« Existant probablement depuis les temps préhistoriques, le cheval ardennais ne tire
de ses ascendances immémoriales aucune vanité, bien qu’il leur doive sans doute sa
santé robuste, sa frugalité et sa résistance aux rigueurs climatiques. L’essentiel
de son renom, il l’a acquis sur les champs de bataille. Guerrier impavide dans le
tumulte et le fracas des combats, il fut notamment le plus remarquable cheval d’artillerie
qui ait existé. Mais au cours de son histoire, il sut également devenir, grâce à sa
douceur et son intelligence, aussi bien le roi des débardeurs que le livreur infaillible
s’arrêtant toujours devant la bonne porte ou le roulier infatigable connaissant routes
et carrefours par cœur et retrouvant ses abreuvoirs préférés aussi sûrement que les
tavernes favorites de ses postillons ! Paradoxalement, ce cheval qui depuis des siècles
a maintenu sa réputation en guerroyant sans cesse et en travaillant dur, s’illustre
aujourd’hui dans la frivolité. Il ne mouille plus le harnais en tirant canons, diligences
ou charrues, mais des voitures légères de loisir et de sport. Ses nouveaux espaces
de gloire ne retentissent que des applaudissements des spectateurs des rallyes, des
marathons, des épreuves de maniabilité. Ses chemins héroïques ne vont plus vers Poitiers,
Jérusalem ou Moscou, ils s’appellent
Route du Poisson
,
Route du vin et du Comté
ou
24 heures de Libramont
... Cependant, comme cheval de travail, peut-être n’a-t-il pas encore lancé son dernier
hennissement. En dehors des exploitaions forestières qui sont restées ses refuges,
on a vu ces dernières années réapparaître l’ardennais sur des terres de maraîchage
et de petite culture généralement biologiques ou dans des vignobles prestigieux où
il est préféré au tracteur. Et dans quelques villes, il fait le cantonnier, tirant
avec discrétion les bennes de ramassage des déchets ou tondant silencieusement les
espaces verts. La crise globale de l’énergie qui s’annonce lui ouvrira-t-elle une
ère de renaissance ? Qui le sait ? » Présentation de l’éditeur (2011)