l’appui, dont nous nous occuperons exclusivement ici, il est évident que le frottement des corps extérieurs détermine, sur le bord antérieur des incisives, des caractères anormaux, qui varient suivant le mode que l’animal a choisi pour tiquer. La plus fréquente des p. 200irrégularités dues au tic est la transformation en plan incliné de ce même bord antérieur. Cette irrégularité, dès le début, ne nuit pas à la détermination de l’âge ; mais il peut arriver un moment où l’usure, ouvrant le cornet dentaire dans sa longueur, déforme assez la table pour rendre la connaissance de l’âge difficile ou impossible (fig. 100 du texte).

d. — Irrégularités procédant de l'emploi de moyens frauduleux

1° Moyens employés pour vieillir le cheval. — Dans la plupart des pays d’élève, on est dans l’habitude, aussitôt que les poulains ont fait leurs dents de trois ans, de leur arracher les mitoyennes et quelquefois les coins de lait, afin de hâter l’apparition des remplaçantes et de leur donner un an de plus. On reconnaît cette manœuvre frauduleuse à la rougeur, à la sensibilité des gencives si l’opération est récente, et à l’irrégularité de l’arcade dentaire si elle est ancienne.

2° Moyens employés pour rajeunir le cheval. — Les dents longues étant généralement regardées comme un indice de vieillesse, on cherche quelquefois à les raccourcir, en les sciant, pour rajeunir l’animal.

Cette ruse est très facile à reconnaître, en ce sens que la scie n’opérant pas une section nette, on se voit obligé de recourir à la lime, qui laisse généralement des traces de son passage sur la dent, en même temps qu’elle détache de petits éclats sur les bords de l’organe. D’un autre côté, les arcades incisives raccourcies ne se joignent plus, la longueur des molaires étant restée la même.

Le plus ordinairement, on ne se contente pas de raccourcir les incisives ; mais, sur la table de ces dents raccourcies ou naturellement courtes, on pratique, à l’aide d’un burin, une cavité factice dont on noircit le fond avec du nitrate d’argent ou un fer rougi au feu.

Connue sous le nom de contre-marque, cette manœuvre dolosive ne doit tromper que les ignorants ou ceux qui ne se donnent pas la peine de regarder, ainsi que nous allons le démontrer.

Si la contre-marque a été pratiquée sur un cheval de moins de douze ans, elle se trouve nécessairement creusée entre l’émail d’encadrement et le cul-de-sac du cornet dentaire, et l’on voit de suite, par la seule présence de deux culs-de-sac dentaires, que la marque n’est pas naturelle.

p. 201Si, au contraire, l’on a opéré sur un cheval âgé de treize ans et au delà, la cavité artificielle se trouve creusée au centre de l’ivoire et manque de son enveloppe d’émail.

D’ailleurs, si l’on a égard à la forme de la dent, on voit qu’elle ne s’accorde aucunement avec l’âge accusé par les détails de la table.

Tous ces caractères, en somme, mettent assez facilement la supercherie en évidence.

D. — Périodes et durée de la vie du cheval

La durée naturelle de la vie du cheval se divise en plusieurs périodes comprenant chacune un certain nombre d’années et correspondant à des modifications qui s’opèrent dans sa constitution, sa taille, ses aptitudes, etc.

Ces modifications ont elles-mêmes une grande relation avec l’évolution dentaire, comme nous allons le voir par la suite.

1° Jeune âge ou période d’accroissement. — Depuis sa naissance jusqu’à cinq ans révolus, le cheval s’accroît dans toutes ses dimensions : en hauteur, en largeur et en épaisseur ; c’est la période d’accroissement ou jeune âge, pendant laquelle ont lieu l’apparition successive des dents caduques ou dents de lait et leur remplacement par les dents permanentes ; d’où la subdivision de cette première période de la vie en deux phases : l’une, dite de première jeunesse, qui dure jusqu’au remplacement des dents de lait ; l’autre, celle de la seconde jeunesse, qui succède à la première et se termine lorsque la dentition permanente est complète.

Durant sa première jeunesse, c’est-à-dire jusqu’à deux ans et demi, le cheval est poulain. C’est le temps de son plus grand accroissement.

Il ne devient jeune cheval que quand les dents de remplacement apparaissent, et porte ce nom de deux ans et demi à cinq ans, temps pendant lequel il grandit encore sensiblement.

Quoi qu’il en soit, le jeune cheval étant encore dans la période de croissance, ses articulations n’ayant pas acquis toute la résistance qu’elles offriront plus tard96, ses muscles étant mous, sans énergie, il p. 202est indispensable de le bien nourrir si l’on veut qu’il se développe convenablement, de le ménager dans l’exercice pour ne pas fausser ses aplombs et altérer ses articulations ; en un mot, il ne doit être soumis qu’à un léger travail de dressage. »

2° Âge adulte ou période stationnaire. — À partir de cinq ans97 commence l’âge adulte, caractérisé par la dentition permanente complète. Le cheval a acquis la taille qu’il conservera désormais ; mais il peut encore se développer en épaisseur, et gagner en vigueur, en énergie et en résistance jusqu’à l’âge de huit ans. Alors, il reste stationnaire jusqu’à douze ans, époque à laquelle finit l’âge adulte et commence la vieillesse.

Pendant cette seconde période, c’est-à-dire de cinq ans à douze ans, le cheval peut satisfaire aux exigences d’un service suivi ; mais il n’est réellement un cheval fait, c’est-à-dire dans toute la plénitude de ses forces, de sa vigueur et de sa résistance, que vers huit ans : « Monte toujours pour le combat un traîneur avec sa queue (cheval de huit ans au moins)98, disent les Arabes : le jour où les cavaliers seront tellement pressés que les étriers se heurteront, il te sortira de la mêlée et te ramènera dans ta tente, fût-il traversé d’une balle. »

Il est à remarquer que la première partie de l’âge adulte, qui finit à huit ans, coïncide avec le rasement des incisives ; tandis que la seconde partie comprend le laps de temps nécessaire pour la complète disparition de l’émail central.

3° Vieillesse ou période de décroissance. — Après douze ans, alors que les dents deviennent triangulaires, commence la vieillesse, qui s’accentue de plus en plus jusqu’à la mort de l’animal, mais arrive plus ou moins vite suivant les individus, suivant surtout le travail que ceux-ci ont eu à fournir et les soins qu’ils ont reçus.

« À cette époque, les forces diminuent, les membres deviennent p. 203raides, les formes s’altèrent... Le cheval pourrait encore supporter des privations ; mais il est incapable de résister à de grandes fatigues99. »

Malgré tout, il n’est guère possible de déterminer d’une façon quelque peu exacte la durée moyenne de la vie du cheval. Certains chevaux, en effet, sont usés à douze ans, tandis que d’autres fournissent encore un travail pénible à vingt ans. Cela dépend d’une foule de causes, parmi lesquelles il y a surtout lieu de signaler la tardivité du développement, la taille, le service, les soins, et peut-être aussi la race et le sexe.

« La vie des juments, dit Hartmann à propos du sujet qui nous occupe, est ordinairement plus longue que celle des chevaux. Cette observation, déjà faite par Aristote100, répond à celle faite à différentes époques sur le genre humain, dont les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes.

« C’est, ajoute-il encore, un signe indubitable qu’un cheval de haras est de bonne race, ou du moins qu’il est sain, lorsqu’il tarde longtemps à se former. Celui qui ne cesse de croître qu’à six ans, sept ans, sera, sauf des accidents particuliers, de bon service pendant vingt ans et au delà, et peut même en vivre quarante et davantage...101. »

En ce qui concerne le service et les soins, il est évident que le cheval dont le travail est modéré et l’hygiène bien entendue a plus de chances de vivre vieux que celui qui doit fournir un travail quotidien long et pénible, avec une alimentation insuffisante et de mauvais traitements.

Quant à l’influence de la taille, MM. Goubaux et Barrier pensent, sans en donner la raison, que les petits chevaux durent, en général, plus longtemps que les grands.

D’après Bourgelat, « on peut arbitrer la vie commune du cheval dix huit ou vingt ans, le nombre de ceux qui dépassent ce terme étant très médiocre. Aristote a observé que les chevaux nourris dans les écuries vivent beaucoup moins que ceux qui sont en troupeaux ; l’état d’esclavage et de domesticité est bien fait pour faire opérer quelques différences. Athenaeus et Pline prétendent qu’on en a vu vivre soixante cinq et même soixante-dix ans. Augustus Nipheus parle encore du cheval de Ferdinand Ier comme d’un cheval septuagénaire ; mais ces observations ne sont que des exceptions, semblables, dans l’espèce des p. 204chevaux, aux exceptions qui, quelquefois, ont lieu dans l’espèce humaine...102. »

MM. Goubaux et Barrier citent, de leur côté, des exemples de chevaux ayant vécu trente-cinq, trente-huit, quarante-deux, quarante-trois et quarante-neuf ans.

Mais, bien que les propriétaires ne conservent ordinairement pas les animaux qui ne peuvent plus rendre de service, et qu’on manque, par ce fait même, d’éléments d’appréciation pour juger de la longévité du cheval, il est certain que cet animal atteint rarement un âge aussi avancé que dans les cas ci-dessus.

Aussi, à l’exemple de Bourgelat, acceptons-nous l’âge de dix-huit ou vingt ans comme durée moyenne de la vie du cheval.

p. 204

CHAPITRE XI
Des robes

On entend par robe, ou extérieur, l’ensemble des poils et des crins qui recouvrent la surface du corps.

Ces poils et ces crins présentent des colorations très variées, au moins chez nos animaux domestiques ; car, chez les animaux sauvages, la livrée est uniforme.

Les couleurs des poils du cheval sont : le noir, le blanc, le rouge, le roussâtre, le gris et le jaune. Le mélange des diverses nuances de ces couleurs forme la multiplicité des robes et rend leur étude assez compliquée.

On a réuni celles-ci en deux groupes principaux : les robes simples et les robes composées ; les premières sont formées de poils d’une seule espèce ; les secondes, au contraire, renferment des poils de plusieurs couleurs. Ces dernières ont été subdivisées en binaires et ternaires, suivant le nombre des nuances qu’elles présentent.

Voici, d’ailleurs, la classification complète des différentes robes du cheval103.

p. 205

I. — Classification des robes

ROBES

A. SIMPLES...

a. Une seule couleur répandue sur tout le corps, y compris les crins et les extrémités...

1° Blanc.

2° Café au lait.

3° Alezan.

4° Noir.

B. COMPOSÉES...

b. Deux couleurs séparées l’une, rouge, jaune, ou grise, sur le corps ; l’autre, noire, localisée aux crins et aux extrémités...

5° Bai.

6° Isabelle.

7° Souris.

c. Deux couleurs mélangées répandues sur tout le corps, extrémités et crins y compris...

8° Gris.

9° Aubère

10° Louvet.

d. Trois couleurs, deux ou trois mélangées....

11° Rouan.

e. Deux robes...

12° Pie.

Ensuite viennent les variétés dans chaque espèce, dont nous dirons un mot en même temps que nous décrirons celle-ci.

A. — Robes simples
Une seule couleur répandue sur tout le corps, y compris les crins et les extrémités

1° Robe noire. — Cette robe, qui n’a pas besoin d’être définie, comprend :

Le noir mal teint, terne, roussâtre au soleil.

Le noir franc, d’une belle couleur uniforme, mais sans reflet.

Le noir jais ou jayet, avec reflet brillant.

2° Robe blanche. — Cette robe se passe également de définition.

Elle présente plusieurs espèces :

Le blanc mat, d’aspect laiteux, sans reflet.

Le blanc sale, qui tire sur le jaunâtre.

Le blanc argenté, avec reflet d’argent pâle.

Le blanc porcelaine, qui a la teinte bleuâtre de la porcelaine de Chine.

Le blanc rosé, qui offre par places des teintes rosées dues à l’absence de pigment cutané.

p. 2063° Robe alezane. — La robe alezane est composée de poils fauves, roussâtres, tirant sur la couleur de la cannelle. Elle comprend :

L’alezan clair, dont la teinte jaunâtre rappelle le pelage des bêtes fauves.

L’alezan ordinaire, qui se rapproche de la couleur de la cannelle.

L’alezan foncé, tirant un peu sur le brun.

L’alezan doré, qui a le reflet de l’or poli.

L’alezan cuivré, qui présente le reflet du cuivre rouge.

L’alezan brûlé, dont la nuance est très exactement celle du café torréfié.

4° Robe café au lait. — Cette robe, dont la nuance ressemble à celle d’un mélange de lait et de café, se rapproche beaucoup de la robe alezane, dans laquelle, d’ailleurs, certains auteurs la comprennent.

Encore appelée soupe de lait, la robe café au lait est claire ou foncée.

B. — Robes composées

a. — Deux couleurs séparées : l'une, rouge, jaune, ou grise, sur le corps ; l'autre, noire, localisée aux crins et aux extrémités

1° Robe baie. — C’est la robe alezane avec des tons plus chauds, les crins et les extrémités noirs. Elle comprend :

Le bai clair, dont la teinte rouge est très claire.

Le bai ordinaire, de couleur nettement rouge.

Le bai cerise, le bai acajou, le bai sanguin, qui se ressemblent beaucoup et dont les qualificatifs indiquent la nuance.

Le bai châtain, d’un brun clair uniforme, comme la châtaigne arrivée à maturité.

Le bai marron, caractérisé par le reflet brillant et foncé du marron.

Le bai foncé, dont la couleur sombre tire sur le brun.

Le bai brun, qui se montre presque noir.

2° Robe isabelle. — Cette robe correspond au café au lait, avec crins et extrémités noirs. Elle est claire, ordinaire ou foncée.

La légende rapporte, à propos de l’étymologie de la couleur isabelle, que l’archiduchesse d’Autriche, fille de Philippe II d’Espagne p. 207et gouvernante des Pays-Bas, fit le vœu, lors du siège d’Ostende, où elle accompagnait son époux, de ne changer de linge qu’après la reddition de la place. La ville ayant résisté pendant trois ans (1601 à 1604), la chemise de la princesse avait acquis, au bout de ce temps, une nuance fauve spéciale à laquelle on donna, depuis, le nom d’isabelle104.

3° Robe souris. — La robe souris a une couleur gris cendré qui rappelle celle de l’animal de ce nom, avec crins et extrémités noirs. Elle peut aussi être claire, ordinaire, ou foncée.

b. — Deux couleurs mélangées répandues sur tout le corps, extrémités et crins y compris

1° Robe grise. — Composée d’un mélange de poils blancs et de poils noirs, cette robe comprend :

Le gris très clair, qui se rapproche beaucoup du blanc. Beaucoup d’auteurs n’admettent même pas la robe blanche, dans laquelle ils ne voient qu’une robe gris très clair.

Le gris clair, où les poils blancs dominent.

Le gris ordinaire, qui présente un mélange à peu près égal de blanc et de noir.

Le gris foncé, dans lequel les poils noirs dominent.

Le gris de fer, dont la nuance bleuâtre rappelle celle du fer fraîchement cassé.

Le gris ardoisé, qui a quelque analogie avec la couleur bleu sombre de l’ardoise.

Le gris sale, dont la teinte est jaunâtre.

2° Robe aubère. — Cette robe, formée d’un mélange d’alezan et de blanc, est claire, foncée, ou ordinaire, suivant que le poil blanc ou le poil alezan prédomine, ou qu’ils sont en proportion égale.

3° Robe louvet. — La robe louvet présente deux couleurs réunies sur le même poil : du noir et du jaune. Cette robe, très rare, peut également être claire, ordinaire, ou foncée.

p. 208
c. — Trois couleurs, deux ou trois mélangées

Robe rouanne. — La robe rouanne se trouve constituée par le blanc, l’alezan et le noir, celui-ci formant généralement, mais non toujours, les crins et les extrémités. Elle renferme :

Le rouan clair, où le blanc domine.

Le rouan vineux, où le rouge est en plus grande quantité.

Le rouan ordinaire, dans lequel les trois poils sont à peu près dans les mêmes proportions.

Le rouan foncé, lorsque le rouge-brun domine.

d. — Robe composée de deux robes

Robe pie. — Cette robe n’est autre chose que l’union, et non le mélange, de la robe blanche avec l’une ou l’autre de celles que nous venons de décrire. Il y a des chevaux pie noir, pie alezan, pie bai, pie aubère, pie rouan, etc.

Pour rendre le signalement plus exact, on est convenu de placer en première ligne le nom de la couleur qui l’emporte en étendue.

C’est ainsi qu’on dit pie bai lorsque le blanc est plus étendu que le bai, et bai pie dans le cas contraire.

II. — Particularités des robes

Les particularités des robes tiennent à des reflets brillants, à la présence de poils différents des autres, soit par la couleur, soit par la direction, enfin, à la décoloration de la peau et de la robe elle-même.

Nous les partagerons, à l’exemple de MM. Goubaux et Barrier, en quatre groupes principaux :

Particularités générales ; 2° particularités spéciales à la tête ; 3° particularités spéciales au corps ; 4° particularités spéciales aux membres.

A. — Particularités générales

1° Reflets brillants. — Ils comprennent : le jais, l’argenté, le doré, le cuivré, le bronzé, et le moiré.

p. 2092° Poils nuancés. — Nous y comprenons les miroitures et les pommelures.

Miroitures. — Les miroitures sont des taches régulières et arrondies, plus claires ou plus foncées que le fond de la robe, mais toujours de même couleur. S’observent sur les chevaux bais ou alezans.

Pommelures. — Taches analogues aux précédentes, ordinairement plus claires, quelquefois plus foncées que le fond de la robe. Particulières à la robe grise.

3° Poils blancs. — Les particularités dues aux poils blancs sont les suivantes :

Zabi. — Absence de poils blancs sur les robes foncées.

Rubican. — Poils blancs disséminés sur les sujets à robes noires, alezanes ou baies.

Neigé. — Les neigeures sont de petites taches blanches qui parsèment quelquefois une robe foncée.

Auberisé. — Quand les parties rouges de l’alezan ou du bai sont envahies par des poils blancs. Ex. : bai châtain auberisé sur la joue droite.

Grisonné. — Poils ou crins blancs sur une partie noire, à la crinière, à la queue, etc.

Taches accidentelles. — Marques blanches qui sont la conséquence de blessures produites par les harnais, les entraves, etc.

4° Poils noirs. — Les particularités formées par les poils noirs sont : le moucheté, l’herminé, le tigré, le tisonné, le charbonné.

Moucheté. — Les mouchetures sont de petites taches noires arrondies sur gris et quelquefois sur aubère.

Herminé. — Les herminures sont des taches noires plus ou moins grandes sur balzanes.

Tigré. — Les tigrures sont des taches noires irrégulières, plus allongées que les mouchetures, dont la disposition rappelle celle qu’on observe chez le tigre.

Tisonné. — La tisonnure est une tache noire irrégulière, paraissant avoir été produite par un coup de charbon éteint.

Charbonné. — La charbonnure est une marque noire plus large et moins nettement circonscrite que la tisonnure.

5° Poils rouges. — Nous signalerons dans ce groupe : le truité, le marqué de feu, le rouanné.

p. 210Truité.— Les truitures sont de petites taches rouges plus ou moins foncées sur le gris.

Marqué de feu. — On désigne ainsi la coloration rouge vif ou jaunâtre que présentent les poils de certaines régions, telles que le pourtour des yeux, les ailes du nez, chez les chevaux bais et alezans.

Rouanné. — Le rouanné est formé par des poils alezans mêlés à la robe grise.

6° Épis. — Il est certaines régions du corps où les poils forment des sortes de tourbillons auxquels on a donné le nom d’épis (Voy. plus loin, Direction générale des poils).

Ceux-ci sont concentriques ou excentriques, suivant que les poils convergent vers le centre du tourbillon ou, au contraire, s’en éloignent et en divergent.

Certains épis sont constants ; d’autres se manifestent seulement sur quelques individus.

Les épis constants sont ceux que l’on voit au front, au poitrail, aux ars, aux parties supérieure et inférieure du flanc.

En France, on n’attache aucune importance à la présence ou à l’absence des épis ; mais les Orientaux, les Arabes surtout, leur accordent une grande influence.

D’après le général Daumas105, les Arabes comptent ordinairement quarante épis chez le cheval, parmi lesquels douze seulement ont, selon eux, une influence bonne ou mauvaise. Six sont considérés comme augmentant les richesses, portant bonheur, et six autres comme causant la ruine, amenant l’adversité. Nous les signalons à titre de curiosité :

Épis de bon augure. — L’épi qui est entre les oreilles (l’épi de la têtière) : le cheval est vite à la course.

L’épi qui règne sur les faces latérales de l’encolure (le doigt du Prophète) : son maître meurt bon musulman, dans son lit.

L’épi qui suit le bord inférieur de l’encolure (l’épi du sultan) : amour, richesses, prospérité.

L’épi du poitrail : remplit la tente de butin.

L’épi du passage des sangles : augmente les troupeaux.

L’épi du flanc (épi des éperons) : s’il se dirige du côté du dos, p. 211préserve le cavalier de tout accident à la guerre ; s’il se dirige du côté du ventre et en bas, il est un signe de richesses pour son maître.

Épis qui portent malheur. — L’épi qui se trouve au-dessus des sourcils : son maître mourra frappé à la tête.

L’épi qui se trouve auprès du garrot et descend vers l’épaule (épi du cercueil) : le cavalier ne peut manquer de mourir sur le dos d’un pareil cheval.

L’épi qu’on rencontre sur les joues (les pleureurs) : dettes, pleurs, ruine.

L’épi du boulet (épi du vol) : matin et soir, le cheval qui le porte dit : « O mon Dieu, fais que je sois volé, ou que mon maître meure ! »

L’épi que l’on trouve à côté de la queue : annonce la misère, la famine.

L’épi qui règne à la face interne des cuisses : femmes, enfants, troupeaux, tout doit disparaître.

7° Décoloration de la robe ou de la peau. — On comprend dans ce groupe le lavé et les taches de ladre.

Lavé. —Décoloration générale ou partielle de la robe.

Ladre. — Décoloration de la peau due à l’absence de pigment et teinte rosée de celle-ci. Le ladre est dit marbré quand il est parsemé de petites taches noires.

B. — Particularités de la tête

Les particularités propres à la tête sont les suivantes :

1° Marques blanches en tête. — Le cheval est marqué en tête quand il présente des taches blanches sur le front ou le chanfrein.

On dit qu’il a quelques poils en tête, s’il n’offre qu’une petite quantité de poils blancs sur le front ;

Qu’il est légèrement en tête, s’il en a un plus grand nombre ;

Qu’il est en tête, si la tache est de dimension moyenne ;

Qu’il est fortement en tête, dans le cas où la marque est étendue ;

Qu’il est en tête prolongé, si elle se prolonge sur le chanfrein ;

Qu’il est en tête interrompu, lorsqu’elle est coupée par une place dépourvue de poils blancs ;

Relativement à la forme, à la situation, à la direction de la marque, on dit encore : p. 212Pelote en tête, quand cette marque est ronde ;

Étoile en tête, lorsqu’elle offre des prolongements analogues aux rayons d’une étoile ;

En tête en croissant, si elle a la forme d’un demi-cercle ;

Irrégulièrement en tête, en tête en cœur, en tête en pointe, en tête en haut, en tête en bas, en tête à droite, en tête à gauche, obliquement en tête, etc.

Enfin, relativement à sa composition, la marque peut être :

Mélangée, lorsque le fond de la robe apparaît à travers les poils blancs ;

Bordée, lorsqu’elle est circonscrite par une bordure mélangée ;

Truitée, mouchetée, herminée, etc.

La marque prend le nom de liste ou lisse, quand elle porte sur le chanfrein.

Le cheval est appelé demi-belle face si la liste s’étend sur l’une des parties latérales, et belle face si elle occupe les deux côtés du chanfrein.

La liste peut être petite, grande, complète, incomplète, interrompue, en pointe, terminée par du ladre, etc.

2° Boire dans son blanc. — Le cheval boit dans son blanc lorsque le bout du nez et les lèvres sont ladres.

3° Nez de renard. — Poils rouges ou jaunes, que les chevaux de robe foncée portent à l’extrémité inférieure de la tête.

4° Moustaches. — (Voy. IIe partie, Lèvres.)

5° Cap de maure. — Le cheval est cap de maure ou de more, lorsqu’il a la tête noire.

6° Œil vairon. — On désigne ainsi l’œil dont l’iris, dépourvu de matière colorante, reflète une couleur gris-jaunâtre.

C. — Particularités du corps

1° Raie-de-mulet. — La raie-de-mulet est une bande foncée, noirâtre, qui s’étend depuis le garrot jusqu’à la naissance de la queue. Elle s’observe chez les chevaux isabelles, bais, alezans, souris, gris, louvets.

2° Bande cruciale. — On appelle ainsi une bande foncée, analogue à la précédente, jetée transversalement sur le garrot et les deux épaules.

p. 2133° Crins mélangés. — Ainsi nommés lorsqu’il entre dans leur composition des crins blancs (robes alezane, baie, isabelle, souris, buvette).

D. — Particularités de membres

1° Balzanes. — Les balzanes sont des marques blanches de la partie inférieure des membres. Le cheval peut en avoir une ou plusieurs.

Lorsqu’il y a une seule balzane, on désigne l’extrémité qui la porte. Ex. : balzane antérieure gauche. S’il y en a deux, elles sont nécessairement antérieures, postérieures, latérales ou diagonales. Ex. : balzanes latérales ou diagonales gauches. Dans le cas de deux balzanes diagonales, le membre antérieur indique leur disposition ; on dit balzanes diagonales droites ou gauches, suivant le membre antérieur qui en est pourvu.

D’après leur étendue, on divise les balzanes en :

Trace de balzane, quand elle n’occupe qu’une faible partie de la couronne ;

Principe de balzane, lorsqu’elle entoure presque complètement la couronne ;

Petite balzane, quand elle monte vers le milieu du paturon (1, fig. 3, pl. XVI) [•]  ;

Balzane, toutes les fois qu’elle recouvre le boulet (2, fig. 3, pl. XVI) [•]  ;

Grande balzane, lorsqu’elle arrive au milieu du canon (3, fig. 5, pl. XVI) [•]  ;

Balzane chaussée, quand elle parvient au genou ou au jarret ;

Balzane haut-chaussée, si elle recouvre la jambe ou l’avant-bras.

Les balzanes peuvent être bordées, mouchetées, herminées, fruitées, mélangées, régulières, irrégulières, en pointe, dentées, etc.

On appelait autrefois travat le cheval qui était pourvu de deux balzanes latérales, et transtravat, celui qui en avait deux diagonales. De Solleysel106 considère ces marques comme très mauvaises.

De même, on nommait arzel, le sujet qui n’avait qu’une balzane postérieure droite, et l’on considérait une telle marque comme un mauvais présage. Il y a même une légende à ce propos : « La monture p. 214d’un certain Séjan, consul romain, favori de Tibère, était précisément arzelle, et comme elle coûta successivement la vie aux cinq maîtres qui l’eurent, on appliqua, par la suite, à ceux qui semblaient menacés d’une fin malheureuse, ce mot d’un fâcheux augure : « Il a le cheval de Séjan107 ! »

Il est évident que le nombre et la situation des balzanes n’influent en rien sur les qualités du cheval. Pourtant, aujourd’hui encore, beaucoup de vrais connaisseurs ne peuvent se défendre d’une certaine préférence capricieuse pour telle ou telle robe, pour telle ou telle marque ; c’est ainsi que le proverbe : « balzane trois, cheval de roi », est souvent pris en sérieuse considération, bien qu’on ne sache pas au juste s’il veut dire que le cheval est réellement bon ou qu’il a plus de brillant que de fond :

« De ces balzans de trois, dit à ce propos de Solleysel, marquez en teste, l’Italien les appelle cheval de roy, je ne sçay pourquoy, car je ne voy pas qu’ils soient meilleurs que les autres ; peut-être qu’il dit cheval de roy, parce que dans les escuries des roys, les chevaux travaillent peu et que le balzan de trois estant de médiocre travail, sera bon pour un roy108

2° Zébrures. — Les zébrures sont des marques noires transversales aux membres : chevaux isabelles, souris, alezans, bai clair.

3° Couleur de la corne. — Elle est blanche, noire ou mélangée. S’indique rarement.

III. — Causes des modifications des robes

1° Influence de l’âge. — En naissant, le poulain est couvert de poils ternes, bourrus, dont il est très souvent impossible de préciser la nuance ; d’ailleurs, ces poils disparaissent vers le milieu de la première année et sont remplacés par d’autres de coloration généralement toute différente. « Ainsi, dit de Curnieu [•] 109, le gris naît toujours très foncé, souvent absolument noir ; le noir, au contraire, est d’abord roussâtre, quelquefois même gris de cendre... »

Les robes d’adultes elles-mêmes changent au fur et à mesure que p. 215les animaux prennent de l’âge. Le bai, par exemple, devient rubican, puis aubère ou rouan. Le gris foncé est envahi de plus en plus par le blanc ; de sorte qu’il faut bientôt le classer gris clair et même blanc. Cette dernière modification survient d’autant plus rapidement que la tête de l’animal est plus claire au début.

2° Influence du sexe. — Ordinairement le cheval entier a les poils plus lisses, d’une nuance plus franche que le cheval hongre et la jument.

3° Influence des saisons, des climats et du hâle. — En hiver et dans les pays froids, les poils des chevaux sont beaucoup plus longs, plus ternes, plus clairs qu’en été et sous les climats chauds. De même, un cheval qui demeure presque constamment exposé au soleil et à l’air libre prend une robe plus claire, plus malpropre que celui qui reste presque toujours à l’écurie, à l’abri des intempéries, protégé contre la poussière, le froid et le hâle, par des couvertures, des camails, etc.

4° Influence de la lumière. — L’intensité de la lumière solaire change tout à fait l’aspect de la robe et lui communique des tons vifs et des reflets éclatants qu’elle n’a pas à l’ombre.

5° Influence de la santé, de l’embonpoint. — Le cheval malade et maigre n’a jamais le poil aussi brillant que le cheval gras et en bonne santé.

6° Influence du pansage et du tondage. — Les chevaux bien pansés ont toujours la robe plus lustrée que ceux malproprement tenus.

Le tondage éclaircit les robes foncées, et fonce très légèrement, au contraire, les robes blanches et gris clair ; c’est ainsi que le noir franc devient mal teint.

IV. — Indices fournis par les robes sur les qualités des chevaux

On a cru pendant longtemps, beaucoup de personnes croient encore à l’influence de la couleur des poils sur les qualités ou les défauts du cheval ; rien, cependant, n’est aussi absurde que cette croyance aux bonnes et aux mauvaises marques ! Mais, qu’y a-t-il de plus difficile à détruire qu’un préjugé ?

p. 216S’il nous fallait donner la liste de toutes les opinions plus ou moins incohérentes et étranges qui ont été émises relativement à la valeur des indices fournis par les robes et les marques particulières pour le choix des chevaux, un chapitre entier ne serait pas suffisant ; aussi ne relèverons-nous, à cet égard, que certains faits particuliers dignes d’intérêt.

En règle générale, nous le répétons, il n’y a pas l’ombre d’une raison en faveur du jugement porté, et depuis longtemps déjà l’expérience a fait consacrer par un proverbe qu’il est de tous poils bons chevaux ; pourtant, « il n’en est pas moins vrai, dit Lecoq110, que le tempérament de l’animal influe sur la couleur de son pelage, dans les espèces domestiques. On s’accorde généralement à regarder les chevaux de poil pâle ou lavé comme moins forts que ceux dont la robe est foncée ou brillante...»

D’un autre côté, la nuance des poils pouvant quelquefois être considérée comme un caractère de race, l’acheteur, dans ce cas, a quelque raison d’exiger une robe déterminée. C’est un élément d’appréciation qui vient s’ajouter utilement aux autres. Mais là, pas plus qu’ailleurs, la couleur des poils ne peut être considérée comme ayant une action propre sur les qualités ou les défauts du cheval. Donc, à part quelques marques que tout le monde regarde avec raison comme d’un aspect désagréable (larges listes en tête, belles faces, balzanes grandes et haut-chaussées), il n’est pas logique de rechercher telle ou telle robe, telle ou telle marque comme indice de la beauté du cheval.

Aussi, croyons-nous inutile de reproduire ici toutes les métaphores des Arabes à ce sujet. Leurs appréciations du cheval, d’ordinaire si justes, ne reposent, dans ce cas particulier, sur aucun fondement sérieux ; ce sont ordinairement de vulgaires superstitions pouvant se résumer ainsi :

« Le blanc, c’est la couleur des princes ; mais il ne supporte pas la chaleur.

« Le noir porte bonheur ; mais il craint les pays rocheux... Il ressemble à la négresse du Soudan, qui ne peut marcher pieds nus sur les cailloux.

p. 217« L’alezan est le plus léger. Si l’on assure avoir vu un cheval voler dans les airs, demandez de quelle couleur il était ; si l’on vous répond : alezan, croyez-le. Le Prophète a dit : « Si, après avoir rassemblé au même endroit tous les chevaux des Arabes, je les faisais courir ensemble, c’est l’alezan qui les devancerait tous. ».

« Le bai, c’est le plus dur et le plus sobre. Si l’on vous dit qu’un cheval a sauté dans le fond d’un précipice sans se faire de mal, demandez de quelle couleur il était ; si l’on vous répond : bai, croyez-le.

« Le pie, fuyez-le comme la peste ; c’est le frère de la vache.

« L’isabelle à queue et crins blancs. Un chef ne voudrait pas monter un pareil cheval ; il y a même des tribus qui ne consentiraient pas à lui laisser passer la nuit chez elles. On l’appelle le jaune du juif.

« Le rouan. On l’appelle une mare de sang. Son maître sera pris et ne prendra jamais.

« Si le cheval a des balzanes, désirez trois balzanes, un pied droit exempt, celui de devant ou de derrière indifféremment. Le Prophète a dit : « Si tu veux aller à la guerre, achète un cheval avec une pelote au front et des balzanes à toutes les jambes, la droite de devant exceptée.

« Un bon signe est le pied droit de devant et le pied gauche de derrière blancs tous deux.

« Deux balzanes postérieures sont un indice de bonheur.

« Il n’en est pas de même de deux balzanes antérieures et surtout de quatre balzanes. N’achetez jamais un cheval belle face avec quatre balzanes ; car il porte son linceul avec lui111. »

Quant aux indications fournies, selon les Arabes, par les épis, nous les avons déjà résumées en parlant des particularités des robes.

« Dans les corps de troupe, dit la Commission d’hygiène hippique, les robes claires où se mêle le blanc sont les moins estimées avec quelque raison. En temps de paix, les chevaux gris ou blancs paraissent toujours moins propres que les autres, et, en temps de guerre, ils servent souvent de point de mire à l’ennemi112. »

À ce dernier point de vue, nous ne partageons pas l’avis de la Commission d’hygiène hippique et nous croyons que le discrédit dont jouissent à la guerre les chevaux de robes grises ou blanches résulte d’une erreur d’appréciation qui s’est perpétuée, enracinée p. 218chez nous, comme tant d’autres, qu’une observation plus rigoureuse et un jugement plus sain ont seuls pu détruire : « On comprendrait difficilement, dit M. Sanson, que sur le fond éclairé d’un champ de bataille, des chevaux de couleur sombre, baie ou noire, fussent moins visibles que ceux de couleur claire, de couleur grise ou blanche notamment. Nul n’ignore qu’à l’horizon les points noirs s’aperçoivent de plus loin que les points blancs. Sur un fond lumineux, c’est l’ombre qui fait tache, non la lumière113. »

V. — Direction générale des poils

Bien que ce paragraphe soit un peu en dehors du domaine de l’extérieur proprement dit, nous avons pensé qu’il pourrait être lu avec quelque intérêt par le lecteur, soit que celui-ci veuille reproduire le cheval sur la toile, soit qu’il se trouve obligé de recourir à une opération intéressant une plus ou moins grande étendue de peau114, soit qu’il désire pratiquer des massages sur un point quelconque de la surface du corps, etc., etc.

L’implantation des poils se fait en général obliquement et suivant des lignes décrivant des courbes plus ou moins régulières (fig. 101, 102 et 103 du texte), qui constituent des courants, tantôt divergents ou excentriques, tantôt convergents ou concentriques.

1° Les courants divergents partent de points centraux ou tourbillons, auxquels on a donné, chez le cheval, le nom d’épis. Les racines des poils sont alors dirigées vers le centre du tourbillon, et les extrémités en sens inverse.

Quelques-uns de ces tourbillons ou épis divergents sont constants ; d’autres n’existent que chez certains individus.

Les premiers se trouvent vers le milieu du front, aux ars et à la partie inférieure du flanc.

2° Les courants convergents sont formés par des poils dirigés en sens inverse, c’est-à-dire que les extrémités de ceux-ci sont tournées vers le tourbillon.

p. 219Il y a également des tourbillons convergents constants et d’autres qui n’existent qu’exceptionnellement.

Les épis convergents constants se rencontrent à droite et à gauche du poitrail et à la partie supérieure du flanc.

Les lignes suivant lesquelles deux tourbillons voisins se rencontrent, ou lignes nodales, disent MM. Beaunis et Bouchard115, aboutissent à des points de rencontre de quatre courants ou croix.

Fig. 101. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de profil.

Les lignes nodales les plus importantes se trouvent au flanc et de chaque côté du poitrail ; celle du flanc se dirige verticalement de l’épi excentrique inférieur à l’épi concentrique supérieur ; celles du poitrail vont, verticalement aussi, des épis divergents des ars à chaque épi convergent du poitrail.

p. 220Les croix se rencontrent de chaque côté des reins, à droite et à gauche du poitrail, etc.

En somme, les quelques lignes que nous venons de consacrer au sujet qui nous occupe, jointes à l’examen des figures 101, 102 et 103 du texte, amèneront certainement le lecteur à conclure avec nous qu’il n’est pas juste de définir tout simplement l’épi un changement de direction des poils ou un rebroussement de ceux-ci, comme se sont contentés de le faire la plupart des auteurs.

Fig. 102. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de face.

Fig. 103. — Lignes d’implantation des poils, le cheval vu de derrière.

La première définition, en effet, n’est pas suffisante, car il est facile de se rendre compte que, dans une même région, les poils affectent souvent des changements de direction sans, pour cela, former d’épis. Quant à la seconde, elle s’applique très bien aux épis convergentsp. 221 ; mais elle n’est plus vraie quand il s’agit des épis divergents.

Il serait donc préférable, à notre avis, de définir les épis des espèces de tourbillons, dont le centre est tantôt le point de divergence, tantôt le point de convergence des poils d’une région ; d’où leur division en épis divergents ou excentriques et en épis convergents ou concentriques, etc.

Nous terminons là ce paragraphe, dont l’utilité, au seul point de vue de l’appréciation du cheval, est et demeurera probablement longtemps encore tout à fait nulle, aucune preuve expérimentale n’étant venue donner la raison physiologique de la direction normale des poils et de la présence des épis constants, aucune observation sérieuse, enfin, n’ayant jusque-là légitimé l’importance que les Arabes accordent à la présence ou à l’absence des épis.

Nous avons vu, d’ailleurs, aux paragraphes II et IV, ce qu’il y a lieu de penser des indices fournis par ces particularités des robes sur la qualité des chevaux.

p. 221

Chapitre XII
De la taille

La taille du cheval se mesure du sommet du garrot au sol. D’après Vallon, elle varie entre 1 mètre et 2m, 10. Toutefois, si ce dernier chiffre ne peut guère être dépassé, il est évident qu’on rencontre des sujets dont la taille n’atteint pas 1 mètre. Dans le relevé de leurs chiffres extrêmes, MM. Goubaux et Barrier citent un petit cheval de provenance espagnole qui avait 0m, 98. Nous avons vu nous-même dans un cirque, à Londres, un petit poney irlandais qui ne mesurait que 0m, 96.

Les différences de taille tiennent à la race et à l’individu, à la quantité et à la qualité des aliments, au sol, au climat, et aux soins que l’animal reçoit. « Partout, dit Vallon, où la nourriture est abondante et ne manque dans aucune saison, le cheval est ordinairement grand et étoffé, tandis que partout où elle est parcimonieuse, ne fût-ce que pendant une partie de l’année, il est petit et peu développé116

Différents instruments servent à l’appréciation de la taille ; les p. 222plus communément employés sont la chaîne, la potence ou hippomètre proprement dit et la canne hippométrique.

La chaîne, actuellement au moins, est composée d’une tige solide, de longueur connue, mais toujours inférieure à la taille moyenne des chevaux, et d’un corps flexible fixé à cette tige (corde ou lanière de cuir), sur lequel sont disposés des nœuds indiquant les divisions de la mesure adoptée. Elle n’est plus qu’exceptionnellement employée par les marchands sur les champs de foire ; c’est alors leur fouet qui, disposé comme ci-dessus, tient lieu de cet instrument. La chaîne a l’inconvénient de toujours accuser une taille plus forte que si l’on s’était servi de l’hippomètre, grâce au contour de l’épaule qu’a dû suivre la partie flexible.

L’hippomètre le plus simple consiste en une tige plate ou quadrangulaire, longue d’environ 2 mètres, graduée de bas en haut, sur laquelle glisse une espèce de curseur horizontal que l’on arrête à l’aide d’une vis de pression, quand on l’a descendu doucement jusqu’au niveau supérieur du garrot.

Cet instrument, quelques modifications qu’on y ait apportées, a l’inconvénient d’être trop encombrant ; aussi, ne peut-on guère l’utiliser que dans les grands établissements, les régiments, etc.

On se sert le plus souvent, aujourd’hui, d’un instrument facilement transportable, la canne hippométrique. C’est une canne ordinaire qui engaine une tige métallique graduée, creusée supérieurement d’une rainure longitudinale destinée à loger une branche horizontale et le support qui maintient cette branche constamment perpendiculaire à la tige en question.

Pour mesurer un cheval, certaines précautions sont à prendre : on doit d’abord placer l’animal sur un terrain aussi horizontal que possible et le maintenir dans l’état de station fixe, la tête légèrement levée et l’œil du côté de la personne qui va toiser couvert avec la paume de la main. Quant à l’hippomètre, « on le place bien verticalement et au niveau du sommet du garrot, en ayant soin surtout que le bout inférieur ne s’enfonce pas dans quelque cavité. On abaisse alors la traverse, après avoir desserré la vis, et on la fixe de nouveau à la taille exacte de l’animal, que l’on trouve indiquée sur la tige117. »

p. 223Il est indispensable, toutes les fois que l’on mesure un cheval, de tenir compte de la hauteur des talons de devant, de l’épaisseur des fers et des crampons, qui augmentent facilement la taille de l’animal de 1 ou 2 centimètres.

On doit apprécier la taille d’autant plus exactement qu’elle est un des principaux éléments du signalement, et que sans elle on ne peut déterminer sûrement la catégorie dans laquelle on doit ranger le cheval.

En général, le cheval grandit depuis sa naissance jusqu’à cinq ans. À partir de cet âge, sa taille reste stationnaire (Voy. Âge ; périodes et durée de la vie du cheval).

Nous avons vu, à propos des aptitudes, la taille qui convenait le mieux pour les différents services.

Chapitre XIII
Des signalements

On entend par signalement l’énumération des caractères extérieurs qui permettent de distinguer un cheval de tous les autres. Il est sommaire ou détaillé, suivant le nombre des renseignements qu’on y fait entrer.

Dans le signalement sommaire, on se borne à indiquer le sexe, l’âge, la taille, la robe de l’animal, ainsi que les différentes marques naturelles qu’il peut présenter.

Dans le signalement détaillé ou composé, on indique, de plus, la provenance du cheval, sa race, ses tares, son prix de vente et quelquefois son pedigree118, ses performances119, le nom et l’adresse du propriétaire.

Nous verrons que dans l’armée, les haras, les grandes administrations, le signalement s’écarte un peu du cadre ci-dessus.

Modèles de signalements. — Nous allons donner quelques exemples de signalements :

Signalement simple. — Cheval hongre, quatre ans, 1m, 58, bai p. 224foncé, neigé sur la croupe ; en tête ; trois balzanes, dont une antérieure droite.

Signalement détaillé. — « 243, cheval hongre, normand, de trait léger, bai châtain foncé miroité ; rubican ; en tête finement prolongé par une petite liste déviée, terminée par du ladre aux naseaux et à la lèvre inférieure ; trois taches accidentelles sur les côtés du garrot ; grisonné à la base de la queue ; trois balzanes, dont une petite antérieure droite ; queue écourtée ; âgé de six ans faits ; taille de 1m, 56 sous potence ; acheté 1,050 francs à Caen. » (Goubaux et Barrier.)

3° Signalement des haras. — « Agar, jument de pur sang anglais ; 1m, 58 ; alezane ; fortement en tête ; balzane postérieure droite ; née au haras du Pin, en 1837 ; son père Eastham ; sa mère, Danaé.

« Le père d’Eastham, sir Oliver ; sa mère, Cowslip.

« 1840. Imbroglio, par Paradox.

« 1841. Ben Agar, par Lottery.

« 1842. Beine de Chypre, par Éylau (Vallon). »

Signalement militaire. — « Dans les établissements de remonte et dans les corps de troupes à cheval, il n’y a qu’une seule forme de signalement, dont les indications sont énumérées dans l’ordre suivant :

« 1° Le numéro matricule ; 2° le nom ; 3° le sexe ; 4° l’âge ; 5° la taille ; 6° la robe ; 7° les particularités ; 8° la provenance ; 9° le prix d’achat ; 10° l’arme. » (Commission d’hygiène hippique.)

Chapitre XIV
Des aptitudes

On entend par aptitude d’un cheval la réunion des qualités qui le rendent propre à tel ou tel service.

La plupart des auteurs, se basant sur ce fait que le cheval porte ou tire, ont divisé l’espèce chevaline, sous le rapport du service, en deux grandes catégories : l’une renfermant les chevaux de selle, l’autre comprenant les chevaux de trait.

Cette division, juste en elle-même, a le tort de confondre certaines aptitudes qu’il est utile de distinguer. C’est pourquoi nous préférons celle adoptée par MM. Goubaux et Barrier, qui distinguent des chevaux p. 225de course, des chevaux de guerre, des chevaux de luxe, et des chevaux d’industrie et de commerce.

I. — Chevaux de course

On peut subdiviser les chevaux de course en chevaux de course plate, en chevaux de steeple-chase, et en trotteurs de course.

A. — Cheval de course plate

Destiné à parcourir monté une piste sans obstacle, avec la plus grande vitesse possible, le cheval de course plate doit de toute nécessité avoir une taille élevée (1m, 55 à 1m, 65). Aussi, le grandit-on tous les jours pour augmenter l’amplitude de ses enjambées. Mais l’élongation des leviers osseux ne pouvant malheureusement se faire qu’aux dépens de leur force de résistance, le cheval de course actuel, quoique plus vite en général que l’ancien, est beaucoup moins capable de supporter une longue course et une forte charge que ce dernier. C’est ce qui résulte des observations recueillies par les hommes spéciaux.

« Pour les courses ou pour servir d’étalons, dit William Day, nous préférons un cheval moyen de 1m, 57 environ...

« Un vraiment bon grand cheval sera meilleur qu’un bon petit cheval ; mais, en règle générale, vous aurez cinquante petits chevaux bons pour un seul de grande taille. Bay Middleton et Élis étaient de grands chevaux ; ils n’ont rien fait comme reproducteurs. Venison, qui était un poney, a brillé sur les hippodromes et au haras ; son fils Joë Miller également, et bien d’autres.

« Sur une petite distance, il se peut qu’un grand cheval en batte un petit ; mais un petit cheval vraiment bon battra toujours le grand sur une longue distance...

« Camerine était peut-être la meilleure jument pour 6 000 mètres qui ait jamais existé, et Touchstone le meilleur cheval. La jument, après avoir gagné une course de 6 000 mètres sur le Bacon Course, a traversé la ville et a été jusque sur les collines de Bury sans qu’on puisse l’arrêter. Cependant, aucun des deux chevaux n’avait plus de 1m, 50. et Venison avait encore moins.

p. 226« Les petits chevaux sont décidément les meilleurs. Joë Miller a fait des chevaux extraordinaires aussi, a toujours battu les grands chevaux, et, après une carrière fort longue, il a été envoyé au haras aussi sain que le jour de sa naissance. Pour citer des exemples contraires, il faudrait feuilleter avec bien du soin les annales du turf ; nous ne connaissons guère que Rataplan et Fisherman, en fait de grands chevaux, qui aient couru longtemps et bien... »120

Voici, après tout, les principaux caractères que doit présenter le cheval de course plate : Encolure droite et longue ; épaule, croupe, cuisse, fesse, jambe, avant-bras également longs ; ligne du dessus bien soutenue ; poitrine haute, sans trop d’ampleur ; garrot élevé ; articulations larges ; tendons forts et écartés des canons ; ventre peu développé ; peau, poils et crins fins ; physionomie expressive121.

Le cheval de course plate est toujours de pur sang. Il est inscrit, soit au Stud-Book anglais, soit au Stud-Book français.

B. — Cheval de steeple-chase

Là encore le cheval est monté et toujours mené au galop rapide ; mais on a placé sur le trajet de la piste un certain nombre d’obstacles artificiels, que l’animal doit franchir avant d’atteindre le but.

La conformation du cheval de steeple-chase ne diffère guère de celle du cheval de course plate. Pour les courses d’obstacles on recherche aussi une grande taille, une poitrine haute, beaucoup de garrot, etc. ; mais ce qu’on demande avant tout, c’est une forte musculature de l’arrière-main, particulièrement de la croupe, un grand développement des articulations, surtout des jarrets, et de beaux aplombs des membres antérieurs.

Le dressage fait le reste.

Actuellement, le cheval de steeple-chase est presque toujours de pur sang.

p. 227

C. — Trotteurs

Les trotteurs sont destinés à courir au trot sur l’hippodrome, attelés et montés ; d’où la division de ces chevaux en trotteurs d’attelage et en trotteurs de selle.

Leur taille doit varier entre 1m, 50 et 1m, 65. Les reins, la croupe, les cuisses, les fesses, les jambes et les jarrets doivent être puissants.

On recherche également une poitrine haute et profonde ; une encolure, des épaules et des avant-bras longs ; des articulations larges et nettes122.

Plusieurs pays fournissent des trotteurs renommés ; tels la Russie, l’Angleterre, la France et les États-Unis. Les trotteurs anglais nous arrivent du Norfolk et du Yorkshire ; ceux de Russie se font au haras d’Orloff ; quant aux français, ils nous viennent, en général, de la Normandie, plus rarement des Ardennes.

II. — Chevaux de luxe

Les chevaux que nous rangeons dans cette catégorie se montent ou s’attellent. On peut les diviser en chevaux d’attelage et en chevaux de selle ; mais nous devons faire remarquer que cette division n’est pas absolue, beaucoup de chevaux de luxe pouvant être indistinctement montés ou attelés.

A. — Chevaux d'attelage

Encore appelés carrossiers, les chevaux d’attelage se subdivisent en grands et en petits carrossiers.

Les grands carrossiers s’attellent presque toujours en paire et ont, en général, une taille qui varie entre 1m, 60 et 1m, 70. On doit les choisir avec une belle conformation et des allures brillantes.

Malheureusement, leur valeur intrinsèque passe souvent en seconde ligne ; car on suppose qu’ils ont toujours assez de fond pour résister au service peu pénible qu’on exige d’eux.

« Si on consacre ces beaux animaux à un service de distances, p. 228dit M. de Lagondie123, leur poids, leur vigueur et leurs allures relevées ont bientôt brisé sur le pavé leurs pieds élégants, et il faut recourir, souvent trop tard, aux chevaux de service, qui doivent faire le travail de nuit, les excursions à la campagne, etc. » Aussi est-il sage, ajoute l’auteur précité, de réserver les carrossiers « pour les promenades des parcs ou du bois de Boulogne, ou tout au plus pour le stationnement devant les magasins du boulevard ».

Les petits carrossiers, encore appelés chevaux de phaéton, s’attellent seuls ou en paire ; ils ont une taille qui oscille entre 1m, 55 et 1m, 62. Comme les précédents, on doit les rechercher élégants avec des allures brillantes ; mais, leur travail étant d’ordinaire plus pénible, il est indispensable qu’ils soient plus gros, plus doublés.

Les grands et les petits carrossiers les plus estimés nous viennent d’Angleterre ou de Normandie. La Hollande, le Hanovre et le Mecklembourg en fournissent aussi quelques-uns ; mais ils passent bien après les premiers.

Ce sont, en général, des métis plus ou moins près du pur sang.

B. — Chevaux de selle

Parmi les chevaux de selle, on distingue le hack, le cob, le cheval de chasse, le double poney et le poney, qui doivent présenter les qualités générales suivantes : tête fine ; encolure longue, souple ; garrot élevé ; dos et reins droits, courts ; pieds bons ; aplombs réguliers.

Le hack est le plus brillant, le plus estimé de tous. Sa taille varie entre 1m, 55 et 1m, 62. Il doit être bien proportionné, léger, vigoureux et excessivement souple dans ses mouvements.

Les beaux hacks sont de pur sang anglais, ou viennent du haras de Trakehnen, dans la Prusse Orientale ; d’où le nom de trakens, sous lequel on désigne quelquefois ces derniers. La Normandie et le Wurtemberg en fournissent également d’assez estimés.

M. de Lagondie124 distingue des hacks de promenade et des hacks de route. « Les premiers, dit-il, n’ont besoin que de belles formes avec des allures voyantes ; tandis que l’on choisit un cheval de voyage pour ses qualités utiles. »

p. 229Le cob peut être utilisé à la fois comme cheval de selle et comme cheval d’attelage. Sa taille oscille entre 1m, 50 et 1m, 60, en France tout au moins, car en Angleterre il est beaucoup plus petit.

Ce cheval doit être près de terre, bien membré, large de poitrine, et en même temps élégant avec de belles allures. Les beaux cobs viennent d’Angleterre et d’Irlande. La France en fournit aussi quelques-uns.

Le cheval de chasse, connu sous le nom de hunter en Angleterre, a une taille qui varie entre 1m, 55 et 1m, 62. Il doit présenter un dessus bien soutenu, des membres convenablement charpentés et bien d’aplomb, une poitrine très descendue, de l’énergie, du fond et de la vitesse. Il lui faut en même temps un bon dressage.

Les meilleurs chevaux de chasse sont des métis anglais ou irlandais.

Le double poney est solidement charpenté, mais plus petit, moins fin et moins rapide que le cob. On le rencontre un peu partout.

Le poney est encore plus petit ; il a la tête camuse, le corps près de terre, bien musclé, les membres fins, et les crins très longs.

Il est, en général, l’apanage des pays pauvres et montagneux.

III. — Chevaux de guerre

Les chevaux de guerre peuvent être divisés en chevaux de selle et en chevaux de trait.

A. — Chevaux de selle

Ces chevaux doivent être robustes avant tout, avoir la tête petite, l’encolure longue, le garrot élevé, le dos et les reins droits, courts, larges, la poitrine ample, les articulations très développées, les aplombs réguliers, les pieds bons, les yeux absolument sains.

À ces qualités, le cheval de selle doit joindre la vigueur, la légèreté d’allures, la souplesse, en même temps qu’assez de patience pour ne pas trop s’effrayer pendant le feu, et exécuter, sans faire une dépense de force inutile, les mouvements désordonnés auxquels la cavalerie est quelquefois obligée d’avoir recours dans les circonstances difficiles.

« Il est bon, dit Vallon125, que le cheval de cavalerie ait de la noblessep. 230 et de la distinction ; mais il ne doit pas avoir trop de sang ni surtout être trop irritable.... »

La célèbre charge des lanciers anglais à Balaklava fournit, à cet égard, un enseignement très précis. La perte à peu près complète du beau régiment britannique, qui fut le résultat de cette charge funeste, ne peut, en effet, être attribuée qu’à l’énergie excessive, qu’au caractère trop irritable de ses chevaux qui, une fois lancés sur les rangs ennemis, ne purent être ramenés en temps opportun par les cavaliers.

Le cheval de cavalerie doit donc être, en somme, vigoureux, robuste, facile à conduire, n’en déplaise à ceux qui soutiennent que la vitesse doit être maintenant sa première, sa principale, sa seule vraie qualité, comme si une fée quelconque devait dorénavant transporter, d’un coup de sa baguette magique, la cavalerie sur le lieu du combat, comme si les étapes forcées, les privations, les intempéries ne devaient pas être, aussi bien que jadis, les plus redoutables ennemis de nos chevaux.

D’après la taille, le développement des formes, les chevaux de selle sont classés en chevaux de réserve (cuirassiers), de ligne (dragons), et de cavalerie légère (hussards et chasseurs).

Dans chacune de ces catégories on distingue le cheval de tête ou d’officier et le cheval de troupe.

Le cheval d’officier doit nécessairement avoir des formes plus distinguées, des allures plus rapides ; mais, comme pour le cheval de troupe, il faut que ces qualitées soient alliées à la force, à la rusticité et à la docilité ; car, « dans les manœuvres, l’officier qui monterait un cheval trop ardent, trop irritable, aurait trop à s’occuper de sa monture et ne pourrait apporter assez d’attention aux ordres qu’il doit donner ou exécuter »126.

« On ne doit classer tête, dit M. le capitaine Rivet127, que le cheval qui en est réellement digne, et ne pas se laisser prendre à des apparences de distinction qui n’ont pas derrière elles un fond de solidité : il arriverait souvent, en agissant ainsi, qu’on achèterait des chevaux d’officiers ayant moins de qualités sérieuses que les chevaux de troupe.... »

La taille varie suivant les armes ; elle est de 1m, 54 à 1m, 60 pour p. 231la cavalerie de réserve, de 1m, 50 à 1m, 54 pour la cavalerie de ligne, et de 1m, 48 à 1m, 50 pour la cavalerie légère.

Les principaux centres de production des chevaux de cavalerie sont, en France, la Normandie, la Bretagne, le Limousin, le Bigorre, la Vendée et le Morvan ; en Afrique, l’Algérie et la Tunisie.

Quand il s’agit du moteur en mode de vitesse, que celui-ci soit un cheval de luxe ou un cheval de guerre, il est une donnée qu’on doit toujours prendre en considération : c’est la légèreté de la masse.

« Au-delà d’un certain poids, les chevaux que l’on fait mouvoir à l’allure du trot ne sont plus utilisables, puisqu’à cette allure la force dont ils disposent suffit tout juste pour les transporter eux-mêmes... Aussi, n’y a-t-il point lieu de s’étonner que jamais la grosse cavalerie française n’ait pu résister aux fatigues d’une campagne tant soit peu prolongée, et que, même en garnison, sa mortalité soit de 50, 57 sur 1000 d’effectif, tandis que celle de la cavalerie légère n’est que de 23, 33128.

« La conclusion à tirer de là, pour le cas particulier, c’est que la cavalerie de réserve, si tant est qu’elle soit utile aux armées, ce sur quoi nous n’avons pas à nous prononcer ici, devrait être remontée en chevaux d’un poids qui ne dépasserait pas 500 kilogrammes... Plus les chevaux de selle sont petits et légers, plus leur travail disponible est proportionnellement grand. La cavalerie légère d’Afrique nous en donne depuis longtemps la preuve pratique. Les cavaliers, chasseurs ou spahis, ne pèsent pas moins en moyenne que les dragons. Bon nombre d’entre eux pèsent autant que les cuirassiers. Dans toutes les campagnes auxquelles ils ont pris part avec les dragons et les cuirassiers, en Crimée, en Italie et en France, les chevaux de chasseurs ont toujours mieux résisté que les autres aux fatigues de la guerre, tout en faisant un service plus long et plus pénible...

« On a donc bien tort, dans le choix des chevaux de guerre, de ne pas abaisser le minimum de taille exigé maintenant jusqu’à la limite de ce qui est nécessaire pour que le cavalier puisse tenir à cheval, dût-on élever son assiette par un artifice comme celui dont se servent les Arabes, les Cosaques, les Hongrois, etc. La cavalerie de ces peuples a toujours été la plus mobile, la plus résistante, la plus infatigable de p. 232toutes, précisément parce qu’elle est composée de très petits chevaux »129.

« Jamais, écrit d’autre part un officier de cavalerie d’une compétence indiscutable, la pesanteur des grands chevaux ne leur permettra de suivre les petits dans leurs mouvements rapides, et si l’on tentait de le faire, ce serait en quelques jours leur destruction totale130 »

Ces opinions corroborent de tous points celle de William Day, que nous avons rapportée à propos des chevaux de course.

B. — Chevaux de trait

« Appelés à exécuter, dans certaines circonstances, des mouvements rapides au trot et au galop, les chevaux de trait devront joindre à la force une certaine légèreté ; la charpente osseuse sera solide, l’appareil musculaire bien développé, le corps court et souple, les membres doués d’articulations larges, les pieds irréprochables131. »

Ces chevaux sont destinés à l’artillerie et au train.

Leur taille oscille entre 1m, 48 et 1m, 54.

Ils n’ont guère de centres de production spéciaux.

IV. — Chevaux d'industrie et de commerce

On comprend dans cette catégorie de chevaux ceux qui ne sont employés ni par le luxe ni par l’armée. Ils peuvent être divisés en chevaux de gros trait lent, de gros trait rapide, et de trait léger.

Les chevaux de gros trait lent sont ceux qu’on attelle aux grosses charrettes, aux tombereaux, aux gros camions, etc. Ils doivent être massifs, près de terre, fortement musclés, avoir des membres solides, l’épaule peu oblique et de bons pieds. On les recherche surtout entiers, parce qu’on les trouve plus vigoureux.

La taille de ces chevaux varie entre 1m, 60 et 1m, 75.

Leurs principaux centres de provenance sont : en France, le Boulonnais, le Perche, la Beauce, les Ardennes, la Picardie ; en Belgique, le Brabant ; en Angleterre, le Suffolk et le Norfolk.

Les chevaux de gros trait rapide sont surtout utilisés pour le service des brasseurs, des messageries et des omnibus. Ils doivent être moins p. 233massifs, plus hauts de membres et plus rapides d’allures que les précédents. Leur taille est de 1m, 60 à 1m, 65. On les trouve surtout dans le Perche, la Beauce et la Normandie ; mais les percherons sont de beaucoup, et à juste raison, les plus estimés.

Les chevaux de trait léger, dont le vrai type était autrefois le postier, sont utilisés aux voitures de commerce, aux tapissières, aux voitures de place, etc. Ils doivent être assez étoffés, bien membrés, avec un beau dessus et des allures allongées.

Leur taille oscille entre 1m, 50 et 1m, 65.

Ils n’ont pas de centres de production spéciaux, mais ils nous viennent le plus ordinairement de la Normandie, de la Bretagne, du Centre et du Midi de la France. Beaucoup sont aussi fournis par l’étranger ; l’Irlande, par exemple, en possède de magnifiques, que nous avons admirés aux cabs de Londres.

p. 233

Chapitre XV
Tares des membres
(Pl. V)

Comme on est loin encore de s’entendre aujourd’hui sur le nombre et la nature des tares, il est difficile de les définir d’une façon nette et précise. Toutefois, on donne le plus ordinairement le nom de tare à « toute trace apparente de dépréciation ayant son siège à la peau ou dans les parties sous-jacentes132 » (traces de feu, tumeurs dures ou molles des membres, etc.).

Il résulte de cette définition qu’il nous faudrait entrer dans des détails que ne comporte pas notre travail si nous voulions faire la simple énumération des tares les plus fréquentes. Aussi, nous contenterons nous de décrire ici ce qu’on pourrait appeler les tares proprement dites, les tares des membres, représentées par des « tumeurs dures ou molles placées le long des rayons osseux et au pourtour des articulations, qui gênent plus ou moins les mouvements des membres, et rendent très souvent les chevaux boiteux133. » 

p. 234De beaucoup les plus nombreuses, les plus fréquentes et aussi les plus graves, ces tares ont été divisées en tares dures ou osseuses et en tares molles.

Nous étudierons successivement chacune d’elles dans les membres postérieurs et dans les membres antérieurs.

I. — Tares dures
(Fig. 1, 2, 3)

Les tares dures ou osseuses sont constituées par des tumeurs de volume variable, plus ou moins régulières, reconnaissant pour causes l’usure, des contusions ou une prédisposition que les animaux tiennent de leurs ascendants ; dans ce dernier cas, on les voit se produire en divers endroits sans la moindre cause apparente.

Nous ferons remarquer, avec MM. Goubaux et Barrier, que les tumeurs des os résultant de l’usure n’apparaissent jamais qu’aux points d’implantation des grands ligaments articulaires ; car c’est au niveau de ces points que les tiraillements, les distensions se propagent au périoste et l’enflamment, ainsi que toutes les surfaces osseuses recouvertes par ces mêmes ligaments.

Il sera, d’ailleurs, facile de suivre ce processus en examinant attentivement les différentes figures de la Pl. V : tandis que le premier plan de chacune d’elles représente les tares telles qu’on les observe extérieurement sur l’animal vivant, le second plan en fait voir la nature intime, et montre comment, dans certains cas, elles peuvent à la fois gêner le jeu des articulations, des tendons, des ligaments, et, par suite, provoquer une claudication plus ou moins intense.

A. — Membres postérieurs
(Fig. 1, 2, 3)
Jarret

Les tares osseuses du jarret ont reçu les noms de courbe, éparvin, et jarde.

1° Courbe (fig. 1 et 3, I, 1). — La courbe est située à la partie supérieure de la face interne du jarret. C’est une périostose de p. 235la tubérosité interne et inférieure du tibia, ainsi qu’on pourra le reconnaître en mettant à découvert le deuxième plan des figures 1 et 3, 2). La courbe est assez rare et ne fait boiter que dans le principe ; une fois son développement terminé, la claudication disparaît généralement.

2° Éparvin (fig. 1 et 3, I, 2). — L’éparvin se développe à la base et à la partie interne du jarret. Il envahit habituellement toute la portion des os du tarse et du métatarse recouverte par l’épanouissement de l’extrémité inférieure du ligament latéral interne de l’articulation (fig. 1 et 3, II, 2).

« La gravité plus ou moins grande de cette tare dépend de son volume, de sa forme et de sa position. Situé au-dessus de la châtaigne, l’éparvin offre peu d’inconvénients ; placé plus haut et en arrière, il est assez grave ; mais le plus dangereux se trouve en avant134. ». Dans tous les cas, avant l’apparition de toute tumeur à l’extérieur, l’éparvin détermine une boiterie plus ou moins intense, qui disparaît assez souvent quand l’éparvin est sorti, ou diminue au moins d’intensité.

La cause de cette tare est la même que celle de la plupart des tumeurs osseuses ; c’est la violence des pressions, des tiraillements que les os et les ligaments du jarret éprouvent dans les sauts, dans les allures rapides, etc. ; aussi est-elle surtout fréquente sur les jarrets droits et coudés.

On donne généralement le nom d’éparvin calleux à l’exostose que nous venons de décrire, pour la distinguer de l’éparvin sec, sorte de mouvement convulsif à siège mal déterminé, qui se manifeste dans la flexion du membre postérieur pendant la marche, surtout au départ, et qu’on désigne par le terme de harper (Voy. chap. IX, Défectuosités des allures, p. 185).

3° Jarde (fig. 2 et 3, I, 1, 3). — On donne le nom de jarde ou de jardon (expressions que l’on doit considérer comme synonymes) à une tumeur osseuse située à la partie inférieure et postérieure du jarret. Elle atteint la tête du péroné externe (fig. 2 et 3, II, 1, 3), c’est-à-dire l’insertion du puissant ligament calcanéo-métatarsien, d’autant plus exposé aux tiraillements que les tractions qui les produisent s’exercent à l’extrémité d’un calcanéum plus long et plus oblique sur le tibia ; c’est ce qui explique sa grande fréquence sur les jarrets coudés.

p. 236D’après les observations de MM. Goubaux et Barrier, il est absolument rare que la jarde atteigne les os tarsiens externes. Aussi est-elle beaucoup moins grave que l’éparvin.

On reconnaît facilement cette tare en examinant le jarret de profil ; car, alors, la ligne qui part du sommet du calcanéum, au lieu de tomber parfaitement droite jusque sur le boulet, décrit une courbe plus ou moins sensible au niveau de la tête du péroné externe.

B. — Membres antérieurs
(Fig. 5)

a. — Genou

Les tares dures du genou ont reçu les noms d’osselets, de genou cerclé.

Osselets (fig. 5, I, I). — Ce sont de petites saillies osseuses débutant sur la tête des métacarpiens rudimentaires, de préférence au côté interne, puis s’étendant de proche en proche aux pièces des deux rangées du carpe (fig. 5, II, I). Lorsque ces petites tumeurs se généralisent, on est dans l’habitude de dire que le genou est cerclé.

Les osselets sont des tares graves donnant souvent lieu à une claudication rebelle.

b. — Canon

On appelle suros les tares osseuses du canon. II est à noter qu’à partir de cette région jusqu’à l’extrémité inférieure du membre, les tares dures ou molles que nous rencontrerons sont communes aux membres antérieurs et aux membres postérieurs.

Suros (fig. 5, I, 2). — Ces exostoses se montrent de chaque côté du canon, sur un point quelconque de sa longueur ; elles n’ont donc pas de siège bien fixe.

Toutefois, dans la grande majorité des cas, les suros se développent sur le ligament interosseux qui unit le péroné à l’os principal du canon, à la suite des tiraillements subis par ce ligament sous l’influence des pressions verticales de haut en bas qui s’exercent sur la tête du péroné pendant les allures (fig. 5, II, 2).

Dès lors on comprend parfaitement que les suros soient plus fréquents sur les jeunes chevaux utilisés trop tôt et sans mesure, p. 237que sur les vieux, où les péronés (réunis à l’os principal du canon par un ligament, seulement dans le jeune âge) sont complètement soudés. On s’explique non moins facilement pourquoi ces exostoses se remarquent plus souvent aux membres antérieurs qu’aux membres postérieurs et du côté interne qu’en dehors, si l’on se rappelle :

1° Que les membres antérieurs sont plus rapprochés du centre de gravité ;

2° Que le poids du corps surcharge davantage les parties internes ;

3° Que les pressions éprouvées par les os sont proportionnelles aux surfaces comprimées. Or, on sait que les surfaces articulaires des péronés internes sont plus étendues que celles du côté externe.

Les suros sont simples (fig. 5), doubles, ou chevillés, lorsqu’il en existe un de chaque côté se correspondant.

On les dit encore en fusée, lorsque plusieurs se suivent sur le même point.

Il arrive fréquemment que le suros ne fait boiter que dans le principe de sa formation, ou lorsqu’il est très développé, très reporté en arrière et gêne le jeu des tendons fléchisseurs. Le plus souvent, enfin, le suros s’éteint.

c. — Paturon

Formes (fig. 5, I, 3). — Les exostoses du paturon, formes phalungiennes, ou mieux osselets, sont relativement peu fréquentes et causent ou non des claudications. Elles siègent en général sur les faces latérales du premier phalangien ou sur les côtés de l’articulation de la première avec la deuxième phalange (fig. 5, II, 3).

d. — Couronne

Formes. — Beaucoup plus fréquentes qu’au paturon, les tumeurs osseuses de la couronne ont reçu les noms de formes coronaires ou de formes cartilagineuses, selon qu’elles se développent sur la deuxième phalange ou dans l’épaisseur des cartilages complémentaires de l’os du pied.

Ces formes sont très graves et font souvent boiter, surtout au début.

On les reconnaît à la tuméfaction dure, résistante, qui survient sur les faces antérieures et latérales de la région coronaire.

p. 238

II. — Tares molles

Les tares molles sont constituées par des tumeurs élastiques, souvent indolentes, qu’on rencontre au pourtour des articulations ou sur le trajet des tendons.

Véritables hydropisies des membranes synoviales articulaires ou tendineuses, elles résultent généralement d’un travail exagéré entraînant une suractivité fonctionnelle de ces mêmes membranes et, conséquemment, une sécrétion anormale de synovie, qui s’épanche en plus ou moins grande quantité à leur intérieur.

Ces tares ont reçu des noms particuliers suivant les formes qu’elles affectent ou la région qu’elles occupent. C’est ainsi que les tares molles des régions supérieures des membres, celles du jarret et du genou, par exemple, ont reçu les noms de vessigons, de capelet, tandis que celles des régions inférieures sont connues sous la dénomination de molettes. Les unes et les autres sont encore dites articulaires ou tendineuses, selon qu’elles affectent les synoviales des articulations ou celles qui facilitent le glissement des tendons.

Comme pour les tares dures, il sera facile d’en suivre le processus en examinant successivement les deux plans des figures 4 et 6 de la planche V.

D’une façon générale, les dilatations des synoviales articulaires ou tendineuses présentent les mêmes inconvénients que les tumeurs osseuses, mais à un degré moindre le plus souvent. Ces inconvénients varient, d’ailleurs, suivant le siège, l’étendue et aussi le degré d’ancienneté des tares, puisqu’il peut arriver que leurs parois s’indurant, s’ossifiant même, le jeu des rayons soit tellement limité qu’on ne puisse plus utiliser les chevaux ainsi tarés qu’au service du pas.

A. — Membres postérieurs
(Fig. 4)

a. — Jarret

Le jarret peut être atteint de vessigons articulaires ou tendineux. 1° Vessigons articulaires (fig. 4, I, 1. 1). — Les vessigons articulaires p. 239sont au nombre de trois. Le premier existe dans le pli du jarret, dont il modifie le profil de la face antérieure. Les deux autres sont situés en arrière, entre le tibia et le tendon du perforant ou fléchisseur profond des phalanges ; l’externe manque quelquefois et est toujours plus petit quand il existe (fig. 4, II, 9. 9).

Ces vessigons sont plus graves que les vessigons tendineux.

Vessigons tendineux (fig. 4, 1, 2. 2, 3). — Le vessigon tarsien, le plus grave et le plus fréquent (fig. 4, 1 ; 2. 2), se caractérise par des tumeurs sous-cutanées qui apparaissent à la partie supérieure du jarret, dans les points où la membrane synoviale n’est pas soutenue. La tumeur supérieure est située dans le creux du jarret, immédiatement au-dessous de la corde (tendon d’Achille) ; l’inférieure siège tout à fait à la base et en arrière du jarret, entre le métatarse et les tendons fléchisseurs des phalanges (fig. 4, II 10. 10).

Il n’est pas rare, enfin, de rencontrer une dilatation de la petite gaîne qui facilite le glissement du tendon cunéen du fléchisseur du métatarse sur le côté du tarse (fig. 4, II, 11). Située à la base et au côté interne du jarret, cette petite tumeur a reçu le nom de vessigon cunéen (fig. 4, I, 3).

Quant au capelet (fig. 4, I, 4), tumeur molle située à la pointe du jarret, il n’est pas dû, comme quelques auteurs l’ont écrit, à la distension de la synoviale vésiculaire qui facilite le glissement du tendon des jumeaux ou d’Achille sur le sommet du calcanéum ; c’est un simple hygroma (fig. 4, II, 12).

b. — Boulet

Les tares molles du boulet ont reçu le nom de molettes, et elles existent aussi bien aux membres postérieurs qu’aux membres antérieurs. Aussi, nous dispenserons-nous de les décrire une seconde fois quand nous examinerons les dilatations synoviales qu’on observe sur ces derniers.

Molettes articulaires (fig. 4, I, 5). — Les molettes articulaires se montrent au-dessus du boulet, et se trouvent situées entre le métatarse et la branche correspondante du ligament suspenseur du boulet (fig. 4, II, 13). Elles sont toujours plus graves que les molettes tendineuses.

2° Molettes tendineuses (fig. 4, I, 6). — Les molettes tendineuses p. 240sont également situées au-dessus du boulet, mais plus en arrière et plus haut que les molettes articulaires. Elles se trouvent exactement comprises entre le ligament suspenseur et les tendons fléchisseurs des phalanges (fig. 4, II, 14).

B. — Membres antérieurs
(Fig. 6)

a. — Genou

Comme le jarret, le genou peut être atteint de vessigons articulaires ou tendineux.

1° Vessigons articulaires. — Les vessigons articulaires appartiennent, ou à l’articulation radio-carpienne, ou à l’articulation inter ou médio-carpienne. Les premiers, au nombre de deux, sont situés : l’un, le seul visible sur la figure 6, au côté externe du genou (fig. 6, I, 1), immédiatement au-dessus de l’os sus-carpien et contre le radius (fig. 6, II, 8) ; l’autre, en haut de la face antérieure du genou.

Les vessigons de l’articulation médio-carpienne, au nombre de deux ou de trois, sont placés sur le milieu de la face antérieure du genou (fig. 6, I, 2. 2), entre les tendons extenseurs des phalanges et du métacarpe (fig. 6, II, 9. 9).

2° Vessigons tendineux (fig. 6, I, 3. 3, 4). — Le vessigon tendineux le plus fréquent et le plus volumineux du genou a reçu le nom de vessigon carpien (fig. 6, I, 3. 3) ; il forme deux tumeurs en arrière du carpe : l’une interne, l’autre externe, comprises entre le radius et les muscles fléchisseurs du métacarpe (fig. 6, II, 10. 10). Ces tumeurs remontent plus haut que le vessigon articulaire et se distinguent encore de celui-ci en ce qu’elles se prolongent au-dessous du genou par une dilatation allongée, suivant le trajet des fléchisseurs.

D’autres vessigons se développent aussi en avant du carpe et du ligament capsulaire antérieur, sous les tendons extenseurs ; le plus fréquent (fig. 6, I, 4) est situé entre les tendons extenseurs antérieurs du métacarpe et des phalanges (fig. 6. II, 11).

p. 241

Chapitre XVI
Des chevaux vicieux

Le Cheval le mieux conformé, le mieux doué sous le rapport des actions, de la force musculaire, de l’énergie, etc., pouvant être un très mauvais et même dangereux serviteur par suite d’imperfections morales légères ou graves, l’étude de ces imperfections s’impose comme un complément indispensable des chapitres précédents. C’est la raison qui nous a décidé à introduire ici quelques lignes sur les chevaux vicieux.

Dans un chapitre analogue à celui que nous entreprenons, mais où il s’occupe exclusivement du cheval à l’écurie, John Stewart135 subdivise les habitudes vicieuses et les vices des chevaux en accidents résultant du confinement, en tics et en vices à l’écurie.

MM. Goubaux et Barrier, bien qu’ayant généralisé la question, distinguent tout simplement des tics ou habitudes vicieuses et des vices proprement dits.

Nous nous en tiendrons à cette dernière division, tout en comprenant dans chacun des deux paragraphes qu’elle comporte ceux des accidents résultant du confinement relatés par John Stewart, qui nous paraissent pouvoir être rattachés soit aux tics, soit aux vices proprement dits.

Nous décrirons, d’ailleurs, très brièvement et quand il y aura lieu seulement, les caractères qui décèlent l’existence de tel ou tel tic, de tel ou tel vice chez un animal, en même temps que nous dirons un mot des moyens d’y remédier.

A. — Des tics ou habitudes vicieuses.

On appelle ainsi « un certain nombre d’actes bizarres, nés de l’oisiveté pour la plupart, que le cheval répète incessamment dès qu’il se trouve livré à lui-même136. »

1° Chevaux qui laissent pendre leur langue, la doublent, la ramènent au-dessus du mors ou l’agitent àp. 242 tout instant hors de la bouche. — Ces défauts, outre qu’ils donnent une physionomie stupide à l’animal, entravent les fonctions digestives par la perte de salive qu’ils occasionnent.

Ce n’est guère que dans le cas où le cheval double sa langue qu’on peut remédier à cette habitude, en serrant davantage la gourmette.

Cependant, chez les chevaux qui laissent pendre leur langue ou qui la ramènent au-dessus du mors, on obtient souvent de bons résultats avec la muserolle plus ou moins serrée.

2° Chevaux qui frappent la lèvre inférieure contre la supérieure. — On obvie à ce tic en réunissant la partie inférieure des deux branches du mors au moyen d’une traverse métallique prenant le contour de la houppe du menton.

3° Chevaux qui se frottent l’extrémité inférieure de la tête contre l’auge, ou la queue contre les corps environnants. — Le dernier défaut seul a de réels inconvénients, en ce sens qu’il provoque la chute des crins de la queue. Il faut aussitôt voir s’il n’est pas le résultat de la malpropreté, d’une maladie de peau, ou de la présence d’helminthes dans l’appareil digestif, et agir en conséquence.

4° Chevaux qui encensent ou qui battent à la main. — Les chevaux qui présentent ce vice impriment à leur tête des mouvements alternatifs de flexion et d’extension lorsqu’ils sont attelés ou montés. Il faut, dans ce cas, employer une martingale ou modifier la forme du mors et proportionner les tractions des rênes au degré de sensibilité de la bouche.

L’étude de ce défaut et des moyens d’y remédier est donc plutôt du domaine de l’équitation que de celui de l’extérieur proprement dit.

5° Chevaux qui prennent les branches du mors avec leur lèvre inférieure. — Employer la fausse gourmette en cuir.

6° Chevaux qui mordent leurs couvertures. — On peut employer le collier à chapelet ou une espèce de demi-muselière en cuir fixée au licol et enveloppant, comme dans une gouttière, les parties latérales et postérieure de l’extrémité inférieure de la tête, qu’elle ne déborde pas en avant ; de sorte que le cheval peut facilement prendre sa nourriture, mais qu’il lui est impossible de mordre ses couvertures, empêché qu’il en est par les parties latérales de la gouttière de cuir dont nous venons de parler.

p. 2437° Chevaux qui appuient le membre postérieur sur l’autre. — On ne connaît aucun moyen de combattre ce défaut. Cependant, pour atténuer les inconvénients qu’il présente, il est bon d’employer des fers de derrière à éponges courtes, arrondies, sans crampons.

8° Chevaux qui se couchent en vache. — Comme les chevaux qui présentent ce défaut se blessent au coude (éponge) avec l’extrémité de la branche interne du fer, ou éponge, il faut tronquer celle-ci pour l’empêcher de venir porter contre le coude pendant le décubitus.

9° Chevaux qui se délicotent. — Employer un simple collier ou, à la fois, un licol et un collier, avec une longe distincte fixée à la mangeoire.

10° Chevaux qui se roulent dès qu’ils sont harnachés, ou en rentrant à l’écurie, après le travail. — Attacher le cheval au râtelier jusqu’à ce qu’il soit attelé, monté, ou débarrassé de son harnachement.

11° Chevaux qui, à l’écurie, stationnent et se couchent, dans l’allée du passage. — Dans les premiers temps où les chevaux sont mis à l’écurie, dit John Stewart137, ils sont tous portés à se tenir aussi loin que possible en arrière et même hors de leur stalle, les pieds de derrière sur l’allée de passage ; quelques-uns finissent même par s’y coucher. Pour remédier à cette habitude vicieuse, on pourra attacher le cheval très court, tout près du râtelier ou de l’auge, ou mieux suspendre derrière lui une barre garnie d’une boite de bruyère ou d’épines.

12° Chevaux qui se couchent sous la mangeoire. — Les chevaux qui prennent une telle position ne peuvent reposer complètement et, à moins d’être très jeunes et très vifs, ils ne sauraient se relever ; on est alors obligé de les tirer en arrière. Pour obvier à ces inconvénients, il faut clôturer le vide sous la mangeoire au moyen de planches.

13° Chevaux qui trottent à l’écurie. — Un travail soutenu s’opposerait probablement à la manifestation de ce tic.

14° Chevaux qui grattent du pied. — Travail journalier et, au besoin, entraver deux membres antérieurs.

p. 24415° Chevaux qui ont le tic de l’ours. — Ce tic, consistant en des oscillations latérales de la tête et de l’encolure accompagnées d’un balancement analogue et alternatif du corps sur les membres antérieurs, a l’inconvénient de fatiguer inutilement les chevaux et d’être souvent contagieux par imitation. On peut essayer de remédier à ce défaut en attachant l’animal avec deux longes, de manière à ce que la tête ne puisse plus se déplacer ni à droite ni à gauche.

16° Chevaux qui ont le tic de manger de la terre. — C’est une habitude vicieuse ou l’expression d’un besoin de l’organisme, qui ne trouve pas dans les aliments ingérés une assez grande quantité de sels terreux. On y remédie à l’aide d’une muselière ou en mélangeant une certaine quantité de sel marin à la ration journalière.

17° Chevaux qui ont le tic d’avaler de l’air. — On distingue le tic en l’air sans appui ou sans usure des dents, et le tic avec appui et usure des dents. Tous les deux sont aujourd’hui rédhibitoires. Ils ne diffèrent, d’ailleurs, l’un de l’autre, qu’en ce qu’il n’y a pas appui dans le tic en l’air, tandis que, pour effectuer le tic avec appui, l’extrémité inférieure de la tête est appuyée sur un corps résistant quelconque (mangeoire, longe, bal-flanc, etc.). Dans tous les cas, il y a déglutition d’air, accompagnée ou non d’un bruit d’effort.

Les tiqueurs ont l’inconvénient de se ballonner, d’être souvent atteints de coliques, et, lorsqu’ils prennent un point d’appui, de causer des dépenses inutiles à leurs propriétaires en dégradant les râteliers, mangeoires, harnais, etc. On arrive quelquefois à faire disparaître ce défaut en supprimant le corps sur lequel le cheval s’appuie, en lui tournant le derrière à la mangeoire, ou même encore en lui mettant un collier de cuir, dit collier antitiqueur, qu’on applique au niveau de la gorge et qu’on serre un peu plus que de coutume.

18° Chevaux qui gaspillent l’avoine. — Certains chevaux gais et joueurs perdent parfois une partie de leur ration d’avoine : ils en saisissent une bouchée pleine ; puis, tout en mangeant, ils regardent autour d’eux, de façon qu’il en tombe beaucoup dans la litière. On peut combattre ce défaut en ne donnant qu’un peu d’avoine à la fois ou en isolant les chevaux.

D’autres animaux jettent leur avoine hors de la mangeoire avec l’extrémité inférieure de la tête. On remédie à cette mauvaise habitude en recouvrant la mangeoire de barres métalliques transversales.

p. 24519° Chevaux qui se tournent dans la stalle. — Les petits chevaux surtout contractent souvent l’habitude de se tenir en travers dans la stalle. Il faut alors les attacher avec le licol plutôt qu’avec le collier, et les maintenir en position au moyen de deux longes de longueur convenable pour pouvoir se coucher.

20° Chevaux qui s’enchevêtrent, qui enjambent la longe ou le bat-flanc. — Souvent les chevaux se grattent le cou, les oreilles, ou toute autre partie de la tête à l’aide d’un de leurs pieds de derrière ; en se grattant ou plutôt en retirant leur pied, il arrive que le paturon se prend dans la longe. Aussitôt, le cheval tombe sur le côté, la tête et le pied enchevêtré tenus ensemble, et des lésions graves peuvent en résulter. Il suffit généralement, pour prévenir cet accident (enchevêtrure), de ne pas laisser à la longe une longueur superflue, de la charger d’un billot, et de placer l’anneau d’attache à une hauteur convenable.

Par suite d’une trop grande longueur ou d’une mauvaise disposition de la longe, le cheval peut aussi l’enjamber et se blesser sérieusement s’il est craintif, remuant, et s’il ne peut attendre qu’on vienne à son aide. On remédie à cet inconvénient comme dans le cas précédent.

Si, enfin, au lieu d’enjamber la longe, le cheval enjambe le bat-flanc, il se froisse et se blesse la partie interne du membre qui repose sur la barre de séparation. On diminue la fréquence de cet accident en donnant aux bat-flancs une hauteur suffisante, et on atténue sa gravité en arrondissant bien le bord supérieur de ceux-ci. D’ailleurs, les barres de séparation doivent toujours être fixées, en arrière, de telle façon qu’on puisse les faire tomber immédiatement et débarrasser ainsi le cheval aussi vite que possible.

L’accident que nous venons de signaler est généralement connu sous le nom d’embarrure.

21° Chevaux qui montent dans la mangeoire. — Il arrive assez souvent que de jeunes chevaux oisifs mettent leurs pieds de devant dans la mangeoire. On obviera le plus souvent à ce défaut en plaçant la mangeoire à hauteur convenable, et en ne donnant à la longe que la longueur strictement nécessaire.

22° Chevaux qui se gonflent pendant qu’on les sangle. — Cette habitude vicieuse se manifeste assez fréquemment lorsqu’on p. 246selle les chevaux en arrière. On y remédie en ne serrant les sangles que « trou par trou et sans brusquer le mouvement »138.

23° Chevaux qui mangent leur litière, se lèchent et lèchent d’autres chevaux, la mangeoire ou le sol. — Certains chevaux mangent leur litière, bien qu’ils reçoivent une alimentation très suffisante ; d’autres lèchent leurs voisins, la mangeoire, le sol, etc. Ces habitudes indiquent ordinairement que les animaux ne trouvent pas dans leur ration une quantité de sel suffisante. Il faut alors mettre une pierre de sel dans la mangeoire ou saler les aliments.

24° Chevaux qui ruent contre les poteaux des stalles. — Le travail seul guérit sûrement de ce vice. Cependant, on obtient quelquefois de bons résultats d’une botte de houx ou d’épines attachée contre le poteau. Les entraves empêchent aussi les animaux de ruer, si on les met longtemps et constamment.

B. — Des vices proprement dits

Les vices proprement dits sont des défauts moraux graves qui témoignent d’une nature indocile, entêtée ou peureuse, et qui rendent l’animal dangereux ou même inutilisable.

1° Chevaux rétifs. — Le cheval rétif prend avec obstination une direction différente de celle qui lui est demandée, refuse de passer par certains endroits, s’arrête, oppose la force d’inertie, ou se cabre, rue et mord. C’est un animal qui reste généralement inutilisable.

2° Chevaux difficiles à approcher et à panser. — On doit les aborder franchement et en leur parlant, les caresser et ne pas les panser à l’étrille. Lorsque ces moyens ne suffisent pas, il faut user d’un procédé de contention quelconque.

3° Chevaux difficiles à harnacher, à atteler ou à monter. — Il faut les attacher court au râtelier, leur couvrir la tête, ou les entraver. Quelquefois même, on est obligé de recourir au tordnez. Il est rare que ces vices disparaissent complètement.

4° Chevaux difficiles à ferrer. — La plupart du temps, avec p. 247de la patience et de la douceur, on arrive à ferrer les chevaux les plus difficiles. Si quelques-uns résistent aux moyens doux, il est rare qu’à l’aide du caveçon tenu par le maréchal, tandis qu’un aide cherche à lever le membre, on n’arrive pas à de bons résultats. Les chevaux réellement méchants et les juments pisseuses seuls résistent quelquefois.

D’ailleurs, il est bon de savoir que certains chevaux veulent être ferrés en compagnie de leurs camarades ou à l’écurie ; que d’autres, enfin, se laissent plus facilement ferrer lorsqu’ils sont détachés ou lorsqu’ils ont les yeux couverts, etc., etc. Dans tous les cas, il est toujours absolument prudent, avant d’acheter un cheval, de s’assurer s’il se laisse bien lever les pieds.

5° Chevaux mordeurs. — On peut employer la muselière ; mais le meilleur moyen de faire disparaître ce vice est de corriger sévèrement les chevaux aussitôt qu’ils veulent essayer de mordre, ce qu’on reconnaît d’ordinaire quand on les voit coucher les oreilles.

6° Chevaux qui se cabrent et qui frappent du devant. — Le cabrer, lorsqu’il n’est pas une manifestation de la gaieté, est peut-être le défaut le plus grave qu’on puisse rencontrer chez le cheval, surtout lorsqu’en même temps celui-ci frappe du devant. Les cabreurs, en effet, peuvent non seulement renverser leurs cavaliers, mais se renverser eux-mêmes et blesser gravement ceux qui les montent. On remédie quelquefois à ce vice en attachant les animaux court à l’écurie et en employant la martingale lorsqu’on les attèle ou qu’on les monte.

Ce sont surtout les chevaux entiers qui se montrent enclins à mordre et à frapper du devant. On voit rarement disparaîre ce dangereux défaut.

7° Chevaux rueurs. — La plate-longe jetée en travers de la croupe, d’un brancard à l’autre, est un moyen assez pratique de maîtriser les chevaux rueurs attelés. Quant aux chevaux de selle, le dressage seul peut faire disparaître ce vice. La jument a plus de tendance à ruer que le cheval. D’où ce vieux dicton : Méfiez-vous du devant du cheval entier et du derrière de la jument.

Quoi qu’il en soit, le cheval animé de mauvaises intentions prévient généralement l’homme :

« S’il se dispose à mordre, à frapper du devant, à ruer, ses oreilles se couchent, ses yeux prennent une expression menaçante et sournoise, ses joues se rident, ses lèvres se plissent, sa tête s’allonge vers l’homme.

p. 248« S’il piétine sur place, tourne une oreille et le train de derrière du côté de l’homme, c’est un coup de pied qui se prépare (fig. 104 du texte).

Fig. 104. — Physionomie du cheval méchant

« Le cheval et surtout la jument qui fouaillent de la queue ruent souvent »139.

8° Chevaux qui reculent. — En dehors du dressage, il n’y a p. 249pas moyen de remédier à ce vice également très grave. Il importe donc de chercher à le reconnaître lors de l’examen de l’animal en vente.

9° Chevaux peureux.—Les chevaux peureux exposent sans cesse ceux qui les conduisent à des accidents graves. Mais, à moins que le défaut soit le résultat d’une défectuosité quelconque du côté des appareils de la vision ou de l’audition, il disparaît assez souvent par le dressage.

10° Chevaux qui ont de l’aversion. — MM. Goubaux etBarrier citent des exemples très remarquables de chevaux ayant de l’aversion pour certaines couleurs, pour certains objets déterminés, pour certains animaux, pour d’autres chevaux présentant une robe différente de la leur. On ne peut guère remédier à ce vice.

11° Chevaux qui s’emportent. — Le cheval emporté se lance à corps perdu devant lui ; il n’a plus conscience de ce qu’il fait ; il ne voit plus, n’entend plus, ne sent plus. Ce n’est plus un être vivant, c’est une machine en mouvement abandonnée à elle-même. Aussi, ne doit-on jamais hésiter à se débarrasser du cheval qui présente ce défaut, d’ailleurs absolument irrémédiable, malgré les nombreux moyens préconisés pour le faire disparaître. D’un autre côté, aucun des systèmes mis en usage jusqu’ici pour arrêter les chevaux emportés n’est réellement pratique.

12° Chevaux tirant sur le licol. — Certains chevaux essayent de se détacher en se laissant tomber sur les hanches ; ils pèsent de tout leur poids sur la longe, jusqu’à ce que celle-ci se rompe ou qu’ils s’aperçoivent qu’elle est trop résistante.

On qualifie généralement ce défaut en disant que le cheval tire au renard. Deux moyens sont à tenter pour le faire disparaître : le premier consiste à effrayer le cheval et à le faire tomber en lâchant la corde au moment où il essaye de la rompre ; l’autre moyen, que nous croyons de beaucoup préférable, est d’attacher l’animal à l’aide d’un licol en corde ou en cuir, dit licol de force, si solide que, quelque force qu’il déploie, il ne puisse parvenir à se débarrasser.

13° Chevaux qui sortent brusquement des brancards. — Certains chevaux, lorsqu’on les dételle, ont la dangereuse habitude de sortir brusquement des brancards. On prévient les accidents qui pourraient résulter de ce vice en s’entourant de précautions pour dételer l’animal qui le présente ; mais le seul moyen d’y remédier est de couvrir les yeux du cheval.

p. 250

Chapitre XVII
Du cheval malade

De même que l’étude des vices, l’examen des caractères généraux qui distinguent à première vue l’animal malade de l’animal en bonne santé nous paraît devoir nécessairement compléter les chapitres précédents.

Quelques qualités physiques ou morales, en effet, que le cheval présente, il est indispensable qu’elles coexistent avec un parfait état de santé, sous peine de perdre leur signification relativement à la valeur de l’animal.

Or, c’est précisément dans le but de mettre le lecteur en garde contre toute erreur qui pourrait résulter de la non-connaissance des signes qui indiquent un trouble quelconque des fonctions animales, que nous nous sommes décidé à intercaler ce chapitre dans notre travail.

Laissant de côté les maladies dites externes, telles que blessures, plaies, tares des membres, affections de l’œil, de la peau, du pied, etc., etc., dont les plus importantes ont été précédemment examinées et qu’il est, d’ailleurs, toujours assez facile de reconnaître, en ce sens qu’elles attaquent des organes sensibles à la vue, nous nous occuperons exclusivement des maladies internes, locales ou générales, qui affectent les organes et les fonctions plus ou moins hors de la portée des sens (fluxion de poitrine ou pneumonie, entérite ou inflammation de l’intestin, fièvre typhoïde, etc., etc.).

Dans ce cas, outre les caractères particuliers à chaque maladie, caractères sur lesquels nous n’avons pas à nous étendre ici, on constate un ensemble de symptômes généraux qui, sans préciser le siège de l’affection, indiquent au moins que l’animal est malade.

Celui-ci, en effet, ne mange plus ou a perdu une partie de son appétit. Il est triste, inattentif à tout ce qui l’entoure, porte la tête basse, et se tient éloigné de la mangeoire au bout de sa longe (fig. 105 du texte). L’œil a perdu une grande partie de son expression ; les naseaux sont plus ou moins dilatés ; les poils sont ternes et s’arrachent souvent avec facilité ; la respiration est accélérée ; la bouche et la peau ont p. 251une température plus élevée qu’à l’état sain ; enfin, la muqueuse de l’œil est injectée ou très pâle.

Souvent, en même temps, le malade tousse, comme cela arrive dans le cas de bronchite, de pneumonie, etc., ou s’agite, se tourmente, ainsi qu’on le remarque toutes les fois que le tube intestinal est affecté.

Fig. 105. — Physionomie du cheval malade.

p. 252Quoi qu’il en soit, « si la tristesse persiste, si les yeux sont rouges ou pâles, si le flanc est agité, et la température du corps élevée ou abaissée, l’animal est gravement malade...

« Si le cheval est triste, a de la peine à manger ; s’il a la bouche chaude et baveuse, et rejette des parcelles d’aliments par les naseaux, c’est le signe d’une inflammation de la gorge...

« Lorsque le cheval s’agite, se couche, se roule sur le sol, se relève pour se recoucher de suite, regarde son flanc, se plaint et se campe comme pour uriner, c’est l’indice qu’il est affecté de coliques.... »140.

Il est évident que la réunion de tous les caractères ci-dessus énumérés, ou de quelques-uns d’entre eux, alors qu’ils sont bien tranchés, ne peut guère laisser de doute sur l’état de santé du cheval ; mais c’est quand ces mêmes caractères sont vagues, peu accusés, à leur période de début, ou encore quand ils ont été plus ou moins masqués par une ruse du marchand, qu’il est indispensable d’avoir bien dans l’œil la physionomie du cheval malade.

Chapitre XVIII
Du cheval en vente

Lorsqu’il s’agit d’acheter un cheval, les connaissances théoriques et pratiques les plus solides ne suffisent pas ; il faut encore connaître les procédés, les habitudes, les mille et une ruses des éleveurs et surtout des marchands.

Il faut bien se persuader, enfin, que la finesse et la dissimulation sont ici dans la nature des choses et que le meilleur connaisseur se laissera tromper s’il n’est pas initié aux procédés employés par les vendeurs pour donner plus d’apparence à leur marchandise.

L’examen de l’animal en vente peut être considéré, en somme, non seulement comme l’application des principes que nous venons de passer en revue, mais aussi comme la partie diplomatique de l’extérieur du cheval ; car l’acheteur, outre qu’il doit fermer l’oreille à de beaux discours et ne pas se laisser prendre aux pièges qu’on lui p. 253tend avec plus ou moins d’adresse, a le devoir, s’il est habile, de chercher à profiter des exagérations, des ruses de son adversaire, pour découvrir, deviner même le point faible de l’animal dont il veut faire l’acquisition.

On a dit, et non sans raison : Lorsqu’il s’agit de chevaux, l’Anglais regarde, l’Allemand médite, le Français pense à autre chose. Tâchons, dans ce cas particulier, d’être moins Français et un peu plus Anglais ; nous n’aurons qu’à nous en féliciter, et le pays tout entier avec nous.

C’est pour bien faire comprendre au lecteur combien il doit être impassible, entièrement à lui, pendant l’examen du cheval en vente, que nous avons écrit ce chapitre. Les achats se faisant, en règle générale, au marché, en foire ou chez le marchand, nous devons dire un mot de la marche à suivre dans chacune de ces circonstances.

A. — Examen du cheval en foire ou sur le marché.

Au milieu du tohu-bohu d’une foire ou d’un marché, le mieux à faire, lorsqu’on a découvert un cheval qui paraît répondre aux conditions qu’on recherche, est de le sortir du rang et de le conduire dans un endroit plus isolé, plus tranquille, afin de pouvoir l’examiner facilement. Dans le cas où la première impression est satisfaisante, on se livre à un examen plus sérieux, en ne s’arrêtant, toutefois, qu’aux régions importantes, qu’aux détails les plus essentiels. Puis on fait placer le cheval, et l’on opère par la suite en s’inspirant des quelques conseils qui suivent.

B. — Examen du cheval chez le marchand.

Comme l’acheteur peut prendre ici tout le temps qui lui est nécessaire, il doit voir l’animal à l’écurie, à la montre et en action.

1° Examen à l’écurie. — Il est toujours bon de commencer par voir le cheval à l’écurie. On peut ainsi juger immédiatement de son ensemble ; mais il est déjà indispensable d’être en garde contre l’illusion dépendant de la façon dont on l’a préparé et placé. Nul n’ignore, en effet, qu’à l’aide d’une nourriture appropriée, de pansages bien faits, d’un dressage particulier, d’une toilette artistement exécutée, le vendeur parvient à augmenter ou à diminuer le volume p. 254du ventre, à donner à l’animal un brillant et une élégance qu’il ne possède pas naturellement, etc. Tout le monde sait, d’autre part, que les marchands ne manquent jamais de présenter le cheval qu’ils mettent en vente de façon à donner plus d’apparence à sa taille ; c’est ainsi que l’animal, préalablement muni de fers antérieurs à branches très épaisses, est placé, le devant plus élevé que le derrière, au milieu de voisins plus ou moins déformés par le travail, qui le font ressortir davantage.

Il est bon également de ne pas chercher à apprécier le caractère ou la vivacité de l’animal à l’écurie ; car la seule présence du marchand et de ses aides derrière lui suffit pour le rendre docile s’il est méchant, et pour lui donner cette apparence de vivacité, cette vigueur factice résultant de la crainte dans laquelle il se trouve sans cesse de recevoir une de ces corrections qu’on ne lui a pas ménagées jusque-là.

En ce qui concerne l’examen du cheval dans le rang, en foire ou sur le marché, il va de soi que le mouvement, le bruit qui se font autour des animaux dans de pareils lieux, commandent plus que par tout ailleurs de ne pas voir dans leur agitation une manifestation de l’énergie dont on pourrait les supposer doués au premier abord.

Ce premier examen terminé, l’acheteur fait sortir le cheval qui lui plaît le mieux. Aussitôt alors, le marchand intervient sous un prétexte quelconque : pour retirer la couverture, donner un coup de brosse sur le corps, un coup de peigne à la crinière et à la queue, par exemple ; mais, en réalité, pour introduire dans l’anus le traditionnel morceau de gingembre, qui donne une apparence d’énergie au cheval. Si habilement que le tour soit fait, il suffit d’être prévenu ou d’avoir un peu d’expérience pour s’en apercevoir. Dans ce cas, le plus habile est de laisser faire la chose sans rien dire, tout en tenant compte, bien entendu, du résultat passager de cette manœuvre frauduleuse.

Puis, le cheval étant tourné dans sa stalle, on observe la façon dont il se laisse aborder et bridonner, dont il recule et se retourne. Enfin, avant de le sortir, on l’arrête sur le pas de la porte de l’écurie pour procéder à l’examen des yeux, d’après les principes que nous avons déjà indiqués (Voy. IIe partie, œil). On peut, en même temps, voir les pieds, les naseaux, les ganglions de l’auge, l’âge et les aplombs.

À ce propos, nous croyons utile de reproduire les lignes suivantes p. 255de M. Gayot141 : « Beaucoup veulent paraître habiles, dit-il ; sur une assurance très formelle du vendeur ou de quelqu’un des siens, craignant de paraître moins connaisseurs qu’ils voudraient, ils s’en laissent imposer et ne voient qu’à demi, là où il faudrait voir avec une extrême attention et plutôt deux fois qu’une. Ceci est grave pourtant. Arrière toute fausse honte ; celui-là seul qui regarde bien peut voir juste et juger sainement ; on le tient en plus haute estime que ceux qui se troublent et font semblant d’avoir vu avant d’avoir pris le temps de regarder. »

2° Examen à la montre. — Une fois le cheval dehors, l’acheteur doit exiger qu’il soit complètement nu. Point de harnais, point de genouillères, point de flanelle enroulée autour de l’extrémité inférieure des membres, point de couverture, enfin. « Cette mèche est éventée, dit Gayot. On n’ignore pas que, tranchant par la couleur avec celle de la robe du cheval, la couverture coupe la longueur du corps et le raccourcit à l’œil. »

Le cheval est nécessairement montré de façon à faire valoir sa taille, sur un point un peu élevé et toujours contre un mur ; ses proportions en ressortent alors plus grandes, plus hautes. Là encore, il faut tenir compte de ce fait, mais passer outre et faire placer l’animal, ses pieds antérieurs et ses pieds postérieurs sur la même ligne transversale.

On peut ainsi l’examiner sous le rapport des aplombs, de l’ensemble et des détails, en le considérant successivement de front et de profil. Ce coup d’œil est donné à quatre ou cinq pas, en faisant lentement le tour du sujet.

Pour juger de l’ensemble, on envisagera la hauteur, la longueur, la finesse, la race, le sang, et surtout le développement relatif du dessus et du dessous, c’est-à-dire l’harmonie de l’ensemble, sans laquelle il n’est pas de bon cheval.

Pour juger des détails, on commencera par les membres, pour finir par le tronc ; car « ... la chose essentielle est la solidité et la bonne disposition des organes moteurs, sans lesquelles le générateur ne peut pas être utilisé, la puissance expansive de la vapeur ne valant que par ses organes de travail externe »142.

Les membres seront donc examinés avec grand soin, rayon par p. 256rayon, surtout à leur extrémité inférieure, où l’intégrité du sabot, des articulations et des tendons est d’une si grande importance. À propos des cordes tendineuses, il est indispensable de savoir que les marchands excellent à dissimuler, en taillant les crins obliquement au dessous du genou, le défaut qui constitue ce qu’on appelle le tendon failli (Voy. IIe partie, aplombs).

3° Examen du cheval en action. — Il importe ensuite d’exercer le cheval sur un terrain dur ou pavé et de le faire conduire par une personne étrangère aux intérêts du vendeur. Dans tous les cas, on le verra d’abord tenu à la main, et l’on veillera à ce qu’il ne soit pas conduit trop court, de manière que la tête n’ayant pas de point d’appui, les allures de l’animal soient plus libres et laissent mieux voir les défectuosités qu’elles peuvent présenter. On exigera enfin du marchand qu’il s’abstienne de toute excitation étrangère.

Après avoir ainsi examiné le cheval successivement au pas et au trot, on le verra à l’essai, monté ou attelé, suivant le service auquel on le destine. Cette épreuve, outre qu’elle permet de constater la manière dont l’animal se laisse brider, revêtir de la selle, sangler, etc., fait voir le cheval soustrait à l’influence du marchand et de ses palefreniers, et, par conséquent, dépouillé de cette vigueur factice que lui inspirait la crainte ; car il est évident que, dans cette circonstance, l’acheteur doit, autant que possible, procéder lui-même à l’essai.

En même temps qu’il renseigne sur les aptitudes et le fond, l’examen du cheval en action, à l’essai surtout, permet également de se rendre compte de l’état de la respiration. Aussi, devra-t-on toujours, dès que l’animal sera arrêté après un exercice suffisant, écouter avec attention le bruit de sa respiration dans la région du larynx, pour voir s’il n’est pas corneur, et examiner les mouvements de ses flancs pour être certain qu’il n’est pas poussif (Voy. IIIe partie, respiration).

C. — Examen des chevaux appareillés.

Lorsqu’on visite des chevaux destinés à être appareillés par couples ou paires, il faut, indépendamment de l’examen détaillé de chacun d’eux, procéder à un examen d’ensemble. On place les deux chevaux côte à côte et l’on s’assure si leur taille, leur robe, leur conformation p. 257générale, sont semblables. D’un autre côté, on doit, autant que possible, appareiller des chevaux de même âge.

Puis, on passe à l’examen des allures, et c’est là surtout où il est nécessaire d’exiger un assemblage bien combiné.

« Il est rare, dit Lecoq143, que deux chevaux appareillés présentent les mêmes qualités. Presque toujours les marchands profitent d’une similitude de taille et de robe pour faire passer un cheval médiocre au moyen d’un meilleur, sur lequel ils cherchent de préférence à attirer l’attention de l’acheteur. »

Souvent même, on pourrait appliquer à ces prétendus chevaux appareillés la légende que Crafty met au bas d’un de ses charmants dessins : « Ne sont ni de même taille, ni de même modèle, encore moins de même train. Forment paire uniquement parce qu’ils sont deux »144.

Des manœuvres dolosives mises en pratique par les maquignons

En dehors des moyens plus ou moins frauduleux mis en pratique par les marchands pour faire illusion sur la qualité des animaux qu’ils exposent en vente, il existe un grand nombre de manœuvres absolument dolosives dont ne se font pas faute d’user certains maquignons de bas étage, et contre lesquelles nous devons mettre le lecteur en garde.

Généralement, aucune considération n’arrête ces marchands peu scrupuleux : quand ils ont un cheval à épaules froides, ils l’exercent longtemps avant de l’exposer en vente. Si leur intérêt y trouve son compte, ils adaptent une fausse queue au cheval qui n’a plus de crins. Lorsque l’animal jette par un des naseaux, ils introduisent une éponge dans la cavité nasale. Ils masquent les seimes et les éclats de corne à l’aide d’une application de gutta-percha ou d’une composition faite avec de la limaille de fer, du noir de fumée et de la térébenthine. Ils dissimulent les déformations du sabot résultant de la fourbure chronique par la râpe. Ils comblent le creux des salières, chez les chevaux âgés, à l’aide d’une insufflation d’air. Ils teignent les robes pour rendre les p. 258chevaux plus méconnaissables. Ils cachent les cicatrices des chevaux couronnés et celles produites par des vésicatoires, au moyen d’un enduit poisseux sur lequel sont artistement implantés des poils de l’animal. Si le cheval est atteint d’un rhumatisme qui le fait boiter, ils pratiquent une blessure sur la partie qui en est le siège et affirment que le cheval boite par accident. Sur les capelets anciens, ils excorient la peau pour faire croire que le cheval vient de se frotter. Ils rajeunissent les vieux chevaux en leur sciant les dents et en les contre-marquant. Ils recouvrent les suros, les molettes, etc., avec des bandes de flanelle, les genoux couronnés avec des genouillères. Ils redressent les oreilles pendantes avec une bonnette. Ils cachent les yeux malades avec des œillères. Ils maîtrisent les sujets difficiles ou méchants à l’aide d’un petit tord-nez fixé le long du montant de la bride ou du licol, etc., etc.

Ces fraudes ne constituent même pas les seules ressources du vrai maquignon : deviennent-elles inapplicables ou insuffisantes, vite il invente une bonne escroquerie, et le tour est joué !

C’est contre les manœuvres de cet autre genre que nous voulons maintenant prémunir le lecteur :

S’il nous est impossible de les reproduire toutes ici, chaque maquignon étant généralement possesseur d’un procédé à lui, nous pouvons au moins en signaler quelques-unes, très en faveur parmi les représentants du maquignonnage parisien.

Nous ferons, à ce propos, un emprunt au compte rendu de la séance du 9 juin 1884, de la Société de médecine vétérinaire pratique de Paris :

« Les procédés sont des plus variés. Toutefois, ils se rapprochent des procédés-types suivants :

« 1° Pierre, maquignon, fait à Paul, acheteur, un billet de vente, d’orthographe fantaisiste et à peu près ainsi conçu : Pierre reconnaît avoir vendu à Paul un cheval... pour le prix de... et qu’il lui vend en ou an toute garantie de vices rédhibitoires.

« En buvant la traditionnelle demi-bouteille de vin, Pierre redemande à Paul le billet de vente qu’il vient de lui remettre : il a oublié d’inscrire la date du contrat ou de donner son adresse. Paul rend le billet en toute confiance et, pendant que son attention est fortement occupée par un compère, Pierre ajoute les mots intentionnellement p. 259oubliés et, de plus, des s au mot an. De cette manière, un mauvais cheval vendu an garantie se trouve en réalité vendu sans garantie.

« Le plus souvent, Pierre se contente de terminer son billet de vente par les mots : « en toute garantie de maladies contagieuses », Alors, il ajoute, après coup, les trois derniers mots, ou bien il persuade à Paul que cette garantie, ainsi libellée, est applicable à tous les défauts et vices du cheval.

« 2° Le tour d’escroquerie le plus fréquent et qui réussit le mieux est celui-ci : Paul, acheteur crédule et peu fortuné, vient au marché muni d’une petite somme : 50, 100 et même 150 fr., avec l’intention d’acheter un cheval en rapport de valeur avec le prix dont il peut disposer. Pierre lui offre un bon cheval, mais d’une valeur de 300 à 400 fr. Il se contente de la petite somme qui lui sera remise à titre d’arrhes, et fera parfaitement crédit pour le reste. Au cabaret, Pierre rédige son billet de vente ; il reconnaît avoir vendu un cheval pour la somme de..., avoir reçu une somme de..., à titre d’arrhes, et il stipule que le restant du prix sera payable à livraison.

« Rentré sur le marché, Paul vient prendre livraison. Pierre ne consent plus le crédit et refuse de livrer. Il a pris des informations, il n’a pas confiance dans Paul ; bref, il exige le payement immédiat. Paul, ne pouvant payer, réclame les avantages du crédit promis ou la restitution des arrhes. Pierre ne veut ni livrer ni restituer. Paul quitte le marché absolument dépouillé et sans grande espérance, faute de fonds, de jamais pouvoir prendre livraison.

« …Cette escroquerie se commet à chaque marché et aux dépens de pauvres maraîchers, de marchands de quatre-saisons, de petits charbonniers, brocanteurs ou autres gens presque toujours illettrés.

« 3° Des chevaux amaurotiques, des chevaux trachéotomisés intentionnellement ou dans un but thérapeutique, sont vendus sur le marché à un prix peu élevé relativement à leur valeur, considérée abstraction faite du vice réel ou simulé dont ils sont atteints. Pour les chevaux portant un tube trachéal, ce tube est caché par une grelottière. Généralement, ces chevaux sont présentés et trottés tout harnachés, ce qui rend moins suspecte la fameuse grelottière.

p. 260« En rentrant du cabaret où, bien entendu, se conclut tout bon marché, Pierre tient à Paul un langage se rapprochant du suivant : « Décidément, vous êtes un trop brave homme ; ma conscience me reprocherait de vous tromper : le cheval est aveugle ; mais j’en ai là un autre qui fera admirablement votre affaire et que je vous donnerai en toute confiance, en ami, et au même prix. » Il va sans dire que le cheval proposé est une vieille rosse de la plus belle eau ; mais le malheureux Paul préfère encore cette transaction.

« Pour le cheval trachéotomisé, Pierre, au moment de la livraison, lève la grelottière et montre à Paul étonné l’orifice artificiel que porte l’animal au cou. Parfois facétieux, il dit au malheureux Paul : « Vous aurez là un bon cheval ; mais il vous faudra lui donner à manger par cette ouverture avec une cuillère. » Paul effrayé préfère perdre les 50 ou 100 fr. d’arrhes qu’il a déjà versés, ou bien il accepte un autre mauvais cheval placé à côté du premier et toujours prêt pour la circonstance.

« 4° Enfin, une autre manœuvre se pratique tout aussi couramment que les précédentes :

« Au moment de la livraison d’un cheval, un compère s’approche de l’acquéreur en évitant soigneusement, en apparence, d’être remarqué du vendeur ou de ses acolytes : « Monsieur, dit-il à Paul, j’aurais voulu vous avertir plus tôt ; malheureusement, je n’ai pu le faire : ces coquins vous ont vendu un cheval rétif, dangereux, qui vous tuera, vous et les vôtres.

« Inutile d’ajouter que Paul prend peur, abandonne un bon cheval et se fait enrosser par un mauvais cheval que Pierre lui échange...

« En général, le maquignon opère à peu près en toute sûreté. Il amène à chaque marché un cheval appelé maître d’école. Ce cheval doux, bien fait, est offert à un prix peu élevé, et le marché très vite conclu au cabaret. Lorsqu’il s’agit de livrer, le maquignon, aidé de compères, trouve toujours un moyen quelconque d’éluder la livraison. Il annonce alors le vice réel ou le plus souvent imaginaire de l’animal, offre de garder celui-ci et donne en échange un cheval vieux, plus ou moins usé, une rosse toujours tenue en réserve pour les besoins de la cause.

« Pour le cheval dit maître d’école, il est amené, à chaque marché p. 261et vendu un nombre indéfini de fois. Il est la cheville ouvrière du maquignon, son gagne-pain145.

« Souvent encore, au moment de rédiger le billet de garantie, le vendeur, doublé d’un compère qu’il a présenté comme son associé, feint un mal au bras ou à la main et prie ledit associé d’écrire et de signer le billet. Plus tard, si l’acheteur veut faire usage de cette pièce, le vendeur dit qu’il n’a jamais eu d’associé. Le nom de l’associé est, du reste, faux, et ce dernier absolument introuvable146. »

En ce qui concerne les procédés déloyaux mis en pratique par les maquignons pour empêcher les acheteurs d’exercer leurs droits dans les cas de vices rédhibitoires reconnus, ils sont non moins nombreux et non moins à craindre. Citons-en un au hasard, que nous empruntons à M. H. Bouley :

« ... Le 10 novembre dernier, M. M... a vendu à Journet un cheval, pour la valeur de 900 fr.

« M. Journet ayant fait visiter le cheval par M. Cabaret, médecin vétérinaire demeurant boulevard Masséna, n° 9, qui le reconnut et le certifia atteint de la pousse, le fit reconduire chez M. M..., par le sieur Plaurot, son charretier, le 16 novembre... M. M... (qui savait que le cheval devait être conduit à l’École d’Alfort s’il refusait de le reprendre) ne fit montre d’aucun refus, ni d’aucune protestation contre le fait sur lequel était basée la restitution dudit cheval ; il se contenta de dire à Plaurot qu’il devait le conduire dans l’auberge à côté, où il l’accompagna et Plaurot s’en alla avec la conviction que tout s’était arrangé de la manière la plus simple et la plus amiable, puisque, dans sa pensée, M. M... s’était livré du cheval, qu’il lui avait rendu, sans aucune discussion...

« Cependant, cette affaire n’était pas terminée comme M. Journet le pensait, car le 24 novembre, c’est-à-dire après l’expiration de la garantie, il recevait une assignation à comparaître le mardi suivant, devant le tribunal, pour s’entendre condamner : « À payer à M. M... fils, la somme de 900 fr. pour le prix d’un cheval à lui vendu et livré, depuis temps de droit, ainsi qu’il devait en être justifié....147. ».

p. 262En ayant l’air de reprendre le cheval sans difficulté, M. M... avait abusé de la naïveté de l’employé de M. Journet pour le détourner de conduire ce cheval à l’École d’Alfort, où il savait bien qu’on aurait tracé à cet employé la marche qu’il devait suivre pour que son patron fût mis en règle à l’égard de son vendeur.

Les manœuvres dolosives que nous venons de signaler, et d’autres encore, sont pratiquées sur une grande échelle, surtout à Paris, et réussissent à peu près toujours avec les gens illettrés et souvent même avec les personnes intelligentes, mais peu versées dans la connaissance du cheval et non initiées aux ruses des maquignons.

Pourtant, la loi est là pour protéger l’acheteur contre la mauvaise foi manifeste du vendeur ; mais, malgré cette protection, celui-ci est rarement l’objet d’un procès, soit en raison de son insolvabilité, soit parce que peu de personnes sont disposées à courir les chances d’un jugement plus ou moins long et coûteux.

Le seul moyen, pour l’acheteur, de ne pas se laisser tromper sur la qualité de l’animal mis en vente et de se mettre à l’abri d’escroqueries du genre de celles que nous venons de signaler, c’est de se faire accompagner par un vétérinaire ou, à son défaut, par toute autre personne qui, grâce à ses occupations spéciales, peut être à même de le guider.

Chapitre XIX
Loi sur les vices rédhibitoires dans les ventes et échanges d'animaux domestiques
(Promulguée le 2 août 1884)

Bien que le Code civil, dans les art. 1641, 1642148 et suivants, définisse et réglemente, d’une manière générale, les principes de la garantie des défauts de la chose vendue, il était nécessaire qu’une loi spéciale p. 263intervînt, en ce qui concerne le commerce des chevaux, tant pour « substituer l’uniformité de la loi à la diversité des coutumes149 », que pour « établir une nomenclature à la place des généralités de l’art. 1641, offrir des règles aux juges, lever l’incertitude dans les marchés, et y faire cesser la fraude » 150.

C’est dans ce but que fut rédigée la loi du 20 mai 1838, qui vient d’être tout récemment modifiée et abrogée par celle du 2 août 1884, dont nous allons reproduire ici les articles relatifs à l’espèce chevaline :

ART. 1er. — L’action en garantie, dans les ventes ou échanges d’animaux domestiques, sera régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions suivantes, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus s’il y a dol.

ART. 2. — Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 et suivants du Code civil, sans distinction de localités où les ventes et échanges auront lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir :

  • La morve ;
  • Le farcin ;
  • L’immobilité ;
  • L’emphysème pulmonaire ;
  • Le cornage chronique ;
  • Le tic proprement dit, avec ou sans usure des dents ;
  • Les boiteries anciennes intermittentes ;
  • La fluxion périodique des yeux.

ART. 3. — L’action en réduction de prix, autorisée par l’article 1644 du Code civil, ne pourra être exercée dans les ventes et échanges d’animaux énoncés à l’article précédent, lorsque le vendeur offrira de reprendre l’animal vendu, en restituant le prix et en remboursant à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.

ART. 4. — Aucune action en garantie, même en réduction de prix, ne sera admise pour les ventes ou pour les échanges d’animaux domestiques, si le prix, en cas de vente, ou la valeur, en cas d’échange, ne dépasse pas 100 francs.

ART. 5. —Le délai pour intenter l’action rédhibitoire sera de neuf jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison, excepté pour la fluxion périodique, pour laquelle ce délai sera de trente jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison.

ART. 6. — Si la livraison de l’animal a été effectuée hors du lieu du domicile du vendeur ou si, après la livraison et dans le délai ci-dessus, l’animal a été conduit hors du lieu du domicile du vendeur, le délai pour intenter l’action p. 264sera augmenté à raison de la distance, suivant les règles de la procédure civile.

ART. 7. — Quel que soit le délai pour intenter l’action, l’acheteur, à peine d’être non recevable, devra provoquer, dans les délais de l’article 5, la nomination d’experts chargés de dresser procès-verbal ; la requête sera présentée, verbalement ou par écrit, au juge de paix du lieu où se trouve l’animal ; ce juge constatera dans son ordonnance la date de la requête et nommera immédiatement un ou trois experts, qui devront opérer dans le plus bref délai.

Ces experts vérifieront l’état de l’animal, recueilleront tous les renseignements utiles, donneront leur avis, et, à la fin de leur procès-verbal, affirmeront par serment la sincérité de leurs opérations.

ART. 8. — Le vendeur sera appelé à l’expertise, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par le juge de paix, à raison de l’urgence et de l’éloignement.

La citation à l’expertise devra être donnée au vendeur dans les délais déterminés par les articles 5 et 6 ; elle énoncera qu’il sera procédé même en son absence.

Si le vendeur a été appelé à l’expertise, la demande pourra être signifiée dans les trois jours, à compter de la clôture du procès-verbal, dont copie sera signifiée en tête de l’exploit.

Si le vendeur n’a pas été appelé à l’expertise, la demande devra être faite dans les délais fixés par les articles 5 et 6.

ART. 9. — La demande est portée devant les tribunaux compétents suivant les règles ordinaires du droit.

Elle est dispensée de tout préliminaire de conciliation, et, devant les tribunaux civils, elle est instruite et jugée comme matière sommaire.

ART. 10. — Si l’animal vient à périr, le vendeur ne sera pas tenu à la garantie, à moins que l’acheteur n’ait intenté une action régulière dans le délai légal, et ne prouve que la perte de l’animal provient de l’une des maladies spécifiées dans l’article 2.

ART. 11. — Le vendeur sera dispensé de la garantie résultant de la morve ou du farcin pour le cheval, l’âne et le mulet, et de la clavelée pour l’espèce ovine, s’il prouve que l’animal, depuis la livraison, a été mis en contact avec des animaux atteints de ces maladies.

ART. 12. — Sont abrogés tous règlements imposant une garantie exceptionnelle aux vendeurs d’animaux destinés à la boucherie.

Sont également abrogées la loi du 20 mai 1838 et toutes les dispositions contraires à la présente loi.

En somme, les dispositions nouvelles qui distinguent la loi du 2 août 1884 de son aînée du 20 mai 1838 peuvent se résumer ainsi : suppression de quelques vices ayant donné lieu à des abus ; rétablissement de la faculté, pour l’acheteur, de se contenter de l’action en réduction de prix ; enfin, fixation d’un maximum d’intérêt en dessous duquel toute action est refusée à l’acquéreur pour vices rédhibitoires.

p. 265

Chapitre XX
Application de la connaissance de l'extérieur du cheval en peinture et en sculpture

S’il est indispensable, comme le dit M. Ch. Blanc151, que l’artiste purifie la matière par le style, souffle une âme à ses corps et dégage du spectacle de la nature toutes ses poésies ; si la forme ne doit pas être le fond même dans l’art, il n’en résulte pas, ajoute le même auteur, qu’il faille rabaisser celui-ci au rôle de « courtisane inféconde, n’ayant d’autre mission que le plaisir ».

Si l’art, enfin, ne peut simplement consister en une servile « imitation de la nature », il est néanmoins admis par tous les critiques actuels qu’il doit en être une fidèle « interprétation ».

Or, il suffit de jeter un coup d’œil sur les œuvres des artistes anciens et modernes pour s’assurer que trop souvent les peintres et les sculpteurs se sont contentés de nous montrer des vérités de convention, de faire de l’art pour l’art, surtout en ce qui concerne la reproduction du cheval.

Excusable autrefois, cette tendance à faire beau en dehors du vrai ne l’est plus aujourd’hui, que nous sommes mieux renseignés, que les artistes possèdent toutes les indications théoriques pour arriver sûrement à une exactitude que leurs prédécesseurs ne pouvaient guère atteindre qu’inconsciemment de temps en temps.

C’est dans le but de bien mettre en évidence la nécessité, pour les peintres et les sculpteurs, de connaître la conformation extérieure du cheval, et surtout les proportions, les aplombs et les allures de cet animal, que nous allons examiner quelques œuvres très connues où le manque absolu des connaissances ci-dessus a entraîné des erreurs, des difformités qui déparent réellement ces œuvres.

Examen des œuvres de quelques peintres ou sculpteurs de chevaux

Parmi les rares artistes anciens qui ont échappé à la routine de leur époque, Phidias (431 avant J.-C.) tient certainement le premier rang. p. 266À part quelques irrégularités de détail, on peut, en effet, dire des chevaux qui décorent les bas-reliefs du Parthénon que nulle autre sculpture ne s’approche autant de la forme naturelle.

Non seulement « les chars des Panathénées décorant la frise du sud sont attelés de chevaux bien plus longs que ceux des nombreux cavaliers qui les escortent au galop, se cabrant et piaffant » ; mais on observe sur les deux sculptures de la figure 106 « la reproduction très exacte du premier temps du galop152. »

Fig. 106. — Les chevaux du Parthénon (Phidias).

Le colonel Duhousset a, d’ailleurs, remarqué dans le cours de ses voyages en Italie, en Grèce et en Perse, que les peintres et les sculpteurs anciens différenciaient généralement les formes des animaux montés de celles des animaux attelés, montrant par là qu’ils n’ignoraient pas que telle conformation, défectueuse chez le cheval de selle, p. 267qui doit souvent porter un poids considérable, ne l’est plus et constitue même quelquefois une qualité en ce qui concerne le cheval de trait léger.

Le fameux cheval du général Bartholomo Coléone de Bergame, dont la statue équestre décore, à Venise, la place de l’église Zanipolo, malgré ses défauts et son apparence massive, malgré la critique qu’en a faite M. Cherbuliez dans son intéressant récit À propos d’un cheval, est lui-même d’un grand caractère et présente des appuis vrais comme direction et trace sur le terrain ; le membre gauche de devant seul, d’après M. Duhousset, devrait être moins avancé et moins loin de terre.

Nous avons pu nous-même vérifier l’exactitude de cette appréciation sur la reproduction du cheval en question, que l’on peut admirer dans l’une des salles de la collection Thiers au Louvre. Toutefois, ajoutant une critique à celle de l’auteur précité, nous nous demandons pourquoi le sculpteur a gratifié son cheval de quatre pieds malades (pieds cerclés) ?

La statue équestre de Gattamelata de Padoue, et la plupart de celles qu’on rencontre en grand nombre dans les églises de Venise, sont, d’un autre côté, à l’allure calme et régulière du pas.

Mais, à côté de ces exceptions, combien de peintres ont voulu frapper notre imagination en nous montrant des vérités absolument conventionnelles ! combien ont oublié que la vérité est la source du beau dans les arts et le moyen de s’en éloigner le moins !

Léonard de Vinci (1452-1519), entre autres, pour ne pas remonter trop haut, malgré la « profonde et rare connaissance qu’il avait du cheval153, » n’a pas toujours été exempt de reproches en ce qui concerne la reproduction de cet animal. Ainsi, dans sa fameuse bataille d’Anghiari, dont il ne nous reste aujourd’hui qu’un morceau (encore n’est-ce qu’une copie de Rubens) : deux cavaliers se disputant un drapeau, les chevaux, animés par le combat, ouvrent démesurément la bouche et laissent voir un nombre incalculable d’incisives, sans espace interdentaire154; ils ont, d’ailleurs, plutôt l’air de féroces carnassiers que de vaillants coursiers. Il est vrai de dire que, d’après M. Ch. Blanc, les principaux défauts de la composition en question sont imputables à Rubens : sous son crayon, « ...l’animation des p. 268chevaux paraît uniquement bestiale. C’est une bataille où le tempérament, le sang et les viscères ont plus de part que l’âme et le courage155 ».

L’œuvre que nous venons de passer en revue ne nous offre, après tout, qu’un exemple de l’engouement général des peintres et des sculpteurs de cette époque pour l’antique.

Déjà, en 1653, le sieur de Solleysel, escuyer ordinaire de la grande escurie du roy, s’élevait fortement contre l’attitude fausse que les artistes donnaient à leurs chevaux, par imitation des anciens : « Quoique ceux-ci aient observé les proportions en beaucoup de parties, dit-il,.... la pluspart des attitudes qu’ils ont données aux chevaux ne doivent pas être imitées au temps où nous sommes ; les chevaux des anciens n’avaient aucune écolle, et mesme très peu d’obéissance ; ils étoient plus étrangement bridez que les Cravattes et les Turcs ne le font en leurs pais ; et toutes les actions qu’ils faisoient sous l’homme approchaient des mouvements de rage et de furie, parce que le cavalier ne sçavoit ce qu’il demandoit à son cheval, qui, plein de fougue et de désespoir, faisoit des actions plus capables de faire remarquer son emportement qu’aucune marque d’obéissance et de subjection aux volontez du cavalier...

« Je demande à tout homme de bon sens si l’on doit imiter les anciens en ce qu’ils ont fait de mal ; s’ils n’ont peint que des chevaux dans des postures de rage et de désespoir, ils n’ont pu faire autrement, ils n’en voyaient point d’autres ; mais, présentement, de représenter sous un roy, un grand prince, ou un général d’armée, un cheval dans ces actions de furie et d’emportement, ce seroit faire croire aux spectateurs que celuy qui est à cheval, ou ne peut le faire obéir, ou n’a pas eu un cheval obéissant, ce qui seroit ridicule à penser au temps où nous sommes, puisque les personnes de cette condition ne montent que sur des chevaux parfaitement bien ajustez, et qui sont dans une entière obéissance »156.

Raphaël (1483-1520) (1483-1520), qui idéalisait si bien le type humain, n’a jamais accordé la moindre attention au cheval. Aussi, le représente-t-il absolument difforme et critiquable dans toutes ses parties.

Pierre de Laer, dit le Bamboche (1615-1673), qui eut une certaine p. 269célébrité dans son genre, ne représente pas le cheval autrement qu’avec un ventre tombant, des boulets engorgés, des tendons faillis, des pieds énormes, des jarrets et des genoux tout à fait monstrueux. Il suffit, pour se rendre compte de ce fait, de jeter un coup d’œil sur son maréchal ferrant, « tableau précieux à tous les égards, dit M. Lecarpentier, retraçant un événement de la vie malheureuse et agitée de Charles II, roi d’Angleterre157. »

Charles Parrocel (1688-1752), bien que fils d’un peintre de batailles, et très amateur de chevaux lui-même, a complètement négligé la partie anatomique ; ses têtes surtout sont mal construites et rendent les chevaux absolument difformes, comme on peut s’en assurer en examinant son portrait équestre de Louis XV, actuellement au musée de Versailles, et son écuyer, dont nous donnons un calque ci-dessus (fig. 107 du texte).

Fig. 107. — L’écuyer (Ch. Parrocel).

Dans cette œuvre, non seulement la tête du cheval est trop petite et la croupe trop ample, mais le cavalier est absolument disproportionné par rapport au cheval : son pied tombe beaucoup trop au-dessous du profil de la courbe inférieure du ventre.

Rubens (1577-1640), Salvator Rosa (1615-1673), Lebrun (1619-1690), p. 270Van der Meulen (1634-1690), commirent la même faute que Parrocel, et figurèrent leurs chevaux avec des poitrails, des croupes énormes, et des têtes manifestement trop petites. Il n’y a qu’à se promener un instant dans les galeries du Louvre pour reconnaître le bien fondé de cette critique.

Casanova (1730-1805), tout en disproportionnant moins ses têtes, fit aussi des chevaux beaucoup trop massifs. Ses poitrails surtout sont absolument difformes.

De Solleysel reproche également aux artistes de son époque d’avoir représenté les épaules trop massives : ... « Ce sont, dit-il, les meilleures pour les chevaux de tirage, mais tout cheval de selle qui auroit les épaules larges, charnues, grosses et rondes, comme les sculpteurs essayent de les représenter, seroit un parfait cheval de charette, car il seroit lourd, pesant, attaché à la terre » D’autre part, poursuit l’auteur précité, les muscles de ces grosses épaules sont trop apparents :...« en paroist-il à un homme fort gras, il en paroitra aussi peu à ces épaules fort charnues... Si l’on fait des muscles et des nerfs à ces épaules rondes, ils seront contre nature et mal placez... »158.

Fig. 108. — Cheval au galop (Carle Vernet).

Carle Vernet (1758-1835), brillant cavalier et homme à la mode, réagit fortement contre le cheval lourd de Parrocel, Rubens, Salvator Rosa, Lebrun, Casanova, etc. ; « il se permit de regarder la nature et de copier, non pas des chevaux peints, mais des chevaux à peindre159 ». Il eut le tort, toutefois, en réhabilitant les races fines, d’exagérer p. 271leur finesse. Le cheval de son Mameluk au combat, par exemple, a non seulement les membres trop fins, mais beaucoup trop longs pour un cheval arabe ; c’est le dessous d’un cheval anglais de course.

D’un autre côté, dans toute son œuvre, il n’y a pas un animal autrement qu’au trot pour figurer le pas. Ses chevaux donnent la ruade en sautant les obstacles, accusant fortement la divergence des quatre membres ; tous galopent sur des pistes parallèles et le bipède postérieur pressant par les deux pinces, d’un effort égal, pour le départ au galop (fig. 108).

C’est là, d’ailleurs, une erreur qu’on retrouve dans un grand nombre de tableaux. Jean Van Huchtenburg (1646-1733), peintre de batailles et favori du prince Eugène, François Gérard (1770-1837), etc., ne reproduisent pas leurs chevaux au galop autrement que Carle Vernet.

Fig. 109. — Un cheval de la lithographie : le Marchand de chevaux (Géricault).

Gros (1771-1835), élève de David, suivit la même voie que Vernet et fit grand en dehors des sentiers frayés. Son grand mérite, dit M. Ch. Blanc, fut de donner de la « vigueur et de la race » au cheval élégant de Carle. « Il avait, du reste, la conscience de sa supériorité en ce genre, et dans son langage pittoresque et fringant, il disait, à propos de Carle Vernet : « Un de mes chevaux en mangerait six des siens »160.

Il ne tarda pas, toutefois, à être distancé par Géricault (1791-1824), dont un biographe a dit : « Que, par miracle, ses chevaux descendent de leur cadre ou se détachent de la pierre lithographique, et nous les verrons continuer le mouvement commencé, l’achever, et, p. 272sur la nerveuse élasticité de leurs jarrets, poursuivre leur course ininterrompue. »

Mais, malgré l’immense talent de Géricault, on sent que son œil exercé n’a jamais pu suppléer à la théorie qui lui manquait. Dans sa lithographie : le Marchand de chevaux, les cinq animaux qui y figurent ont une position de membres ne répondant ni à l’action présente, ni à celle qui a dû précéder, ni à celle qui suivra. D’après M. Duhousset, la position pointillée des membres antérieurs de l’animal le plus en vue (fig. 109 du texte) rétablirait, pour lui, l’appui latéral, qui est le seul convenant à la position de son arrière-main.

En ce qui concerne le premier motif du dessin représenté par la figure 110 du texte, l’intention de l’artiste a été de mettre les deux animaux au pas ; or, « il aurait fallu, dans ce but, dit M. Duhousset161, intervertir la pose des membres de derrière du premier, comme le montre la rectification ; il eût été alors sur l’appui diagonal gauche, de même que le second, en changeant le mouvement des membres de devant ».

Fig. 110. — Cheval monté et cheval du Giaour (sujets tirés des œuvres de Géricault).

D’autre part, « le cheval du Giaour (second motif de la figure 110 du texte) n’appuie que d’un côté ; ce qui rend son équilibre plus difficile, c’est d’être sur une pente et de paraître peu soumis ; pour le rendre p. 273solide, il faut lui donner la base diagonale droite et lui faire lever le membre gauche, pendant que le droit pince fortement le terrain. »

Nous avons aussi remarqué, dans une des salles du Louvre, un petit dessin de Géricault figurant une espèce de centaure, où l’animal, à l’appui sur trois membres, les jarrets fléchis, le membre antérieur droit dans la position du camper, lève le membre opposé de telle façon que le genou dépasse la moitié de la hauteur de l’épaule. Or, il est à peine utile de faire remarquer que c’est là une position physiologiquement impossible.

Fig. 111. — Les chevaux de course (Géricault).

Relativement aux proportions, le cheval de son fameux Officier de chasseurs de la garde impériale est lui-même inexact ; c’est le corps d’un gros boulonnais supporté par les membres d’un cheval de pur sang anglais.

Quant au cheval du Cuirassier blessé, « sa tête, dit M. Ch. Blanc, est d’un type qui rappelle ceux de Gros. En dépit du raccourci, la croupe touche presque à l’encolure, et l’étroitesse de la toile semble avoir fait, en cet endroit, sacrifier la rigueur des proportions162...

p. 274Enfin, dans sa célèbre toile les Chevaux de course, Géricault a évidemment exagéré la longueur des membres de devant en profilant leurs pieds en avant des naseaux (fig. 111 du texte, A), puisque ceux-ci représentent normalement le point le plus avancé de l’animal dans le ventre-à-terre. Pour que l’extension des membres antérieurs fût plus conforme à la vérité, il y aurait lieu de reconstruire les chevaux de Géricault avec les rectifications signalées par M. Duhousset (fig. 111 du texte, B).

Fig. 112. — Le trompette mort et la smala d’Abd-el Kader (H. Vernet).

Vint ensuite Horace Vernet (1789-1863), qui a surtout excellé à peindre le beau cheval arabe. « Il avait fait du cheval une étude particulière, dit de lui M. Ch. Blanc ; il en savait par cœur l’anatomie et les proportions163. » Pourtant, ses œuvres portent encore l’empreinte regrettable de cette ignorance des lois qui régissent la locomotion.

Dans sa célèbre gravure du Trompette mort, il est manifeste que la p. 275position du cheval n’est pas vraie ; « en effet, les deux pieds qui posent sont sur l’appui latéral, trop rapprochés, et ne pourraient soutenir la masse, surtout si l’animal venait à reculer, comme cela paraît devoir se produire pour ne pas marcher sur l’homme (fig. 112 du texte). Le cheval a dû s’avancer avec précaution, et ce n’est que lorsqu’il s’est senti bien assujetti, qu’il a fortement courbé le cou et avancé la tête, afin de se rendre compte de l’immobilité de son maître. Il était donc nécessaire de lui donner franchement l’appui diagonal gauche, pour que le corps fût disposé à avancer ou à reculer facilement164. » 

Fig. 113. — Le cheval du Napoléon de la retraite de 1814 (Meissonier).

Nous indiquons la modification proposée par M. le colonel Duhousset dans le petit croquis à gauche de celui de l’artiste.

Le second sujet de la figure 112 est tiré du tableau de la Smala d’Abel-Kader, et représente la jument qui se trouve à l’extrême droite : un chef arabe la tire vigoureusement par l’oreille et la bride, pendant qu’un nègre cherche à lui placer la selle sur le dos ; « l’animal n’a qu’un pied qui appuie réellement à terre ; ce n’est pas le pas, car ses membres p. 276sont à l’allure du trot ; avec ce développement, il enlèverait facilement le cavalier cherchant à l’entraîner. La pose est surtout fausse par la peine que prend son maître à exciter un mouvement déjà trop vif ; pour figurer le pas allongé, il faudrait, en changeant très peu de chose au dessin, faire poser le membre gauche de devant et la jambe droite diagonalement opposée, ainsi que le montre la rectification à côté165. » 

Fig. 114. — Proportions de l’homme comparées à celles du cheval.

De tous les peintres contemporains, Meissonier est certainement celui qui rend le mieux les mouvements du cheval, qu’il représente en général avec des allures calmes et justes. Nous prenons comme exemple le croquis du Napoléon de la Retraite de 1814 (fig. 113 du texte), que nous empruntons encore à l’excellent livre de M. le colonel Duhousset, l’un de ceux qui, en France, se sont le plus occupés p. 277des allures et surtout des proportions du cheval, depuis quelques années.

Nous devons, d’ailleurs, rendre cette justice aux artistes de notre époque, qu’ils accordent, en général, plus d’attention à la reproduction du cheval que ceux qui les ont précédés. Aussi, sous ce rapport, sont-ils bien supérieurs à ces derniers.

Les œuvres de Delacroix, Henri Regnault, Frémiet, de Neuville, Detaille, etc., etc., ne laissent aucun doute à cet égard.

Cela ne veut pas dire, toutefois, qu’ils n’ont jamais commis la moindre inexactitude.

Le cheval du de Maréchal PrimRegnault, par exemple, malgré toute l’admiration que nous avons pour le tableau dans son ensemble, nous paraît critiquable sous plus d’un rapport : non seulement ce n’est pas un cheval de selle, mais il ne peut être logiquement rangé dans aucune race connue.

Avec son encolure épaisse, son poitrail énorme, ses membres puissants, sa crinière et sa queue fantastiques, il ne ressemble pas plus au cheval andalous qu’à tout autre type espagnol actuel.

Que Frèmiet nous représente sa Jeanne d’Arc sur un cheval dont nous ferions aujourd’hui un animal de trait, rien de plus logique : la vérité historique exigeait que Jeanne fût sur un cheval de son époque, sur un de ces robustes destriers que montaient en guerre les pesants chevaliers d’alors. Mais, en ce qui concerne Henri Regnault, dans son Maréchal Prim, il a évidemment sacrifié la vérité au désir de frapper notre imagination.

Il est bien entendu que nous nous sommes contenté, dans ce chapitre, de passer très rapidement en revue quelques-unes des œuvres les plus connues. Nous en avons laissé un grand nombre de côté, dont l’examen nous eût entraîné beaucoup trop loin.

Toutefois, afin que le lecteur puisse se faire une idée des inexactitudes qu’il est fréquent de rencontrer, en outre de celles précédemment énumérées, même dans les tableaux du Louvre, nous signalerons certaines œuvres où la tête des chevaux, exagérément longue, est tout aussi large en bas qu’en haut et se rapproche beaucoup trop de la forme rectangulaire ; d’autres où le canon, sous prétexte de rendre l’allure plus élégante, décrit une magnifique courbe du genou au boulet ; d’autres encore où l’avant-bras semble se détacher de dessous la poitrine ; p. 278d’autres, enfin, où la cuisse présente une largeur double de celle qu’elle doit avoir normalement, où « les jambes de derrière, le boulet et le pâturon sont tout d’une pièce comme la jambe d’un chien, ce qui est ridicule166 », etc., etc.

D’ailleurs, combien d’artistes, ne tenant aucun compte des principaux caractères qui distinguent telle race d’une autre, nous ont représenté les Perses montés sur des chevaux percherons ou normands, les Huns en possession du cheval allemand ou anglais, etc., etc.

La figure 114 du texte, qui termine cet examen, reproduit avec une exactitude absolue les proportions de l’homme comparées à celles du cheval. Dans cet exemple, le cavalier a 1m, 70 de taille et le cheval 1m, 60 de hauteur du garrot au sol.

Maintenant, que le lecteur nous permette de tirer des lignes précédentes la seule conclusion qui nous paraisse logique : s’il est évident que le sentiment, le style, le génie dans l’art peuvent remplacer la vérité ou au moins faire excuser certaines inexactitudes, il est non moins certain que l’artiste à la fois respectueux du beau et du vrai sera toujours supérieur à celui qui négligera l’une ou l’autre de ces qualités.

1

Goubaux et Barrier, De l’extérieur du cheval, Paris, 1884, p. 7.

2

Il est à noter que la forme du front varie avec l’âge. Chez le poulain, cette région est plus ou moins étroite et toujours fortement bombée. C’est vers cinq ans seulement qu’elle présente ses caractères définitifs.

3

De Solleysel, Le véritable parfait mareschal, 3e édition. Paris, MDCLXXII, p. 8.

4

Goubaux et Barrier, De l’extérieur du cheval. Paris, 1884, p. 64.

5

Général E. Daumas, Les chevaux du Sahara et les mœurs du désert, 8e édition. Paris, 1881, p. 66 et 67.

6

De Solleysel, Le véritable parfait mareschal, p. 9.

7

Bourgelat, Traité de la conformation extérieure du cheval, 5e édit., p. 57.

8

Général E. Daumas, loc. cit., p. 67.

9

Nouveau dictionnaire pratique de médecine, de chirurgie et d’hygiène vétérinaires, t. III, art. BOUCHE.  

10

Cette opinion a été appuyée par l’autorité de Cuvier, qui a avancé que la stupidité et la férocité des animaux paraissent être en raison de la prédominance du développement des mâchoires sur celui du cerveau.
Nous ne parlerons pas ici de la théorie de Camper (angle facial), qui sera étudiée à propos de la IIIe partie (voy. Tête).

11

De Solleysel, Le véritable parfait mareschal, p. 10.

12

Général E. Daumas, loc. cit., p. 68.

13

H. Bouley, Dictionnaire pratique de médecine, de chirurgie et d’hygiène vétérinaires, t. VI, art. ENCOLURE.  

14

H. Bouley, Nouveau dictionnaire, etc., t. VIII, p. 73.  

15

Que le fémur, en effet, suive ou ne suive pas le déplacement des coxaux, l’angle coxofémoral n’en reste pas moins généralement plus ouvert qu’avec la croupe horizontale.

16

Vallon, loc. cit., p. 406.Vallon, Cours d'hippologie à l'usage de MM. les officiers de l'armée, 3e édition, Paris , 1880, tome 1, p. 406.  

17

Richard, Étude du cheval de service et de guerre. Paris, 6e édition, p. 215.

18

Nous avons souvent entendu dire par un de nos officiers généraux de cavalerie les plus justement en vue, que jamais il n’avait rencontré un cheval de selle à croupe oblique, longue, bien musclée, sautant mal.

19

Richard, loc. cit., p. 163.

20

Général E. Daumas, loc. cit.

21

Merche, vétérinaire principal de l’armée, Nouveau traité des formes extérieures du cheval, p. 236.  

22

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 222.

23

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 225.

24

Ibid., p. 226.

25

Richard, loc. cit., p. 170.

26

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 240.

27

De Solleysel, loc. cit., p. 49.

28

E. Alix, Notice sur les principaux animaux domestiques du sud et du littoral de la Tunisie Paris, 1883, note 1, p. 8.  

29

De Solleysel, Le véritable parfait mareschal, p. 17.

30

Général E. Daumas, loc. cit., (Lettre d’un roi arabe qui vivait avant le Prophète à un empereur de Constantinople, lui signalant les qualités des chevaux du nord de l’Afrique.)

31

Richard, loc. cit., p. 224

32

De Solleysel, loc. cit., p. 17

33

Moll et Gayot, La Connaissance générale du cheval. Paris, 1872, p. 201.

34

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 71.Commission d’hygiène hippique, Cours abrégé d'hippologie, Paris, 1875, p. 71.  

35

On réserve quelquefois exclusivement le nom de barre à la partie repliée de la paroi, et celui d’arc-boutant au point où la paroi s’infléchit pour former la barre.

36

Bracy-Clark, Recherches sur la construction du sabot du cheval  .

37

Commission d’hygiène hippique, Manuel de maréchalerie, p. 49.  

38

Comme on peut très bien s’en rendre compte par l’examen du sixième plan de la figure 1, la petite gaine sésamoïdienne forme deux culs-de-sac : l’un, supérieur, remontant jusqu’au niveau du cul-de-sac inférieur de la grande gaine sésamoïdienne ; l’autre, inférieur, situé en avant du ligament interosseux qui réunit le petit sésamoïde à l’os du pied.

39

L. Goyau, Traité pratique de maréchalerie. Paris, 1882, p. 39.

40

F. Lecoq, Traité de l’extérieur du cheval. Paris, 1870, p. 160.  

41

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 105  .

42

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 56  .

43

G. Chénier, De l’Atrophie du coussinet plantaire, de ses causes, de ses conséquences et de son traitement, 1877.

44

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 74  .

45

Colonel Duhousset, Le Cheval, Paris, 1881. Desfossés et Cie, fig. 33, p. 60.

46

Frederico Grisone, Ordini di cavalcare e modi di conoscere le nature de Cavalli, etc. 1565.

47

Le Nâceri, ou Traité complet d’hippologie et d’hippiatrie arabes, traduit de l’arabe par M. Perron, t. II, p. 96. Paris, 1859  .

48

Richard, loc. cit., 1880, p. 275 et suivantes.

49

Goubaux et Barrier, loc. cit., pp. 411 et 412.

50

Richard, loc. cit., p. 257.

51

Lecoq, loc. cit., p. 334  .

52

Colonel E. Duhousset, loc. cit., p. 63 et suivantes.

53

Capitaine Morris (depuis général), Essai sur l’extérieur du cheval, Paris, 1835.
Dans ce travail, l’auteur soutient la thèse que, chez tout cheval bien conformé, les rayons osseux des membres dirigés dans le même sens sont exactement parallèles entre eux : celui de l’épaule, par exemple, avec celui de la cuisse ; celui de l’avant-bras avec celui du canon postérieur, etc. D’où sa théorie du parallélisme des rayons, qui a pour corollaire forcé la similitude des angles formés aux points d’intersection des rayons osseux prolongés, et d’après laquelle il a construit le cheval type reproduit en tête de son livre.

54

G. Neumann, Des aplombs chez le cheval, in Journal des vétérinaires militaires, t. VIII, p. 352.

55

Alexis Lemoigne, Recherches sur la mécanique animale du cheval, in Recueil de médecine vétérinaire. 1877, pp. 81 et 208.  

56

Goubaux et Barrier, loc. cit., pp. 437 et suivantes.

57

Goubaux et Barrier, loc. cit., pp. 449 et 450.

58

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 457.

59

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 467.

60

L. Moll et E. Gayot, La Connaissance générale du cheval, p. 323.

61

J. Magne, Races chevalines, 3e édition, p. 351.

62

Goubaux et Barrier, loc. cit., pp. 466 et suivantes.

63

A. Sanson, Traité de Zootechnie, t. III, 2e édition, p. 255.

64

Comte de La Gondie, Le Cheval et son cavalier. Paris, 1884, p. 15.

65

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 480.

66

De Curnieu, loc. cit., 3e partie, p. 82.De Curnieu, Leçons de Science hippique générale, Paris, J. Dumaine, t. III, 1860, p. 82.

67

Goubaux et Barrier, loc. cit., pp. 485 et 486.

68

T. Bonie, Fond et vitesse d’une troupe de cavalerie en campagne. Paris, 1872, p. 35.  

69

Une troupe en marche étant nécessairement composée de chevaux de vitesse et de fond différents peut, jusqu’à un certain point, être assimilée à tout cheval de résistance et de train moyens.

70

L’essoufflement et le défaut de forger sont les meilleurs signes pratiques de la fatigue du cheval.

71

« Pour les trois parcours de 45, 54, 60 kilomètres, on peut, dit M. le général. Bonie, diminuer le nombre des haltes, et remplacer ce repos par des temps de pas, en diminution du trot. »

72

En comptant le cavalier déshabillé pour un poids de 65 kilogr., le cheval de troupe doit porter, y compris le harnachement, l’habillement, les armes, les vivres, les munitions, etc., un poids de 152 kilogr. qui, souvent augmenté de 10 kilogr. par la pluie, donne le total effrayant de 162 kilogrammes.

73

À partir du jarret, la partie postérieure du membre devrait être tangente à la ligne pointillée.

74

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 513.

75

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 355.

76

William Day, Le cheval de course à l’entraînement, traduit de l’anglais par le vicomte de Hédouville. Paris, 1881, p. 111.  

77

Vallon, loc. cit., p. 475  .

78

E. Alix, Notice sur les principaux animaux domestiques du sud et du littoral de la Tunisie. Paris, 1883, p. 9  .

79

Ces chapitres ont paru en un fascicule intitulé : Les allures du cheval, démontrées à l’aide d’une planche coloriée découpée et articulée. Texte et dessins par M. E. Cuyer, avec une introduction par M. Mathias Duval, Paris, 1883.  

80

Marey, La Machine animale. Paris, 1873.  

81

Marey, Analyse du mécanisme de la locomotion au moyen d’une série d’images photographiques recueillies sur une même plaque et représentant les phases successives du mouvement (Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, tome XCV, 3 juillet 1882)  .

82

Voyez une de ces figures, page 159.

83

Extrait des Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, t. XCV, séance du 8 juillet 1882.  

84

Encyclopédie anatomique, tome II, Traité de la mécanique des organes de la locomotion, Atlas Pl. XIII, Paris, 1843.

85

Cette expression, la durée d’un pas, est employée dans la légende qui accompagne la planche originale ; c’est plutôt un demi-pas, car le pas a pour expression la série de mouvements qui s’exécute entre deux positions semblables d’un même pied ; ici, sont représentés seulement ceux qui se produisent entre l’action d’un pied et celle de l’autre pied.

86

Colin, Traité de physiologie comparée des animaux, 2e édition. Paris, 1871.  

87

Marey, Comptes rendus de l’Académie des Sciences, séance du 28 juin 1882.

88

Duhousset, Le Cheval. Paris, 1881.

89

Goyau, Traité pratique de maréchalerie. Paris, 1882.

90

Vallon, loc. cit., p. 154  .

91

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 658.

92

H. Bouley, Nouveau dictionnaire, t. IV, p. 441.

93

On dit d’une dent qu’elle a usé quand son bord antérieur a perdu par l’usure la couche d’émail qui le rendait tranchant. On la dit rasée quand le bord postérieur, arrivé au niveau du premier, a également usé.

94

A. Goubaux et G. Barrier, loc. cit., p. 700.

95

J. Girard, Traité de l’âge du cheval, 3e édition. Paris, 1834  . — Pessina, Sul modo di conoscere dai denti l’eta dei cavalli. Milano, 1831.

96

C’est, en effet, à la fin seulement de la période d’accroissement que la soudure de toutes les épiphyses des os longs est terminée et que le squelette se trouve complètement achevé.

97

Quelquefois un peu plus tôt ou un peu plus tard, la précocité des animaux dépendant beaucoup de la nourriture et des soins qu’ils reçoivent, du climat, de la nature du sol, etc.

98

Les Arabes ont l’habitude de couper les crins du toupet, de l’encolure et de la queue des jeunes chevaux. Commencée à un an, l’opération est ensuite renouvelée à deux ans, puis à trois ans. De trois à cinq ans, on laisse pousser les crins, pour couper de nouveau le tout à cinq ans faits. Après cet âge, on ne touche plus aux crins ; mais, comme il faut au moins trois ans pour que ceux-ci aient pris toute leur longueur, ce n’est guère que vers huit ans qu’on peut appeler le cheval djarr (Le traîneur avec sa queue) (Général E. Daumas, loc. cit., p. 119).

99

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 101p. 161  .

100

Aristote, Hist. animal., liv. V.

101

Hartmann, Traité des haras, etc., traduit de l’allemand. Paris, 1788, p. 32.

102

Bourgelat, Traité de la conformation extérieure du cheval, 2e édit. Paris, 1775, p. 286.

103

Cette classification n’est certainement pas à l’abri de tout reproche ; mais elle présente au moins l’avantage d’être à la fois simple et claire.

104

Bouillet et Littré, Dictionnaires.

105

Général E. Daumas, loc. cit., pages 157 et 158.

106

De Solleysel, loc. cit., pages 119 et 120.

107

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 892.

108

De Solleysel, loc. cit., p. 119.

109

De Curnieu, loc. cit., p. 185.De Curnieu, Leçons de Science hippique générale, Paris, J. Dumaine, t. I, 1855, p. 195.

110

Lecoq, loc. cit., p. 492.

111

Général Daumas, loc. cit., pages 155 et suivantes.

112

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 141p. 131  .

113

Sanson, Traité de zootechnie. Paris, 1878, t. III, p. 201.

114

On sait, en effet, qu’une plaie linéaire suivant la direction des poils se cicatrise plus vite et laisse moins de trace qu’une autre coupant cette même direction ; qu’un feu tare d’autant moins l’animal qu’on a mieux suivi la ligne d’implantation des poils, etc., etc.

115

H. Beaunis et A. Bouchard, Nouveaux éléments d’anatomie descriptive et d’embryologie. Paris, 1868, pages 922 et 923.  

116

Vallon, loc. cit., p. 8  .

117

F. Lecoq, loc. cit., p. 502.

118

Mot anglais synonyme dorigine ou de généalogie.

119

Mot également d’origine anglaise, employé sur le turf pour indiquer les épreuves subies par un cheval de course.

120

William Day, Le Cheval de course à l’entraînement, traduit de l’anglais par le vicomte de Hédouville. Paris, 1881, pp. 111 et 112.  

121

Ces chevaux ne devant généralement pas porter des poids énormes, il est bon de faire remarquer que, chez eux, la longueur du dos doit être considérée comme une beauté, cette conformation favorisant la vitesse (Voy. IIe partie, Dos).

122

Là encore, nous préférons la ligne dorso-lombaire un peu longue.

123

Comte de Lagondie, Le cheval et son cavalier, Paris, 1884, p. 516.

124

Id., loc. cit., p. 409.

125

Vallon, loc. cit., p. 605  .

126

Vallon, loc. cit., p. 605  .

127

A. Rivet, Guide pratique de l’acheteur de chevaux. Caen, 1877, pp. 19 et suivantes.

128

Il y a lieu de noter que ces chiffres ne sont plus tout à fait exacts aujourd’hui ; car les pertes, dans la grosse cavalerie, ne dépassent guère actuellement 30 à 35 pour 1000, tandis que dans la cavalerie légère (chevaux français) elles oscillent entre 20 et 25.

129

A. Sanson, loc. cit., pp. 330 et suivantes.

130

Journal des sciences militaires, Examen critique des opérations de la cavalerie, avril 1881.

131

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 134  .

132

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 7.

133

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 91  .

134

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 94  .

135

John Stewart, Économie de l'écurie, traduit de l’anglais par le baron d’Hanens, pp. 153 et suivantes.

136

Goubaux et Barrier, loc. cit., p. 956.

137

John Stewart, loc. cit., p. 163.

138

Major von Heydebrand und der Lasa, Instructions pour le soldat chargé de soigner les chevaux des officiers, traduit de l’allemand par le sous-lieutenant belge Schergen, Bruxelles, 1883, p. 113.

139

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., p. 88  .

140

Commission d’hygiène hippique, loc. cit., pp. 268   et 269  .

141

E. Gayot, Achat du cheval. Paris, p. 155.  

142

A. Sanson, loc. cit., t. III, p. 179.

143

F. Lecoq, loc. cit., p. 533.

144

Crafty, Paris à cheval, 1884, p. 19.

145

Communication de M. A. Laquerrière, vétérinaire sanitaire du département de la Seine.

146

Communication de M. Recordon, vétérinaire à Corbeil (Seine-et-Oise).

147

Extrait d’un rapport de M. H. Bouley à MM. les présidents et juges composant le tribunal de commerce de la Seine (16 décembre 1871).

148

ART. 1641. — Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
ART. 1642. — Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

149

Discours du Ministre des travaux publics à la Chambre des députés (mai 1838).

150

Discours de M. Lherbette à la Chambre des députés (mai 1838).

151

Ch. Blanc, Histoire des peintres de toutes les époques, (École française, Introduction).

152

Colonel E. Duhousset, loc. cit., pp. 100 et 101.

153

Ch. Blanc, loc. cit. (École italienne, Léonard de Vinci), p. 29.

154

Il y a lieu de noter que beaucoup d'artistes ont commis la même erreur.

155

Ch. Blanc, loc. cit. (École italienne, Léonard de Vinci), p. 29.

156

De Solleysel, loc. cit., pp. 20 et 21.

157

Lecarpentier, Galérie des peintres célèbres, Paris, 1821, tome Ier, p. 283  .

158

De Solleysel, loc. cit., p. 23.

159

Ch. Blanc, loc. cit. (École française, Carle Vernet).

160

Ch. Blanc, loc. cit. (École française, Gros).

161

Colonel E. Duhousset, loc. cit., pp. 107 et suivantes.

162

Ch. Blanc, loc. cit. (École française, Géricault), tome III, p. 4.

163

Ch. Blanc, loc. cit. (École française, Horace Vernet), tome III, p. 4.

164

Colonel E. Duhousset, loc. cit., pages 109 et 110.

165

Colonel E. Duhousset, loc. cit., pages 110 et 111.

166

De Solleysel, loc. cit., p. 24.